Tourisme : Malgré une offre touristique unique sur le continent, le tourisme en Éthiopie peine à décoller

6ème destination touristique de l’AEOI sur la décennie (9,0 % des arrivées touristiques étrangères de la zone sur la période 2010-2020), le secteur touristique en Éthiopie a été affecté par la crise politique (conflit dans le nord -Tigré), sanitaire et économique. Contrairement à plusieurs pays de la zone, l’Ethiopie n’a pas vu son ratio tourisme international/tourisme domestique changer durant la crise. Depuis 2018, le tourisme est un secteur très soutenu par le gouvernement comme nouveau vecteur de croissance, de devises et d’emploi.

Abritant neuf sites du patrimoine mondial de l'UNESCO, l'Éthiopie dispose d’un capital touristique unique sur le continent pour (i) ses nombreux monuments anciens (Lalibela, Axoum, Gondar) ; (ii) ses merveilles géographiques (la dépression de Danakil, Simien, Bale mountains) ; (iii) le rayonnement international de la capitale (principal pourvoyeur de clients pour les grands établissements d’Addis-Abeba grâce au tourisme d’affaires et de conférences ainsi que le statut de hub régional de l’Ethiopian Airlines Airport). L’Éthiopie aurait accueilli 518 000 visiteurs étrangers en 2020 (- 36,2 % par rapport 2019) après un pic de 933 344 visiteurs en 2017. En 2020, les « touristes » étaient principalement en provenance des États-Unis (13 %), de la Chine (7 %) et de l’Allemagne (5 %). La capitale accueille le plus de visiteurs (86 %), suivi par la région Amhara (39 %), Harari (29 %), SNNP (28 %), Oromia (25 %) et Tigré (24 %)[1].

Néanmoins, la destination Éthiopie demeure peu compétitive. Alors que le pays est au 68ème rang mondial en termes de ressources naturelles et culturelles en 2019, le pays occupe la 122ème place sur 140 en termes de compétitivité touristique selon le classement Travel and Tourism Competitiveness Report 2019. Ces résultats s’expliquent par les prix pratiqués - bien que l'Éthiopie ne représente que 2 % des touristes d'Afrique subsaharienne, la dépense moyenne par visiteur et par séjour est parmi les plus élevées du continent (1 191 USD, soit nettement plus que les 550 USD du Kenya et la moyenne continentale de 638 USD), (ii) des standards de services particulièrement bas face à la concurrence régionale, (iii) la pauvreté des infrastructures - l’Éthiopie se situe à la 48ème position sur 54 en termes d’infrastructures (transports, électricité, TIC et accès à l’eau et l’assainissement) d’après l’African Infrastructure Development Index 2020 et (iv) une absence de formation de qualité du personnel et d’investissements[2] dans le secteur, les principaux sites culturels et naturels sont peu mis en valeur (manque de connaissances, de compréhension des attentes des clients internationaux).

La crise sanitaire a gravement affecté le secteur touristique et entraîné une chute du nombre de visiteurs, la fermeture complète des hôtels de la capitale (56 % entre mars et avril 2020), ainsi que le chômage de la majorité des acteurs et travailleurs du secteur en situation précaire. Par conséquent, (i) la contribution du secteur touristique au PIB éthiopien est passé entre 2019 et 2020, de 6,8 % à 4,3 % du PIB, (ii) le secteur a également connu une baisse en termes d’emplois : alors que le tourisme représentait 7,1 % des emplois (1,98 millions de salariés) en 2019, il ne représente plus que 5,3 % des emplois en 2020 (1,48 millions de salariés), et (iii) les recettes liées au tourisme ont également connu une baisse (- 34,3 %) passant de 3,5 Mds USD en 2019 à 2,3 Mds USD en 2020. Toutefois la répartition entre dépenses touristiques internationales et internes a peu varié durant la crise, les dépenses internationales représentant 69 % des dépenses touristiques totales en 2020, contre 70 % en 2019 selon le WTTC.

Afin de soutenir le secteur, le gouvernement éthiopien a annoncé un plan de soutien sectoriel à hauteur de 98 MUSD en mai 2020 (jugé peu efficace par les acteurs du secteur) ainsi que des garanties d’Etat qui permettaient des offres de financement très favorables. Le ministère de la Culture et du Tourisme a également mis sur pied un plan de relance « Recovery Strategy » qui vise entre autres à assurer un soutien politique et fiscal au secteur. Néanmoins, fin 2020, le pays s’enlisait dans un conflit interne qui opposait le gouvernement fédéral à la région du Tigré.

Priorité affichée du gouvernement, le secteur du tourisme figure dans toutes les stratégies politiques nationales, comme nouveau vecteur de croissance et source de devises et d’emplois (Homegrown Economic Reforms, 10 years perspective plan, National Job Creation Brief; Digital Ethiopia Strategy 2025 ). Un plan stratégique spécifique au secteur du tourisme a également été conçu (10 year Tourism Masterplan). Fondé sur 3 piliers, il vise entre autres à (i) développer un tourisme compétitif, (ii) renforcer les institutions touristiques et (iii) développer les liens entre la communauté et les investissements touristiques. Par ailleurs, le Premier ministre donne une place importante au secteur touristique, ce qui s’est caractérisé par plusieurs projets phares dont l’ouverture au public du palais de Ménélik à Addis-Abeba fin 2019, et la construction d’un centre d’attraction « Unity Park ». Depuis 2020, le Premier ministre tient des dîners nommés « Dine for Nation » pour lever des fonds pour la construction de destinations touristiques à Koysha (SNNP), Wenchi (Oromia) et Gorgora (Amhara).

Le patrimoine est aujourdhui lun des axes centraux du dispositif de coopération français en Éthiopie. L’objectif est (i) d’accompagner la transition politique en considérant le patrimoine comme un facteur dunité nationale à un moment de tensions politiques et de questionnement sur lidentité nationale éthiopienne ; (ii) d'accompagner la transition économique et le développement du secteur privé. Ainsi, deux projets sont actuellement en cours : (i) un programme de rénovation et douverture au public du Palais National à Addis-Abeba sur cinq ans (20 MEUR) depuis 2020; (ii) un projet de restauration et conservation des églises de Lalibela, (4 MEUR) nommé Sustainable Lalibela” depuis mars 2021.

 

Graphique  1 : Évolution des arrivées de touristes étrangers en Ethiopie 2000-2020 – Source : Banque Mondiale

Évolution des arrivées de touristes étrangers en Ethiopie 2000-2020 – Source : Banque Mondiale

Graphique 2 : Provenance des touristes étrangers en Éthiopie (en %, 2020) – Source : WTTC (en %, 2020)

 Provenance des touristes étrangers en Éthiopie (en %, 2020) – Source : WTTC (en %, 2020)

Graphique 3 : Typologie des dépenses touristique en Ethiopie (en MUSD, 2019-2020) – Source : WTTC

Typologie des dépenses touristique en Ethiopie (en MUSD, 2019-2020) – Source : WTTC

 

Graphique 4 : Part des revenus du tourisme dans les exportations totales de l’Éthiopie (en %, 2000-2020) – Source : Banque Mondiale

Part des revenus du tourisme dans les exportations totales de l’Éthiopie (en %, 2000-2020) – Source : Banque Mondiale

 

 


[1] Enquête MoCT 2013.

[2]Un certain nombre de défis sont à citer : i) la faible sensibilisation aux opportunités d'emploi dans le secteur, ii) peu d’incitations offertes aux investisseurs, iii) accès limité aux financements bancaires, les instituts faible qualité de la formation aux métiers du secteur.

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