ESTONIE
Situation macroéconomique
Face à la crise sanitaire, l’économie estonienne avait montré toute sa résilience. En ce début d’année 2021, elle démontre toute sa vigueur et sa capacité de rebond, avec une croissance bien au-delà des prévisions initiales. Portée par un second trimestre exceptionnel, l’Estonie a déjà dépassé son niveau économique d’avant-crise. Si les perspectives économiques sont extrêmement positives pour le second semestre 2021, l’Estonie doit faire face à plusieurs défis : la résurgence du COVID-19, l’inflation élevée et une situation paradoxale où un taux de chômage élevé se couple à une pénurie de travailleurs qualifiés.
Bilan du premier semestre 2021
Fin 2020, le Ministère des Finances prévoyait une croissance de +2,5% en 2021. Il a revu ses prévisions au cours de l’été 2021, prévoyant désormais +9,5% de croissance. Cette révision à la hausse des prévisions s’explique par le très rapide rebond de l’économie estonienne sur le début de l’année, en particulier au second trimestre. En effet, le PIB en volume a connu une croissance de 12,9% lors du second trimestre 2021, en glissement annuel. Si l’effet de base reste important, il faut souligner que l’Estonie a largement dépassé son niveau d’avant-crise, avec un PIB atteignant 7,41 Mds EUR lors du second trimestre 2021, contre un PIB estimé à 6,95Mds EUR pour le second trimestre 2019. Cette croissance trouve diverses explications, dont la principale reste la hausse de la consommation privée. Toutefois, cette forte reprise de l’activité économique s’accompagne d’un risque de surchauffe de l’économie. En outre, la résurgence du COVID-19 laisse planer de nouvelles incertitudes sur l’ensemble de l’activité économique du pays.
Impacts globaux sur l’économie estonienne
Croissance économique
Lors du second trimestre 2020, le PIB estonien s’élevait à 6,34 Mds EUR. Pour le second trimestre 2021, il s’élevait à 7,41 Mds EUR. Ce montant traduit un retour à la situation d’avant-crise, et même un surpassement puisque le PIB enregistré lors du second trimestre 2019 était de 6,95 Mds EUR. Sur le premier semestre 2021, le PIB estonien s’élève à 14,12 Mds EUR, contre 12,72 Mds EUR au premier semestre 2020 et 13,34 Mds EUR au premier semestre 2019. Sur le premier semestre, trois secteurs ont connu une forte croissance : les NTIC (+23% en glissement annuel), le transport (+19,9% en glissement annuel) et l’immobilier (+8,6% en glissement annuel). Il faut également souligner la très forte reprise du secteur de la construction lors du second trimestre (+48,6% relativement au premier trimestre 2021). Le secteur du tourisme, lourdement impacté par la crise sanitaire, a connu un bon second trimestre (+44,5% en glissement annuel), mais n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise. L’incertitude sanitaire renouvelée laisse craindre une nouvelle crise pour le secteur. Enfin, il faut souligner une forte baisse de la production du secteur de l’énergie au cours du second trimestre 2021 : -24,4%, en glissement annuel.
La reprise économique s’appuie principalement sur une forte demande. Ainsi, la consommation des ménages a atteint 6,62 Mds EUR au premier semestre 2021, soit 6,5% de plus que lors du premier semestre 2020 et 2% de plus qu’au premier semestre 2019.
Cette forte demande s’appuie également sur une forte reprise du commerce extérieur. Lors du premier semestre 2021, l’Estonie a exporté pour 8,31 Mds EUR de biens (+24,7% par rapport à l’an passé) et a importé pour 8,98 Mds EUR (+25,9% par rapport à l’an passé). L’Estonie enregistre donc un déficit commercial d’environ 600 M EUR sur le début de l’année 2021.
La majeure partie des échanges commerciaux sont régionaux. Ainsi, au second trimestre 2021 les principaux partenaires commerciaux de l’Estonie étaient la Finlande (volume des échanges de 1,27 Mds EUR, soit 13,3% des échanges), la Lettonie (805 M EUR, 8,46%), l’Allemagne (795 M EUR, 8,3%) et la Suède (789,6M EUR, 8,3%). Sur la même période, 69% des échanges commerciaux de l’Estonie ont été réalisés au sein de l’Union Européenne. L’amélioration de la situation sanitaire et la réouverture du commerce international expliquent cette forte reprise.
Inflation
Après avoir connu une légère déflation en 2020 (-0,6%), l’Estonie est confrontée à l’inflation depuis le début de l’année. Le ministère des Finances prévoit une inflation de 3,8% sur l’année 2021. De janvier 2021 à septembre 2021, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 6,4%. La principale augmentation des prix se situe dans le coût du logement (+17,3% de janvier à septembre), en raison de la hausse des prix de l’énergie. Le prix de la nourriture et des boissons non-alcoolisées est quant à lui touché par une inflation de 4,15%.
