Le secteur agricole au Gabon

Si l’agriculture au Gabon dispose d’un potentiel important eu égard à ses atouts naturels, elle ne contribue que marginalement, ainsi que le secteur de la pêche, à la création de richesses. Le contexte agricole gabonais se caractérise ainsi par une forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur en denrées alimentaires. L’Etat cherche à inverser cette tendance et a développé depuis 2009 une réflexion stratégique dans le cadre du Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE), dont un des piliers est le plan « Gabon vert ». Les différentes coopérations, financées par les bailleurs de fonds, ont permis le développement ces dernières années de certains pans d’activité agricole. L’arrivée d’investisseurs asiatiques sur des créneaux spéculatifs (huile de palme – hévéa) a permis de dynamiser le secteur. Les opportunités offertes pour la France dans un secteur en devenir sont confortées par un tissu d’entreprises françaises déjà significatif dans le domaine agroindustriel.

Aperçu de l'agriculture gabonaise

a) Avec une réserve importante de terres arables (5,2 millions d’hectares) et un climat propice à l’activité agricole (pluviométrie annuelle de 1450 à 4 000 mm), le Gabon présente d’importants atouts naturels pour le développement de la production agricole. Pour l’heure, celle-ci ne contribue que marginalement à la croissance (3,8% du PIB). Dans les faits, la contribution de l’agriculture à la formation du PIB gabonais a progressivement décliné au cours des dernières décennies, suite à la découverte et l’exploitation des ressources pétrolières. La dépendance du Gabon vis-à-vis de l’extérieur en denrées alimentaires est aujourd’hui une préoccupation majeure.

Cette différence avec d’autres pays de la région dont la part de l’agriculture dans le PIB est bien supérieure (Cameroun en particulier) s’explique par des facteurs de production limités induisant une faible compétitivité des productions locales parmi lesquels : une population rurale peu nombreuse (14%), un système foncier défavorable à un accès sécurisé à la terre, le cout de la main d’œuvre (et le manque d’attractivité des jeunes pour la profession), un manque d’infrastructures de commercialisation et de transformation, et de financements. Les différentes politiques ou programmes mis en œuvre par l’Etat ont privilégié, de surcroit, le développement de l’agro-industrie à base de matières premières importées, au détriment de l’agriculture paysanne. Les importations fournissent aujourd’hui environ 60% des biens alimentaires consommés au Gabon, la demande du marché étant grandissante[1].

b) L’activité agricole s’articule autour de quatre types de cultures : maraichères, vivrières[2], fruitières et de rente. Les trois premières catégories sont destinées au marché local. L’activité de maraichage s’effectue dans de petites structures en périphérie des principales villes et, si les niveaux de production deviennent intéressants, en particulier grâce aux programmes de coopération mis en place par les bailleurs (AFD), ils restent faibles, et ne compensent pas la nécessité d’importer massivement de l’extérieur pour alimenter les marchés.

L’essentiel de la production vivrière est, par ailleurs, autoconsommée ; les exploitations traditionnelles sur brulis et sur des petites surfaces sont faiblement mécanisées et l’utilisation d’intrants performants est marginale.

L’élevage est aussi peu professionnalisé, hormis quelques unités industrielles à capitaux étrangers (volailles – bovins) et est marquée par la prédominance de petits exploitants fermiers, nationaux ou immigrés, qui travaillent de manière traditionnelle (divagation villageoise). La viande est ainsi le premier poste à l’importation de produits agricoles et agroalimentaires. S’agissant des cultures dites de rentes, l’investissement depuis 2009 dans les cultures de l’hévéa et du palmier à huile a été important, en particulier à la faveur d’investisseurs étrangers (asiatiques), et le Gabon poursuit une politique de relance de la filière café et cacao à travers le renouvellement de petites exploitations familiales. Ces filières sont avant tout exportatrices.

c) Le secteur agricole (hors exploitation forestière) reste ainsi peu développé au Gabon, de même que le secteur de la pêche bien que le Gabon dispose là aussi d’atouts importants : une façade maritime étendue (800 kms de littoral) et un large plateau continental (40 000 Km2). Le développement du secteur de la pêche a été fortement ralenti par manque de financements et d’infrastructures. La pêche est artisanale et essentiellement côtière et on ne dénombre que de rares armateurs, d’origine étrangère. Mais le potentiel est important et les ressources halieutiques variées. Sa contribution au PIB est inférieure à 1,5%.


 

[1] Croissance démographique de près de 1,97 % par an.

