Situation économique

 

En 2023, l'économie dominicaine a connu un ralentissement significatif, avec un taux de croissance du PIB estimé à 2,4 %, contre 4,9 % en 2022. Ce ralentissement est attribué à un maintien du resserrement des conditions financières mondiales et à une baisse de la demande externe, qui ont particulièrement impacté les exportations, notamment de produits miniers. On assiste par contre en 2024 à une forte reprise avec un taux de croissance de 5%, soutenu par le secteur touristique et l’augmentation du nombre de visiteurs (11,2 millions). Toutefois, des risques subsistent, notamment des performances économiques mondiales incertaines. La réforme fiscale tant attendue, qui visait notamment à augmenter la très faible pression fiscale (moins de 15% du PIB), a été suspendue le 19 octobre dernier alors que le budget 2025 a fait l’objet de certains ajustements.

 

1. Une croissance économique solide

L’économie dominicaine, qui a ralenti fortement en 2023, avec une croissance de 2,4 % (contre 4,9 % en 2022), est retournée à sa tendance de 5 % en 2024. La République Dominicaine a été l’une des économies les plus résilientes et dynamiques de la région Amérique Latine et Caraïbes au cours de ces vingt dernières années. En moyenne, sur cette période, la croissance économique a été de 5 % (contre 2,5 % pour la région), le PIB par habitant a plus que doublé (de 9 650 à 21 660 USD[1]), et la pauvreté a été diminuée de moitié (de 40 à 20 % environ), permettant au pays de se classer parmi les économies à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Cependant, les disparités dans l'accès aux opportunités économiques et aux services publics restent profondes. Les taux de pauvreté demeurent encore élevés, en particulier dans les zones rurales (qui regroupent près de 20 % de la population) avec un taux de pauvreté de 56 % selon le FIDA (Fonds international de développement agricole). La solidité du cadre macroéconomique dominicain a été encouragée par une politique budgétaire prudente, une politique monétaire adaptée et un taux de change suffisamment flexible[2]. Ces facteurs, associés à une réponse ciblée des autorités lors de la pandémie, ont permis de limiter l’impact du choc Covid sur l’économie en 2020 (récession à -6,7 % du PIB) et ont favorisé le maintien de la stabilité macroéconomique depuis, malgré un environnement international difficile. La reprise postpandémique a été forte, avec un taux de croissance du PIB de +12,3 % en 2021, puis de +4,9 % en 2022 (contre +7 % et +4 % respectivement pour la région), tirée par les services et l’industrie manufacturière (zones franches).

Après le ralentissement de l’activité économique en 2023 en raison du resserrement des conditions financières et de la baisse de la demande mondiale entraînant la chute des exportations, la croissance économique a de nouveau accéléré en 2024 (variation cumulée interannuelle de 5% à décembre 2024). Cette croissance est principalement soutenue par les services (+5,4% de janvier à novembre) et surtout les bonnes performances du secteur touristique (+9,6%, 10,9 Mds USD de revenus sur l’année 2024), le bon comportement des zones franches (8,5 Mds USD d’exportations en 2024), alors que les flux de remises des expatriés auraient atteint 10,5 Mds USD en 2024, en hausse de 5,9% par rapport à 2023.

Par ailleurs, le pays a poursuivi ses efforts pour maîtriser l’inflation dans un contexte économique mondial complexe. L’inflation est retournée dans la fourchette cible (de 4 % +/- 1pp) dès mai 2023, date marquant également le début du cycle de normalisation, le taux d’intérêt directeur ayant depuis été ramené à 5,75 %, sans effet observé sur les mouvements de capitaux. La BCRD souligne à ce titre l’importance d’une normalisation prudente et graduelle. En 2024, l’inflation a poursuivi sa décélération, à 3,35% en variation annuelle.

En outre, les effets du desserrement monétaire de la banque centrale, opéré depuis mai 2023, ainsi que la mise en place d’une facilité de liquidité ont permis d’encourager l’investissement. La hausse de l’investissement public, favorisé par le contexte électoral, a par ailleurs soutenu la croissance afin d’améliorer les services offerts aux Dominicains (transport, santé, éducation, …). Les Investissements Directs Etrangers (IDE) seraient supérieurs à 4,5 Mds USD l’an dernier, couvrant ainsi le déficit courant.

Si les perspectives économiques de la République Dominicaine sont encourageantes, de nombreux risques pèsent sur la croissance à moyen terme, dont : l’intensification des conflits (entre la Russie et l’Ukraine mais également au Moyen-Orient), qui déboucherait sur une nouvelle flambée des prix du pétrole, et limiterait le pouvoir d’achat des ménages ; la nouvelle politique protectionniste des Etats-Unis; la survenue d’évènements climatiques extrêmes, qui affecteraient la production agricole domestique, les exportations, et le secteur du tourisme[3]; ou encore une éventuelle détérioration des finances publiques, la réforme fiscale tant attendue ayant été retirée quelques jours après sa présentation.


