Retour sur 2021 - Etat des lieux de l'économie estonienne

ET

Une année de forte croissance (8,3%) 

En 2021, l’Estonie a enregistré une croissance réelle de 8,3%. Si le résultat est satisfaisant, il reste inférieur aux prévisions émises par le Ministère des Finances à l’été 2021 (croissance attendue de +9,5%). La forte inflation des prix de l’énergie et les incertitudes liées à la crise sanitaire ont obéré les perspectives de croissance en fin d’année, après un second trimestre record (+12,7% en glissement annuel). En glissement annuel, l’Estonie a enregistré une croissance de 3,7% au premier trimestre 2021, de 12,9% au second trimestre 2021, de 8,3% au troisième trimestre 2021 et de 8,6% au dernier trimestre de l’année. En prix courants, le PIB estonien s’élevait à 30,66Mds EUR – mais ce montant est gonflé par la forte inflation observée en 2021. 

Les secteurs contribuant le plus au PIB sont le secteur des NTIC (1,5 point de pourcentage), du transport (1,1 point de pourcentage) et de la manufacture (1 point de pourcentage). Sur l’année 2021, seul le secteur de l’agriculture (incluant foresterie et pêche) a apporté une contribution négative, à hauteur de -0,4 point de pourcentage.   Sans surprise, il s’agit également du seul secteur ayant connu une diminution significative de sa production par rapport à 2020 (-19,2%). A l’inverse, le secteur des NTIC a connu une forte croissance entre 2020 et 2021 (+21,5%), tout comme le secteur du transport (+19,7%). Le secteur de la gestion de l’eau a également connu une forte croissance (+33,9%), mais cela tient à un effet de base important.

2021 a été une année de forte inflation. Entre janvier 2021 et janvier 2022, les prix ont augmenté de 11,3%. Cette inflation a été particulièrement marquée dans les prix de production industrielle, en hausse de 26,6% entre janvier 2021 et janvier 2022. Cette hausse est principalement liée à la hausse des prix de l’énergie. Enfin, le secteur de la construction a connu une inflation moyenne de 8,3% entre 2020 et 2021, essentiellement liée à la hausse du prix des matériaux.

Néanmoins, la croissance économique a été portée par une forte demande. Portée par la consommation des ménages, la demande intérieure a progressé de 6,4% entre 2020 et 2021 – en particulier lors du second trimestre (+12,7% en glissement annuel). Cette hausse tient principalement à l’épargne de précaution réalisée lors de la crise sanitaire et à une réforme du régime des retraites, permettant aux Estoniens de retirer une partie de leur assurance retraite depuis septembre.

Le commerce extérieur a également joué un rôle prépondérant dans cette forte croissance économique. Les exportations représentaient 18,3 Mds EUR, en hausse de 28% par rapport à 2020. Quant aux importations, elles représentaient 20 Mds EUR, en hausse de 32% en un an. Dans les deux cas, ces chiffres sont à appréhender dans un contexte de forte inflation : l’indice des prix à l’exportation a progressé de 12,2% et celui des prix à l’importation de 8,1%.

Un marché du travail complexe, entre hausses des salaires et pénurie de main d'oeuvre 

La situation sur le marché du travail s’est améliorée en 2021, le taux de chômage de la population active descendant à 5,2% à l’issue du quatrième trimestre 2021, contre 7,4% au dernier trimestre 2020. A la fin de l’année, 43 100 personnes étaient au chômage – soit 4 800 de moins qu’à la fin de l’année 2020. Néanmoins, la proportion de personne au chômage depuis plus d’un an a augmenté. Les chômeurs de longue durée représentent désormais 27% des chômeurs, contre 17% en 2020.  Dans le même temps, le taux de participation au marché du travail et le taux d’emploi atteignent 71,3% et 67,6% - contre 72,4% et 67,0% un an plus tôt. Enfin, il faut noter la hausse de postes vacants : à l’issue du 4ème trimestre 2021, 11 103 postes étaient vacants (+28% en glissement annuel). Les secteurs les plus touchés, en %, sont les NTIC (3,9% de l’emploi total du secteur) et les activités financières (3,0%).

