ÉTHIOPIE
Cadrage général
Éléments structurels de l’économie
Si l’économie éthiopienne s’affiche comme la 2e la plus dynamique au monde depuis 2000, des doutes importants existent sur la fiabilité des données. La croissance éthiopienne s’est élevée à +8,4 % en moyenne par an depuis 2000 selon la Banque mondiale (contre +4,0 % pour l’Afrique subsaharienne), soit le rythme le plus important au monde sur la période derrière le Guyana. Celle-ci a notamment été tirée par la forte croissance démographique (près de +2,5 % par an), faisant de l’Éthiopie le 2nd pays le plus peuplé d’Afrique avec près de 130 millions d’habitants.
Les investissements publics dans de grands projets d’infrastructure, financés par l’emprunt extérieur (en partie chinois et non concessionnel), ont soutenu le développement économique. Selon les données officielles, le PIB/habitant a été multiplié par plus de six depuis 2000 (à 1 350 USD par habitant en 2023), soutenant une amélioration des indicateurs de développement, d’éducation et de santé. L’espérance de vie s’est, notamment, allongée de près de dix ans, et la mortalité infantile a été divisée par deux.
Les données macroéconomiques masquent une réalité beaucoup plus contrastée : l’Éthiopie est, en effet, le plus grand pays enclavé au monde et son approvisionnement – quasi-exclusivement depuis Djibouti – est coûteux et très dysfonctionnel. Des tensions sécuritaires persistent sur une large partie du territoire, entraînant plusieurs millions de déplacés. Par ailleurs, la capacité d’endettement public et privée est contrainte et le change était, jusqu’à l’été 2024, très fortement surévalué, engendrant une pénurie importante de devises. Les débouchés à l’export du pays ont été contraints par sa suspension, depuis 2022, de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui lui permettait d’accéder au marché étasunien à tarifs avantageux, notamment sur le textile. L’Éthiopie bénéficie toujours en revanche du régime SPG européen le plus avantageux, « Tout sauf les armes ».
Conjoncture économique, finances publiques et dette publique
L’économie éthiopienne affiche un dynamisme robuste depuis plusieurs années, malgré un ralentissement amorcé en 2020. Entre 2020 et 2024, la croissance a atteint en moyenne +6,8 % par an, bien au-dessus de celle de l’Afrique subsaharienne, mais en deçà des niveaux prépandémiques (+9,6 % en moyenne sur 2010–2019). Cette dynamique a notamment été soutenue par l’accord de cessation des hostilités (guerre du Tigré) de novembre 2022, la reprise des secteurs agricoles (pluies favorables) et des services (transports et hôtellerie). En 2024, la croissance a continué d’augmenter (+8,1 %, après +7,2 % en 2023), tirée par l’agriculture, les services financiers, le transport aérien et le secteur minier. En 2025, elle diminuerait (+6,6 %), affectée par la consolidation budgétaire et des pressions inflationnistes, bien que soutenue par les investissements dans les infrastructures. À moyen terme, la croissance augmenterait (+7,5 à 8,0 %), portée par les réformes en cours, la reprise des financements extérieurs et une stabilité intérieure renforcée.
A la mi-2024, les autorités ont privilégié un soutien financier important conjoint du FMI (programme ECF approuvé en juillet 2024 d’un montant total de 3,4 Md USD) et de la Banque mondiale (un DPO de 1,5 Md USD décaissé en juillet 2024, qui suivi par une seconde tranche de 1 Md en juillet 2025), au prix d’engagements sur un programme très ambitieux de réformes économiques. Parmi les réformes d’ampleur, la mise en œuvre d’un régime de change flottant a été introduit en juillet visant à unifier les taux de change officiel et parrallèle (dont le spread s’élevait à 100 %). Les financements du FMI et de la Banque mondiale ont permis de soutenir le programme de réformes du gouvernement éthiopien (HomeGrown Economic Reform 2.0), visant, entre autres, à moderniser la politique monétaire, engager la réforme des entreprises publiques et réformer la politique fiscale.
