Les enjeux du secteur de l’eau au Éthiopie

 « Château d’eau de l’Afrique », l’Éthiopie est dotée de ressources en eau relativement abondantes mais reste considérée comme un pays en stress hydrique en raison de sa forte croissance démographique. Outre la carence en ressources hydriques, l’Éthiopie connait une dégradation qualitative des ressources en eau, en raison d’un manque d’infrastructures de forage et de rétention d’eau, de la vétusté des réseaux de distribution d’eau et des faiblesses des services publics en charge de l’eau, ponctuées par des événements climatiques extrêmes. Si l'Éthiopie a atteint en 2015 son objectif du Millénaire pour le développement (OMD) de 57 % d'accès à l'eau potable, dans le cadre du programme national One WASH[1], le gouvernement éthiopien vise à accroître l'accès à l'eau potable à 98 % pour les zones rurales et à 100 % pour les zones urbaines et à fournir à tous les Éthiopiens un accès à un assainissement de base en 2021.

L’Éthiopie disposerait de ressources hydriques suffisantes à terme malgré la pression démographique croissante

Si l’Éthiopie dispose de ressources en eau relativement abondantes (pluviométrie annuelle de 848 mm[2]), elle est considérée comme un pays en stress hydrique en raison d’une croissance démographique (+ 2,6 %)[3] rapide au cours de la dernière décennie. La disponibilité des ressources en eau par habitant a fortement diminué sur la période passant de 1 315 m3/habitant/an en 2012 à 1 146 m3/habitant/an en 2017, soit une baisse de -13 %.  Néanmoins, l'Éthiopie serait l'un des rares pays où le stress hydrique devrait diminuer selon l'indice Luo, Young et Reig. En effet, selon des mesures réalisées en 2010, le stress hydrique de 0,81 devrait diminuer à 0,66 d'ici 2040 (Luo et al.2015).

Les estimations des eaux souterraines annuelles renouvelables par an vont de 13,5 à 28 milliards de m³, dont seulement 2,6 milliards de m³ sont actuellement exploitables. D’une part, les fortes variations pluviométriques (spatiales et annuelles), le manque d’infrastructures de forage et de rétention d’eau, la vétusté des réseaux de distribution d’eau et les faiblesses des services publics en charge de l’eau, ponctuée par des événements climatiques extrêmes, ont plongé de nombreuses régions du pays dans des conditions de pénurie d'eau, de dégradation de la qualité de l'eau et d'insécurité alimentaire chronique dans un pays encore majoritairement structuré autour d’une agriculture vivrière. D’autre part, les inondations demeurent un problème important dans certaines parties de l'Éthiopie.

Outre la carence en ressources hydriques, l’Éthiopie connait une dégradation qualitative des ressources en eau, en raison de leur pollution par les divers adjudants chimiques utilisés dans l’industrie et l’agriculture, conjuguée à l’absence de système de traitement des eaux usées. En 2016, l’utilisation de l’eau pour l'agriculture représentait 92 % (contre une moyenne mondiale de 70 %) du total des prélèvements d'eau (AMCOW 2018). En outre, plus de 90 % des industries de la capitale Addis-Abeba rejettent des effluents non traités dans les rivières adjacentes et sur les terres ouvertes (CEA/ONUDI 2006). Ces déversements représenteraient près de 4,9 millions de m3/ an d'eaux usées dans la rivière Akaki[4].

Le gouvernement éthiopien vise un accès quasi-universel à l’eau potable et à l’assainissement dès 2020, mais l’accès à l’eau reste aujourd’hui très inégal

En 2015, l'Éthiopie a atteint son objectif du Millénaire pour le développement (OMD) de 57 % d'accès à l'eau potable, réduisant de moitié le nombre de personnes sans accès à l'eau potable depuis 1990. Néanmoins, plus de 35 %[5] de la population n'a pas accès à l'eau potable et 32 % de la population vit sans assainissement adéquat. L’OMD relatif à l’assainissement n’a pas été atteint mais des progrès ont été enregistrés dans la réduction de la défécation à l'air libre dans les zones rurales. Ainsi, en 2018, le pays affiche un taux moyen de défécation à l’air libre de 22 %, plaçant l’Éthiopie au 20ème rang des pays les plus impactés par cette pratique. Sur les 78 % restant de la population, 63 % a accès à un assainissement non-amélioré[6] lorsque seulement 15 % a accès à un assainissement amélioré, dont la moitié dans des infrastructures partagées (latrines publiques, latrines communales, etc.)[7].

L’accès à l’eau potable continue de s’améliorer progressivement en Éthiopie, néanmoins, les disparités restent importantes entre les régions. La couverture en eau potable des zones urbaines était en moyenne de 95 % en 2015, contre 50 % en zones rurales[8]. Dans un pays où 60 à 80 % des maladies transmissibles sont attribuables à un accès limité à l'eau potable, l'accès insuffisant à l'eau potable et aux services d'assainissement et les mauvaises pratiques d'hygiène ont un impact négatif sur la santé et la nutrition.