[1] Donnée en parité de pouvoir d’achat, issue du World Economic Outlook d’Avril 2024.

[2] Le régime de change de jure de la République dominicaine admet une flexibilité limitée, et est classé comme "flottement géré".

[3] Le pays est l’un des plus exposés aux catastrophes naturelles, avec des pertes économiques annuelles estimées par le FMI entre 0,1 et 0,5 % du PIB.

2. Des finances publiques viables

Les finances pubques sont jugées viables par le FMI, les ratios de dette et de déficit devraient maintenir une trajectoire baissière ces prochaines années et retrouveraient leur niveau prépandémique en 2027. La dette publique a atteint un pic en 2020 à 71,1 % du PIB (contre 53,3 % l’année précédente), en raison des dépenses d’urgence déployées durant la pandémie. Si une consolidation a rapidement été engagée, avec une diminution de la dette à 60,3 % du PIB en 2023, les dépenses de soutien aux ménages dans le contexte d’une inflation persistante ont entraîné une détérioration du déficit public à -3,3 % du PIB en 2023 avant une réduction à 3,1% en 2024 et 3% prévu en 2025.  

Le budget 2025 s’élève à 1 681 Mds DOP, soit 26,1 Mds €. Le retrait de l’ambitieux projet de réforme fiscale,  qui visait notamment à augmenter la très faible pression fiscale (de 14,9% à 16,4% du PIB), a été suspendue  le 19 octobre dernier, entrainant la révision de ce budget, avec la nécessaire optimisation des dépenses et l’arrêt ou la suspension de certains projets d’infrastructures. Des mesures alternatives devraient être mises en place afin de renforcer les recettes fiscales sans imposer une lourde pression sur les classes populaires ou les secteurs économiques les plus vulnérables : renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale (qui atteint 47 % sur la TVA et 63 % sur l'impôt sur le revenu), élargissement de la base fiscale, utilisation des technologies numériques pour améliorer la collecte des impôts, renforcer la transparence et réduire l’informalité économique (60% de la population active travaille dans le secteur informel), révision ciblée des exonérations fiscales et des régimes préférentiels… 

3. L'amélioration de la position extérieure

En 2023, la position extérieure de la République Dominicaine s’est améliorée avec une réduction du déficit courant à 3,6 % du PIB (contre 5,8 % en 2022), principalement en raison de la baisse des importations due au ralentissement de l'économie nationale et à la diminution des prix de l'énergie, ce qui a allégé le déficit commercial. Par ailleurs, l'excédent des services s'est accru, porté par des recettes record dans le secteur du tourisme. Le déficit courant a été financé par d’importantes entrées d’investissements directs étrangers en 2023 (4,4 Mds USD) et 2024 (4,5 Mds USD).

Cette amélioration de la position extérieure s’est pousuivie en 2024, avec un déficit courant réduit à 3,4 % du PIB et qui diminuerait progressivement à 2,8 % du PIB d’ici 2028 selon le FMI. Ceci serait notamment favorisé par la bonne tenue des transferts de fonds de migrants (plus de 10 Mds USD), une facture d’importations moins élevée, et une amélioration des exportations et des recettes touristiques. Le déficit courant continuerait d’être financé principalement par les IDE, favorisant la poursuite de l’accumulation de réserves de change, dont la couverture devrait rester adéquate à moyen terme. La dette externe est sur une trajectoire haussière depuis 2022 du fait des emprunts nécessaires pour financer les mesures de soutien économique depuis la pandémie et les projets d'infrastructures ; elle représentait 43,3 % du PIB en 2023 (contre 40,5 % du PIB l’année précédente).

En raison de son exposition géographique, la République Dominicaine est particulièrement vulnérable aux effets du dérèglement climatique, ce qui représente un danger pour la position extérieure du pays et les finances publiques. La République Dominicaine est l’un des pays les plus exposés aux catastrophes naturelles, avec des pertes économiques annuelles estimées entre 0,1 et 0,5 % du PIB par la Banque mondiale. Face aux risques climatiques, l’investissement dans des infrastructures résilientes, ainsi que le recours à l’assurance contre les catastrophes, sont essentiels pour protéger les infrastructures publiques et permettre de soutenir les populations touchées, tout en préservant la viabilité extérieure et budgétaire du pays.

4. Des réserves internationales en augmentation

Après une appréciation de 6,3 % en 2022 due à la résilience des transferts de fonds de migrants et de la robustesse des IDE et des investissements de portefeuille, le taux de change effectif réel s’est déprécié face au dollar en 2023 (environ 3 %) puis 2024 (environ 5%). Cette dépréciation a rendu les exportations plus compétitives mais a également accru le coût des importations, aggravant les pressions inflationnistes dans le pays.