[2] Principalement manioc, banane plantain, taro, igname, patate douce, maïs et arachide

La balance commerciale agricole et les acteurs agro-industriels

a) La balance commerciale gabonaise de produits agricoles et agroalimentaires est donc structurellement déficitaire. Les exportations du pays sont marginales et composées essentiellement de produits de la pêche. Les importations de produits agricoles et agroalimentaires sont, en revanche, en progression constante : à 370 Mds FCFA en 2015, elles ont représenté 21% des importations totales du pays. Elles totalisaient quelque 200 Mds FCFA en 2008. Les viandes, les céréales, les préparations à base de céréales, de farines, le lait et produits de la laiterie, les boissons et alcools représentent les 2/3 des importations gabonaises. La France est un fournisseur majeur du Gabon, car elle fournit le quart environ de ses importations de produits agricoles et agroalimentaires (92 Mds FCFA). Si les autres européens (Belgique, Italie notamment) sont également très présents, ainsi que le Brésil (volailles), le Gabon s’approvisionne dans la zone, au Cameroun (fruits et légumes frais..) et en Afrique du sud (viandes).

b) Un certain nombre d’entreprises agro-industrielles privées ont trouvé à se développer au Gabon suite à une vague de privatisations dans les années 2000[1]. Elles sont toutefois peu nombreuses. L’implantation des entreprises françaises du domaine est stratégique dans les produits de base (farine, œufs, sucre, boissons). Parmi ces sociétés, le groupe CASTEL et SOMDIAA (SUCAF – SMAG) sont le fer de lance des intérêts français au Gabon et leur implantation se révèle stratégique économiquement et socialement. L’importance des flux a généré aussi l’émergence d’importateurs efficaces et d’une grande distribution active (groupe local CECA GADIS -  groupe Casino).

Le groupe CASTEL compte aujourd’hui plusieurs sites de production (boissons gazeuses, bières et eau en bouteilles) répartis sur l’ensemble du territoire.

SUCAF Gabon, filiale de SOMDIAA, est spécialisée dans l’exploitation et la plantation de cannes à sucre (Haut-Ogooué), la production et la commercialisation du sucre (26 400 tonnes de sucre produites/an).

SMAG (Société Meunière et Avicole du Gabon) est la filiale Farines de SOMDIAA. Les sites de la SMAG sont situés à Libreville (complexe meunier) et à N’Koltang (élevage de poussins et oeufs).

La société d’exploitation du parc de la Lekedi (filiale du groupe ERAMET) produit quant à elle 120 tonnes de poissons d’élevage par an. Parmi les autres sociétés, on relève notamment la Gabonaise de Chimie (GCIAE[2]) qui importe des engrais pour l’agriculture, et la société SIGALLI qui détient une franchise Yoplait depuis 1991. De nouveaux acteurs sont apparus, enfin, il y a quelques années, comme le groupe singapourien OLAM, dans une logique toutefois spéculative. Un des programmes phare d’OLAM, outre les projets de plantations industrielles tournés vers l’export (huile de palme-hévéa), vise à proposer un accompagnement dans la création de coopératives agricoles industrielles sur le plan national (programme GRAINE)[3].


 

[1] Le groupe belge SIAT a repris les actifs des sociétés Hévégab (hévéaculture), du groupe Agrogabon spécialisé dans la culture du palmier à huile et la production d’huile raffinée, et le ranch « Nyanga » (élevage bovin).

[2] GCIAE est une société de négoce installée au Gabon depuis 1991. Elle offre une gamme complète de produits pour l'ensemble des besoins de l'agro-industrie jusqu' aux petits exploitants agricoles (engrais, phytosanitaire, semence, matériels... ).

[3] OLAM s’est lancé en sus de ses plantations, dans un projet de construction d’un complexe de production d’urée (engrais), « Gabon Fertilizer Company », qui devrait être situé à Port-Gentil dans la zone économique spéciale de l’île Mandji. La conception de ce projet est néanmoins suspendue depuis plusieurs années.

Politique et coopérations

Le programme GRAINE, bien qu’initié par un investisseur privé, d’une part, et le « Plan National d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle » adopté en 2015, d’autre part, sont les deux principaux volets d’une politique agricole qui reste peu développée. Une réflexion spécifique s’agissant de la filière Pêche et Aquaculture a, par ailleurs, été menée par le gouvernement et a suscité l’émergence d’un plan « Gabon Bleu » à côté du plan « Gabon Vert », pilier du Plan Stratégique Gabon Emergent qui est la feuille de route adopté par l’Etat en 2011 pour conduire l’investissement. Un certain nombre de programmes menés par les bailleurs de fonds sont, par ailleurs, d’une importance essentielle dans la concrétisation des objectifs poursuivis par le gouvernement pour développer la production agricole. Le projet PRODIAG, mené par l’AFD, est ainsi l’un des principaux programmes agricoles du pays, dont les résultats concrets et les investissements réalisés sont visibles sur l’ensemble des provinces du Gabon.

