Mines : Un potentiel minier non négligeable et un secteur prioritaire depuis 2019 entravé par des difficultés structurelles du pays

L’Éthiopie dispose de ressources minérales diverses tant en matière de métaux et de pierres précieuses, que de minerais industriels mais ce n’est qu’en 2019 que le secteur minier est reconnu comme priorité sectorielle dans le plan de réformes « Homegrown Economic Reforms ». Secteur en forte croissance (+247,0 % d’exportations en 2020/21), le secteur emploierait 7,5 M de personnes et génèrerait près de 20 % des recettes d’exportations (680 MUSD en 2020/21 dont 98,3 % d’or) mais ne contribuerait qu’à 1,94 % du PIB (2020/21) – principalement en raison de la prévalence du commerce informel. D'ici 2030, le ministère des Mines et du pétrole prévoit de générer 1 à 3 Md USD de recettes d'exportation et a mis en place de nombreuses réformes ainsi que des incitations fiscales. Néanmoins, le secteur demeure confronté à des défis structurels importants : l’absence de données géologiques consolidées et certifiées, la pénurie chronique de devises et les incertitudes liées au rapatriement des profits.

Un potentiel important en ressources minérales, qui reste peu exploité

Selon le ministère du Pétrole et des Mines, l’Éthiopie possède des ressources minérales variées : des minéraux métalliques (or, platine, fer, nickel, chromite et métaux de base) ; des engrais minéraux bruts (potasse et phosphate), des pierres précieuses (saphirs, émeraudes, opales de feu), des minéraux énergétiques (lithium, graphite et tantale, schiste bitumineux et charbon), des minéraux bruts de ciment (calcaire, gypse, argile, pierre ponce), des minéraux bruts céramiques (kaolin, feldspath), des minéraux bruts de verre (sable de silice), des pierres dimensionnelles (marbre, granit, calcaire, grès, diatomite, bentonite, carbonate de sodium, sel, graphite et soufre) ainsi que des gaz naturels et hydrocarbures. Malgré ces ressources, l’Éthiopie reste dépendante de l’importation de minerais (charbon, fer, engrais, chlore, céramique, marbre, granit, produits pétroliers), coûtant à l’Éthiopie jusqu’à 6 Mds USD/an.

Figure 1 : Production annuelle de minerais, hors or, en Éthiopie entre 2016 et 2020 (tonnes) (Source : World Mining Data, 2022)

Figure 1 : Production annuelle de minerais, hors or, en Éthiopie entre 2016 et 2020 (tonnes) (Source : World Mining Data, 2022)

 

Potentiel de mines en EthiopieL'or est le principal produit exportable, rapportant entre 300 à 500 MUSD/an en devises. L'exploitation aurifère remonte à plus de 3000 ans, la plus ancienne mine du monde (6000 ans) se trouverait près de la frontière soudanaise. Les gisements d'or de l'Éthiopie sont regroupés dans un sous-sol protérozoïque (18 % du pays), avec une importante minéralisation aurifère découverte dans trois régions : (i) les ceintures de roches vertes occidentales (indices aurifères les plus prometteurs situés dans les régions de Tulu-Kapi et d'Ankore), (ii) les ceintures de roches vertes du Nord (gisement de 20 Mt de minerai d'une teneur de 0,29 g/t et 6 Mt de minerai contenant 2,24 % de cuivre), (iii) les ceintures de roches vertes du sud (dont la mine Lega Dembi dans la région d'Oromia et la mine Sakaro dans la zone de Gujji en région d'Oromia – toujours en développement). La vallée du Rift traversant l'Éthiopie abrite également un grand nombre de champs géothermiques qui seront utilisés pour la production d'électricité, et un gisement d'or épithermal à faible teneur a été découvert à Tendaho dans la région Afar (zones hautement silicifiées renvoyant des teneurs en or de 1 g/t). Par ailleurs, le contrôle renforcé des frontières dans le cadre de la Covid-19, l’augmentation des prix d’achat de l’or de la Banque centrale et la hausse des prix de l’or sur les marchés internationaux ont permis la formalisation des échanges aurifères. Majoritairement exploitée par le secteur artisanal, la production d’or s’est élevée à 8,3 tonnes en 2020, en hausse par rapport à 2019 (+ 168 %) mais en baisse (- 13 %) par rapport au pic de 2016. Les recettes d’exportations d’or quant à elles se sont élevées à 546,4 MUSD en 2021/22 (- 16,1 % par rapport à 2020/21) alors que le gouvernement visait 1 Md USD de recettes annuelles. Actuellement, trois entreprises exploitent les mines d’or à une échelle industrielle : Midroc Legedembi (Éthiopie) Gold Mine, KEFI Minerals (Chypre) et Newmont Mining Corporation (US)[1].

 L’exploitation minière en Éthiopie reste surtout artisanale, emploie directement environ 1,26 M de personnes et constitue une source de revenus pour 7,5 M de personnes supplémentaires. Actuellement, les mineurs artisanaux exploitent de l'argile, de la pierre concassée, de la diatomite, une grande variété de pierres précieuses, notamment de l'opale et des émeraudes, de l'or, du gypse, du sel, du sable, du sable de silice et du tantale. Néanmoins, l'or demeure la principale activité, suivi des pierres précieuses (opales) et du tantale. L'exploitation minière artisanale jouerait également un rôle important dans la découverte de nouveaux gisements minéraux et dans la réduction de l'exode rural vers les villes.

