Télécoms : Un secteur monopolisé par un opérateur aux performances limitées et dont l’ouverture à la concurrence se fait attendre

Djibouti a réalisé des avancées significatives dans le déploiement des services de télécommunications depuis les années 2000 (taux de pénétration mobile de 44 % en 2020 et taux d’accès à internet de 59 % en 2019). En outre, grâce à ses connexions à 9 câbles sous-marins et à 2 câbles terrestres, Djibouti dispose d’importantes infrastructures de connectivité internationale. Néanmoins, les prestations de l’unique opérateur détenu à 100 % par l’Etat, Djibouti Telecom, restent encore limitées, malgré des stratégies gouvernementales ambitieuses et des tentatives d’ouverture du capital (40 %) de Djibouti Telecom, qui demeurent sans suite depuis juillet 2021.

Un secteur monopolisé par un opérateur étatique

Détenu à 100 % par l’Etat via le Fonds Souverain de Djibouti, l’unique opérateur de télécommunications et de réseaux mobiles à Djibouti, Djibouti Telecom, fournit tous les services TIC du pays (y compris la téléphonie fixe, les services mobiles et la large bande). Le taux de pénétration mobile à Djibouti reste relativement faible - 43,9 % de la population en 2020, soit près de 434 035 abonnements pour 1 M d’habitants – en constante augmentation depuis 2000 avec une accélération de cette hausse à partir de 2008 (112 848 abonnés en 2008 contre 230 en 2000). Près de 96 % des 434 035 utilisateurs ont recours à un système de recharges prépayées.  

La part de la population utilisant internet s’élevait à 59 % en 2019, l’accès internet à partir de téléphones mobiles reste assez faible avec un taux de pénétration pour 100 personnes de 21,2 % en 2020[1]. Selon le récent rapport de Southbridge,[2] 95 % du territoire est couvert par la 2G, 80 % par la 3G et 75 % par la 4G.

Malgré une accélération récente du développement du secteur qui tente de se dynamiser, les performances de Djibouti Telecom restent limitées. Elles s’expliquent principalement par des coûts élevés des données internet (environ 1,12 USD/GB) par rapport au salaire moyen djiboutien (276 USD par mois), une faible qualité de prestations pratiquées par Djibouti Telecom[3] et à un faible investissement dans le déploiement des infrastructures locales[4]. D’après un récent rapport de la SFI (2022), l’arrivée d’un opérateur supplémentaire entraînerait une réduction de 22 % des prix des télécoms. En outre, d’après l’Indice de développement des TIC[5] de l’Union Internationale des télécommunications Djibouti se positionnerait à la 160ème place sur 183 pays en 2019, soit le rang le plus bas parmi les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire.

Si à l’échelle nationale 4,4 % de la population possèdent un smartphone, il existe d’importantes fractures numériques entre les zones rurales et urbaines (principalement Djibouti-Ville). 

En 2020, Djibouti Telecom a lancé Djibouti Digital Money (D-Money), une plateforme de paiement mobile visant à faciliter les transactions commerciales et à renforcer l’inclusion financière de la population djiboutienne (estimée aujourd’hui à 25 % de la population). Ainsi, l’e-paiement depuis un smartphone est désormais possible dans la capitale et les cinq régions du pays. Parmi les 73 grands utilisateurs du D-Money figurent l’Exim Bank, le Groupe Coubèche, Casino, Cash Center, Beauty Succes, SVAMC, La Grande Récré etc. En outre, deux banques ont signé des partenariats avec D-Money : l’EXIM BANK et la CAC BANK, offrant la possibilité d’utiliser les services D-Money depuis un compte bancaire.