L’inflation a poursuivi sa baisse en 2024 (à +21,7 % en moyenne annuelle, après +30,2 % en 2023) grâce au recul des prix alimentaires et à la politique monétaire restrictive[1]. Toutefois, la réforme du taux de change - ayant conduit à une dépréciation du birr – stabiliserait l’inflation à +21,5 % en 2025, avant un repli progressif à partir de 2027.
La réduction du déficit public se poursuit (-2,0 % du PIB en FY2023/24, après -2,6 % en FY2022/23), portée par la consolidation budgétaire engagée depuis plusieurs années, grâce notamment à la baisse des dépenses de défense et à la forte augmentation des recettes fiscales. La hausse des recettes s’explique par la réforme de la TVA, l’élargissement de l’assiette (bien que toujours limité), la suppression d’exonérations et la révision des taux d’imposition, ainsi que par la réforme du taux de change - qui a entraîné une hausse des recettes fiscales liée à l’augmentation des importations (cf. infra). Un budget rectificatif pour FY2024/25, conforme aux engagements du programme FMI, a été adopté le 26 novembre. Il prévoit des mesures d’atténuation de l’impact socio-économique de la réforme du change, tandis que les recettes publiques devraient continuer d’augmenter pour atteindre l’objectif fixé par le FMI d’augmentation de +1 pt de PIB par an pendant 4 ans, qui devrait permettre de réduire le déficit à -1,7 % du PIB en FY2024/2025.
Sur le front externe, le déficit commercial reste élevé, en raison d’une base d’exportations limitée et d’une demande structurelle d’importations. Toutefois, les envois de fonds ont fortement progressé depuis la libéralisation du change, et les réserves internationales ont doublé entre juin et octobre 2024 (passant de 0,8 à 1,6 mois d’importations). Le déficit courant, stable à -2,9 % du PIB en 2024, devrait s’aggraver à -4,2 % en 2025, sous l’effet d’une meilleure disponibilité en devises, permettant de satisfaire une partie de la demande d'importation précédemment réprimée. Il se résorberait progressivement pour se stabiliser autour de -2 % du PIB à l’horizon 2028.
La dette publique, jugée insoutenable, reste élevée, malgré une trajectoire à la baisse amorcée depuis 2021. En 2024, elle a atteint 34,4 % du PIB (après 38,7 % en 2023), grâce à la baisse de la dette extérieure (44 % de la dette totale), rendue possible par la suspension du service par les créanciers bilatéraux, à la suite de la demande de traitement au titre du Cadre commun du G20, ainsi qu’à la forte croissance du PIB. Parallèlement, la dette intérieure des entreprises publiques demeure concentrée, avec plus de 90 % détenus par trois sociétés en difficulté. L’État a racheté ces créances via une émission obligataire pour assainir le bilan de la Banque commerciale d’Éthiopie. Grâce à la libéralisation du taux de change, l’Éthiopie a pu bénéficier d’un programme de 3,4 Md USD sur 4 ans du FMI, ainsi que d’une aide budgétaire de 1,5 Md USD de la Banque mondiale (3,5 Md USD prévus). En mars 2025, un accord de principe a été conclu avec les créanciers officiels sur la restructuration de 8,4 Md USD de dette externe, prévoyant un allègement du service de la dette de 2,5 Md USD sur trois ans. Un accord de principe a été trouvé fin mars 2025 avec le comité des créanciers officiels (OCC) du Cadre commun du G20 (co-présidé par la France et la Chine), pour restructurer 8,4 Md USD. La prochaine étape est la signature d’un protocole d’accord (MoU) entre les créanciers et le gouvernement, qui ouvrira la voie à des accords bilatéraux.
[1] La Banque nationale d’Éthiopie (NBE) a depuis août 2023 adopté un cadre restrictif, renforcé en juillet 2024, basé sur un taux directeur fixé à 15 % (avec un corridor de ±3 %), des opérations d’open market bihebdomadaires, et un arrêt du financement monétaire des déficits. En plafonnant la croissance du crédit à 14 %, réhaussée à 18 % en janvier 2025, la NBE a freiné l’inflation tout en préservant la confiance des investisseurs et en stabilisant les anticipations.