Le secteur bancaire djiboutien

Le gouvernement ambitionne de faire de Djibouti un centre financier régional mais de nombreux défis restent à relever : renforcer la liquidité bancaire, étendre l’accès aux services financiers (32,7 % d’inclusion financière), développer et mettre en place une réglementation de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La Banque Centrale de Djibouti, avec le soutien de partenaires, dont notamment la France, travaille en ce sens.

 

Un secteur bancaire qui se consolide  

Le système financier djiboutien est dominé par le secteur bancaire (94,0 % des actifs). Il repose notamment sur 10 banques conventionnelles et 3 banques islamiques[1] actives. Depuis 2006, le secteur bancaire s’est ouvert aux banques étrangères. Les banques islamiques occupent une place importante sur le marché (23 % de l’actif bancaire total en 2018).

Le secteur financier reste solide, avec une augmentation du nombre de banques commerciales (13 en 2021, contre 2 en 2013) permettant de réduire la concentration bancaire et atténuer le risque systémique. En septembre 2022, la Banque pour le Commerce et l’Industrie Mer Rouge (BCI-MR) – détenue à 51% par la BRED - la Bank of Africa (BOA) et la Exim Bank of Djibouti, détenaient collectivement 49 % des parts de marché en termes d'actifs et 43 % en termes de crédit. En outre, leurs ressources représentaient 63 % du total.

A fin décembre 2022, l’actif bancaire total s’élevait à 600,1 Md FDJ (3,37 Md USD) soit 91 % du PIB. Entre 2021 et 2022, les engagements des banques ont progressé de 5,6 %. En revanche, la part du crédit au secteur privé reste bas (18,9 % du PIB à fin 2022) en raison d’une faible offre d’outils de prêts adéquats pour les ménages ou les PME, par ailleurs limitées par leur très fort taux d’informalité. Les prêts se concentrent essentiellement sur les secteurs des transports, de la logistique, des travaux publics et de l’immobilier. 

Les seuils règlementaires de la Banque Centrale de Djibouti (BCD) sont conformes aux accords de Bâle III depuis mars 2019, en matière de ratio d’adéquation du capital (qui doit être supérieur à 12,0 %) et de ratio de liquidité (100,0 %) (Liquidity Coverage Ratio). La capitalisation des banques a augmenté au cours des trois dernières années, renforçant la stabilité financière du pays, ainsi que la qualité du crédit. Le ratio de solvabilité des banques était de 16,0 % en septembre 2023 contre 14,1 % en 2021[2]. Au cours des deux dernières années, les prêts non productifs (PNP) ont chuté de deux tiers pour atteindre environ 4,6 % au T3 2023, reflétant à la fois une baisse des expositions non productives et une augmentation des provisions de crédit. Néanmoins, la liquidité bancaire s'est réduite, les ratios de liquidité des banques étant tombés à 42 % au T3 2023, contre 48 % en 2022 en moyenne, reflétant principalement une érosion progressive des actifs liquides. La base des dépôts à court terme des banques est également relativement importante par rapport aux pays pairs et principalement détenue à l'étranger (en Éthiopie et en Somalie), posant un potentiel risque de transformation.

 

Des efforts croissants dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT)

Djibouti fait face à des menaces de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC-FT) élevées, propres au contexte djiboutien, caractérisé par une forte pénétration des flux financiers internationaux, l’utilisation prédominante d’espèces, l’exposition à la criminalité organisée par le biais du port, et surtout la place de la finance islamique d’origine somalienne, risque non négligeable face la proximité géographique avec les groupes terroristes somaliens (Al Shabab).

Le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) de Djibouti fait l’objet d’une évaluation dans le cadre du Groupe d’Action Financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord (GAFIMOAN), sur un calendrier échelonné entre avril 2023 et novembre 2024. L’évaluation porte à la fois sur la conformité du cadre légal aux recommandations du GAFI et sur l’efficacité de leur mise en œuvre par les autorités du pays.

La France fournit un appui à la préparation et l’accompagnement de l’évaluation de Djibouti par le Groupe d’action financière (GAFI) à travers le Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences (FEXTE), un outil financier de la Direction générale du Trésor mis en œuvre par l’AFD. Le format retenu pour cet appui est celui d’une coopération triangulaire France-Djibouti-Maurice visant à capitaliser sur l’expérience de Maurice, qui est sorti de la liste grise du GAFI en quelques mois, grâce à un soutien technique de la France et une forte mobilisation des autorités locales.

 

L’inclusion financière demeure très faible

Avec un taux de bancarisation de 32,7 % fin 2023 (contre 55% % dans le reste de l’Afrique subsaharienne) l’inclusion financière reste insuffisante. Le PNUD et les autorités djiboutiennes ont élaboré La Stratégie Nationale pour l’Inclusion Financière 2021- 2026, qui a pour objectif de : moderniser le système national de paiement, fournir des produits financiers simplifiés, améliorer les connaissances financières, renforcer l’accès aux instruments financiers des PME. Néanmoins, la faible rentabilité des banques (rendement des actifs de 1,7 % fin 2022) ralentit le processus. Afin de favoriser l’inclusion financière, les banques ont renforcé leurs réseaux d’agences hors Djibouti-ville. Une croissance significative a été observée dans l’offre de services bancaires sur les plateformes numériques avec l’avènement des monnaies électroniques notamment.

La Banque centrale mise en effet sur le digital banking et le mobile-money pour moderniser la structure bancaire du pays même si la demande est encore faible. Malgré le retard cumulé par le gouvernement djiboutien dans le domaine des Fintech en raison de barrières réglementaires, le secteur du mobile-money est en plein essor avec la création en 2020 par Djibouti Telecom de D-Money, venu concurrencer le seul acteur existant dans le domaine à ce jour : Nomadecom. Toutefois, les barrières à la démocratisation demeurent importantes, en raison d’une culture dominée par les paiements en liquide, un faible niveau d’éducation financière et une faible pénétration de l’internet mobile (23% en 2020). L’AFD assiste le gouvernement djiboutien dans le cadre d’un projet d’appui à la réforme du secteur financier. Ce projet vise à soutenir la mise en place d’un système de paiement digital national, appuyer la mise à niveau des règlementations financières et renforcer l’octroi de crédit au secteur productif.

 
Juin 2024.

[1] La Saba African Bank, la Salaam African Bank et la East Africa Bank. Des mesures ont été prises pour encadrer leur activité (Comité National de la Charia au sein de la Banque Centrale de Djibouti).

[2] Banque Centrale de Djibouti, (2023) Rapport annuel 2022.

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