Indicateurs et conjoncture

1. Situation macroéconomique

La stratégie de développement pré-Covid de Djibouti s’est fondée sur d’importants investissements dans les infrastructures qui ont porté la croissance. Djibouti a investi dans des infrastructures portuaires modernes, souvent financées par des prêts chinois : un nouveau terminal polyvalent, une voie ferrée vers Addis-Abeba, un aqueduc reliant l’Ethiopie, le port de Goubet pour exporter le sel du lac Assal et des zones franches, ces deux derniers opérant de façon sous-optimale. Ces projets ont permis de soutenir une croissance annuelle moyenne de près de 6 % entre 2010 et 2019, qui a permis aux SOEs d’être largement rentables : des chiffres d’affaires bruts d’environ 35 % du PIB, et des bénéfices allant de 10 % à 12 % du PIB.

Les multiples chocs exogènes ont néanmoins pesé lourdement sur l’économie djiboutienne et sur sa dette. La pandémie de Covid-19, le conflit en Ethiopie et la hausse des prix des produits de base ont réduit les recettes fiscales de Djibouti et entravé son activité portuaire, réduisant la marge de manœuvre budgétaire, tandis que le rendement plus faible que prévu de certains projets a mis la dette en péril (accumulation d’arriérés). La croissance a atteint un niveau plancher de 1,3 % en 2020, et n'a connu qu'une reprise partielle en 2021 (2,4 %). Djibouti a enregistré un fort rebond de croissance, plus important qu’anticipé, à 7,0 % en 2023, après 3,9 % en 2022. La croissance devrait se poursuivre en 2024 à 6,5 %, grâce au regain potentiel d’activité dans le secteur portuaire et ses retombées économiques pour les infrastructures connexes telles que les zones de libre-échange et le chemin de fer.

Les bénéfices de ces années de forte croissance n’ont en revanche pas profité au plus grand nombre : la croissance est restée peu inclusive. Les investissements ayant été concentrés sur des projets à forte intensité en capital, comme l’activité portuaire, peu d’emplois ont été créés. Le chômage reste élevé : 47 % en 2017 et seulement 9,6 % de la population en âge de travailler était dans le secteur formel[1]. Malgré un niveau d’APD/habitant le plus élevé de la zone Afrique de l’Est, la pauvreté reste répandue, 22,5 % de la population vivant avec moins de 1,90 USD[2] par jour.

L’inflation annuelle moyenne a nettement ralenti en 2023 (1,8 % contre 5,2 % en 2022), essentiellement grâce à la baisse de l’inflation alimentaire. Les autorités ont maintenu la stabilité des prix administrés (carburant, transport, services publics) au détriment des recettes fiscales (non collection des droits d’accise sur le carburant). L’inflation devrait se stabiliser à 1,8 % en 2024.

 

2. Finances publiques

Après un déficit budgétaire de -1,4 % du PIB en 2022, celui-ci se serait aggravé à 2,6 % en 2023, notamment du fait d’une dégradation de la balance primaire (-1,3 % du PIB en 2023 contre -0,7 % en 2022). Les recettes enregistrent une baisse de 1,1 point de PIB entre 2022 et 2023, principalement en raison d’un recul des recettes non fiscales (-1,0 point de PIB) et fiscales (-0,4 point de PIB), les dépenses restent stables (+0,2 points de PIB) après la forte baisse de 2022. Des arriérés, principalement externes, ont toutefois été accumulés, équivalents à 6 % du PIB en septembre 2023.

La dette publique extérieure est passée de 33,9 % du PIB à la fin de 2013 à 68 % du PIB à la fin de 2022, principalement en raison des investissements dans les entreprises publiques, en particulier dans les infrastructures portuaires et ferroviaires ainsi qu’un aqueduc alimentant l’Ethiopie, qui ont été financés par des prêts d’Exim Bank of China pour un total de 1,2 Md USD (30 % du PIB en 2023). En 2023, la dette djiboutienne s’élève à 60,8 % de son PIB. Cette diminution s’explique par la croissance du pays combinée à l’absence de contraction de nouveaux emprunts du fait de la situation de défaut de paiement. Elle est essentiellement bilatérale (69 % de la dette externe) dont 86,5 % est due à la Chine et 5,8 % aux pays membres du Club de Paris. La dette multilatérale représente 18,2 % de la dette PPG et 32,5 % de celle hors garantie.

Le contrôle des emprunts des entreprises publiques est essentiel pour ancrer la dette. Les emprunts des entreprises d'État ont représenté 80 % de la croissance de la dette extérieure depuis 2013. En 2023, le gouvernement a fourni des garanties pour trois prêts contractés par l'entreprise publique Autorité des ports et zones francs (APZF), pour un montant total de 250,6 MUSD.

