RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
Situation économique
La République dominicaine a été l’une des économies les plus résilientes et dynamiques de la région Amérique Latine et Caraïbes ces vingt dernières années, avec une croissance économique moyenne de 5 % (2,3 % pour la région), un PIB par habitant ayant plus que doublé (à 10 700 USD), et une baisse du taux de pauvreté de près d’un tiers (40 à 28 %), permettant au pays de se classer parmi les économies à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Depuis la pandémie, le maintien de la stabilité macroéconomique, malgré un contexte international difficile, a été encouragé par une politique budgétaire prudente et une politique monétaire adaptée. L’économie a toutefois ralenti en 2023 et reste confrontée à d’importants défis pour stimuler son potentiel de croissance et renforcer sa résilience climatique.
1. Les fondamentaux macroéconomiques demeurent solides malgré la succession de chocs externes
1-1 : La croissance économique a ralenti en 2023 mais retournerait à sa tendance de 5 % dès 2024 :
Si la reprise postpandémique a été l’une des plus fortes de la région (+12,3 % en 2021 puis +4,5 % en 2022, contre
-6,7 % en 2020), l’activité dominicaine a fortement ralenti en 2023, avec un taux de croissance de +2,4 %, bien inférieur à la tendance. Il s’agit de la plus mauvaise performance de l’économie dominicaine depuis la crise financière mondiale de 2008, sans tenir compte de la contraction enregistrée en 2020. Le ralentissement observé en 2023 est lié : (i) à une chute des exportations de biens (-10 % g.a. en 2023), liée d’une part à la fermeture des frontières avec Haïti (qui reçoit 10 % des exportations totales), et d’autre part à la baisse des exportations aurifères (-16 % g.a., tandis que l’or figure parmi les premiers postes d’exportation du pays[1]) ; et (ii) à une contraction du secteur manufacturier et du secteur de la construction alors que ce-dernier représente 15 % du PIB, pénalisés par les effets différés du resserrement des conditions financières. Selon le FMI, le retour à la tendance de 5 % serait prévu dès 2024, encouragé par une reprise économique mondiale généralisée, qui renforcerait les revenus du tourisme (6,5 % du PIB), la vigueur de l’investissement privé, ou encore une hausse des dépenses publiques dans le cadre de l’année électorale (cf infra).
1-2 : En dépit de la crédibilité de la politique monétaire et de la maîtrise de l’inflation, selon le FMI, il subsiste un besoin de recapitaliser la Banque centrale et d’instaurer une plus grande flexibilisation du taux de change :
Combiné à des mesures budgétaires ciblées (cf infra), le cycle de resserrement monétaire de la Banque centrale de République dominicaine (BCRD) a favorisé une rapide maîtrise de l’inflation. En raison de son caractère insulaire, la forte dépendance du pays à l’importation d’hydrocarbures et de produits alimentaires a entraîné une accélération de l’inflation dès le S2 2021, renforcée en 2022 par les conséquences du conflit russo-ukrainien et par l’inflation importée des Etats-Unis, principal partenaire commercial du pays. En réaction, la BCRD a débuté son cycle de resserrement monétaire en novembre 2021, portant son taux de référence à 8,5 % en octobre 2022 (+550 pdb). L’inflation est retournée dans la fourchette cible (de 4 % +/- 1pp) en mai 2023, date marquant également le début du cycle de normalisation, le taux d’intérêt directeur ayant depuis été ramené à 7 %, sans effet observé sur les mouvements de capitaux. La BCRD souligne à ce titre l’importance d’une normalisation prudente et graduelle. En décembre 2023, l’inflation s’établissait à 4,8 % en moyenne sur 12 mois.
Une assistance technique du FMI devrait déboucher sur un accord entre le Ministère de l’Economie et la BCRD pour une recapitalisation de cette dernière. Selon la Banque centrale, une nouvelle loi pour la recapitalisation, laquelle renforcerait considérablement son autonomie, pourrait être validée au S2 2024, après les élections présidentielles.
