DJIBOUTI
Un secteur aéroportuaire limité qui devrait faire l’objet d’expansion pour positionner le pays en hub logistique régional
Pays de faible superficie, Djibouti dépend entièrement de l’aéroport d’Ambouli pour sa connectivité aérienne internationale. Les perspectives de développement du secteur aéroportuaire sont contraintes, sur le segment passager, par un trafic dont la progression est plafonnée en raison de la faible demande nationale et de l’isolement de Djibouti par rapport à l’hinterland africain. Djibouti semble cibler le fret aérien et l’intermodalité mer-air afin de se constituer en premier hub logistique de la région.
Un trafic aérien faible et concentré sur l’unique aéroport international du pays
Le secteur aéroportuaire djiboutien se situe en retrait du reste des moyens logistiques de l’économie djiboutienne, faute d’un trafic en l’état suffisant pour justifier son expansion. Malgré quelques aérodromes dispersés dans le pays (Obock, Tadjoura, Dikhil, Chaballey. Ali-Sabieh notamment), l’aéroport d’Ambouli, seul aéroport international du pays, situé à 10 km de la capitale, concentre la quasi-intégralité du trafic aérien de Djibouti, qui représentait 426 854 passagers en 2019[1] (en augmentation ; +35,6% par rapport à la performance de 2017) pour une capacité de 400 000 passagers annuels. L'aéroport opère des vols civils mais aussi militaires (75% de l’activité de l’aéroport en 2017) et du fret aérien (entre 600 et 4300 T selon les sources en 2021). La gestion de l’aéroport est assurée par l’entreprise publique Aéroport International de Djibouti (AID), détenue à 100% par le gouvernement mais qui est visée par les programmes de privatisation lancés à la fin des années 1990. Les services d'assistance en escale (ground handling) sont assurés par Air Djibouti pour l'embarquement/débarquement des passagers ainsi que le fret et par et Rubis et Enoc pour l'avitaillement en carburant. Notons que l’activité d’Air Djibouti, disposant d’un unique appareil en propre, représente 19,6% du trafic total de l’aéroport, ce qui est inférieur à la part d’Ethiopian Airlines sur l’aéroport (29,6%) mais supérieur à celle d’Air France (1 seul vol hebdomadaire).
La faiblesse de la demande nationale cumulée à un positionnement désavantageux (excentré de l’hinterland africain et frontalier au hub continental d’Addis-Abeba absorbant une grande partie des flux de la région) semble contraindre l’expansion des infrastructures aéroportuaires, sur le segment passager surtout, malgré l’ambition du gouvernement d’attirer 1 M de touristes d’ici à 2035.
Des ambitions de hub logistique régional affichées, devant néanmoins co-exister avec l’offre éthiopienne
Djibouti a entrepris des travaux de réhabilitation de l’aéroport d’Ambouli, aussi bien sur la zone des départs (finalisée) que celle des arrivées. Ces travaux, réalisés par l’entreprise marocaine FEPCO, ne devraient pas augmenter significativement la capacité de l’aéroport mais seulement le moderniser (aménagement de l’extérieur, zone de duty free, salles d’embarquements, zone de transit notamment).
Malgré un dynamisme limité, le secteur aéroportuaire est intégré au plan national « Vision 2035 » qui prévoit la construction de deux nouveaux aéroports : un dans la région d’Obock et un nouvel aéroport international qui se situerait à Bicidley, dans l’hinterland, dans une zone proche de la frontière somalilandaise et du futur complexe portuaire de Damerjog.
Le gouvernement djiboutien porte le projet de nouvel aéroport international depuis au moins 2013, année où une première étude avait été commandée auprès de Lufthansa. Des intérêts chinois[2] et turcs ont par la suite porté le projet, avant la réalisation d’une étude Fasep (toujours en cours) par ADPi et Egis pour la modernisation des capacités aéroportuaires du pays. L’aéroport aurait une forte orientation « fret », au regard de l’ambition du pays de traiter 600 000 t[3] de trafic cargo dès 2025, soit une multiplication par 1000 (ou 140 selon la source) du trafic actuel. L’activité export de l’aéroport pourrait s’appuyer sur la compagnie éthiopienne Ethiopian airlines notamment, dans le prolongement du partenariat signé en 2022 entre Air Djibouti, la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ), le groupe Ethiopian Airlines et la Société de Gestion du Terminal à Conteneurs de Doraleh pour le développement du transport multimodal maritime et aérien dans la région[4]. Le développement de l’intermodalité mer-air à Djibouti pourrait avoir vocation à récupérer le trafic mer-air opéré actuellement à Dubaï[5] pour l’Afrique (850 000 t de marchandises destinées à l'Afrique transiteraient chaque année par Dubaï). Djibouti donnerait ainsi une dimension plus continentale à ses infrastructures portuaires, accaparées en grande majorité (80%) par l’Ethiopie.
Notons que ce nouvel aéroport axé « fret » devra co-exister avec le projet de méga-hub aéroportuaire à Bishoftu (Éthiopie) porté par Ethiopian Airlines.
La question du financement de ce projet, et des projets d’infrastructures aéroportuaires, demeure au regard de la très faible marge de manouvre financière des autorités djiboutiennes sur fonds propres, obligeant l’Etat à réfléchir avec ses créanciers externes s’agissant de son développement aéroportuaire.
Mars 2023.
[1] Institut National de la Statistique de Djibouti, 2021
[2] Ce chantier avait initialement été attribué, selon les annonces presses, au groupe chinois China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC). La pose de la première pierre avait été effectuée par le président de la République le 19 janvier 2015.
[3] Jeune Afrique, « Bolloré, MSC… « En Afrique, les grands armateurs sont devenus les maîtres du jeu », 2022
[4] Essentiellement en provenance des ports chinois, les marchandises arrivées au port de Doraleh sont acheminées vers l’aéroport de Djibouti (par les services de manutention au sol d’Air Djibouti) puis transporté par fret aérien via les vols cargo d’Ethiopian Airlines principalement.
[5] France Info ; « Du bateau à l'avion : Djibouti et l'Ethiopie s'allient pour devenir la plaque tournante du fret en Afrique » ; 2021.