Bien que prioritaire, le secteur minier ne contribue que marginalement au PIB

Après 5 années pauvres en investissements et en production, le secteur minier est reconnu comme priorité sectorielle dans le plan de réformes « Homegrown Economic Reforms » en 2019. Depuis, les réformes en cours visent à (i) formaliser et soutenir l'exploitation minière artisanale; (ii) revoir le prix de l'or à la hausse pour réduire les incitations au commerce illicite; (iii) aborder les problèmes politiques et juridiques avec les communautés locales et inciter les mineurs à s'engager et à investir dans les communautés locales ; (iv) réduire les barrières techniques et institutionnelles pour la mise en place de projets miniers à grande échelle ; (v) développer des politiques et des capacités institutionnelles avec des informations géologiques renforcées et une base de produits diversifiée avec un accent sur les intrants industriels. Cette nouvelle priorisation se reflète également dans le budget de l’État, avec une hausse importante des moyens alloués au Ministère (+ 139 % pour 2021/22). Ainsi, le secteur a connu une croissance de 247,0 % en 2020/21, en partie grâce aux mesures politiques favorables prises par la Banque centrale pour inciter les mineurs à opter pour des canaux de commercialisation plus formels : augmentation du prix d'achat de l'or auprès des fournisseurs artisanaux à 35 % par rapport aux prix mondiaux de l'or. Par ailleurs, le Ministère a également exempté les mineurs artisanaux de la redevance régionale afin d’accroître la production minière de l’Éthiopie, fin 2021.

  Tableau 1 : Valeur moyenne par unités de minerais à l’exportation (TradeMap, 2021)

Minerais

Unité

Valeur (kUSD)

Niobium

tonne

65 829

Titane

tonne

70 214

Chrome

tonne

214

Nickel

tonne

171

Actuellement, le secteur minier éthiopien contribuerait à 1,94 % du PIB (2020/21), emploierait 7,5 M de personnes et génèrerait près de 20 % des recettes d’exportations (682 MUSD en 2020/21). D'ici 2030, le ministère prévoit de générer 1 à 3 Md USD de recettes d'exportation.Les recettes d’exportation des mines ont atteint 682,0 MUSD en 2020/21, avec majoritairement de l’or (671,0 MUSD ; soit 98,3 % des exportations minérales et 18,6 % des exportations totales). L'exportation d'autres minerais (tantale, opale, etc.) n’aurait généré que 10 MUSD sur la même période. La valeur de ces exportations représente le triple des résultats de l’année précédente (196,5 MUSD en 2019/20). La Chine est la principale destination d’exportation pour l’ensemble des minerais (50,7 %), suivie par les Émirats Arabes Unis (23,5 %) et Djibouti (10,7 %).

La faible contribution du secteur minier à l’économie serait due à la prévalence du marché informel. Bien que l’Éthiopie ait mis en place un processus de délivrance de licences d'exploitation minière artisanale, la majorité des mineurs artisanaux actifs n’auraient pas de licence (94 %). De même, seuls 20 % environ des redevances dues par les mineurs artisanaux seraient effectivement perçues. En effet, selon une étude réalisée en 2016[2] sur les mines artisanales, les minerais collectés par des acheteurs légaux sur les sites de production (des producteurs légaux et informels) ne représenteraient que 39 % de la production totale. Le reste des minerais (61 %) passerait par des circuits informels et serait largement absorbé par les marchés locaux, une partie pouvant être exportée via les ventes aux touristes et aux passagers étrangers. Le ministère cherche à résoudre ce problème via (i)le développement des centres de marché formels centralisés à proximité des zones minières qui sont légalement connectés aux marchés régionaux, nationaux et internationaux, (ii) la facilitation de l'accès au capital, à la technologie et à une main-d'œuvre qualifiée, (iii) l’amélioration de la valeur ajoutée grâce à un meilleur accès aux installations de transformation et aux marchés locaux.

Bien que désormais prioritaire, le secteur minier éthiopien demeure confronté à des défis importants :  (i) le manque de données géo scientifiques consolidées et certifiées par une agence tierce, (ii) la pénurie chronique de devises et les incertitudes concernant le rapatriement des profits découragent les investisseurs potentiels, (iii) la prévalence du secteur informel et du commerce illicite des minerais ainsi que (iv) l’absence de main-d'œuvre qualifiée et de technologie de pointe dans l'exploitation minière réduit les taux de récupération et de productivité des artisans. Le ministère des mines éthiopien s’est donné pour objectif de renforcer les capacités des ressources humaines du secteur, moderniser les données géologiques du pays ainsi que soutenir les études de faisabilité et les estimations de ressources par des sociétés tierces.

