Situation macroéconomique de l’Espagne

Après une récession profonde entre 2009 et 2013, l’économie espagnole a entamé une période de rattrapage en 2014, avec un différentiel de croissance favorable par rapport à la zone euro, qui s’est poursuivie jusqu’en 2019. L’impact économique de la crise sanitaire de 2020 a bouleversé ce panorama, l’Espagne étant l’un des pays européens les plus touchés par la crise du Covid-19. En 2021 et 2022, l’économie a entamé une phase de reprise qui s’est ralentie à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’Espagne devrait tout de même connaitre une croissance dynamique en 2023 et 2024. Les défis majeurs pour les prochaines années concernent la mise en œuvre du plan national de relance et de résilience et la maîtrise de l’inflation et l’absorption par l’économie du revirement de la politique monétaire de la BCE.

1. Entre 2009 et 2013, l’économie espagnole a souffert de la crise financière et de la crise des dettes souveraines 

Sur cette période, l’Espagne a connu un épisode récessif de 5 ans, à l’exception de l’année 2010, au cours duquel le PIB s’est contracté de 8,8 % en volume. Dès 2009, l’économie espagnole a subi les conséquences de la crise financière mondiale à travers l’explosion de la bulle immobilière, qui s’était formée depuis le début des années 2000, à laquelle s’est ajoutée la crise des dettes souveraines touchant plusieurs pays européens en 2011-2012. Les conséquences de cet épisode récessif ont été majeures avec la destruction nette de 2,4 millions d’emplois qui s’est traduite par un taux de chômage atteignant 26,9% en 2013.

La situation des finances publiques s’est très fortement dégradée, avec une augmentation de la dette publique de près de 40 points jusqu’à dépasser, pour quelques mois, 100% du PIB en 2014. Le secteur bancaire, très exposé à la bulle immobilière, a subi une restructuration avec la quasi-disparation des caisses d’épargne provinciales et une concentration autour de 5 grandes banques (Santander, BBVA, CaixaBank, Bankia et Sabadell).

2. A partir de 2014, l’Espagne connait un fort rebond…

A partir de 2014, l’Espagne a retrouvé le chemin de la croissance avec une forte croissance du PIB en 2015 (+3,8%), 2016 (+3,0%) et 2017 (+2,9%), suivie d’un ralentissement progressif en 2018 (+2,3 %) et 2019 (+2,1%) maintenant toutefois un différentiel positif par rapport à la Zone Euro. Cette amélioration de la conjoncture économique s’est traduite par la création de 2,1 millions d’emplois entre 2014 et 2018 et la baisse progressive du taux de chômage jusqu’à 13,8% fin 2019. Des faiblesses structurelles ont persisté sur le marché du travail, notamment sa forte dualité (25,8% des contrats sont à durée déterminée au T1 2020) et la persistance du chômage des jeunes (32,5% des moins de 25 ans étaient au chômage fin 2019) et du chômage de longue durée (36,1% des chômeurs recherchaient un emploi depuis plus d’un an fin 2019).

Cette phase d’expansion a également permis d’améliorer la situation des finances publiques, débouchant sur la sortie de la procédure de déficit excessif en 2018, avec un déficit de -2,6% du PIB (sous la barre des 3% de déficit pour la première fois depuis 2007). Le déficit a connu un rebond en 2019 (-3,1% du PIB) dans un contexte politique particulier avec deux élections nationales successives, le rejet du projet de loi de finances et plusieurs mesures augmentant les dépenses comme la revalorisation des retraites (+1,6%), des salaires des fonctionnaires (+2,5%) et du salaire minimum (+22,3%). La dette publique s’est établie à 98,3% du PIB fin 2019 alors que les coûts de financement restent historiquement bas, avec un coût moyen de la dette à 1,99% et un coût à l’émission de 0,31%. Elle s’établissait à 60,5% du PIB en 2010. Quant au secteur privé, son niveau d’endettement diminue depuis 2010. L’endettement des entreprises s’élevait, au T4 2010, à 141% du PIB contre 94,4% au T4 2019. L’endettement des ménages s’élevait, quant à lui, à 85,8% du PIB au T4 2010 contre 58,6% au T4 2019.

3. … interrompu en 2020 par la crise du Covid-19

La diffusion rapide du virus en Espagne au premier trimestre 2020 a mis un terme à cette phase d’expansion, faisant chuter le PIB espagnol de 11,3% en 2020, la plus importante parmi les pays de la zone euro . Cet impact majeur s’explique en grande partie par les vulnérabilités structurelles de l’économie espagnole : tissu d’entreprises constitué à 99% par des TPE-PME vulnérables aux fermetures prolongées, taux le plus élevé de travail temporaire de l’UE à 26%, importance du secteur touristique, qui représentait 12,4% du PIB en 2019, et qui, touché de plein fouet par les restrictions, a vu son poids chuter à 4,3% du PIB en 2020.

Dans ce contexte, l’Espagne a rapidement mis en œuvre des mesures économiques d’urgence conséquentes en mobilisant près de 250 Md€ en 2020-2021 pour soutenir le tissu productif et les revenus des ménages. Les finances publiques se sont fortement dégradées (déficit de 10,1% du PIB, dette de 120,4% de PIB en 2020) en raison de la chute de l’activité, des stabilisateurs automatiques et de ces dépenses extraordinaires engagées pour répondre à la crise.