Dans le même temps, le prix de l’immobilier a continué à augmenter. A l’issue du second trimestre 2021, le prix du mètre carré atteignait 1567,7 EUR en moyenne – soit une hausse de 11% par rapport à fin 2020.
Secteur bancaire et financier
Le secteur financier a montré sa résilience en 2020. Les banques estoniennes ont débuté la nouvelle année avec une capitalisation forte. La rentabilité du secteur est restée élevée. Le ratio fonds propre/capital risque a atteint 26%. Le début de l’année 2021 est particulièrement actif pour le secteur bancaire, en raison d’une hausse importante des crédits à la consommation.
Le nombre de prêts immobiliers augmente très rapidement, et a atteint un record historique en mai 2021 avec 170,4 M EUR de prêts immobiliers octroyés. De même, le leasing automobile a battu un record en septembre 2021, avec 38,5 M EUR de leasing octroyés. Cette forte demande dépasse largement l’offre, tant sur le marché immobilier que sur le marché automobile.
Enfin, la Banque Centrale estonienne s’attend à voir une hausse nourrie de la consommation des ménages dans les prochains mois. En effet, le décaissement des fonds du deuxième pilier du système de retraites ainsi que de l’épargne de précaution réalisée en 2020 risque de se traduire par une hausse des investissements de consommation, et donc potentiellement des crédits à la consommation.
Marché du travail
Emploi
A l’issue du 2ème trimestre 2021, l’Estonie enregistrait un taux de chômage de 6,9%, soit 0,5% de moins qu’en décembre 2020. 47 300 personnes étaient sans emploi, malgré une baisse continue du chômage depuis trois trimestres. Le ministère des Finances prévoit une baisse modérée du chômage pour l’année 2021, attendant 6,7% de chômage à l’issue de l’année.
Dans le même temps, le taux d’emploi a atteint 65,8% - contre 67,3% à l’issue de l’année 2020. Le taux de participation au marché du travail a lui aussi diminué depuis le début de l’année et se situe à 70,6%, contre 72,4% à l’issue de l’année 2020. En revanche, le nombre de postes occupés a augmenté puisque 641 900 personnes étaient employées à l’issue du second trimestre 2021, contre 595 339 à la fin 2020. Cela représente une hausse de 7,8%.
En parallèle, le premier semestre 2021 a vu le nombre d’emplois partiels diminuer, atteignant 83 200 personnes à l’issue du second trimestre 2021 contre 86 900 à l’issue de l’année 2020. De la même manière, le nombre de personne en sous-emploi est descendu à 7500, contre 8300 à l’issue du quatrième trimestre 2020.
Vacances des postes
Le nombre de postes vacants est en forte hausse et déstabilise l’économie estonienne, confrontée à une pénurie de travailleurs qualifiés. A l’issue du second trimestre 2021, 10 542 postes étaient vacants, soit 1835 de plus qu’à l’issue de l’année 2020. Cela représente une hausse de 21%. Les secteurs les plus touchés sont les NTIC (3,4% de postes vacants), l’administration publique (2,5% de postes vacants) et la santé (2,5% de postes vacants).
A l’issue du premier semestre 2021, deux comtés enregistrent un taux de postes vacants élevés : l’Ida-Viru (3,8%) et Järva (3,2%). Ce dernier a connu la hausse la plus importante, son taux de postes vacants n’étant que de 0,6% à l’issue de l’année 2020. Le comté du Harju rencontre également une hausse des postes vacants, affichant désormais 2,3% de postes vacants (avec ou sans Tallinn). Au niveau national, il est possible d’observer une hausse des vacances de postes depuis la fin de l’année 2020, la moyenne nationale passant de 1,4% à 1,7% et revenant à son niveau de 2019.
Salaires
Le salaire moyen a accéléré sa hausse depuis le début de l’année 2021. En effet, selon les statistiques officielles, le salaire moyen s’établit désormais à 1 538 EUR, contre 1 448 EUR à l’issue de l’année 2020 – soit une hausse de 6,2% en un semestre. Cette accélération est marquée sur le second trimestre 2021, avec une hausse estimée à 7,3%.
La hausse des salaires se ressent dans l’ensemble de l’activité économique. Les secteurs ayant connu la plus forte hausse de salaire depuis le début de l’année sont les secteurs de la santé et du social (+7,1%), de l’administration (+7%), de l’immobilier (+4,9%) et des activités financières (+4,9%). Toutefois, le secteur offrant les meilleures rémunérations reste le secteur des NTIC (salaire moyen de 2761 EUR), suivi du secteur des activités financières (2545 EUR) et de l’énergie (2124 EUR). A l’inverse, offrant les plus faibles salaires mensuels moyens sont les secteurs de hôtellerie-restauration et de l’immobilier, avec respectivement 884 EUR et 1 127 EUR.
