Eléments structurels de l’économie éthiopienne

L’Éthiopie enregistre des taux de croissance parmi les plus élevés au monde. Alors que la croissance moyenne s’élevait à 2,8 % sur la décennie 1990, elle est passée à 8,6 % au cours de la décennie 2000 et à 9,7 % depuis 2010. Cette performance repose quasi-exclusivement sur une politique ambitieuse d’investissements publics dans les infras­tructures, politique déclinée dans des plans quinquennaux. Le deuxième plan quinquennal, qui porte sur les années 2015 à 2020, vise plus particulièrement le développement des secteurs des transports, de l’énergie et des télécommunications et à atteindre la catégorie des pays à revenus inférieurs intermédiaires d'ici 2025.

Malgré cette expansion rapide de l'activité, le PIB par tête – 861 USD en 2017 – reste l'un des plus faibles du monde en raison d'une croissance démographique encore très rapide (+2,5% par an). Avec près de 100 millions d’habitants en 2015, l’Ethiopie est aujourd’hui le 2ème pays le plus peuplé d’Afrique.

En dépit du développement des services, l’agriculture reste le pilier socio-économique du pays. L’agriculture éthiopienne est fondée sur la culture du café, des légumineux, du teff, de la pomme de terre et de la canne à sucre. Le secteur représente 36% du PIB, et plus de 80% des exportations et de l’emploi. Le pays peine néanmoins à satisfaire les besoins alimentaires croissants de la population et reste très vulnérable aux épisodes de sécheresse. Il doit également faire face à de nombreux défis tels que la dégradation des sols surexploités, la gestion de la question foncière et la moindre disponibilité des terres agricoles. L'industrie voit son poids dans le PIB, encore modeste, progresser. Le secteur ne représentait que 9% du PIB en 2011, mais pèserait désormais 25,6% du PIB en 2017; la construction en est le sous-secteur prépondérant (18,2% à lui seul) alors que le secteur manufacturier est de taille limitée (6,4% du PIB, déséquilibre que le gouvernement souhaite corriger par le développement des parcs industriels visant à favoriser l'essor d'une industrie légère exportatrice, très intensive en main d'oeuvre. Enfin, le secteur tertiaire contribue à hauteur de 38,4% au PIB ; il est tiré par les entreprises publiques dans le secteur des transports (Ethiopian Airlines), des banques (Commercial Bank of Ethiopia) mais également par le tourisme et le secteur du commerce de détail.

Conjoncture économique, finances publiques et dette publique

Le FMI estime que la croissance du PIB pourrait atteindre 7,5% en 2018, en reflux par rapport à 2017, année pour laquelle elle s'était établie à 10,9%. En 2018, l'activité a déceléré du fait notamment des troubles politiques des mois écoulés, en particulier la réinstauration de l’état d’urgence suite à la démission du président mi-février 2018 du Premier ministre Hailemariam Desaglen. Elle s’est toutefois maintenue à un rythme soutenu grâce à la bonne tenue du secteur agricole, à la poursuite du développement des parcs industriels, aux investissements publics dans le secteur énergétique et logistique ainsi qu’à l’augmentation des exportations de services, portés notamment par le développement d’Ethiopian Airlines.

L’inflation, à un niveau élevé, constitue un risque croissant pour la stabilité macroéconomique de l’Ethiopie. De 7,3 % en 2015/16, l’inflation a progressé pour atteindre 14,5 % au premier semestre 2018. Cette hausse continue est imputable à la dévaluation récente du birr (octobre 2017) qui crée de l'inflation importée. Ainsi, en dépit du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale et des mesures hétérodoxes des autorités pour contrôler les prix à la consommation, les tensions inflationnistes semblent s'accentuer.

Le déficit public est passé de 2,4 à 3,4 % du PIB entre 2015/16 et 2016/17. Il devrait atteindre 3,7% du PIB en 2018. De façon structurelle, le niveau des recettes publiques (15,1 % du PIB en 2017), notamment la collecte fiscale (11,8 % du PIB), est limité au regard des besoins de financement de l’Etat. Les autorités ont par conséquent réalisé d’importants efforts en matière de maîtrise des dépenses publiques (18,5 % du PIB en 2017) et en particulier des dépenses courantes.

Sur le plan externe, le déficit courant constitue toujours la principale vulnérabilité de l'économie éthiopienne. Après avoir atteint 8,2 % du PIB en 2017, il devrait se résorber à 6,4% en 2018. Le modèle de crois­san­ce éthiopien s’est traduit par un creusement du déficit commercial, en raison des impor­ta­tions de biens d’équipe­ments requis pour la mise en œuvre de la politique d’industrialisation. Les importations ont toutefois diminué passant de 23,1% du PIB en 2016 à 19,8 % en 2017, du fait de la baisse des d’investissement publics s'accompagnant mécaniquement d'une baisse des importations de matériaux et de biens intermédiaires et de la fin de la période de sécheresse ayant permis de réduire le recours massif aux importationsalimentaires d'urgence. En parallèle, les expor­tations ont quasiment marqué le pas, augmentant de 1,4 % en 2016/17, ce qui conduit à une diminution de leur part dans le PIB, 4,0 à 3,6 %, compte tenu de la croissance forte de l’économie éthiopienne. Il en a résulté un déficit commercial élevé, esti­mé à 16,1 % du PIB. Néanmoins, les import­ants transferts de la diaspora et l’ai­de au développement, conduisent à un déficit courant inférieur de près de moitié au déficit commercial.

Les réserves de changes sont à un niveau particulièrement bas, ce qui a conduit la Banque centrale à déva­luer le birr de 15 % en octobre 2017. Malgré la réduction des tensions externes, les réserves ont atteint un niveau critique fin de l’année budgétaire 2017/18, avec 1,6 mois d’importations, un niveau en reflux depuis lors. L’at­tri­tion des ré­­ser­­­ves, de même que la volonté de redynamiser les exportations, a amené la Banque centrale à dévaluer le birr de 15 % par rap­port au dollar en octobre 2017.  Cet­te action s’est doublée d’un durcissement tant des conditions relatives à l’accès aux de­vi­ses que de la politique monétaire, afin de contrôler la demande en devises et la masse monétaire en cir­cu­­­lation.

Le FMI a dégradé une première fois le risque de non-soutenabilité de la dette de « faible » à « modéré » fin 2015, puis de nouveau fin 2017, de « modéré » à « élevé ». Afin de financer l’effort d’investissement public, le pays a eu recours à l’endettement extérieur en raison d’une épargne domestique insuffisante (18 % du PIB). Ainsi, si la dette publique externe éthiopienne ne représentait que 28,3 % du PIB en 2015, le rythme d’endettement est soutenu et a atteint 30,4 % du PIB en 2017. Dans sa dernière analyse de viabilité de la dette conduite en septembre 2017, le FMI a conclu à un dépassement de certains seuils prudentiels et, en particulier, de celui du service de la dette rapporté aux exportations dès 2018 et jusqu’en 2021. Le risque de surendettement est de facto passé de « modéré » à « élevé ».

 

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