Indicateurs et conjoncture

La croissance du PIB britannique en 2024 a été modérée (+1,1%), tirée principalement par la demande intérieure, mais freinée par la dégradation du commerce extérieur. L’activité a presque stagné au second semestre de 2024 (+0,0 % au T3 et +0,1 % au T4) après un rebond marqué au premier semestre (+0,9 % au T1 puis +0,5 % au T2). Sur l’année, le PIB britannique a donc crû de +1,1 %, après une croissance annuelle de +0,4 % en 2023. La demande intérieure hors stock (consommation publique et privée, investissement) a contribué positivement à la croissance du PIB (+1,3 pt), traduisant un certain dynamisme domestique. Toutefois, une part importante repose sur des postes volatils (+1,1 pt) – à savoir la variation des stocks et les acquisitions nettes d’objets de valeur. Cette configuration indique une croissance partiellement soutenue par des effets ponctuels, fragilisant sa portée à moyen terme. Enfin, la contribution du commerce extérieur est fortement négative (−1,3 pt), reflétant une baisse des exportations parallèlement à une hausse des importations.

Au premier trimestre 2025, le PIB britannique enregistre une progression marquée de +0,7 %, témoignant d’une reprise économique malgré un environnement international incertain. Cette croissance est principalement portée par l’investissement (+0,5 pt) et le commerce extérieur (+0,4 pt), tandis que la consommation stagne. Ces évolutions peuvent s’expliquer par un comportement d’anticipation lié aux attentes en matière de droits de douane et à un climat général d’incertitude – mais ne témoignent pas d’une reprise robuste de l’activité. Cette idée est soutenue par le recul d’activité observé en avril (−0,3 %), mois d’application de nouvelles mesures fiscales et tarifaires, ainsi que des annonces américaines en matière de droits douane. Dans ce contexte, l’acquis de croissance pour l’année 2025 s’établit à +0,9 %. Pour 2025, l’OBR[1] anticipe une croissance de +1,0 %. La Banque d’Angleterre a, de son côté, relevé sa propre prévision à +1,0 % (+ 0,25 pt) lors de son Comité de politique monétaire du 8 mai, et le FMI à +1,2 % en conclusion de sa mission « Article IV » fin mai. À moyen terme, la croissance potentielle à moyen terme est estimée à +1,3 % par le FMI et +1,1 % par l’OCDE, ce qui reflète le vieillissement de la population, les politiques migratoires plus strictes, la hausse de l’inactivité et la faible reprise de la productivité du travail.

L’inflation augmente au deuxième trimestre (+3,5 % en avril, puis +3,4 % en mai) après avoir atteint +2,8 % au T1 2025 en moyenne. Le repli des prix alimentaires et de l’énergie a conduit à la forte baisse de l’inflation par rapport au point haut atteint lors de la crise énergétique (+11,1 % en octobre 2022) et l’inflation a récemment oscillé autour de 2 %. Cependant, l’inflation des services reste élevée (+4,7 % en mai), les tensions sur le marché du travail ne se résorbent qu’à un rythme progressif, et les mesures présentées dans le budget d’octobre devraient avoir un effet inflationniste. Surtout, les hausses des prix de l’énergie en avril ont contribué à la hausse de l’inflation au deuxième trimestre. Dans ce contexte, l’assouplissement monétaire de la Banque d’Angleterre, qui a abaissé son taux directeur en août, en novembre, en février et en mai, devrait être conduit à un rythme progressif – le taux directeur est aujourd’hui à 4,25 %. En 2025, l’inflation pourrait atteindre +3,7 %, en raison d’une hausse du coût de l’énergie, mais cet épisode temporaire ne devrait pas renforcer les pressions sous-jacentes sur l’inflation.

