Pétrole : Des ressources en hydrocarbures limitées, qui obligent le pays à recourir aux importations

Malgré la découverte d’un gisement de pétrole dès 1920, l’Ethiopie reste entièrement dépendante des importations pour sa consommation de produits pétroliers. Dans un contexte de pénurie de devises, la demande de produits pétroliers augmente de 10 % chaque année et coûterait près de 3 Mds USD / an au pays, soit l’équivalent du total des exportations de l’Éthiopie. La distribution des produits pétroliers souffre d’infrastructures insuffisantes et d’une structure des prix peu avantageuse pour les distributeurs. La suppression progressive des subventions gouvernementales sur la vente des produits pétroliers exerce une pression sur le coût de la vie en Ethiopie. Autant d’enjeux auxquels l’Éthiopie souhaite remédier par le développement de l’exploitation d’hydrocarbures.

Des ressources en hydrocarbures limitées, qui obligent le pays à recourir aux importations

 

Les débuts de l’exploration pétrolière en Ethiopie datent des années 1920 dans le Bassin de l’Ogaden, bien qu’aucune découverte majeure n’ait été réalisée avant 2018. Ce n’est qu’en juin 2018 que l'Éthiopie a commencé à produire du pétrole brut dans les champs de Kalub et Hilala, dans l'est du pays (en Ogaden, région Somali). Ce premier essai de production a permis d’identifier trois puits de pétrole mais, selon le ministère des Mines, cette zone contiendrait 6 à 8 Mds m3 de pétrole brut. Le Bassin de l’Ougaden contiendrait également des ressources en gaz Naturel (0,9 TCF de réserves prouvées, jusqu’à 7 TCF de ressources). Des projets ambitieux existent pour mettre en valeur ces ressources en gaz, avec au premier plan des partenaires chinois : gazoduc jusqu’à Djibouti (plus de 4 Mds USD de CAPEX), ou valorisation industrielle sur place (productions d’engrais par exemple).  Ces projets font cependant face à de grandes difficultés dans leurs concrétisations, dans une région très instable et isolée des centres de consommation internes ou des ports d’exportation. Par ailleurs, 25 % du pays a déjà été cartographié en Full Tensor Gravity[1], et six bassins contenant des hydrocarbures ont été identifiés (voir carte ci-dessus).

Figure 1 : Carte des bassins abritant des ressources en hydrocarbures

Carte des bassins abritant des ressources en hydrocarbures

 

L’approvisionnement en produits pétroliers raffinés est un monopole d’Etat depuis 1997. Initialement établie en 1951 pour gérer la raffinerie d’Assab, aujourd’hui en Erythrée, l’entreprise d’Etat Ethiopian Petroleum Supply Enterprise (EPSE) est l’unique responsable des importations de pétrole raffiné dans le pays. Sur l’année fiscale 2020/21, l’EPSE a importé 3,7 M tm3 de produits pétroliers d'une valeur de 1,8 Md USD. Alors que les importations de pétrole avaient atteint 2,2 Mds USD (3,8 M tm3) en 2017/18, dans un contexte de demande croissante, depuis la pandémie les importations de pétrole ont connu une légère baisse (probablement temporaire) en raison de la baisse des prix internationaux et de la baisse marginale de 0,6 % du volume des importations de pétrole.

Afin de réaliser les achats de pétrole, le gouvernement éthiopien dispose de deux canaux : les accords bilatéraux et la publication d’appels d’offres (AO) internationaux. Depuis 2010, le gouvernement répond à une partie de la demande (100 % de la demande en jet fuel et 50 % de la demande en diesel) via un accord avec le Koweit ; quant à la partie restante (100 % essence et 50 % du diesel), l’entreprise britannique Trafigura a remporté les AO deux années de suite (après PetroChina, Exxon et IPG précédemment). En raison de la pénurie structurelle de devises dans le pays, les AO précisent des délais de paiement flexibles (180-270 jours par exemple) et indiquent une fourchette de volume d’achat qui sera négociée mensuellement selon les besoins. Néanmoins, le pétrole figure dans la catégorie 1 des priorités d’allocation de devises de la Banque centrale.

Depuis la construction d’un terminal de stockage à Djibouti, les importations de produits pétroliers passent par le port de Doraleh à Djibouti. Construit en juin 2006 par un groupe Emirati, Horizon Terminal dispose d’une capacité de stockage de 377 000 m3 de pétrole, dont 170 000 m3 alloués à l’Ethiopie. Sur son territoire, l’Ethiopie compte 13 dépôts d’une capacité totale de 420 600 m3, réservés principalement à des cas de force majeure. Pour répondre à la demande croissante, l’EPSE a décidé de construire un nouveau dépôt national à Dukem, à 35 km au sud-est de la capitale, d’une capacité de 300 000 m3.

