Politique environnementale

Le Gabon est situé au cœur du second poumon de la planète, le bassin du Congo. Ce pays s’implique volontairement dans la lutte contre le dérèglement climatique. Il a notamment participé activement à la COP 21 en 2015. Il n’a toutefois pas souhaité limiter sa politique en faveur du climat à la simple conservation des forêts pour éviter d’obérer son développement économique futur, position confirmée lors de la COP 22 à Marrakech. Ses engagements ne sont pas conditionnés à un appui de la communauté internationale. Cependant, le Gabon devrait bénéficier de plusieurs financements multilatéraux et notamment : l’Initiative Forestière pour l’Afrique Centrale (CAFI), Fonds Vert, pour l’aider à mettre en œuvre son Plan National Climat.

La déforestation, un élément clé de la lutte contre le dérèglement climatique, dont le Gabon a pris conscience précocement

La forêt du bassin du Congo en Afrique centrale, deuxième massif forestier tropical après la forêt amazonienne souffre d’une déforestation croissante. Ce deuxième poumon de la planète joue un rôle dans le contrôle du changement climatique, la question des forêts tropicales occupant une place importante dans l'agenda international sur l'environnement. Le Gabon représente 20% du bassin du Congo. Il est recouvert par environ 23 millions d’hectares (ha), soit environ 88%  de son territoire. Les pertes estimées du couvert forestier du Gabon, entre 2010 et 2015 avoisinent 0,4 %, soit 96 230 ha. Cette diminution du couvert forestier résulte principalement d’activités d’exploitations forestière et minière, l’agro-industrie, la réalisation de grandes infrastructures (barrages hydroélectriques – routes) et la conversion de forêts en jachères et prairies. Cette déforestation, très faible jusqu’à présent, pourrait s’accélérer à la faveur, notamment, du développement, d’une part de l’agriculture vivrière et d’autre part d’importants investissements agroindustriels (palmier à huile – caoutchouc). Un des principaux objectifs du Plan Stratégique Gabon Émergent est de mener le pays à l’autosuffisance alimentaire et à l’exportation de cultures vivrières.

Le Gabon, qui est le premier pays africain à avoir présenté sa contribution prévue déterminée au niveau national (INDC) pour la COP 21 à Paris en 2015, ne souhaite pas limiter sa politique en faveur du climat à la simple conservation des forêts, notamment en échange de soutiens financiers gérés par des mécanismes internationaux. Il considère que cette logique de rente obérerait son développement économique et social en le rendant dépendant de mécanismes extérieurs, sans lien avec l’économie réelle. Dans un contexte de raréfaction des ressources pétrolières, l’utilisation et la valorisation économique des ressources renouvelables issues des forêts constitue un enjeu majeur. Dans le sillage de l’Accord de Paris, le Gabon a réaffirmé ses positions, en s’engageant à la Conférence de Marrakech (COP 22) à réduire l’exploitation de ses forêts à 11 millions d’ha en 2025, contre 16 aujourd’hui. Au niveau régional, le Gabon s’est engagé, en début d’année, en faveur de la création d’un Fonds Bleu pour le bassin du Congo (signé à Brazzaville le 9 mars 2017) dont l’objectif est d’accompagner le développement de projets dans des secteurs clés[1] pour le renforcement de l’économie de la région en offrant une alternative viable à la déforestation. Les modalités de financement de ce fonds ne sont cependant pas encore très claires.

