L’Estonie, Silicon Forest balte : l'écosystème des startups estoniennes

En matière de numérique, l’Estonie n’est plus à présenter. Depuis son indépendance au début des années 1990 et sa présidence du Conseil de l’Union européenne en 2017, le pays s’est forgé une réputation de pionnier en ce qui concerne la numérisation de son administration et de sa gouvernance, marquant la volonté de ses dirigeants d’acquérir un avantage comparatif dans le domaine des nouvelles technologies. Ainsi, l’ensemble des politiques publiques ont contribué à l’émergence d’un écosystème de startups particulièrement dynamique, tirant la croissance économique du pays. Aujourd’hui, on décompte plus de 1500 startups dans le pays, dont certaines sont largement reconnues à l’international. L'Estonie compte aujourd'hui 10 licornes et une décacorne.

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  • Une culture du numérique soigneusement construite depuis 1991

L’Estonie est résolument tournée vers le numérique et les nouvelles technologies. Cette spécialisation de l’économie estonienne a été soigneusement construite pendant plus de 30 ans, en s’appuyant sur l’héritage laissé par l’URSS à l’indépendance du pays en 1991. Les républiques baltes de l’URSS deviennent dès les années 1950 des centres de développement de l’informatique et de la cybernétique soviétique. Lors de l’indépendance, l’Estonie, consciente de ses moyens financiers limités et de sa faible population éparpillée sur son territoire, souhaite fédérer sa société en rendant visible l’Etat partout, grâce à la dématérialisation.

L’Estonie a fait le choix de s’orienter vers les nouvelles technologies, de manière à développer de nouveaux systèmes numériques, orientés vers l’accessibilité, l’efficience et le contrôle des coûts. En 1994, l’Estonie adopte son premier document stratégique de développement du secteur informatique et lance, 2 ans plus tard, un programme national de développement d’infrastructure numérique.

La faible population de l’Estonie, et les nombreux villages ruraux qui la composent, sont vus comme une force pour l’adoption généralisée de la dématérialisation. Ainsi, le public est accompagné par le secteur privé, notamment les banques : face à l’impossibilité de déployer des guichets dans des communes, les premières solutions de banque en ligne apparaissent en 1996. En 2000, les déclarations d’impôts sont dématérialisées. En 2001, la clé du succès de l’infrastructure numérique estonienne est déployée : X-road, un système d’échange de données chiffré de bout-en-bout, qui permet de relier tous les systèmes numériques de l’Etat de manière sécurisée. Cette technologie permet la mise en place d’une carte d’identité digitale, rendue obligatoire, qui permet aux Estoniens d’accéder et de s’identifier à la plupart des services en ligne, aujourd’hui publics comme privés. Grâce à cette e-carte d’identité le pays a proposé dès 2005, le vote en ligne pour les élections locales et nationales. Alors que la technologie de la blockchain était encore peu connue, l’Estonie l’utilise pour chiffrer et s’assurer de l’intégrité de ses données dès 2008. Le pays continue le développement de nouveaux systèmes, ce qui lui permet aujourd’hui d’occuper la 1ère place mondiale de l’indice de digitalisation.

C’est la construction d’une véritable culture du numérique, depuis ces 30 dernières années, qui permet aujourd’hui à l’Estonie d’être à l’avant-garde de l’innovation dans ce secteur.

  • Innovation et culture numérique, catalyseurs du développement entrepreneurial

L’excellente formation de la population aux TIC lui permet d’être innovante. Ainsi, l’Estonie est un terreau fertile pour la croissance de jeunes entreprises novatrices (startups) dans ces domaines. En plus d’être le pays de l’UE avec le plus de startups par millier d’habitants (1,12 vs. 0,09 en Pologne), l’Estonie est en tête des levées de fonds rapportées à sa population : près de 1100 $ investis par habitant, loin devant le 2ème, l’Islande (580$), ou la France, 10ème (240$). Les autres pays d’Europe centrale et balte sont sous la moyenne européenne à 140$. En Estonie, les startups représentent 1% des emplois.

L’importance de l’Estonie dans l’écosystème de la région doit beaucoup au succès de Skype, service de communication instantanée estonien. La startup, rachetée pour 2,6 Mds $ par eBay en 2005, puis pour 8,5 Mds $ par Microsoft en 2011, a permis à ses cofondateurs d’investir dans d’autres startups européennes. Naissent ainsi plusieurs fonds européens : Atomico (70 Mds$ de portefeuille) et Metaplanet (188 Mds$ de portefeuille) et startups à succès (Veriff, TranferWise, Bolt…). Le succès de Skype a propulsé l’Estonie à l’avant-garde de l’écosystème mondial de l’innovation.

Pour développer davantage son écosystème de startup et pallier sa faible population, l’Estonie a créé l’e-residency (résidence électronique). Ce programme permet à toute personne de soumettre une demande d’e-residency, à distance, qui permet ensuite de créer et domicilier son entreprise en Estonie, là aussi à distance. Le pays permet donc à des entrepreneurs internationaux d’accéder au marché européen sans même s’y rendre physiquement. Ce programme a permis la création de plus de 25 000 entreprises par 100 000 e-résidents de plus de 170 pays[1].

En plus de l’e-residency, l’Estonie propose un système de visas dédiés aux startups (startup visa et scale up visa), qui ne sont pas soumis aux quotas de visas classiques et qui doivent permettre aux entreprises estoniennes de recruter des travailleurs étrangers qualifiés.


[1] En janvier 2024, on dénombre 1554 entreprises créées par des e-Résidents de nationalité française.

Liste de licornes estoniennes : https://investinestonia.com/the-full-list-of-estonian-unicorns/

 

 

Rédaction : SE de Tallinn, SER de Varsovie

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