DJIBOUTI
Le secteur du BTP à Djibouti
Porté par l’expansion économique et les grands projets d’infrastructures nationaux, le secteur de la construction a connu une croissance non négligeable sur la dernière décennie et contribue à hauteur de 5,8 % du PIB en 2022. Les ambitions de diversification de l’économie ainsi que les importants besoins en infrastructures générés par l’urbanisation croissante promettent de donner au secteur du BTP un rôle moteur dans l’économie djiboutienne ; le gouvernement ambitionne de porter la part du secteur dans le PIB à 16% d’ici 2035. Le coût élevé des intrants ainsi que le déficit de capital humain pénalisent les entreprises locales, en premier lieu, qui peine à maintenir leur compétitivité face à la concurrence, chinoise notamment.
Un secteur dynamisé par les dépenses publiques mais confronté à un coût des intrants élevé
Le secteur du BTP constitue la principale activité industrielle de Djibouti mais ne représente qu’une part relativement limitée du PIB, le tertiaire et notamment le portuaire restant le pilier de l’économie. Le PIB du secteur de la construction a doublé entre 2013 et 2020 passant de 17,4 M FDJ à 33,05 M FDJ. Sa part dans le PIB a, elle, connu une augmentation plus mesurée au cours de la même période, de 4,8 % du PIB en 2013 à 5,8 % en 2020[1]. Le développement du secteur a été porté par l’avènement des grands projets d’infrastructures nationaux visant à exploiter la rente géographique du pays tel que visé dans la stratégie nationale de long terme "Vision 2035" qui ambitionne de positionner Djibouti comme principal hub commercial et logistique régional. Dans cette stratégie, le secteur du BTP est identifié comme un moteur de croissance et de diversification pour l’économie djiboutienne dont la part dans le PIB doit être portée à 16% à l’horizon 2035.
Djibouti est dépendant des importations de fer et d’acier[2], matériaux indispensables au secteur. Le montant des importations s’est élevé à 452,3 MUSD en 2022, provenant essentiellement de la Chine (71,9%) et de la Turquie (13,6%). Il existe une production locale de ciment issue de deux unités de production : la cimenterie publique d’Ali-Sabieh mise en route en 2013 (capacité annuelle de 240 000 t ; extension en cours) et la cimenterie développée par Nael Cement Products, filiale du groupe émirien Nael General Contracting, et inaugurée en 2013 (capacité annuelle de 220 000 t). Ces deux sites de fabrication fonctionneraient en sous-capacité avec une production agrégée de 190 000 t en 2018[3]. Le secteur est affecté par des coûts de construction importants sous l’effet combiné (i) de prix élevés des matériaux produits localement (industrie énergivore alors même que le coût de l’électricité est très élevé à Djibouti), (ii) des licences d’importation restrictives et des taxes d'importation sur les matériaux importés imposées par le gouvernement pour valoriser la production locale (introduction dans la loi de finances n° 142/AN/21/8e de 2022 d’une surtaxe de 100 % sur les importations d'acier et de ciment). La tonne de ciment se vendait ainsi à 28 000 FDJ sur le marché djiboutien en 2022, soit 22% de plus qu’au Kenya et 55% de plus qu’au Yemen (Banque Mondiale, 2022).
Un marché segmenté et contraignant qui peine à valoriser les entreprises locales
Les acteurs internationaux dans le secteur de la construction à Djibouti sont visibles sur les grands projets d’infrastructures financés par des pays tiers. Le statut de premier bailleur du pays assure à la Chine et à ses entreprises une forte présence. Parmi les contractants principaux chinois, il est possible de citer : China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC) et China Construction Harbour and Channel Engineering Bureau Group Company Limited (port polyvalent de Doraleh), Baoye Huvei Construction (port de Tadjourah) ; ou encore China Civil Engineering Construction Corporation (rail éthio-djiboutien) et Dalian Port Corporation (zone franche internationale de Djibouti).