Un déploiement massif des infrastructures de connectivité internationale renforcé par une stratégie gouvernementale ambitieuse

Offres internet mobiles

Données (Go)

Tarif (FDJ)

Validité

Express

1

200

1 jour

Découverte

5

500

3 jours

Evasion

12

1000

7 jours

Confort

20

3000

30 jours

 

Tableau 4 : Djibouti Telecom - Tarifs des offres data mobile
 (200 FDJ = 1 EUR)

Grâce à son positionnement stratégique sur le Golfe d’Aden, Djibouti est relié via deux points d’accès[6] à neuf câbles d’interconnexion sous-marins reliant l’Asie du Sud, le Moyen-Orient, la Méditerranée orientale, à l’Europe et à l’Afrique de l’Est, ce qui permet à Djibouti d’accéder à une capacité de connectivité internationale allant jusqu’à 1 643 Gbit/s (dont seul 39 % est utilisé par Djibouti). Cinq autres câbles sous-marins sont actuellement en cours de réalisation : 2Africa, Africa-1, India Europe Xpress, Raman et SeaMeWe. L’opérateur déploie aussi des câbles terrestres en Ethiopie et Somalie (utilisés à 39,5 %)[7]. En outre, le réseau d’infrastructure de Djibouti Telecom se compose également de 85 antennes relais à travers le pays et d’un data center de niveau III à Djibouti-Ville construit en 2013[8].

 

Pour faire de Djibouti un hub numérique à l’horizon 2035 et placer Djibouti Telecom comme l’acteur majeur de la transformation numérique du pays (objectifs inscrits dans le programme Vision 2035), le gouvernement djiboutien a mis en place une Stratégie nationale de développement des TIC et a adopté en 2014 une feuille de route décennale pour les TIC visant à optimiser les prestations, renforcer l’accès à des services voix et données en adéquation avec les standards internationaux.

 

Une tentative d’ouverture du secteur qui se fait attendre et qui peine à attirer de potentiels investisseurs

 

Attendue depuis le début de l’année 2020, l’ouverture du capital de Djibouti Telecom à un opérateur international privé a été à nouveau annoncée par le gouvernement le 11 juillet 2021 (acquisition minoritaire de 40 %). Un appel à manifestation d’intérêt a été ensuite lancé fin juillet 2021 avec une échéance fixée au 16 septembre 2021, sans qu’il n’y ait eu de suite. A ce stade, aucune entreprise française ne s’est officiellement positionnée sur cet AMI et aucune entreprise française n’aurait opéré dans ce secteur à Djibouti.

 

Figure 7 : Câbles sous-marins connectés à la République de Djibouti

Figure 7 : Câbles sous-marins connectés à la République de Djibouti

 


[1]Selon les chiffres de la Banque mondiale.

[2]Publié en juillet 2021, à la suite de l’annonce d’ouverture du capital de Djibouti Télécom, le rapport de Southbridge (société panafricaine de conseil et d’investissement) dresse un bilan des activités de l’opérateur, en s’appuyant sur les données fournies par Djibouti Télécom.

[3]Coupures du réseau internet récurrentes (au moins une fois par jour), pas d’offre « tout illimité » et consommations plafonnées (y compris pour les box internet à domicile).

[4]L’opérateur concentre l’essentiel de ses investissements sur l’achat de capacité internationale, via des connexions à un grand nombre de câbles sous-marins, alors que les investissements destinés à étendre et à moderniser le marché national demeurent limités.

[5]Cet indice s’appuie sur les critères suivants : i) pourcentage d’accès aux TIC (nombre d’abonnements au téléphone fixe et mobile, pourcentage de ménages avec ordinateur, accès à internet…) ; ii) utilisation des TIC (pourcentage de personnes utilisant internet), ; iii) compétences en TIC (taux d’alphabétisation, taux brut de scolarisation etc.)

[6] Djibouti Télécom a construit la station d’atterrage de câbles de YAC A (Djibouti-Ville) et la station d’atterrage de câbles de Haramous

[7]  Les revenus générés par l’exploitation des câbles sous-marins et terrestres représentent 34 % du CA de Djibouti Telecom en 2019  

[8] Un centre de données de niveau III se définit comme un centre dont les installations ne nécessitent aucun arrêt lorsque les équipements doivent être entretenus ou remplacés.

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