Situation économique du Gabon

Fortement déstabilisée par la chute brutale des cours du pétrole de 2014, l’économie gabonaise doit faire face à un défi majeur consistant à changer son modèle traditionnel, fortement ancré autour du secteur pétrolier. Pour accompagner ce changement, le FMI a conclu un accord triennal avec le Gabon pour un financement total de 640 MUSD. Proche de sa fin (juin 2020), ce programme commençait à porter ses fruits, avec notamment une réduction sensible de la dette publique, avant que la crise sanitaire ne vienne dégrader les progrès réalisés depuis 2018.

Troisième économie de l’Afrique centrale (13 % du PIB régional), pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, le Gabon est l’un des pays les plus riches d’Afrique avec un PIB/hab se situant à plus de 8.000 USD. Ces chiffres ne rendent toutefois pas compte de la dégradation des principaux indicateurs sociaux.

Une économie de rente en quête de diversification pour contenir son exposition aux choces externes.

Historiquement, l’économie du Gabon était très largement dépendante de l’exploitation de ses ressources naturelles : pétrole, minerai, uranium. Cette prédominance prévaut encore aujourd’hui : entre 2010 et 2014, le secteur pétrolier a représenté, en moyenne, 80 % des exportations, 45 % du PIB et 60 % des recettes budgétaires. Encore aujourd’hui, le secteur pétrolier est celui qui conditionne la dynamique de la croissance gabonaise (croissance de 3,8% du PIB en 2019, portée par une augmentation de la production pétrolière de 17%).

La brutale chute des cours du pétrole en 2014 a entrainé une rapide dégradation des comptes publics gabonais : baisse des recettes issues du pétrole (450 Mds XAF en 2016 contre 1.400 Mds XAF en 2014), dette publique passant de 34 % du PIB en 2015 à 64 % en 2016, apparition d’un déficit public pour la 1ère fois depuis 1998, diminution rapide des réserves de changes. L’ampleur de cet impact souligne la vulnérabilité d’un modèle économique ancré, depuis plus d’un demi-siècle, autour de l’industrie pétrolière.

Conscient des limites d’une économie dépendante de ses ressources naturelles (exploitées par de grands groupes étrangers), le Président Ali Bongo Ondimba a présenté un « Plan stratégique Gabon émergent » dans le cadre de son accession au pouvoir en 2009. Axée autour de trois piliers (Gabon vert, Gabon industriel, Gabon des services), la mise en œuvre de ce plan reposait sur un développement de l’investissement public. Ainsi, les dépenses d’investissement, qui s’établissaient à 5 % en 2008, ont représenté jusqu’à 15 % du PIB entre 2010 et 2012, dirigées vers le secteur des travaux publics et des infrastructures énergétiques.

Par ailleurs, d’importants investissements dans l’industrie agroalimentaire (principalement le fait d’Olam, groupe détenu par le fonds souverain singapourien, qui a investi près de 2 Mds USD depuis 2010) ont été réalisés, notamment dans la culture du palmier à huile et de l’hévéa. L’interdiction d’exporter des grumes en 2009 (et la création concomitante d’une zone franche consacrée à l’industrie du bois) s’inscrit également dans ce mouvement de diversification et de valorisation des ressources. Aujourd’hui, le secteur du bois est le deuxième poste d’exportation du Gabon (11% des exportations totales).

L'impact économique de la crise sanitaire pourrait être moins important que redouté.

Après deux exercices atones (croissance deux fois inférieure à la moyenne de la CEMAC), 2019 a renoué avec une croissance plus vigoureuse (3,8%). Ce rebond est largement porté par une relance du secteur pétrolier avec, pour la 1ère fois depuis 3 ans, une production orientée à la hausse.

Selon les prévisions du FMI et de la Banque mondiale, l'activité économique au Gabon devrait se contracter de 2% à 2,4 % en 2020 (contre une prévision initiale de +3,8%). Cette projection est plus optimiste qu’en octobre dernier en raison du fait que la contraction de la production pétrolière devrait être limitée (entre -3 et -5%) en 2020. Le secteur non pétrolier pourrait quant à lui se maintenir au quasi-équilibre en 2020 (-0,1%, contre +4,0% en prévision 2020 pré-covid). La chute des exportations gabonaises devraient également être faible en raison de la bonne tenue des cours de pétrole au dernier trimestre 2020 : 48 USD depuis mi-novembre ; moyenne de 42 USD sur l’année (alors que, mi-2020, le secteur tablait sur une moyenne à 30 USD). Les importations reculeraient de 4,9%, en particulier celles alimentant le secteur pétrolier.

Ainsi, la perte de revenus issus du secteur pétrolier devrait être moins sévère que prévue. Le ralentissement de l'activité économique, essentiellement au 2ème trimestre 2020, devrait également entraîner une perte de recettes fiscales qui viendra creuser le déficit budgétaire global pour 2020 (5,4% PIB, est.). Par ailleurs, en plus de la contraction de l’activité économique et du creusement du déficit budgétaire, la validation de l'audit relatif aux arriérés intérieurs pour la période 2015-2017 contribue à dégrader le niveau de dette publique : il atteindrait un niveau inédit estimé à 74,7% du PIB en 2020, contre une prévision préalable de 55,6% avant crise.

Perspectives.

Le programme FMI 2017/2020 a expiré en juin 2020 sans que la 6ème et dernière revue ait eu lieu. Dans un contexte d’urgence, le Gabon a bénéficié, entre avril et juillet 2020, de la facilité rapide mise en place par le FMI (300 MUSD). La BAfD a également apporté un soutien budgétaire à l’été (100 M€). Les services du FMI considèrent que la dette reste soutenable mais son niveau (au-dessus des critères CEMAC) impose une certaine vigilance au regard des prochaines échéances alors que les négociations pour un nouveau programme avec le FMI débutent.

Les perspectives pour 2021 sont incertaines car elles dépendent largement de la situation sanitaire mondiale (Europe, Asie). Un rebond (+2% PIB) dans le sillage d’une reprise de l’activité mondiale est attendu. Mais plus globalement, cette crise révèle, une nouvelle fois, l'exposition de l’économie gabonaise aux chocs exogènes. Les politiques visant à diversifier l’économie ne sont pas encore de nature à amortir les chocs en cas de défaillance du secteur pétrolier. Dans un contexte budgétaire difficile, ces politiques devront être poursuivies et développées, ce qui implique de renforcer l’attractivité du pays pour attirer les investisseurs étrangers (le Gabon est classé au 169ème du Doing business 2020, 128ème au Transparency international 2019).

 

Décembre 2020

Publié le