Un secteur de la distribution fragmenté marqué par des pénuries et des prix en augmentation

Quarante distributeurs se partagent la distribution de pétrole en Ethiopie, dont les cinq premiers représentent 85 % du marché (NOC, Oil Libya, TotalEnergies, Yetebaberut, TAF). Ces derniers achètent le pétrole auprès de l’EPSE grâce à une structure de marge fixe établie par le gouvernement et assurent la distribution en région. Les distributeurs estiment que les infrastructures existantes seraient insuffisantes (stockage, transport, distribution) et le tarif de transport serait de 22 % inférieur au seuil de rentabilité (40 % - 50 % inférieur par rapport au tarif de l'Ouganda et du Kenya). En effet, malgré une population de plus de 100 M d'habitants, l'Éthiopie ne compte que 930 stations-service, tandis que le Kenya voisin (55 M d’habitants) compte plus de 2 000 stations-service. Par ailleurs, afin de remédier aux pénuries et aux prix élevés observés dans les régions rurales et éloignées du pays, une nouvelle directive permettra aux particuliers et aux entreprises à l'extérieur des villes de distribuer du carburant.

Figure 2 : Prix à la pompe dans la région en ETB/L en mars 2021

Prix à la pompe dans la région en Etb/L en mars 2021

Les prix de vente aux distributeurs et aux ménages ainsi que les marges sont fixés par le ministère de l’Industrie. Les prix de vente sont de 50 % à 75 % inférieurs à ceux des pays limitrophes de la région (voir carte ci-contre), en lien avec la mise en place par décret d’un fond de stabilisation des prix du pétrole en 2004, qui visait à stabiliser les prix et réduire l’impact des fluctuations des prix sur le marché local. En pénurie structurelle de devises et profondément impacté par le conflit dans le Tigré, le gouvernement a décidé en janvier 2022 d’alléger le poids des subventions pétrolières sur le budget du gouvernement en introduisant une suppression progressive des subventions. Déjà en décembre 2021, conformément à l'évolution des prix internationaux du pétrole, les prix de détail intérieurs ont été ajustés à la hausse (+ 24 % en moyenne début décembre).

 Le ministère de l’Industrie a récemment modifié le système de ventes de pétrole aux compagnies distributrices. Alors que les ventes de pétrole aux distributeurs étaient réalisées via un crédit d’un mois, désormais, ces entreprises devront fournir 10 % de liquidités et le solde avec une garantie bancaire. Il est prévu d’accroître progressivement le pourcentage de liquidités exigé au cours de l’année pour couvrir la dépense totale de l’achat. En effet, seuls 1/3 des distributeurs règleraient le crédit à temps.

Une autorité de régulation, Petroleum and Petroleum Products Supply and Distribution Regulatory Authority, a été mise en place par décret en mai 2019. Elle vise à : i) s’assurer que le pétrole destiné aux utilisateurs finaux réponde aux normes nationales, ii) coordonner les acteurs du secteur et iii) déterminer la nature et la quantité de pétrole et de produits pétroliers à détenir en réserve. Cette autorité permettra également de : i) mettre en place des normes dans l'industrie, ii) d’aligner progressivement le prix des carburants à celui des pays voisins, iii) d’ouvrir l'approvisionnement en carburant à des sociétés pétrolières privées et de iv) revoir la marge sur le carburant et établir une nouvelle structure de prix avec une marge adaptée pour les compagnies pétrolières.

TotalEnergies a été l'une des quatre compagnies pétrolières pionnières à pénétrer le marché éthiopien dans les années 1950. Elle a acquis Mobil Oil au milieu des années 2000, l'aidant à se consolider. 3ème distributeur du pays, TotalEnergies exploite la moitié des 150 stations-service opérant sous sa marque en Éthiopie ; la moitié restante appartient aux concessionnaires ou aux propriétés relevant de la Federal Housing Corporation.

En termes d’opportunités, le gouvernement éthiopien cherche à engager davantage d'entreprises internationales pour des projets d'exploration et de développement de gisements de pétrole et de gaz, le transport et le stockage de produits pétroliers, la construction de raffineries et les infrastructures associées. En effet, le pays dispose d’importantes réserves de pétrole inexploitées dans le bassin de l'Ogaden, le bassin du Rift et le bassin d'Abay et le nouveau régime fiscal en cours d'élaboration fournirait un cadre plus propice pour l'utilisation des réserves de gaz naturel de l'Éthiopie.



[1] Technologie qui mesure le taux de changement de gravité dans toutes les directions du champ, lié à la géologie du sous-sol. Les contrastes de densité résultant des différentes strates peuvent alors être cartographiés.

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