Les infrastructures de santé en Ethiopie

L’Éthiopie a intégré la santé dans les priorités de son plan de développement économique à long terme, et a renforcé, notamment grâce aux dons des bailleurs, ses capacités sanitaires en matière d’équipements et d’infrastructures. Malgré les nombreux progrès enregistrés, l’accès aux infrastructures de santé reste inégal, en raison d’un sous-investissement persistant, en particulier dans les zones rurales et isolées. Si le secteur est soutenu par les bailleurs internationaux, le gouvernement entend favoriser les partenariats public-privé (PPP) pour pallier aux difficultés d’investissements publics et développer les infrastructures de santé. Des opportunités sur le long terme pour les entreprises françaises existent en matière de numérisation de la santé, de fourniture d’équipements médicaux, pharmaceutiques et de biologie médicale.

 

Des ambitions d’accès universel aux soins primaires contraintes par des dépenses et investissements de santé insuffisants

L’Ethiopie est engagée en faveur de l’accès à des soins de santé primaires universels depuis 1978 et le soutien à la déclaration d’Alma-Ata, qui visait l’accès aux soins pour tous en 2000. Entre 2005 et 2011, un important programme de construction d’infrastructures de santé en zones rurales a été mis en œuvre par le gouvernement[1]. Le développement du secteur est actuellement encadré par le plan de transformation du secteur de la santé (HSDP) – dont la troisième phase (2020-2025) est en cours – qui vise notamment la couverture de santé universelle à horizon 2030 et l’amélioration de la réactivité du système de santé. Le ministère de la Santé (MoH) a annoncé en 2022 la National Health Equity Strategy 2022-2026 dont les objectifs visent à : i) renforcer la fourniture de services de santé ; ii) faciliter l’accès aux structures de santé dans toutes les régions ; iii) améliorer les chaines d’approvisionnement en équipements et consommables médicaux ; iv) augmenter les financements du secteur de la santé. L’amélioration de l’accès aux soins, y compris dans les zones les plus isolées est l’un des piliers de la politique de santé éthiopienne mise en œuvre via le Health Extension Plan, lancé en 2003 et qui a depuis porté ses fruits[2].

Le service de santé éthiopien est structuré selon un système à trois niveaux : primaire (hôpitaux primaires, centres et postes de santé), secondaire (hôpitaux généraux) et tertiaire (hôpitaux spécialisés). Il y avait en 2021 en Ethiopie 420 hôpitaux (généraux et spécialisés), 3731 centres de santé, 4916 cliniques et 17 561 postes de santé. Parmi l’ensemble de ces établissements, 81,2 % sont publics, notamment les centres de santé et hôpitaux. Tandis que près de 5000 infrastructures (essentiellement des cliniques) sont gérées par des entités privées ou ONG[3], la gestion du système de santé public est partagée entre le MoH, les bureaux régionaux de la santé (RHB) et les bureaux de santé des woredas (districts). Le MoH et les RHB sont responsables de la formulation et de l'harmonisation des programmes et stratégies de santé, tandis que les bureaux de santé des woredas jouent un rôle de gestion et de coordination du fonctionnement des services de soins et de santé primaires. L’Agence éthiopienne des fournitures pharmaceutiques assure la gestion de passation de marchés publics pour l’importation des médicaments, fournitures et équipements médicaux (70 %), les 30 % restants sont importés par des entités privées officiellement ou via le marché parallèle. L’Autorité éthiopienne des produits alimentaires et pharmaceutiques assure le suivi règlementaire de l’importation et du contrôle de la qualité de ces biens. Les importations d’équipements et médicaments sont dominées par les fournisseurs chinois.

Le secteur de la santé représentait 5,3 % des allocations budgétaires en 2019/2020 et seulement 3,9 % en 2023/2024[4]. La part des secteurs sociaux, dont la santé, dans le budget du gouvernement éthiopien tend en effet à se réduire, éclipsée par les dépenses de défense et le service de la dette. En 2020, les dépenses de santé étaient couvertes à 32 % par le gouvernement, 31 % par les ménages et à 34 % par les bailleurs.

Outre les disparités d’accès aux infrastructures, leur fonctionnement est affecté par les difficultés d’approvisionnement, les conflits et un manque de capacités

Des disparités subsistent dans l’accès et la couverture de santé, selon les géographies (zones urbaines/rurales), le genre ou l’âge. Le personnel de santé étant principalement concentré dans les zones urbaines (20 % de la population)[5], l’offre de services de soin diffère selon les régions. L’Ethiopian Public Health Institute indique que les régions disposant des meilleures couvertures sanitaires sont Addis-Ababa (78 %)[6] et le Tigré (66 %), tandis que la Somalie et l’Afar sont celles ayant les plus forts besoins, avec des couvertures sanitaires faibles de 24 et 31 % respectivement[7]. En 2022, seul 60 % de la population avait accès aux services de santé en moins de deux heures de trajet. Par ailleurs, y compris lorsqu’elles existent, le recours aux infrastructures de santé est faible parmi les habitants des zones rurales éthiopiennes, les groupes socio-économiquement défavorisés (communautés pastorales notamment) et sans éducation formelle.

Outre ces disparités, le fonctionnement des infrastructures de santé est contraint par : i) le manque d’équipements ou de consommables, coûteux et difficiles à importer faute de devises ; ii) la faible main d’œuvre qualifiée pour la maintenance des équipements, en particulier dans les hôpitaux spécialisés ; et iii) les services et l’accessibilité des infrastructures. Malgré les progrès réalisés ces dernières années s’agissant des infrastructures routières ou du renforcement du réseau électrique, le fonctionnement des infrastructures de santé est parfois contraint par les coupures d’électricité, d’eau ou les difficultés d’accès. Les conflits au Tigré et actuellement en Amhara ont également eu des répercussions sur les centres de santé et hôpitaux, il est estimé que plus de 1400 ont été récemment détruits ou pillés dans ces deux régions[8].

