ROYAUME-UNI
Indicateurs et conjoncture
Si l’économie britannique n’a pas connu de fortes perturbations à la suite du référendum de 2016, les incertitudes concernant la relation future entre le RU et l’UE ont graduellement réduit l’investissement privé et freiné l’activité économique. Alors que la croissance du PIB s’est maintenue à 1,9 % en 2016 et à 1,8 % en 2017, elle a ensuite ralenti à 1,3 % en 2018 et 1,4 % en 2019.
En 2019, les incertitudes liées au Brexit ont pesé sur l’économie en influençant l’accumulation et l’écoulement des stocks, en déprimant l’investissement privé, et en accroissant la volatilité des échanges commerciaux. La consommation, portée par le dynamisme du marché du travail et la hausse des salaires a toutefois continué de soutenir la croissance. En 2020, la crise sanitaire a fortement impacté la trajectoire de l’économie qui, comme l’ensemble des pays européens, a connu une récession très importante (- 9,8 % en 2020).
Alors que le Royaume-Uni a levé la plupart des mesures de restrictions pesant sur l’économie au deuxième trimestre 2021, l’activité britannique, soutenue par un rebond de la consommation, a repris plus rapidement qu’anticipé, ce qui a poussé les économistes à revoir leurs prévisions à la hausse. Les risques n’ont cependant pas entièrement disparu, un ralentissement de la reprise est attendu à l’automne.
Le Royaume-Uni a connu sa plus importante récession depuis 300 ans en 2020, avec une contraction annuelle du PIB de 9,8 %. L’impact des restrictions se voit nettement sur la croissance trimestrielle : l’activité a reculé de 2,5 % au T1 2020 et de 19,5 % au T2, avant d’enregistrer un rebond de 16,9 % au T3 et de 1,3 % au T4. La reprise s’est avérée finalement plus rapide qu’anticipé, grâce au succès de la campagne de vaccination et à la consommation d’une part du surcroît d’épargne accumulée par les ménages pendant la crise : le FMI estime que l’économie britannique pourrait croître de 6,8 % en 2021 et retrouver son niveau de PIB pré-Covid début 2022.
Avant la pandémie, le marché du travail présentait une situation très favorable avec, en décembre 2019, un taux d’emploi de 76,5 % – record depuis 1971 – et un taux de chômage de 3,8 %, soit le point le plus bas depuis 1975. Grâce au dispositif de chômage partiel maintenu jusqu’à fin septembre 2021, le taux de chômage officiel est demeuré faible (4,5 % en août 2021) mais pourrait augmenter à la marge à l’automne 2021, quoique de manière modérée compte tenu de la pénurie de main d’œuvre affectant de nombreux secteurs (1,2 million de postes vacants en septembre). Selon le consensus des économistes, il pourrait atteindre 5,2 % à la fin de l’année, avant de diminuer à 4,7 % en 2022.
Le faible niveau d’investissement des entreprises a eu un effet défavorable sur la croissance au cours des années récentes. En 2019, les entreprises ont continué à différer une partie de leurs investissements dans le contexte d’incertitudes imputables au Brexit. Après avoir fortement reculé en 2018 (- 2,5 %), l’investissement des entreprises a légèrement rebondi en 2019 (+ 1,1 %) avant de reculer fortement en 2020 (- 10,2 %). Selon les dernières prévisions de l’OCDE, l’investissement des entreprises devrait toutefois accélérer, grâce à la dissipation des incertitudes et la mesure de suramortissement des investissements annoncée en mars 202[1] (les dépenses d’investissement en installations et machine neuves réalisées d’avril 2021 à mars 2023 sont suramortissables à hauteur de 130 %). Les entreprises ont en effet accumulé une épargne importante pendant la pandémie, grâce notamment aux dispositifs de prêts garantis par le gouvernement (les dépôts auprès des banques ont augmenté de 30 % entre février 2020 et avril 2021 pour atteindre 560 Md£), qui pourrait leur permettre de financer des investissements. La croissance de la formation brute de capital fixe (FBCF) a ainsi été revue à la hausse pour atteindre 11,9 % en 2021 (+ 4,7 pp), le RU reste néanmoins le pays du G7 avec le plus faible taux de FBCF. Par ailleurs, le manque d’investissement des entreprises constitue l’un des facteurs expliquant la faible croissance de la productivité du travail britannique, particulièrement marquée depuis la crise de 2008 (+ 0,4 % par an en moyenne au cours des 10 dernières années).