Bien qu’officiellement la République Dominicaine dispose d’un taux de change flottant, dans les faits, il correspond davantage à un « crawl-like arrangement », soit une fluctuation administrée. Les autorités monétaires restent fermement engagées à promouvoir une plus grande flexibilité du taux de change afin de renforcer son rôle d’amortisseur de chocs, conformément aux recommandations du FMI.

Les réserves internationales se mantiennent à un niveau satisfaisant, 13,4 Mds USD en fin d’année 2024. Les ratios de couverture sont ainsi restés nettement supérieurs aux exigences règlementaires (5 mois d’importations, contre un seuil à 3 mois défini par le FMI). Le niveau des réserves a été soutenu par les fortes entrées d’IDE, et les achats de la Banque centrale.

5. Un secteur financier sain

Le secteur financier est sain, correctement capitalisé, liquide et rentable. Les actifs des banques commerciales représentent 52 % du PIB et 88 % des actifs du secteur bancaire. Ce-dernier est très concentré, autour de trois banques principales (Banreservas – 32,6 %, Banco Popular – 22 %, et BDH Leon – 15,8 %). Les ratios d'adéquation des fonds propres (17,6 %), et de liquidité (25,9 %) dépassent confortablement les exigences règlementaires (14,5 % et 20 % respectivement). Par ailleurs, le taux de prêts non performant continue de décroître, atteignant 1 % en 2023 (soit le niveau le plus bas historiquement), avec un taux de provisionnement supérieur au niveau prépandémique. Enfin, le secteur est rentable (ROE-Retour sur capitaux propres- à 26,3 % en 2023 contre 23 % fin 2022). Grâce à ces amortisseurs, le système bancaire a fait preuve d'une forte résilience lors des récents stress tests. En outre, le secteur financier de la République dominicaine ne semble pas avoir de liens directs avec les institutions financières américaines ou européennes qui ont connu des difficultés au cours des deux dernières années. Enfin, les autorités du secteur financier ont un programme visant à renforcer les outils macro prudentiels, les cadres de simulation de crise et une feuille de route pour la mise en œuvre de Bâle II/III et des normes IFRS (normes internationales d'information financière).

L’environnement des affaires ne présente pas d’amélioration significative. La République Dominicaine se classe 115ème dans le dernier classement Doing Business de la Banque mondiale[1]. Des faiblesses subsistent notamment sur : (i) l’approvisionnement en électricité ; (ii) la fiscalité ; ou (iii) les formalités administratives et l’exécution des contrats.

La République dominicaine connaît un niveau d’informalité élevé, et souffre toujours de corruption. Le taux d’informalité atteint 50 % au second semestre 2024, en baisse de 0,2 % en g.a.. Par ailleurs, le trafic de drogue et la criminalité pèsent sur la stabilité du pays. Si les institutions demeurent en partie peu efficaces et parfois corrompues, une certaine amélioration transparaît dans les classements par rapport à 2022 :  le pays est désormais classé 108/180 pour la perception de la corruption (contre 123 en 2022) et affiche un score de 35/100, soit une hausse de 3 points par rapport à l’année précédente, traduisant une baisse légère de la corruption[2] .

6. La République dominicaine toujours confrontée à la crise haitienne
 

Le président de centre-gauche Luis Abinader (du PRM, Partido Revolucionario Moderno), qui a pris ses fonctions en août 2020 et a été réélu en 2024, jouit d’une solide majorité au Congrès. Il a pu conserver une grande popularité grâce à l’une des campagnes de vaccination contre la COVID-19 les plus rapides des Caraïbes et au fort rebond économique que le pays a connu en 2021 et en 2022. Son intransigeance vis-à-vis de l’immigration haïtienne contribue par ailleurs à conserver le soutien de la population.

Les tensions avec Haïti demeurent en effet élevées. L’assassinat du président haïtien, Jovenel Moïse, en juillet 2021, avait exacerbé la situation avec la forte dégradation de la situation sécuritaire et l’arrivée sur le sol dominicain de nombreux ressortissants haïtiens illégaux. La frontière est quasiment fermée depuis plusieurs mois et, malgré la mise en place d’un nouveau gouvernement en juin dernier et l’arrivée des premiers contingents de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, les perspectives d’amélioration de la situation demeurent très incertaines. Ce conflit entraine des conséquences néfastes pour les deux protagonistes : de nombreuses entreprises dominicaines dépendent du commerce transfrontalier avec Haïti (en principe plus de 1 Md USD d’exports/an, 900 MUSD en 2024) et de la main-d'œuvre journalière haïtienne ; du côté haïtien, l’impact est également très marqué, avec la réudction d’importations en provenance de la République dominicaine, dont de nombreux produits essentiels comme la nourriture, le matériel médical et les médicaments. La volonté du gouvernement dominicain d’expulser 10 000 migrants illégaux par semaine devrait encore compliquer cette situation.

 

 



[1] Le dernier rapport Doing Business a été publié en 2020. Il n’a pas été reconduit par la Banque mondiale depuis.

[2] Indice de Perception de la Corruption – Transparency International

 

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