Le marché du travail se détend progressivement, mais la difficulté pour l’ONS de mesurer précisément la situation inquiète. Toujours performant en comparaison internationale, le marché du travail britannique se distingue par un faible taux de chômage (4,6 % en avril), une croissance annuelle des salaires élevée mais qui ralentit (+5,2 % en avril), et une inactivité ayant retrouvé son niveau pré-pandémie (21,3 % des 16-64 ans). Cependant, un récent rapport d’un institut de recherche a révélé que l’emploi aurait pu être fortement sous-estimé par l’ONS[2] depuis la pandémie (et donc le chômage et l’inactivité surestimés), de potentiellement 1 million d’individus, ce qui porterait le taux d’emploi à 61,5 % de la population en âge de travailler (contre 60,5 % officiellement au T4 2024). Les différents indicateurs sur l’emploi divergent même au sein de l’ONS.

Au budget d’automne 2024, le gouvernement travailliste a annoncé une politique expansionniste sur les dépenses et la fiscalité. Les travaillistes ont annoncé 70 Md£ de dépenses (courantes et investissements publics) supplémentaires en moyenne jusqu’à 2029-30. Celles-ci ne sont financées qu’à hauteur de 35 Md£ en moyenne par l’impôt (ce qui demeure une hausse d’impôt historiquement haute), dont majoritairement par la hausse des cotisations patronales. Le gouvernement compte donc emprunter environ 35 Md£ sur les marchés, ce qu’il s’est lui-même autorisé en modifiant ses règles budgétaires. Or, la récente hausse du coût d’emprunt de l’État sur les marchés financiers a effacé l’intégralité de la marge budgétaire restante.

À la déclaration budgétaire de printemps 2025, le gouvernement a essentiellement misé sur la maîtrise des dépenses pour se redonner de la marge budgétaire. Alors que les règles budgétaires étaient en passe de ne pas être respectées en raison de la dégradation de la conjoncture, la chancelière Rachel Reeves a principalement décidé d’économiser en restreignant l’accès à des prestations sociales (invalidité, handicap). En outre, le gouvernement réinvoque la lutte contre la fraude fiscale pour augmenter marginalement certaines recettes. Surtout, le Royaume-Uni parie sur une réforme de la planification du logement pour stimuler la croissance à moyen terme. Le gouvernement a aussi confirmé la hausse du budget de la défense à 2,5 % du PIB d’ici 2027 (contre 2,3 % actuellement), financée par une baisse des dépenses d’APD.

En juin, le gouvernement a dévoilé sa programmation pluriannuelle des dépenses publiques[3], avec fixation de plafonds de dépenses ministérielles pour chaque ministère jusqu’à 2028-29[4]. Le gouvernement acte une hausse des dépenses de +2,3 % par an (en termes réels) sur l’ensemble de la législature, un rythme qui sera en fait moins soutenu à partir de 2026-27 (+1,5 %). Le gouvernement a donné la priorité à la santé, la défense, et l’investissement dans l’énergie et les infrastructures. (i) La hausse du budget alloué à la santé s’inscrit dans une logique de modernisation du système de santé (National Health Service). (ii) Le gouvernement souhaite aussi renforcer les capacités militaires et la souveraineté industrielle du Royaume-Uni, d’où la hausse des dépenses allouées à la défense (en particulier, des dépenses d’investissement). (iii) Plus largement, les dépenses d’investissement connaitront une forte augmentation et atteindront 152 Md£ en 2029-30, ce qui correspond à une forte hausse depuis l’arrivée des travaillistes au pouvoir : ces derniers misent sur les énergies décarbonées et la résilience climatique pour conjuguer croissance, sécurité énergétique et transition écologique ; et investissent dans les transports et le logement en insistant sur une logique de rééquilibrage territorial. La question d’augmenter certains impôts pourrait ressurgir au prochain évènement budgétaire d’automne, car l’emprunt reste coûteux et les marges de manœuvre sont étroites.

 

[1] Office for Budget Responsibility, institution indépendante, chargée d’établir les prévisions macroéconomiques sous-jacentes au budget du Gouvernement et d’évaluer le respect des règles budgétaires par celui-ci.

[2] Office for National Statistics.

[3] Les dépenses « pilotables » seulement, représentant 45 % du total des dépenses publiques britanniques.

[4] Jusqu’à 2029-30 pour les dépenses d’investissement.

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