La Banque d’Angleterre (BoE) a pris des mesures substantielles afin de soutenir l’économie. Dès les premiers signes de crise en mars 2020, la BoE a abaissé son taux directeur de 0,75 % à 0,1 % (un plus bas historique) et augmenté son programme d’achats d’actifs de 200 Md£, puis de 100 Md£ supplémentaires en juin et 150 Md£ en novembre, portant à 895 Md£ la valeur totale des obligations détenues par la BoE. La crise a également conduit la banque centrale à développer sa réflexion sur les taux négatifs, qui ont rejoint la gamme des outils à la disposition de la BoE en août 2021 (nb. sans que ceux-ci ne soient utilisés à ce stade). En septembre, la forward guidance du comité de politique monétaire indique qu’un resserrement modeste de la politique monétaire sur la période de prévision sera probablement nécessaire pour atteindre la cible d’inflation de façon durable à moyen terme. Par ailleurs, tous les membres se sont accordés sur le fait que le resserrement monétaire se ferait d’abord par une hausse du taux directeur, même si elle devait avoir lieu avant la fin du programme d’achats d’actifs (prévue actuellement à la fin de cette année).
Après neuf ans d’austérité budgétaire, la majorité conservatrice dirigée par Boris Johnson depuis décembre 2019 a adopté une politique expansionniste. Compte tenu de l’ampleur du soutien public apporté aux entreprises et aux ménages ainsi qu’aux services publics en 2020 (280 Md£, soit 14 % du PIB), le déficit public a atteint 15,2 % du PIB sur l’année budgétaire 2020-21. La dette nette publique représenterait ainsi 96,6 % de PIB (contre 85,5 % sur l’exercice 2019-20), soit son niveau le plus élevé depuis le début des années 1960. Cette détérioration des finances publiques pourrait conduire le gouvernement à faire des choix entre ses engagements, dont les investissements dans le nord du pays (agenda de « levelling-up »), sa volonté de consolider les finances publiques, et une hausse de la fiscalité des entreprises et des ménages. Le Chancelier a déjà annoncé une première étape de consolidation budgétaire lors du Budget de mars 2021, avec une hausse de l’impôt sur les sociétés à 25 % à partir de 2023 (contre 19 % actuellement), un gel des tranches du barème d’imposition sur le revenu, et une réduction des crédit alloués aux ministères (de l’ordre de 10 Md£ par an). Une deuxième hausse des prélèvements obligatoires s’est opérée en septembre, afin d’assurer le financement du système de santé et de la dépendance au Royaume-Uni. D’autres scénarios de hausse de la fiscalité ont été évoqués dans les médias (alignement des taux d’imposition des plus-values - capital gain tax - sur ceux applicables aux revenus, révision des abattements fiscaux sur les versements effectués sur les plans épargne retraite) et pourraient être nécessaire compte-tenu des besoins de financements supplémentaires qui pourraient émerger de la crise (santé, sécurité sociale, collectivités territoriales).
La crise sanitaire et ses conséquences économiques ont fortement perturbé les flux des échanges entre le Royaume-Uni et la France en 2020. Pour la première fois depuis 2017, l’excédent de la balance des biens de la France s’est réduit, s’établissant à 9,8 Md€, contre 12,5 Md€ en 2019. Les exportations françaises de marchandises ont en effet chuté de 22% (- 7,5 Md€), tandis que les importations ont accusé un repli de 20% (- 4,7 Md€).
Les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE ont fortement chuté à la suite de la fin de période de transition au 1er janvier 2021.
Selon les statistiques de l’institut statistique britannique (ONS), le commerce de marchandises entre l’UE et le Royaume-Uni a fortement chuté en janvier 2021 en comparaison avec janvier 2020. Les exportations britanniques vers l’UE et les exportations européennes vers le Royaume-Uni ont respectivement accusé un repli de 41 % et de 29 % au mois de janvier 2021 en glissement annuel. De la même manière, les exportations britanniques vers la France ont été divisées par deux en janvier 2021 par rapport à janvier 2020. Les importations britanniques depuis la France ont aussi enregistré une baisse de 21 % en glissement annuel en janvier 2021.
Les données du 1er semestre 2021 reflètent un rétablissement progressif des échanges entre le RU et l’UE. En variation trimestrielle, la valeur des exportations britanniques vers l’UE ressort en hausse de + 26,3 % au T2 par rapport au T1. La valeur des importations de biens en provenance de l’UE progressent dans une proportion moins importante (+12,3 % au T2 par rapport au T1). Cette tendance est également perceptible dans les échanges entre la France et le RU. Atteignant 6,1 Md£, la valeur des importations britanniques en provenance de la France ont augmenté de + 16,9 % au T2 2021 en glissement trimestriel. Les exportations britanniques vers la France ont quant à elles augmenté + 35,4 % atteignant un total de 5,5 Md£ au T2 contre 4 Md£ au T1. Cependant, en août 2021, la valeur des importations britanniques depuis la France était toujours inférieure de 19,1 % à leur niveau d’août 2019. Les exportations britanniques vers la France restent également inférieures de 23,8% par rapport à leur niveau d’août 2019.
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[1] L’organisme britannique indépendant en charge des prévisions budgétaires (OBR) estime que la croissance de l’investissement des entreprises atteindrait ainsi +16,6 % en 2022, soit + 2,9 pp par rapport à ses prévisions de mars 2020.