Projet GRAINE (Gabonaise des réalisations Agricoles et des Initiatives des nationaux Engagés)

Le programme est mené par la société SOTRADER, issue d’un partenariat entre le gouvernement gabonais (51 %) et le groupe singapourien OLAM (49 %). Il a été lancé officiellement par la Présidence en décembre 2014, avec une campagne de communication de grande ampleur. Il repose essentiellement sur le soutien apporté à la création de coopératives agricoles industrielles sur le plan national[1], au travers notamment de la distribution de parcelles de terre aux agriculteurs et la mise en place de modalités propres de préfinancement pour faciliter en particulier l’accès à de l’équipement moderne. Plusieurs productions sont concernées : banane, manioc, piment, tomate et huile de palme. Ambitieux, le programme Graine serait actuellement opérationnel dans 5 provinces du pays[2] et devrait se déployer à l’échelle nationale. 

Plan National d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle

Pour répondre aux enjeux du  développement de la production agricole, le Gabon a adopté en 2014 un « Plan National d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle » (PNIASAN) pour la période 2014-2020.

Le PNIASAN est le cadre de collaboration avec les partenaires au développement pour le secteur agricole. Géré par le ministère de l’Agriculture et ayant associé tout au long de sa conception les principaux bailleurs qui ont participé à sa validation (FAO, Banque mondiale, CEEAC, NEPAD)[3], il fixe différents axes prioritaires faisant l’objet d’actions spécifiques : faciliter l’accès à la terre et au financement, améliorer le système de gestion des informations et des innovations, développer durablement la production végétale et animale; améliorer l’état nutritionnel, développer les secteurs des pêches et de l’aquaculture, renforcer le système de collecte et de commercialisation des produits agricoles (infrastructures, transformation, stockage et commercialisation), développer les capacités institutionnelles et les ressources humaines, ainsi que la promotion des femmes et des jeunes.

Le coût global du programme est estimé à 400 Mds FCFA pour la période 2014 – 2020. Il reste dépendant pour sa mise en œuvre des financements susceptibles d’être apportés par le secteur privé et les bailleurs de fonds.

Filière pêche et aquaculture

Vis-à-vis d’une filière pêche en souffrance, l’Etat souhaite se donner les moyens de poursuivre les réformes indispensables pour structurer le secteur dans le cadre d’une gestion durable (renforcement du cadre juridique et institutionnel). L’accent est mis par ailleurs sur un certain nombre de projets prioritaires. Ceux-ci concernent la construction d’un port de pêche (le Gabon ne disposant pas de port aménagé pour accueillir les navires de pêches et leurs prises), le renforcement de la capacité de débarquement au Centre d’appui à la pêche artisanale de Libreville (CAPAL), réalisé sur financement japonais il y a quelques années, et la relance de l’écloserie de Lambaréné pour une aquaculture commerciale.

PRODIAG

Le projet s’intègre dans le Plan Stratégique Gabon Emergent. D’un budget total de 20 M€, il est financé à hauteur de 20% par l’Etat gabonais et 80% par l’AFD sous forme de prêt. Il est mis en œuvre sous couvert de l’IGAD dans les 9 provinces du pays et vise 4 types de secteur : maraichage, vivrier (banane plantain, manioc), élevage et transformation de produits alimentaires (manioc principalement).

Les cibles du projet sont des petits et moyens producteurs agricoles qui s’inscrivent dans une logique entrepreneuriale avec une attention particulière pour les femmes et les jeunes. Entre 2011 et 2016 (1ère phase du projet), près de 1 000 exploitations (maraichères, vivrières, élevages, ateliers de transformation) ont ainsi été installées permettant une production de 7 000 tonnes/an pour un chiffre d’affaire annuel de 2,9 Mds FCFA. Le projet est entré dans sa dernière année de réalisation et s’achèvera en mai 2017. Certains sites et ateliers de transformation peuvent déjà afficher des résultats de production intéressants et prometteurs en termes de durabilité économique et d’extension des activités. La suite de ce projet, avec une ampleur accrue, est en cours d’instruction et devrait faire l’objet d’une décision début 2017. A l’heure actuelle, il s’agit du projet le plus opérationnel.


 

[1] Deux types de coopératives sont concernés : les coopératives déjà existantes et les nouvelles coopératives pour des plantations agro-industrielles

[2] Pour 1700 hectares de surface aménagés et 788 coopératives enregistrées.

[3] A noter que le Gabon a signé en 2013 le Pacte national « Programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique » (PDDAA). Ce programme est un volet agricole du NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique). Il est mis conjointement en œuvre par les pays de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC). Sa signature en 2013 a marqué le lancement du processus d’élaboration du PNIASAN.

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