Un cadre règlementaire révisé en 2010 et destiné à favoriser des revenus pour l’Etat tout en attirant les investisseurs

Le Mining Operations Proclamation de 2010 stipule que les ressources minérales existantes à l'état naturel sur, dans et sous le territoire éthiopien sont la propriété du gouvernement et de tous les peuples éthiopiens, en accord avec l’article 5(1/) de cette proclamation. La gestion des minerais est dévolue au gouvernement national, via le Ministère des Mines et du Pétrole, en charge de promouvoir la gestion ainsi que le développement des ressources minières et du secteur minier. Le Ministère est également en charge de l’octroi et de la gestion des droits miniers pour les opérations de prospection, d’exploration et d’exploitation.

 L'octroi de licences et de permis pour les droits miniers est encadré par le système de cadastre minier en ligne qui centralise toutes les demandes de licence et fournit également aux utilisateurs des informations liées à l'exploitation minière. La plateforme permet d’obtenir des informations sur les licences minières, payer des redevances, soumettre des évaluations d'impact environnemental ou vérifier son état de conformité en matière de santé et de sécurité. En règle générale, un permis d'exploration est délivré pour 10 ans : 3 ans suivis d'un renouvellement annuel pendant une période de 7 ans. En janvier 2020, ce sont 106 permis d’exploration et environ 110 permis miniers qui ont été émis, soit un total de 216, contre 170 en 2016. Néanmoins, le ministère des mines et du pétrole procède régulièrement à des révocations de licences minières (+100 révocations sur 2021) pour « violations contractuelles » et/ou à « utilisation inefficace des ressources publiques ».

 Tout titulaire d’un droit minier est soumis au paiement des royalties à l’Etat, sur la base du prix de vente des transactions commerciales des minerais produits. Le montant des redevances payables par les titulaires de licences d'exploitation minière à grande échelle sont établis aux taux suivants : minéraux précieux (8 %), minéraux semi-précieux (6 %), minéraux métalliques (5 %), minéraux industriels (4 %), minéraux de construction (3 %), sel (4 %), géothermie (2 %). Les redevances que les détenteurs de licences d’exploitation à petite échelle sont tenus de payer quant à elles sont déterminées par les lois de l'État régional dans lequel cette licence est délivrée. Sur ce montant, 60 % de toutes les recettes fiscales minières provenant de l'exploitation minière vont au gouvernement central et 40 % aux gouvernements régionaux. Le gouvernement éthiopien tire également des revenus de différentes taxes imposées aux entreprises (25 % d’impôt sur les sociétés) ainsi qu’à la vente et au renouvellement des permis et licences minières. Par ailleurs, le gouvernement est garanti d’un minimum de 5 % de prise de participation dans tous les projets miniers.

 Le secteur des mines jouit d’incitations fiscales importantes, suite à l’approbation de la nouvelle régulation sur les incitations fiscales pour les investissements étrangers (n°517/2022). Ainsi, tout titulaire d'un permis d'exploration (ou même d’une licence d’artisanat/raffinerie) qui doit importer en Éthiopie des équipements, machines, véhicules et consommables nécessaires à ses opérations est affranchi de droits de douane entre 3 et 5 ans après l’obtention de sa licence. Cette exemption ne s’applique néanmoins pas aux titulaires d'un permis d'exploitation minière artisanale.

Les impacts socio-économiques et environnementaux du secteur sont non-négligeables

Les impacts socio-économiques des projets miniers peuvent être particulièrement négatifs, en particulier pour les sites miniers industriels. En février 2020, un article du Guardian avait révélé la présence d'une « maladie mortelle se propageant dans les villages proches d'un projet de gaz naturel chinois dans la région somalienne de l'Éthiopie » faisant référence à Poly-GCL. En effet, l’entreprise était en train de mener les premiers tests d'extraction de pétrole brut dans le bassin de l'Ogaden et les déversements réguliers de fluides de forage, notamment d'acide sulfurique auraient entraîné une insuffisance hépatique et un cancer de l'estomac chez certains individus de la communauté locale. Depuis l’amendement de la proclamation sur les mines en 2010, le ministère des Mines exige que les candidats à toute licence, à l'exception d'une licence de reconnaissance, rétention ou exploitation minière artisanale, doivent (i) soumettre une étude d'impact environnemental ; (ii) allouer des fonds pour couvrir les frais de réhabilitation de l'environnement affecté par ses activités ; (iii) participer à et initier des projets de développement avec la population locale.


[1] Le Conseil des ministres a attribué des licences à sept sociétés minières, dont quatre dans l’exploitation de l’or (travaux d'exploration et d'extraction dans les régions de Gambella, Benishangul-Gumuz et Oromia) en octobre 2021. Cette approbation fait suite à l’analyse des études de faisabilité, de la solidité du capital des entreprises et de leur contribution potentielle à l'économie du pays, par le ministère des Mines et du Pétrole (MoMP). Selon ce ministère, ces sociétés (dont quatre bénéficient de capitaux étrangers – Émirats Arabes Unis, États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Norvège) devraient générer plus de 4,7 Mds USD de revenus pour le gouvernement éthiopien au cours des dix premières années et créer plus de 1 300 emplois.

[2] Étude Artisanal Mining de 2016 conclue par l'Initiative éthiopienne pour la transparence des industries extractives.

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