Une ambition climatique justifiée par les risques élevés de catastrophes naturelles et soutenue presqu’exclusivement par les bailleurs

Bien que Djibouti soit un faible émetteur de gaz à effet de serre, le pays s’est engagé dans une politique environnementale de grande ampleur, avec notamment une ambition de 100 % de l’énergie consommée à Djibouti produite via des énergies renouvelables d’ici 2035. En effet, le pays reste fortement exposé aux risques environnementaux (sécheresses et inondations), aggravés par le réchauffement climatique. Les bailleurs comme les entreprises sont très présents sur ce secteur avec de nombreux projets.

Une vulnérabilité importante aux catastrophes naturelles qui justifie le volontarisme du gouvernement sur le secteur environnemental

Djibouti est un faible émetteur de gaz à effet de serre (GES), ses émissions annuelles étaient estimées à 490 ktCO2èq en 2018 contre 370 ktCO2èq en 2000, soit 0,00001 % du volume mondial en 2018.  Les émissions de CO2 par habitant s’élevaient ainsi à 0,5 tonne, soit moins de 1/10 de la moyenne mondiale. Cela s’explique notamment par le faible niveau d’industrialisation du pays (16 % du PIB en 2020), l’économie étant dominée par le secteur des services et en particulier par les activités portuaires. Djibouti ne dispose pas de ressources de pétrole, de gaz, ou de charbon. Bien que ses émissions soient faibles, dans sa NDC de 2015, Djibouti s’est engagé à réduire ses émissions de 40 % d’ici 2030.

Le climat est majoritairement tropical de type semi-désertique (90 % du territoire est désertique, 9 % de terres arables et 1 % de forêts), ainsi, le pays est particulièrement concerné par les risques climatiques dont les principaux sont : i) les périodes de sécheresse (relativement fréquentes : 1989, 1994, 2004, 2005) ; ii) la réduction des ressources en eau[1] ; iii) les fortes inondations ; iv) la hausse du niveau de la mer ; v) et la salinisation des ressources en eau. Ces risques affectent négativement divers secteurs économiques, tels que la santé, l'agriculture, l'élevage, l'environnement, et le tourisme.[2] Ainsi, d’après l’Index de la Banque mondiale ND-GAIN[3] qui mesure la vulnérabilité d’un pays au changement climatique et sa capacité de résilience, en 2019, Djibouti se situait à la 117ème place sur 181, ce qui en fait un pays « fortement vulnérable » aux impacts du changement climatique.

Une ambition climatique soutenue par des bailleurs internationaux

Le gouvernement djiboutien a ratifié la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) en 1995 et l’Accord de Paris de 2015.

Plusieurs stratégies nationales ont été élaborées : la stratégie nationale pour une économie verte (SNEV), la stratégie nationale pour la biodiversité, la stratégie nationale sur les changements climatiques et le programme Vision 2035 qui comprend également un volet environnement. Les principaux objectifs de la NDC de 2015 étaient : i) la réduction de la vulnérabilité aux sécheresses ; ii) la protection contre l’élévation du niveau moyen des mers ; iii) le développement de l’accès à l’eau ; iv) la protection de la biodiversité ; v) le renforcement de la résilience des populations rurales. Néanmoins, les objectifs nationaux sont rarement atteints en raison des faibles capacités institutionnelles et de financement de l’État. Des bailleurs multilatéraux tels que l’Alliance mondiale contre le changement climatique, le Fonds international de développement agricole, le programme des Nations Unies pour l’environnement, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le PNUD ou l’UNICEF[4], interviennent principalement à travers des programmes et projets pluriannuels. L’AFD est active sur ce secteur notamment dans le cadre de son soutien au développement urbain intégré et aux villes durables au côté de l’Union européenne. Ainsi, dans le cadre du programme de coopération conjoint de l’Union européenne avec Djibouti (2021-2027), un des trois domaines prioritaires concerne la prévention des inondations et les thématiques de l’eau et l’assainissement solide et liquide.

En 2015, d’après le gouvernement djiboutien, les projets d’adaptation en cours de mise en œuvre représentaient environ 100 MEUR, ce qui correspondrait seulement à 12 % du montant total d’investissements nécessaires pour l’adaptation dans le cas d’un scénario de réchauffement climatique de +2°C, et seulement 7,5 % dans le cas du scénario + 4°C. Par ailleurs, selon le gouvernement, si des mesures d’adaptation ne sont pas prises, le coût des dommages pourrait s’élever à 5 Mds USD par an en moyenne entre 2010 et 2060 dans le scénario à + 2°C (soit plus que le PIB actuel). Dans la NDC de 2015, le financement domestique envisagé par le gouvernement n’est pas précisée.

Un domaine porteur pour les entreprises françaises

Plusieurs entreprises françaises, mais aussi espagnoles et américaines envisagent ou ont déjà investi dans le secteur de l’environnement et de l’adaptation ou atténuation du changement climatique: i) construction d’une usine de dessalement, alimentée par des énergies renouvelables, à Doraleh[5] par le consortium Eiffage – Tedagua ; ii) extension des réseaux d’eau potable[6] ; iii) construction d’une station d’épuration à Balbala et Douda pour limiter la pollution des eaux ; iv) et projet PERRAD de renforcement du réseau d’assainissement de Djibouti. En outre, Djibouti développe des infrastructures d’énergies renouvelables, notamment pour limiter sa dépendance aux importations d’hydroélectricité depuis l’Éthiopie. Cette stratégie s’inscrit dans les projets suivants : i) construction de deux centrales solaires avec stockage à Obock (1 MW) et à Tadjourah (2 MW) menée par la co-entreprise Ausar-Equity/EDD ; ii) parc éolien dans la région du Ghoubet (60 MW) qui sera construit par l’entreprise espagnole Siemens Gamesa ; iii) centrale biomasse (50 MW) près de Damerjog qui sera mise en œuvre par l’américain CR Energy Concepts LLC.



[1] Djibouti dispose de très peu de rivières et de lacs dont les réserves ne s’évaporent pas en raison de la chaleur et les ressources en eau restent ou deviennent souvent salées de par la proximité avec la mer Rouge.

[2] Djibouti essaie de développer son secteur touristique notamment en construisant des complexes hôteliers de luxe sur la côte.

[3] Plus le score du pays est faible, plus le pays est considéré comme vulnérable aux impacts liés au changement climatique.

[4] Pour plus d’informations, voir la liste des projets cités dans le rapport suivant : CPDN Djibouti_9 - CPDN - Format pour soumission CCNUCC.pdf (unfccc.int) 

[5] La phase I du projet de construction d’une usine de dessalement à Doraleh a été achevée en mars et livrée en juillet 2021 (capacité de 22 500 m3 d’eau par jour pour l’ensemble de la capitale).

Eiffage exploite désormais l’usine pendant 5 ans.

[6] Projet Fades III.

Publié le