Dans le cadre du programme national One WASH[9], le gouvernement éthiopien vise à accroître l'accès à l'eau potable à 98 % pour les zones rurales et à 100 % pour les zones urbaines et à fournir à tous les Éthiopiens un accès à un assainissement de base. Si l'eau est maintenant accessible en zone urbaine, en zone rurale l’approvisionnement en eau reste peu fiable et de mauvaise qualité. Ainsi, les consommateurs ont recours à des fournisseurs d'eau qui pratiquent des tarifs non réglementés. L'urbanisation rapide et l'émergence de zones périurbaines aggravent le problème. En ce qui concerne l’accès à un service d’assainissement, en moyenne seulement 10 % de la population y a accès à l’échelle du pays. Le chiffre s’élève à 25 % en zone urbaine.

Addis-Abeba est la capitale et la plus grande ville de l’Éthiopie. En 2017, la population de la ville avoisinait les 4M d'habitants[10], pour une zone urbaine s'étendant sur 527 km2. Néanmoins, l'expansion d'Addis-Abeba n'a pas été accompagnée par une croissance des infrastructures d'assainissement et de gestion des eaux usées. Ainsi, seulement 10 % de la zone urbaine d’Addis-Abeba dispose d’un système d’égouts tandis que la majorité de la ville est desservie par des latrines à fosse dont certaines rejettent leurs eaux usées dans le réseau de drainage des eaux pluviales[11]. La ville ne dispose que de 2 stations d'épuration, celle de Kaliti avec une capacité nominale de 7600 m3 par jour et la capacité de desservir une population de 200 000 personnes, et celle de Kotebe qui ne reçoit que des boues des camions aspirateurs qui vident les fosses septiques. L'usine de Kotebe peut gérer un volume annuel estimé de 85 000m3. En outre, près de 75 % des ménages d'Addis-Abeba utilisent des latrines à fosse dont la majorité sont partagées avec d'autres ménages, seuls 17 % disposent de toilettes à chasse d'eau à base d'eau, tandis qu’environ 6 % utilisent la brousse[12].

Le secteur de l’eau reste fortement soutenu par les bailleurs de fonds internationaux

En raison de contraintes budgétaires fortes, les autorités sollicitent les bailleurs de fonds pour le développement de projets structurants. Le gouvernement dispose ainsi d’un soutien budgétaire annuel important de différents bailleurs intitulée Protection of Basic Services Program (PBS) afin d’étendre l'accès aux services de base notamment à l’éducation, la santé, l’approvisionnement en eau et l’assainissement. Pour l’année 2020/21, l’enveloppe PBS est constitué d’une subvention/prêt à parts égales qui représente un total de 42 Mds ETB (~1 Md USD) financé principalement par la Banque Mondiale.

L’AFD finance actuellement 2 projets qui portent sur l’alimentation en eau potable de 48 villes secondaires (21 MEUR) et un programme d’eau et d’assainissement dans 22 villes secondaires en partenariat avec la Banque Mondiale (15 MEUR de l’AFD sur un total de 505 MUSD).

Plusieurs entreprises françaises du secteur sont présentes dans le pays ou y engagent activement des actions de prospection (BRL Ingénierie, BRGM, etc.). Le positionnement de l’offre française sur les marchés de construction est favorisé par la technicité croissante des ouvrages, mais est plus difficile sur des composantes à faible valeur ajoutée.

Répartition de l’usage de la ressource en eau par secteur au Éthiopie (Source : FAO, 2017)

 

Taux d’accès à l’eau potable en Éthiopie

(Source : FAO, 2017)

Répartition de l’usage de la ressource en eau par secteur au Éthiopie (Source : FAO, 2017)

 

 

 

 Taux d’accès à l’eau potable en Éthiopie  (Source : FAO, 2017)

 



[1] Le programme national One WaSH (OWNP) représente près de 2,4 Mds USD d'investissements sur la période de sept ans 2013-2020. Le programme rassemble quatre ministères clés du gouvernement et leurs secteurs connexes pour moderniser la façon dont les services d'eau et d'assainissement sont fournis à la population.

[2] Précipitations allant de 100 mm / an dans les basses terres Afar nord-est à 2000 mm / an dans certaines zones du sud-ouest (AMCOW 2018; FAO 2016)

[4] Maschal Tarekegn et Truye 2018; Worku et Giweta 2018

[5] World Bank (2020). Ethiopia Poverty Assessment: Harnessing Continued Growth for Accelerated Poverty Reduction.

[6] Impliquant un contact possible entre l’utilisateur et les excréments

[7] Source AFD.

[8] FAO, 2017

[9] Le programme national One WaSH (OWNP) représente près de 2,4 Mds USD d'investissements sur la période de sept ans 2013-2020. Le programme rassemble quatre ministères clés du gouvernement et leurs secteurs connexes pour moderniser la façon dont les services d'eau et d'assainissement sont fournis à la population.

[10] World Population Review 2020

[11] AAWSSA 2008

[12] Van Rooijen et G. Taddesse 2008

 

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