ÉTHIOPIE
L’Éthiopie, un hub aéroportuaire au rayonnement continental autour duquel les ambitions de développement du pays se cristallisent
Pays enclavé à la géographie difficile, l’Ethiopie trouve, dans le secteur aéroportuaire, le moyen de fédérer son territoire autour du pôle d’Addis-Abeba tout en lui permettant de se positionner stratégiquement sur les corridors intra-africains et reliant l’Occident à l’Orient. La croissance du secteur, devenue essentielle au positionnement extérieur du pays, se fait au rythme de l’expansion de la compagnie nationale Ethiopian Airlines, dont les intérêts sont, alignés avec l’activité aéroportuaire nationale, depuis le transfert de la gestion des aéroports du pays à cette dernière en 2017. Des investissements estimés à 5,5 Mds USD sur 30 ans seraient nécessaires pour propulser l’Ethiopie au rang de principale plateforme de transport de logistique d’Afrique, ce qui génère des interrogations sur le financement de tels projets malgré la surface financière d’Ethiopian Airlines, dont bénéficie le secteur aéroportuaire.
Un secteur aéroportuaire centré autour du hub d’Addis-Abeba et qui permet de positionner le pays sur les axes panafricains et long-courrier malgré le caractère enclavé de son territoire
Le secteur aéroportuaire constitue une activité économique de premier plan pour l’Ethiopie, tant pour son rôle essentiel dans la connectivité du territoire, enclavé et à la géographie difficile, que pour son rôle moteur dans le rayonnement continental de l’Éthiopie. L’ensemble de ses composantes (compagnies aériennes, opérateurs, services aériens et aéroportuaires) permettent l’emploi direct de 19 000 personnes en Ethiopie (2017) et près de 179 000 personnes indirectement[1]. Également, le chiffre d’affaires d’Ethiopian Airlines Group (EAG), entreprise nationale regroupant l’ensemble des services de l’aviation, représente à lui seul 4,5% du PIB de l’Ethiopie (2022). Le secteur aéroportuaire est un axe crucial du plan de développement national qui vise notamment à promouvoir les activités exportatrices génératrices de devises comme le tourisme ou encore l’agro-business (l’Ethiopie dispose d’une forte activité à l’export de produits agricoles périssables pour lesquels seul le transport aérien est capable d’atteindre les performances nécessaires pour ce type de denrées, floriculture en tête).
EAG a, depuis 2017[2], sous sa tutelle directe 23 aéroports dont 4 internationaux (Addis-Abeba, Bahir Dar, Mekele et Dire Dawa) et a pour mission la gestion des aéroports et de toutes les infrastructures et équipements nécessaires, en conformité avec les normes internationales, et ce selon les instructions et sous la supervision de l’Autorité de l’Aviation Civile Ethiopienne (ECAA). Le trafic passager a augmenté à un rythme singulièrement élevé ces dernières années en Ethiopie : alors qu’il s’élevait 3,3 M en 2010 (contre 4 M au Kenya), il atteint 12,6 M en 2019 (contre 6,4 M au Kenya), essentiellement via l’aéroport international de Bole. Notons que ce volume de trafic représentait 19% du trafic passagers de l’Afrique Subsaharienne en 2019.
L’aéroport international de Bole à Addis-Abeba (ADD) est la plus grande infrastructure aéronautique d’Ethiopie et l'aéroport le plus fréquenté de la région AEOI (Banque Mondiale, 2020) voire même d’Afrique (selon l’African Airlines Association dit AFRAA, données 2020). La plateforme aéroportuaire d’Addis-Abeba a pris de l’importance dans les années 2000 avec l’internationalisation de la compagnie Ethiopian Airlines, qui est aujourd’hui en position dominante sur les segments passagers et fret du hub. L’aéroport dessert, via Ethiopian Airlines, 128 destinations pour les vols commerciaux et 66 pour l’activité fret. ADD dispose d’un positionnement avantageux, peu excentré pour les vols Afrique – Europe et à mi-chemin de l’Orient et de l’Occident lui permettant d’être la plateforme de correspondance africaine privilégiée pour les trafics panafricains mais aussi long-courrier. A titre d’exemple, les liaisons entre la France et Addis-Abeba sont empruntées en grande majorité (75% avant la pandémie de Covid-19) par des voyageurs - diasporas et touristes - en correspondance dans la capitale éthiopienne pour rejoindre d’autres pays africains. Ceci explique en partie l’atrophie du trafic domestique par rapport à celui international (seulement 17% du trafic total en 2017).
ADD dispose de deux terminaux passagers, d’une capacité théorique totale de près de 22 M de passagers annuels, et de deux terminaux de fret (capacité totale 1 Mt/an). S’agissant du trafic de fret, ADD aurait traité sur l’année fiscale 2021-2022, 767 848 t selon Ethiopian Airlines ce qui ferait de l’aéroport le principal hub de fret aérien du continent (AFRAA, 2020).
