Entre récession, crise de l’emploi et perte de compétitivité : une année difficile pour l’économie estonienne

La Commission européenne estime que l’Estonie sera le pays de l’Union européenne qui connaîtra la plus forte récession en 2023 (-2,6%). La Banque d’Estonie est encore plus pessimiste et prévoit une contraction de l'économie estonienne de 3,5% cette année et de 0,4% en 2024. Au niveau européen, la croissance serait de 0,6% en 2023 et de 1,3% l’an prochain. La baisse de la demande extérieure a provoqué une chute des exportations et une hausse du chômage. La Commission prévoit une inflation à 3,5% en Estonie en 2024 en lien avec la hausse de la TVA de 2 points (de 20% à 22% au 1er janvier). Le déficit budgétaire de l’État devrait atteindre 2,9% du PIB contre 2,4% cette année.  La dette publique passerait de 19,2% du PIB en 2023 à 23,2% en 2025, restant cependant un des ratios les plus faibles de l’UE.

Le PIB estonien est en baisse sur 7 trimestres d’affilée, principalement en raison de la chute des exportations et du manque de compétitivité des entreprises estoniennes.

Depuis le quatrième trimestre de 2021, moment il a atteint son dernier sommet, le PIB du pays a chuté de 5,7%. Cela signifie que le PIB a diminué pendant sept trimestres consécutifs. Selon la Banque d’Estonie (Eesti Pank), au troisième trimestre de cette année, le PIB estonien a diminué de 3,9% par rapport à l'année précédente et de 1,3% par rapport au deuxième trimestre. La Commission européenne annonce que l’Estonie aura connu la plus grande récession des pays de l’UE en 2023 (-2,6%).

La composition des exportations (destination et produits exportés) est au cœur de la récession de l’économie estonienne. Les partenaires principaux de l’Estonie sont les pays scandinaves et l’Allemagne, des régions qui traversent également une période de difficultés économiques. Cette baisse de la demande extérieure, également pour les partenaires hors-UE, empêche un redémarrage de l’économie. En septembre 2023, les exportations de biens ont diminué de 24% tandis que les importations ont diminué de 22% par rapport à septembre 2022. La baisse la plus importante concerne les pays hors-EU avec qui, au cours du 3ème trimestre, les exports ont chuté de 41% et les importations de 44%. L’Estonie a principalement exporté vers la Finlande (16%), la Lettonie (14%) et la Suède (10%). Les plus grosses diminutions ont été enregistrées dans les exports vers la Lettonie et les Etats-Unis.

L’évolution défavorable des taux de change chez certains partenaires, à l’instar de la Norvège, ont également affaibli la demande. Par ailleurs, les bouleversements liés à la guerre en Ukraine continuent de se faire sentir : en particulier pour les secteurs de l’industrie du bois, du métal et de la construction peinent à trouver des  acheteurs. La production de produits manufacturés, exportés à 70%, perd également en dynamisme, effet d’un changement des habitudes de consommation (moins de biens et plus de services). L'économie devrait continuer à se contracter en 2024, particulièrement au 1er semestre, selon la Banque d’Estonie. La demande de biens et de services ne commencera à se redresser que lentement, tant sur le marché intérieur qu'à l'étranger. Une croissance plus rapide, proche de 3%, est attendue en 2025 et 2026.

 

Forecast Nov23 (Estonia)

 

Source : Commission européenne, 15 novembre 2023

Les prévisions de chômage ont également été revues à la hausse. 

La population active n’a jamais été aussi grande en Estonie (694 000 personnes au 3ème trimestre 2023). En revanche, le taux de chômage est en hausse constante depuis le début de l’année, atteignant 7,3% au dernier trimestre. Sur le troisième trimestre 2023, 54 800 chômeurs ont été enregistrés en Estonie, soit 4 600 de plus qu’au deuxième trimestre 2023 et 14 200 de plus qu’au troisième trimestre 2022. Le nombre de destructions d’emploi reste cependant limité, même si le secteur public a été impacté, avec une perte de 16 000 employés entre le deuxième et le troisième trimestre cette année. Le nombre d'emplois a également baissé dans l’industrie et la construction (-5% en moyenne depuis le début de l’année dans la manufacture et la construction). Selon la banque d’Estonie, le taux de chômage devrait atteindre son pic au premier trimestre 2024, sans toutefois excéder 10%.

Ce paradoxe (peu de destructions d’emplois mais augmentation du nombre de chômeurs) s’explique par le nombre croissant d’employés sur le marché du travail, qui peut s’expliquer par l’arrivée des réfugiés ukrainiens (inclus cette année dans les statistiques) et également par la hausse du coût de la vie (environ 33% en 18 mois), forçant des personnes inactives à chercher un emploi.

Les deux premiers trimestres de l’année 2024 devraient être marqués par une légère récession tandis qu’une faible croissance (+1,4%) est attendue pour les deux derniers.

L'Eesti Pank prévoit que l'inflation atteindra en moyenne 9,4% en 2023. Ces derniers mois, cependant, l’inflation s’est stabilisée autour de 5% en glissement annuel. Le taux d’inflation s’est élevé à 4,9% en variation annuelle en octobre 2023, malgré la baisse des prix de l’énergie. Les dispositifs de compensation mis en place l’année dernière (à partir d’octobre 2022) ont limité l’effet de cette baisse sur le niveau d’inflation. Ce chiffre est également influencé par les produits céréaliers, le sucre, les conserves, les légumes frais et la viande pour lesquels l’inflation a été d’environ 10%. Le taux d'inflation devrait atteindre 3,4% en 2024 et rester légèrement supérieur à 2% en 2025 et 2026.

Selon la Commission européenne, le déficit public devrait atteindre 2,9% du PIB en 2023 et diminuer légèrement à 2,4% en 2024 (même taux qu’en 2022), avant de bondir à 3,6% en 2025. Le déficit des administrations publiques devrait également augmenter, passant de 1% du PIB en 2022 à 2,9% du PIB en 2023, sous l'effet d'une hausse significative des dépenses liées aux salaires de la fonction publique (en particulier les enseignants et la sécurité intérieure) et aux retraites, ainsi qu'aux nouveaux programmes de dépenses permanentes pour la défense, l'éducation et les allocations familiales. En 2024, les recettes devraient augmenter de 0,6% du PIB en raison d'une augmentation du taux de TVA et de la fiscalité environnementale[1].

La dette publique devrait légèrement augmenter pour atteindre 23,2% du PIB en 2025. A l’heure actuelle, les intérêts que doit rembourser l’État estonien sur ses emprunts jusqu’à 2027 sont supérieurs au budget de son ministère de la Culture (300 millions d’euros).

 

Sources : Commission européenne, Banque d’Estonie, Ministère des Finances



[1] Par exemple, impôts sur le schiste bitumineux et autres activités polluantes.

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