La différence de salaire entre hommes et femmes demeure l’une des plus élevées d’Europe en Estonie. A l’issue du second trimestre 2021, le salaire moyen des hommes était 18% plus élevé que celui des femmes. Ce chiffre doit être nuancé, le nombre de femmes exerçant un temps partiel étant trois fois supérieur au nombre d’hommes (60 800 contre 22 400 à l’issue du second trimestre 2020). Néanmoins, il faut rappeler qu’en 2020 le salaire horaire moyen des femmes était 15,6% inférieur à celui des hommes.
La hausse des salaires se ressent dans l’ensemble de l’activité économique. Les secteurs ayant connu la plus forte hausse de salaire depuis le début de l’année sont les secteurs de la santé et du social (+7,1%), de l’administration (+7%), de l’immobilier (+4,9%) et des activités financières (+4,9%). Toutefois, le secteur offrant les meilleures rémunérations reste le secteur des NTIC (salaire moyen de 2761 EUR), suivi du secteur des activités financières (2545 EUR) et de l’énergie (2124 EUR). A l’inverse, offrant les plus faibles salaires mensuels moyens sont les secteurs de hôtellerie-restauration et de l’immobilier, avec respectivement 884 EUR et 1 127 EUR.
Au niveau géographique, le comté de Võru connaît le salaire mensuel moyen le plus faible, à hauteur de 1 168 EUR. A l’inverse, dans le comté d’Harju (qui comprend la capitale, Tallinn), le salaire moyen s’élève à 1 678 EUR, c’est 43,4% de plus que dans le comté de Võru. A Tallinn, le salaire mensuel s’élève à 1 730 EUR à l’issue du second trimestre 2021. Au niveau, les salaires mensuels moyens ont augmenté de 1,5% depuis le début de l’année 2021 – mais cette hausse est très inégalitaire. Par exemple, le salaire moyen a augmenté de 6,8% dans le comté de Pärnu alors qu’il a diminué de 11% dans le comté de Järva.
Perspectives futures
Du fait des très bonnes performances économiques du début d’année 2021, le ministère des Finances estonien a revu à la hausse l’ensemble de ses prévisions pour l’année 2021. Il faut également noter le changement politique, plus propice au développement du commerce. En effet, le changement de gouvernement, opéré le 26 janvier 2021, a mis au pouvoir une coalition libérale et pro-européenne, en lieu et place d’une coalition de la droite conservatrice et de l’extrême-droite.
Le ministère des Finances prévoit une croissance de 9,5% en 2021 et de 4% en 2022. Dans le même temps, l’inflation devrait s’élever à 3,8% en 2021 et à 3,7% en 2022. En s’appuyant sur cette croissance forte, le gouvernement estonien souhaite réduire son déficit public structurel (-4,4% du PIB) et son déficit courant (-3,3% du PIB) en 2021. L’Estonie prévoit de repasser sous la barre des 3% de déficit dès 2022. En revanche, la dette publique devrait atteindre 17,7% du PIB en 2021 avant de remonter à 19,7% en 2022.
Sur le marché du travail, le Ministère des Finances prévoit un taux de chômage de 6,8% en 2021 (en baisse de 0,1 point par rapport à 2020), et de 6,7% en 2022. Dans le même temps, une croissance des salaires de 7,3% est attendue pour 2021.
En dépit d’une nouvelle hausse des cas de COVID-19, l’économie estonienne devrait rester performante sur l’année 2021. Néanmoins, l’incertitude règne quant à la situation sanitaire et certains secteurs, en particulier le tourisme, sont une nouvelle fois en difficulté. En outre, la Banque Centrale estonienne pointe le risque d’une surchauffe de l’économie du fait de la forte demande, en particulier dans le secteur de la construction.
Tableau récapitulatif des prévisions de croissances 2021 et 2022 et des prévisions d'inflation 2021 et 2022 par les organismes estoniens, publics et privés.
|
Croissance 2021 (%) |
Croissance 2022 (%) |
IPC 2021 (%) |
IPC 2022 (%) |
Ministère des Finances |
9,5 |
4 |
3,8 |
3,7 |
Banque Centrale d’Estonie |
9,5 |
3,5 |
3,6 |
3,6 |
Swedbank |
8,0 |
4 |
3,1 |
2,6 |
SEB |
6,6 |
4,5 |
3,2 |
2,7 |
Estonian Institute of Economic Research |
9,0 |
- |
3,5 |
- |