Le Gabon a adopté des mesures importantes de préservation de son espace naturel. L’engagement du Gabon à préserver l’environnement s’est, en fait, manifesté très tôt avec la création, dès 1960 d’un fonds forestier, et, en 1972, d’un ministère de la protection de l’environnement. En matière d’exploitation forestière, le code forestier de 2001 a obligé les exploitants à mettre en place des plans d’aménagement des forêts de production et  pousse les forestiers à étendre leurs rotations de 15 ans à 25 ans, avec des taux de dégâts inférieurs, au lieu de 10 ans. Dans cette perspective, la création, au début des années 2000, de 13 parcs nationaux a sanctuarisé 3 millions d’hectares de forêt, soit 11% du territoire et un Plan National Climat (PNC), volet climat du Plan Stratégique Gabon Émergent, a été élaboré au sortir de la Conférence de Copenhague en 2010. Le PNC, entré en vigueur en novembre 2013, est le plan qui décline les stratégies de développement à court et moyen terme des secteurs d’activités ayant un fort impact sur les changements climatiques et les stratégies sectorielles de maîtrise des émissions de GES, ainsi que la stratégie d’adaptation du territoire aux effets des changements climatiques (élévation du niveau des mers). Il prévoit aussi les options de financement du Plan. L’AFD a mis à la disposition de l’Etat gabonais une subvention (0,5 M€) pour la réalisation du Plan National Climat.

Depuis 2013, une assistance technique mise à la disposition par les Etats-Unis auprès du Conseil National Climat  (CNC) a appuyé le Gabon dans l’élaboration de la méthodologie et la réalisation de son Plan national d’affectation des terres (PNAT). Ce Plan vise l’allocation optimale des terres aux différents usages, en excluant les forêts intactes, les forêts à haute valeur de conservation et les forêts particulièrement riches en carbone. Ce PNAT a été remis au Président en novembre 2015 et une série d’études doit le compléter.

En 2014, trois lois ont, par ailleurs, entériné l’agenda vert gabonais : la loi n° 002/2014 portant orientation du développement durable prévoyant la création d’un fonds de développement durable pour financer la réalisation de programmes et projets conformes aux principes du développement durable, la loi n°007/2014 dite de protection de l’environnement, et le décret portant création d’une Direction centrale de l’environnement dans chaque ministère. Plus récemment, le Président de la République, Ali Bongo Ondimba, a annoncé début juin, dans une allocution prononcée au siège des Nations Unies, que le gouvernement gabonais venait de créer un réseau de 20 aires marines protégées au Gabon, soit 9 parcs marins et 11 réserves aquatiques, couvrant 26% de l’espace marin gabonais.


 

[1] Amélioration des voies navigables, la construction des petits barrages hydroélectriques, le renforcement des systèmes d'irrigation des sols, le développement de la pêche, de la pisciculture, de l'aquaculture et le développement de l'écotourisme.

Le Gabon s’est engagé sur une maitrise de ses émissions de GES dans le cadre de son développement 

Les engagements pris par le Gabon portent exclusivement sur ses émissions de GES, hors stockage de carbone par la biomasse[1]. Il ne s’est, par ailleurs, pas engagé non plus sur une réduction en valeur absolue de ses émissions de GES, mais sur une maîtrise de celles-ci. Deux scénarios d’émissions de GES ont ainsi été élaborés : un scénario tendanciel qui correspond à un développement économique « non maîtrisé », et un scénario maîtrisé prenant en compte toutes les politiques publiques engagées après 2000. Le niveau de réduction affiché dans sa contribution est « d’au moins 50% des émissions par rapport au scénario tendanciel en 2025 ».

Avec plus de 60% des émissions directes, l’occupation des terres et son corollaire, le changement d’affectation des terres, joue un rôle crucial dans l’atteinte des objectifs que le Gabon s’est fixés. Il doit permettre d’allouer de manière optimale les terres aux différentes utilisations possibles. L’anticipation de ces changements d’affectation des terres réduira les émissions de GES de plus de 1 500 000 GgCO2 sur 2010-2025 (soit 68% par rapport au scénario tendanciel).