Les salaires ont connu une croissance moyenne de 7,3% entre décembre 2020 et décembre 2021,  le salaire brut moyen s’élevant à 1 625 EUR par mois. Cela représente une hausse de 110 EUR en un an. Toutefois, les disparités sectorielles demeurent.  Les salaires moyens les plus élevés sont dans le domaine des NTIC (2 945 EUR ; +11,3% en glissement annuel) et des activités financières (2 605 EUR ;  +7,6%), tandis que l’hôtellerie et la restauration (953 EUR ; +10,1%) ainsi que l’immobilier (1 153 EUR ; +7,3%) offrent les salaires les plus faibles. Ces inégalités sont également régionales, le comté du Harju enregistrant un salaire brut moyen de 1 777 EUR alors qu’il se situe à 1 1253 EUR dans le comté de Võru.

 Un secteur bancaire solide et dynamique

swedbank

Le secteur bancaire se montre très solide et dynamique, nourrissant une forte demande privée. Le taux d’intérêt sur les dépôts est passé de 0,9% à 0,29% entre janvier 2021 et janvier 2022, alors que le taux d’intérêt moyen sur les prêts à la consommation est aujourd’hui de 17,5% - contre 19,9% l’an passé. Les taux d’intérêts sur les prêts immobiliers (1,97%) et sur le leasing automobile (2,48%) ont atteint un niveau inférieur à 2019 et s’accompagnent d’une hausse marquée du nombre d’emprunts. En revanche, les prêts aux entreprises se font à un taux d’intérêt moyen de 2,82%, largement supérieur à la moyenne dans la zone euro (1,31%).

Néanmoins, plusieurs risques apparaissent sur le marché bancaire – notamment du fait du marché immobilier. La Banque Centrale estonienne considérait le marché de l’immobilier comme étant surévalué d’environ 10% à l’issue du premier semestre 2021, une tendance stable sur le second semestre. La stabilité financière et bancaire de l’Estonie dépend également de la stabilité bancaire et financière de ses voisins, il faut donc rester attentif à l’évolution de la situation immobilière chez eux. Par ailleurs, les institutions estoniennes attendent le rapport d’évaluation[1] MONEYVAL[2] en matière de lutte contre le blanchiment d’argent qui est prévu pour l'automne 2022.

 Perspectives 2022 - Une année pleine de défis

Les résultats économiques de l’Estonie sont très satisfaisants pour l’année 2021, mais la fin d’année a laissé apparaître plusieurs défis importants pour l'année 2022, susceptibles de ralentir davantage une croissance prévue à 4%. Le dernier rapport de la Banque Centrale estonienne, publié avant les évènements en Ukraine, estime que la croissance pourrait finalement n’atteindre que 2,8% en 2022.

Outre l’impact de la guerre en Ukraine, trois grands défis se présentent pour 2022. Le premier est l’inflation : celle-ci s’avère plus durable qu’initialement prévu et pourrait fortement limiter la consommation des ménages. Cette inflation est combinée à une pénurie de main d’œuvre, notamment qualifiée, qui oblige les entreprises estoniennes à renoncer à des investissements ou à offrir des salaires beaucoup plus élevés – ce qui nourrit d’autant plus l’inflation. Enfin, l’Estonie ne peut plus compter sur un effet « rattrapage » post-COVID, ayant déjà utilisé toutes les ressources stockées en 2020. Cette dernière problématique va être d’autant plus importante que la guerre en Ukraine risque de perturber l’accès aux matières premières (acier notamment) dans les prochains mois. De même, il est probable que le commerce extérieur estonien souffre de cette crise, du fait de la réduction des échanges au niveau mondial. 



[1] Attendu pour mars 2022, il a été reporté à mai 2022 en raison du contexte géopolitique.

[2] Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, du Conseil de l’Europe. Le rapport devrait être publié dans les mois à venir.

Publié le