L’écosystème d’entreprises locales de construction est actif en particulier sur les projets de construction de taille réduite. Plusieurs entreprises de droit local avec un fort ancrage étranger (Dji-Fu Sarl étroitement lié à CCECC ; Cosmezz appartenant au groupe Mezz dirigé par Sergio Mezzedimi, Hawk International & Construction Djibouti rattaché au groupe yéménite Hawk) dominent le marché et interviennent parfois sur financement bailleur (prestation d’Hawk sur le projet de développement urbain PDUI 2 de l’AFD). Il est néanmoins constaté une diminution du nombre de PME formelles dans le secteur en raison du coût élevé des intrants et du manque structurel de compétences professionnelles affectant à la fois la productivité et la qualité de la production et dégradant la compétitivité de ces dernières par rapport aux entreprises internationales. Par ailleurs, le code des Marchés Publics ne prévoit pas de quotas de sous-traitance pour les PME locales. En 2019, 974 entreprises étaient enregistrées dans le secteur de la construction et des travaux publics ; en 2021 seules 151 entreprises restaient actives.
Peu d’acteurs français sont actifs sur ce secteur. Le groupe Vinci est implanté à Djibouti sous la forme d’une succursale depuis 2011 et réalise actuellement des projets hydrauliques pour le compte de l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement de Djibouti à savoir : (i) la construction d’une deuxième station d’épuration des eaux usées située à Balbala) ; (ii) le doublement de capacité de la station d’épuration de Douda (projet PERRAD financé par l’AFD). Egis assure les études et la supervision des travaux pour le projet PERRAD ainsi que la maîtrise d’ouvrage pour la nouvelle station d’épuration de Balbala. Les entreprises françaises Parlym, Negri et Artelia sont, elles, intervenues sur le projet portuaire et industriel de Damerjog, pour de la construction ou de la revue de travaux, aux côtés du marocain Somagec qui a remporté un contrat d’Ingénierie, Approvisionnement et Construction (EPC) pour le développement de la jetée pétrolière et du dépôt pétrolier.
Des besoins importants au regard des ambitions de développement du pays
La volonté structurante du gouvernement de développer le secteur portuaire (complexe industriel de Damerjog), les transports (projet d’un nouvel aéroport près de Damerjog) ainsi que de faire émerger une activité touristique et de moderniser ses infrastructures énergétiques offrent des perspectives d’expansion pour le secteur du BTP.
Le soutien des bailleurs fléché sur des projets d’infrastructures dans différents secteurs est également porteur. S’agissant des infrastructures routières, la Banque Mondiale a approuvé début 2022 un crédit de 70 MUSD visant notamment la réhabilitation et la mise à niveau des tronçons routiers le long du corridor sud Djibouti-Addis Abeba. Djibouti a également bénéficié en 2022 de financements de la Banque Mondiale et de la BAD pour la construction d’une 2ème ligne d’interconnexion électrique avec l’Ethiopie. Plusieurs projets d’infrastructures sont également en développement au niveau de l’AFD : (i) financement d’un nouveau collecteur d’eaux usées à Balbala (10 MEUR délégués par l’UE à l’AFD) ; (ii) construction du nouveau centre d’enfouissement de Djibouti (coût total de 14 MEUR dont 5 MEUR apportés par l’UE et 9 MEUR apportés par l’AFD).
L’inclusivité géographique et sociale des projets d’infrastructures est une préoccupation grandissante des bailleurs et du gouvernement au regard des contrastes de développement au sein du territoire et de la population djiboutienne. En matière de logement particulièrement, Djibouti connaît un déficit important évalué aujourd’hui à 30 000 unités (pour une population de moins d’1 M de personnes). Ce problème devrait s’amplifier au cours des prochaines années et devenir un enjeu majeur pour le développement du pays, en raison notamment de la croissance démographique (1,4 % sans prendre en compte la hausse du nombre de migrants et réfugiés s’implantant à Djibouti, pays de passage) et de la croissance urbaine (1,6 %) ; deux phénomènes qui devraient impacter en premier lieu Djibouti ville. Le gouvernement se saisit de la problématique du déficit de logements abordables via son programme « Zéro bidonville » lancé en 2018 pour contenir l'expansion des logements précaires et informels. La Banque Mondiale a, elle, lancé un projet visant le développement d’outils financiers adaptés pour faciliter l’accès au logement des ménages à faibles et moyens revenus ainsi que favoriser l’implication du secteur privé dans la construction de logements abordables.