Une volonté de faire de l’Ethiopie la première plateforme de transport et de logistique d’Afrique
Afin d’adapter les infrastructures aéroportuaires existantes à l’augmentation du trafic passager et fret (particulièrement priorisé depuis la pandémie de Covid-19), plusieurs chantiers ont été entrepris notamment au niveau du hub d’Addis-Abeba. Grâce à des travaux de rénovation et d’extension réalisés par la société chinoise China Communications Construction Company et supervisés par ADPi (coût total de 345 MUSD financé via deux prêts de l’EximBank of China), la capacité du terminal international a été portée dès 2020 à 22 M de passagers contre 7 M auparavant. S’agissant du segment fret, l’AFD a co-financé en 2013 (AFD : 70 MEUR, KFW : 32,6 MEUR et EAG : 12,4 MEUR), la construction du deuxième terminal cargo d’ADD permettant à EAG d’accroitre sa capacité de stockage de la marchandise en fret (périssable et sèche) de 150 000 t/an à 600 000 t/an. Ce nouveau terminal, entièrement automatisé, est opérationnel depuis 2017. Plusieurs autres investissements visant à équiper l’aéroport ADD ont été entrepris : (i) un système vol ADS/B (automatic dependence surveillance/broadcast) pour le contrôle du trafic aérien ; (ii) un système de traitement des messages (MHS) ; (iii) un système de communication, de navigation et de surveillance (CNS) ou encore (iv) l’expansion de la tour de contrôle de l’aéroport ont permis de réduire le temps d’attente au décollage et à l’atterrissage pour les avions et ainsi fluidifier le trafic.
La nouvelle stratégie pour le secteur des transports « Ethiopian Transport Master Plan 2022-2052 » dévoilée fin 2022 prévoit un plan d’investissement de plus de 5,5 Mds USD sur 30 ans dans le secteur aéroportuaire. Ce plan comprend notamment : (i) le développement de 3 nouveaux aéroports à Weldiya (sur l’axe Addis-Abeba / Mekele), Moyale (extrême sud du pays, à la frontière avec le Kenya) et Degeh Bur (sud-est) ; (ii) la construction d’entrepôts frigorifiques pour le fret aérien en région (notamment Dire Dawa et Hawassa). Le principal projet à l’horizon 2050 reste la construction d’un méga-hub aéroportuaire à une cinquantaine de kilomètres au Sud d’Addis-Abeba en région Oromia. Le projet porté par Ethiopian Airlines qui souhaite le substituer à l’aéroport existant de Bole pour le volet international de son activité, serait réalisé en deux phases et pourrait accueillir jusqu’à 100 M de passagers par an selon l’étude de faisabilité livrée par ADPi. Le calendrier ainsi que les détails du financement n’ont pas encore été définis, toutefois le coût d’un tel projet atteindrait 5 Mds USD. Le choix de la localisation, à proximité de plusieurs parcs industriels (Dukem, Bole-Lemi et Adama) devrait faciliter les ambitions exportatrices du pays.
La fusion entre EAG et l’autorité en charge de la gestion des aéroports en 2017 devait permettre à l’activité aéroportuaire de bénéficier de la surface financière de la compagnie aérienne pour se mettre à niveau alors même que le gouvernement éthiopien disposait de faibles capacités d’endettement. L’ampleur du plan d’investissement prévu pour la période 2022-2050 semble obliger le gouvernement éthiopien à étudier d’autres solutions de financement comme la mise partielle en concession ou d’autres formes de partenariats publics-privés. Ce type de solutions est officiellement envisagé pour les trois projets d’aéroports greenfield et pourrait l’être également pour le nouveau méga-hub aéroportuaire, considérant les premières estimations du coût de l’infrastructure.
De tels aménagements sont source d’opportunités pour les entreprises françaises
Le secteur aéroportuaire pourrait s’avérer porteur pour l’offre française au regard des opportunités diverses esquissées dans les stratégies long-terme du pays. Certaines entreprises françaises ont déjà pénétré le marché éthiopien et sont identifiées par EAG ; c’est le cas d’ADPi qui a supervisé l’extension du terminal passager de l’aéroport de Bole et a fourni un master plan à l’entreprise publique pour son projet de méga hub aéroportuaire. Un appel à manifestation d’intérêt pour les entreprises intéressées par ce projet greenfield est attendu depuis la livraison du master plan.
Des opportunités peuvent aussi exister pour des fournitures de matériels pour la gestion du trafic aérien (Systèmes de contrôle, radars, simulateurs, etc) avec des entreprises françaises comme Thalès.
S’agissant des services aéroportuaires, Lagardère Travel Retail (LTR) cherche depuis 2019 à se positionner sur le marché des boutiques hors taxes de l’aéroport ADD mais aussi le réseau duty free urbain d’Addis-Abeba. Ceci pourrait se réaliser via un partenariat avec ETTE, retailer duty free d’ADD appartenant à l’Etat Ethiopien.
[1] IATA (2017-2018) The importance of air transport to Ethiopia
[2] La gestion des aéroports du pays relevait jusqu’en 2003 de l’ECAA, également autorité régulatrice du secteur aérien. En juillet 2003, avec la création d’Ethiopian Airports Entreprise (EAE), ECAA a cédé son mandat de gestion des aéroports. En 2017, EAE a intégré EAG, la compagnie aérienne obtenant ainsi la gestion de tous les aéroports du pays.