La BCRD ne suit pas de cible de change mais admet une politique d’intervention active sur le marché cambiaire, avec un régime qualifié de « semi-flottant » par le FMI. Les autorités monétaires démontrent toutefois un engagement ferme en faveur d’une plus ample flexibilisation du change, avec l’idée de tendre vers un régime flottant, continuant ainsi de limiter leurs interventions. A ce titre, une plateforme d’échange de devises a notamment été instaurée. Dans le cadre du régime de change en vigueur, et pour faciliter l’absorption de chocs, les réserves internationales se sont améliorées et atteignent désormais 13,8 Mds USD (mars 2024), ne représentant plus un risque selon le FMI et la BCRD.
1-3 : Un secteur bancaire sain mais fortement concentré et participant peu au financement du secteur privé:
Le secteur financier est sain, correctement capitalisé, liquide et rentable mais participe faiblement au financement du secteur privé. Les banques commerciales représentent 90 % des actifs du secteur bancaire. Ce-dernier, composé de 45 entités (contre 54 en 2019), se concentre autour de trois banques (Banreservas – 34 % des actifs, Banco Popular - 21 %, et BDH Leon – 15,5 %). Au T4 2023, les ratios d'adéquation des fonds propres (16,1 %) et de liquidité (25 %) dépassent confortablement les exigences règlementaires (14,5 % et 20 % respectivement), et le taux de prêts non performant continue de décroître, à 1,2 % (soit son plus faible niveau depuis 2020), avec un taux de provisionnement supérieur au niveau prépandémique. Enfin, le secteur est rentable (ROE à 26,4 % au T4 2023 contre 23 % fin 2022). Grâce à ces amortisseurs, le système bancaire a fait preuve d'une forte résilience lors des récents stress tests, et aucune perturbation n’a été enregistrée suite aux faillites d’institutions financières américaines et européennes début 2023. Outre la forte concentration du système, qui constitue un risque systémique, il convient de souligner que le crédit au secteur privé ne représente que 25 % du PIB, contre 37 % du PIB au Guatemala, ou 49 % au Costa Rica et El Salvador
[1] La chute des exportations d’or serait liée à une baisse de la production, en raison de retards dans l’octroi de permis environnementaux nécessaires à l’exploitation de la principale mine du pays.
2. L'inéluctabilité d'une réforme fiscale pour accompagner l'assainissement des finances publiques
2-1 : Les finances publiques demeurent saines et ne constitueraient pas un risque pour la stabilité à moyen terme :
Les finances publiques sont jugées viables par le FMI, les ratios de dette et de déficit devraient maintenir une trajectoire baissière ces prochaines années, et retrouveraient leur niveau prépandémique en 2027. La dette publique a atteint un pic en 2020 à 56,6 % du PIB, en raison des dépenses d’urgence déployées durant la pandémie (3,5 % du PIB). Mais une consolidation a rapidement été engagée, entrainant une diminution de la dette à 44,7% en février 2024. La discipline budgétaire a par ailleurs permis de réduire le déficit de -3,3% du PIB en 2022 à -3,1% en 2023. La vulnérabilité de la dette au risque de change s’est modérée ces dernières années, avec une diminution de la part de la dette libellée en monnaie étrangère. Si cette année le gouvernement a continué de dépendre fortement des emprunts extérieurs et multilatéraux, une euro-obligation émise en septembre 2023 a permis de réduire progressivement la part de la dette publique en devises étrangères (à 68 % fin 2023 contre 75 % en 2019). Les emprunts sur le marché local ont également augmenté l’an dernier, représentant 30 % du total des emprunts nets.