4. En 2021 et 2022, l’économie espagnole a rebondi de 5,5% chaque année, sans pour autant récupérer le niveau de fin 2019

En 2021 et 2022, le PIB espagnol a rebondi de 5,5% chaque année. Contrairement à ses principaux voisins européens, l’Espagne n’a toutefois pas atteint le niveau d’activité pré-crise avec un PIB qui se situait fin 2022 à -0,6 point par rapport au niveau de fin 2019[1]. Ce retard s’explique principalement par la consommation privée, qui se situait encore fin 2022 à -3,6 points sous son niveau prépandémique, et l’investissement en construction résidentielle, inférieur de 15,0 points par rapport à son niveau pré-crise.

S’agissant du marché du travail, l’Espagne est revenue au niveau pré-crise. Même si l’Espagne compte toujours un des taux de chômage les plus élevés de l’UE (13,3% au T1 2023), l’impact a été relativement limité en comparaison à la crise financière de 2009-2012, grâce à l’utilisation massive du chômage partiel pendant la crise sanitaire qui a couvert jusqu’à 3,4 M de personnes. Quant aux finances publiques, le déficit public a fortement diminué (6,9% du PIB en 2021 et 4,8% en 2022) sous l’effet d’un recouvrement record impulsé par la reprise de l’activité et de la fin progressive des mesures d’urgence. De même, la dette publique a inversé la tendance à la hausse de 2020 et enregistrait un léger recul en 2021 (118,4% du PIB), qui s’est poursuivi en 2022 (113,2%)

Par ailleurs, le Plan espagnol de Récupération, de Transformation et de Résilience, adopté par le conseil ECOFIN en juillet 2021. Ce plan constitue une feuille de route pour la période 2021-2023 pour mobiliser 70 Md€ de subventions attribuées à l’Espagne dans le cadre du plan de relance européen (Next Generation EU) avec un double objectif : reconstruire l’économie après le choc causé par la crise sanitaire et transformer le modèle productif selon quatre grandes priorités : la transition écologique, la transition numérique, la cohésion sociale et territoriale et l’égalité femme homme. Début 2023, l’Espagne avait reçu près de 37 Md€ de la Commission (9 Md€ de préfinancement en août 2021 et 3 versements semestriels de 10, 12 et 6Md€ respectivement)dont 23,3 Md€ ont été attribués par le biais d’appels d’offre[2].

En juin 2023, le gouvernement espagnol a présenté sa proposition de révision du plan de relance à la Commission européenne qui mobilisera 94 Md€ supplémentaires (pour le porter au total à près de 165 Md€), composés essentiellement de prêts (84 Md€) et de subventions complémentaires[3], pour prolonger l’effort de relance sur la période 2024-2026 en se recentrant sur le renforcement de l’autonomie stratégique.


[1]Italie (+1,9 point), France (+1,2 point) ou Allemagne (+0,0 point).

[2] Selon le 3ème rapport d’exécution du plan national de relance et de résilience du gouvernement espagnol avec des données de février 2023).

[3] 7,7 Md€ supplémentaires en subventions attribués en juin 2022 à partir du montant recalculé des droits à subvention selon l’évolution du PIB en 2020 et 2021 et 2,6 Md€ des adaptations de la facilité de relance dans le cadre du règlement RePowerEU

5. Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine et le contexte inflationniste ont ralenti la reprise

Bien que peu exposée directement à la Russie et à l’Ukraine, l’économie espagnole a été touchée par les effets indirects de la guerre par le biais de l’inflation importée. Effectivement, l’Espagne, comme le reste de l’Europe, a connu des pics d’inflation qui n’avaient pas été enregistrés depuis les années 80 (+10,8% g.a. en juillet 2022), portés en grande partie par les prix de l’énergie et qui se sont progressivement transmis à l’ensemble de l’économie.

Dans ce contexte, l’Espagne s’est dotée de plusieurs plans de réponse à l’impact économique de la guerre supposant en cumul sur la période 2021-2023 près de 47 Md€, soit 3,9% du PIB[1]Les mesures phares consistent à la diminution de divers impôts sur l’énergie et les produits alimentaires et la mise en place d’un mécanisme de modération du prix de gros de l’électricité (par plafonnement du prix du gaz utilisé par les centrales à gaz), qui arrivera à échéance fin 2023. Au-delà, on retrouve également diverses mesures de soutien du pouvoir d’achat, notamment des ménages vulnérables, et de nouveaux prêts garantis pour les entreprises.

Malgré ce contexte adverse, l’économie espagnole semble être parmi les plus résilientes du continent alors que les dernières prévisions tablent sur une croissance autour de 2,0% pour 2023 et 2024 (cf. tableau ci-dessous). Le gouvernement espagnol a mis à jour ses prévisions macroéconomiques et de finances publiques en avril 2023 dans le cadre du programme de stabilité remis à la Commission Européenne et s’attend à une croissance dynamique de 2,1%, en ligne avec les prévisions des principales organisations nationales et internationales (cf. tableau de prévisions ci-dessous). Celle-ci serait poussée par la consommation privée, qui bénéficierait du dynamisme du marché du travail et de la modération progressive des prix. Le durcissement rapide la politique monétaire par la BCE est tout de même identifié comme le principal risque à la baisse sur ce scénario.


[1] Estimation de la DG Trésor en incluant les mesures jusqu’à mai 2023 inclus sur la base du PIB 2021.


 Cadre macroéconomique Espagne 2023-2026 (variation en %)

cadre_macro

Source : Ministère des Affaires Economiques et de la Transformation Digitale et Ministère des Comptes Publics

 

 

Graphique – Taux de croissance du PIB espagnol et composantes (en g.a.)

taux_croissance
 

 

Tableau – Panorama des principales prévisions macroéconomiques pour l’Espagne

Prévisions macroéconomiques 2023-2024

panorama

(1) Correspondant au déflateur de la consommation privée (le plan de stabilité ne fournit pas de données sur l’inflation annuelle moyenne).

 

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