Structure de la dette: l’Ethiopie engage des réformes afin de réduire son risque de surendettement

L’Ethiopie est en risque élevé de surendettement en raison de la hausse du service de sa dette, de la surévaluation du taux de change et de la faiblesse de ses exportations. Le pays participe au Cadre commun afin de rééchelonner sa dette et a lancé des réformes pour libéraliser le taux de change et le marché des devises.

L’initiative PPTE, dont le point d’achèvement a été atteint en avril 2004, suivie de l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) en 2006, ont permis de ramener le ratio de dette publique extérieure/PIB de 85,1 % en 2003 à 13,5 % en 2007. Le ratio de stock de dette publique totale sur PIB a ainsi beaucoup diminué, passant de 93,6 % en 2000 à 55,3 % en 2020. Il représenterait 51,1 % du PIB sur l’année fiscale 20/21 selon le ministère des Finances (MoF) éthiopien (56,0 % selon le FMI). La dette publique totale exprimée en USD n’a augmenté que de 0,6 % par rapport à l’exercice précédent en raison du déclin de la dette domestique en USD causé par la forte dépréciation du birr (ETB) face au dollar (alors que la dette domestique en ETB a augmenté de 222 Mds ETB).

La dette extérieure du pays représente 53,1 % de la dette publique totale et 27,1 % du PIB FY20/21 selon le MoF. La dette du gouvernement central, en hausse de 50,0 % entre 2017 et 2021, constitue 66,0 % de cette dette extérieure en 2021 et 17,9 % du PIB. La dette garantie par le gouvernement équivaut à 6,2 % du PIB en 2021 et 22,7 % de la dette extérieure totale.

Selon le MoF, au 30 juin 2021, 79,5 % de la dette extérieure du pays est détenue par des créanciers officiels, dont 50,7 % par des créanciers multilatéraux. A la fin de l’année fiscale 19/20[1], le stock de dette détenu par la Chine (CDB, Exim Bank of China, ICBC et le gouvernement de Chine) représentait 77 % du stock de dette bilatérale et 23 % de la dette extérieure totale, ce qui en fait le deuxième créancier extérieur derrière l’IDA (74 % des créanciers multilatéraux, 35 % de la dette extérieure totale). Les créanciers privés – 59,5 % de banques commerciales et 16,5 % de détenteurs d’obligations – possèdent 20,5 % de la dette extérieure. Entre FY16/17 et FY20/21, la part des créanciers privés et des bilatéraux non membres du Club de Paris a diminué au profit des créanciers multilatéraux.

Les financements concessionnels de bailleurs multilatéraux représentent 73,4% de la dette externe du gouvernement central, mais seulement 4,8% de la dette des entreprises publiques.

Le service de la dette extérieure s’établissait à 2,2 Mds en 2019 (2,3 % du PIB), 2,5 Mds en 2020 et atteindrait 2,4 Mds en 2021 selon la Banque mondiale, la part la plus importante concernant la dette externe des entreprises publiques garantie par le gouvernement. Ce service de la dette est principalement dû à des créanciers privés (57,0 %). Le niveau du service de la dette due aux créanciers bilatéraux s’établirait à 711,6 M USD en 2021 et diminuerait à 678,5 M USD en 2022, année de la fin de la DSSI. Il resterait ainsi élevé alors que le pays fait face à une pénurie structurelle de devises. Sur la période 2020-2022, la Chine reste le principal récipiendaire du service de dette éthiopienne, comptant pour 76,9 % en moyenne sur la période.

En FY20/21, les nouveaux emprunts extérieurs ont diminué, passant de 4,7 à 2,0 Mds USD, et ont été souscrits à de meilleures conditions : taux d’intérêt moyen de 1,0 % contre 1,2 % en 2019-20, maturité moyenne de 31,5 ans contre 15,6 ans, élément don de 46 % en moyenne contre 30 %.

La dernière analyse de viabilité de la dette (DSA) réalisée par le FMI en avril 2020 conclut à un risque de surendettement global et externe élevé. La vulnérabilité de l’Ethiopie en matière d’endettement tient à l’augmentation du service de la dette, à la surévaluation du taux de change et à la faiblesse de ses exportations.

Les autorités se sont engagées dans plusieurs réformes visant à réduire cette vulnérabilité : (i) contrôle des emprunts extérieurs, (ii) reprofilage du service de la dette, (iii) libéralisation du taux de change et du marché des devises. L’Ethiopie a bénéficié de l’ISSD et a demandé à participer au Cadre commun du G20/Club de Paris afin de restructurer sa dette. Enfin, en procédant à une dévaluation au fil de l’eau (env. 20% en 2020), la Banque centrale mène la transition vers la libéralisation du régime de change afin de limiter l’écart entre le marché officiel et le marché parallèle et de pallier la pénurie de devises. En février 2021, le Liability Asset Management Corporation (LAMC), a été mis en place afin d’absorber et gérer les dettes non-soutenables des SOEs. Le gouvernement a récemment annoncé le transfert de 191,8 Mds ETB (4,3 Mds USD) de dettes contractées par l’Ethiopian Electric Power (EEP), au LAMC qui en assurera le remboursement.

L’annonce des autorités de souscrire au Cadre commun a entraîné des dégradations de la part des agences de notation[2] en raison du déficit de communication dont ont fait preuve les autorités lors de l’annonce soudaine en janvier 2021, couplé au principe de la comparabilité de traitement qui implique une restructuration comparable des dettes privées. Suivant ces dégradations, le spread de l’Eurobond éthiopien a augmenté jusqu’à 883,2 points le 10/02/2021. Fin juillet, l’extension du conflit tigréen en dehors de la région du Tigré a entraîné de nouvelles pressions sur l’obligation éthiopienne dont le spread atteint un 2ème point haut historique, à 1 016,2 points le 02/08/2021. S&P a de nouveau dégradé la notation souveraine de l’Ethiopie le 24 septembre, à CCC+.

Figure 1 : Evolution de la dette externe et de sa décomposition, 2000-2019

Evolution de la dette externe et de sa décomposition, 2000-2019

Figure 2 : Service de la dette extérieur par type de créancier, MUSD

Evolution de la dette externe et de sa décomposition, 2000-2019

[1] MoF, 2019-20 Ethiopia Public Debt Portfolio Analysis

[2] Fitch de B à CCC ; S&P de B à B- ; Moody’s n’a pas dégradé mais est passé à une note de B avec perspectives négatives

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