2-2 : Une réforme fiscale ambitieuse paraît essentielle pour assurer la charge élevée d’intérêts et pour répondre aux besoins du pays en matière de capital humain et d’infrastructure :
Malgré les efforts de rationalisation des dépenses, la marge de manœuvre budgétaire est fortement réduite par une charge d’intérêt croissante et par une trop faible pression fiscale (13 % du PIB, contre 24 % en moyenne régionale). Les intérêts sur la dette représentent 21 % des recettes publiques et devraient continuer de peser lourdement sur le budget, avec une augmentation progressive de ce ratio à 24 % d’ici 2026. Par ailleurs, la très faible pression fiscale résulte de nombreuses exonérations de la TVA et de l’impôt sur le revenu, ainsi que d’un seuil élevé pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques. En conséquence, une réforme fiscale, longtemps repoussée, devrait compter parmi les priorités de la prochaine administration, afin de renforcer la consolidation budgétaire et les dépenses en capital humain et physique. Une telle réforme fait partie des conditions nécessaires à l’octroi du grade d’investissement par les principales agences de notation[1].
[1] Fitch et S&P ont récemment réhaussé leurs perspectives de stable à positive (BB). D’importantes réformes restent à élaborer dont : (i) une réforme fiscale ; (ii) la recapitalisation de la Banque centrale ; et (iii) un renforcement du niveau des réserves de change, toujours inférieure à la moyenne régionale.
3. Des réformes structurelles cruciales pour stimuler la croissance et renforcer la résilience climatique
3-1 : Formaliser l’emploi et améliorer la qualité de l’éducation pour renforcer le capital humain :
En dépit des taux de croissance robustes de l’économie dominicaine, le taux d’informalité demeure élevé, à 57 % de la population active, une proportion quasiment inchangée en dix ans. Cette caractéristique reflèterait notamment de faibles incitations fiscales pour les entreprises auxquelles incombent des taxes élevées, mais aussi pour les travailleurs compte tenu du faible accès à la sécurité sociale. Selon le Ministère de l’Economie, la croissance économique s’est en outre focalisée sur le secteur des services, lequel concentre l’essentiel des travailleurs informels. Le secteur de l’éducation, qui compte parmi les plus gros postes de dépenses budgétaires (4 % du PIB) et qui a fait l’objet d’une réforme dans le cadre de la stratégie de développement nationale, admet d’importantes lacunes. Malgré un taux d’alphabétisation de 90 %, la qualité de l’éducation est insuffisante et constitue un enjeu majeur compte tenu des conséquences sur le marché du travail et sur la productivité. En 2023, la République Dominicaine se classe ainsi avant-dernière sur les 72 participants à l’enquête PISA de l’OCDE. Selon nos interlocuteurs, ce résultat serait lié à une trop grande part des dépenses allouées aux infrastructures plutôt qu’à la formation des enseignants.
3-2 : Améliorer la qualité des services publics :
Selon les bailleurs multilatéraux, le renforcement de la qualité des services publics représente l’un des principaux enjeux pour le pays, notamment pour le secteur de l’électricité. Celui-ci est déficitaire, malgré la mise en œuvre du pacte d’électricité, et des pertes élevées sont observées, en lien avec les fuites de transmission, les vols et la non-facturation, constituant une importante vulnérabilité budgétaire (1,4 % du PIB en transfert). Des besoins substantiels sont également nécessaires pour améliorer le secteur de l’eau, du traitement des déchets, et des transports.
3-3 : Adaptation aux effets du dérèglement climatique :
La République Dominicaine est très exposée aux effets du dérèglement climatique, ce qui constitue une menace pour l’équilibre extérieur et budgétaire du pays. Les pertes économiques annuelles associées aux évènements climatiques sont estimées entre 0,1 - 0,5 % du PIB par la Banque mondiale, et représentent un risque permanent pour les secteurs de l’agriculture (5,8 % du PIB) et du tourisme (6,5 % du PIB). L’investissement dans des infrastructures résilientes, et le recours à l’assurance contre les catastrophes naturelles, constitue une priorité du gouvernement pour protéger les infrastructures domestiques et soutenir les populations. Les autorités réfléchissent à intégrer au Budget un poste dédié aux catastrophes naturelles et à proposer une solution de tourisme durable.