Avec 23% des émissions directes, celles dues au torchage du gaz et résultant de l’extraction pétrolière arrivent en 2ème rang des émissions. Elles ont déjà fait l’objet de plusieurs mesures dans le passé  (adhésion en 2007 à l’initiative « Global Gas Flaring Reduction » (GGFR) de la Banque Mondiale (interdiction dès 2010 du torchage[2]). Ces mesures auraient eu un impact significatif sur le niveau des émissions, mais la mise en œuvre de ce plan[3] implique des investissements plus importants de la part des compagnies pétrolières dans un contexte désormais contraint par les prix bas du pétrole. Sur la période 2010-2025, il est ainsi prévu une réduction des émissions de GES de 17 341 GgCO2, soit 41% des émissions.

Les émissions liées à la combustion locale d’énergies fossiles représentent le 3ème poste d’émissions (9%) réparties équitablement entre l’électricité, l’industrie pétrolière et les transports. La maîtrise des émissions de GES liées à la production et à la consommation d’électricité dépend principalement du développement de moyens de production à faible émission de carbone. Si le Gabon souhaite améliorer également l’efficacité énergétique, avec une cible d’environ 4 000 GWh consommés à horizon 2025, il ambitionne surtout un développement important de l’hydroélectricité, avec comme objectif d’assurer à l’horizon 2025 une fourniture de l’électricité basée à 80% sur l’hydroélectricité et 20% sur le gaz. En matière de transport, le Gabon prend, en revanche, l’engagement de maîtriser la hausse des consommations d’énergie à 80% du scénario tendanciel en 2025. Les émissions liées aux déchets, aux procédés industriels (cimenterie) et à l’agriculture représentent le 4ème poste d’émissions.

Le Plan National Climat Gabon devrait bénéficier des financements issus de l’Initiative Forestière pour l’Afrique Centrale (CAFI[4]) et  du Fonds Vert (FV). Le fonds CAFI, objet d’une initiative norvégienne à laquelle la France contribue, dédié à la préservation du patrimoine forestier dans la sous-région démarrera plus rapidement. Une mission du CAFI s’est déroulée à Libreville du 22 au 24 mars dernier et la réunion du conseil d’administration de CAFI qui s’est tenue fin mai a évalué le contenu du Cadre National d'Investissement du Gabon. La subvention financerait le développement de deux outils qui contribueront au nécessaire enrichissement du PNAT :

  • un Système National d’Observation des Ressources Naturelles et Forestières, qui permettra la surveillance simultanée des écosystèmes forestiers par satellite afin d’évaluer les impacts de la politique climatique et d’optimiser l’attribution des terres,
  • l’Agence Gabonaise d’Etudes et d’Observation Spatiale, financée par la France dans le cadre de l’Accord de conversion de dettes de 2010 pour le développement durable des écosystèmes forestiers gabonais (9 M€).

     

    Le FV a octroyé au Gabon une subvention d’environ  270 000 € pour l’accompagner dans la définition de projets. Ces fonds doivent prioritairement établir le rôle d’Agence Nationale Désignée (AND) du CNC envers le FV, renforcer sa capacité en tant qu'AND et définir un cadre stratégique. Parallèlement l’AFD et la Caisse des Dépôts et Consignations gabonaise travaillent sur la définition de TDR afin de définir plus précisément un plan multisectoriel pour l’adaptation aux risques côtiers face aux changements climatiques au Gabon. Les projets ainsi définis pourraient faire l’objet de financement FV mais pas uniquement.

     


[1] Le Gabon joue un rôle de « puits » de carbone en absorbant plus de 4 fois plus de CO2 que ce qu’il émet.

[2] Consacré par la promulgation en 2014 du nouveau code des hydrocarbures (Loi 011/2014).

[3] Réinjection et production d’électricité

[4] Le Fonds « Central Africa Initiative for Forest. » a été créé en 2015. Ses membres sont la Norvège, de la France, du Royaume-Uni, la Corée du Sud, l’UE, l’Allemagne, et l’Irlande. Les engagements de la Norvège dans ce Fonds sont de 249 M$, ceux de la France de 3,1 M$.

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