Si le secteur est soutenu par les bailleurs internationaux, les autorités souhaitent également mobiliser les investissements privés

La santé est un secteur très investi par les bailleurs en Éthiopie. L'OMS soutient, en partenariat avec la BEI, le développement d’une feuille de route pour le développement des infrastructures de santé primaires[9] ; la BAD fait partie des financeurs du programme de promotion des services de base (PBS), la phase 2 (100 MUSD sur 2023/2025) devant permettre notamment le développement d’infrastructures de santé rurales ; la Banque mondiale est quant à elle impliquée dans plusieurs programmes de santé dont un projet pour l’amélioration du capital humain (405 MUSD), incluant le développement des centres de santé au niveau des woredas. L’UE participe au programme de promotion des services de base (PBS ; couvrant essentiellement les coûts récurrents) et au Fonds de performance des OMD (qui couvre les coûts d'investissement) ; outre les soutiens aux systèmes de santé et lutte contre les maladies transmissibles, les États-Unis (USAID) ont mené des programmes de construction d’infrastructures de santé (2016-2019 – 60 MUSD) ; enfin la Grande-Bretagne (FCDO) finance des programmes depuis 2015 pour l’accès aux soins primaires en Éthiopie (308 MUSD) et pour le renforcement des systèmes résilients au climat pour les services d'eau, d'assainissement et d'hygiène en Éthiopie (SCRS – WASH, 123 MUSD). La Fondation Bill et Melinda Gates est par ailleurs fortement impliquée en Ethiopie et a notamment soutenu la mise en place d’un laboratoire d’innovation de santé numérique au St Peter Specialized Hospital. D’autres partenaires bilatéraux soutiennent également le secteur. Le Qatar a accordé 18 MUSD pour la construction d’un centre néphrologique, tandis que la Chine, outre ses dons récurrents en matériels médicaux, a notamment financé l’hôpital Silk Road d’Addis-Abeba.

Les autorités éthiopiennes comptent par ailleurs sur l’engagement du secteur privé pour le développement des infrastructures de santé. D’importants projets privés voient le jour, le groupe américain Roha développe par exemple un projet de campus médical de 300 MUSD à Addis-Ababa. Le gouvernement souhaite également encourager les investissements étrangers grâce à des accords de partenariat public-privé (PPP) pour la construction d’hôpitaux, laboratoires d’analyses et centres de diagnostics. Un cadre stratégique pour leur développement a été élaboré dès 2013. USAID a dans ce contexte initié l’Ethiopia Private Health Sector Project (PHSP, 2015-2020) ayant permis, entre autres, le soutien à la mise en place de procédures, réglementations relatives aux PPP santé et la création d’une unité en charge de ces projets au sein du ministère de la Santé, maintenant intégrée à la DG PPP au sein du ministère des Finances. La France soutient également la DG PPP et le développement des projets santé dans le cadre du programme ECOREF financé par l’AFD via le déploiement d’experts résidents.

Les produits français bénéficient d'une très bonne réputation dans le secteur de la santé et peuvent bénéficier de procédures d’enregistrement simplifiées, notamment pour les produits pharmaceutiques (procédure accélérée). Les exportations françaises de produits pharmaceutiques sont toutefois en baisse constante depuis près d’une dizaine d’années, passant de 110,2 MEUR en 2015 à 1,6 MEUR en 2023. D’autres secteurs sont aussi porteurs pour la France : les équipements et services aux nouveaux hôpitaux et centres de santé, la construction d'hôpitaux et d'établissements de soins de santé modernes, les produits pharmaceutiques et fournitures, le support informatique, l’installation de stockage à froid, les transferts de connaissances et compétences sont des sous-secteurs à fortes opportunités. La France finance la construction d'un site de production pharmaceutique par l'intermédiaire de Proparco, qui a approuvé en 2019, un prêt de 9,2 MEUR à Africure Pharmaceuticals - un fabricant indien de produits pharmaceutiques génériques - pour la construction d'une usine de production médicale en Éthiopie.



[1] Près de 10 000 postes de santé, 2000 centres et 73 hôpitaux ont été construits sur cette période.

[2] Toutefois le pays reste particulièrement affecté par les maladies transmissibles (VIH, tuberculose, paludisme), les décès prématurés et maladies nutritionnelles. L’émergence d’une classe moyenne favorise le développement de pathologies comme le cancer, diabète ou de fortes tension artérielle.

[3] UNICEF, OMS (2022) National and subnational coverage and other service statistics for reproductive, maternal, newborn and child health using health facility data and surveys  Microsoft Word - Ethiopia Overall Country Report July 2022 - v2 Draft.docx (countdown2030.org)

[4] UNDP (2024) Macroeconomic Quaterly Report.

[5] Les régions où la densité du personnel de santé est la plus élevée sont la zone Harari (2,88) et Addis-Abeba (2,23) et la plus faible densité de 0,43 est observée dans la région Somali.

[6] En raison de l'accès géographique, de la sécurité, des ressources humaines, de l’infrastructure sanitaire (y compris la disponibilité de systèmes fonctionnels de chaîne du froid) et du mode de vie (nomadisme), entre autres facteurs.

[7] EPHI (2022) Ethiopia Health Coverage Chart Summary 5.-Ethiopia-_Health-Coverage-Chart-summary-2022.pdf (ephi.gov.et)

Publié le