Le litige en cours lié au différend sur le contrat portuaire de 2018 avec DP World pourrait créer un passif supplémentaire (celui-ci serait estimé autour de 400 MUSD), qui n’est pas provisionné par les autorités. Selon l’analyse de viabilité de la dette (DSA) du FMI, Djibouti est passé de « risque élevé de surendettement mais soutenable » en 2021, à insoutenable en 2022 avant d’acquérir en 2023 la mention complémentaire « high distress » en raison de l’incapacité du pays à honorer le service de sa dette. Dans un contexte de resserrement des conditions financières internationales, le service de la dette publique est passé de 0,5 % du PIB en 2021 à 2,6 % en 2022.

 

3.  Situation extérieure

Après un déficit budgétaire de -1,4 % du PIB en 2022, celui-ci se serait aggravé à 2,6 % en 2023, notamment du fait d’une dégradation de la balance primaire (-1,3 % du PIB en 2023 contre -0,7 % en 2022). Les recettes enregistrent une baisse de 1,1 point de PIB entre 2022 et 2023, principalement en raison d’un recul des recettes non fiscales (-1,0 point de PIB) et fiscales (-0,4 point de PIB), les dépenses restent stables (+0,2 points de PIB) après la forte baisse de 2022. Des arriérés, principalement externes, ont toutefois été accumulés, équivalents à 6 % du PIB en septembre 2023.

La dette publique extérieure est passée de 33,9 % du PIB à la fin de 2013 à 68 % du PIB à la fin de 2022, principalement en raison des investissements dans les entreprises publiques, en particulier dans les infrastructures portuaires et ferroviaires ainsi qu’un aqueduc alimentant l’Ethiopie, qui ont été financés par des prêts d’Exim Bank of China pour un total de 1,2 Md USD (30 % du PIB en 2023). En 2023, la dette djiboutienne s’élève à 60,8 % de son PIB. Cette diminution s’explique par la croissance du pays combinée à l’absence de contraction de nouveaux emprunts du fait de la situation de défaut de paiement. Elle est essentiellement bilatérale (69 % de la dette externe) dont 86,5 % est due à la Chine et 5,8 % aux pays membres du Club de Paris. La dette multilatérale représente 18,2 % de la dette PPG et 32,5 % de celle hors garantie.

Le contrôle des emprunts des entreprises publiques est essentiel pour ancrer la dette. Les emprunts des entreprises d'État ont représenté 80 % de la croissance de la dette extérieure depuis 2013. En 2023, le gouvernement a fourni des garanties pour trois prêts contractés par l'entreprise publique Autorité des ports et zones francs (APZF), pour un montant total de 250,6 MUSD.

Le litige en cours lié au différend sur le contrat portuaire de 2018 avec DP World pourrait créer un passif supplémentaire (celui-ci serait estimé autour de 400 MUSD), qui n’est pas provisionné par les autorités. Selon l’analyse de viabilité de la dette (DSA) du FMI, Djibouti est passé de « risque élevé de surendettement mais soutenable » en 2021, à insoutenable en 2022 avant d’acquérir en 2023 la mention complémentaire « high distress » en raison de l’incapacité du pays à honorer le service de sa dette. Dans un contexte de resserrement des conditions financières internationales, le service de la dette publique est passé de 0,5 % du PIB en 2021 à 2,6 % en 2022.

 

4.  Secteur bancaire et environnement des affaires

Le secteur financier reste solide, avec une augmentation du nombre de banques commerciales (13 en 2021, contre 2 en 2013) permettant de réduire la concentration bancaire et atténuer le risque systémique. En septembre 2022, la BCIMR, la BOA-Mer Rouge et la CAC International Bank détenaient collectivement 49 % des parts de marché en termes d'actifs et 43 % en termes de crédit. La capitalisation des banques a également augmenté, renforçant la stabilité financière du pays, ainsi que la qualité du crédit. Néanmoins, la liquidité bancaire s'est affaiblie, les ratios de liquidité des banques étant tombés à 50 % au T1 2023, contre environ 60 % en 2021 en moyenne, reflétant principalement une érosion progressive des actifs liquides. La base des dépôts à court terme des banques est également relativement importante par rapport aux pays pairs et principalement détenue à l'étranger (en Éthiopie et en Somalie).

Le pays est affiché en fin de classement de la plupart des grands classements internationaux : 112ème au dernier Doing Business 2020 ; 130ème à l’indice de perception de la corruption[1] de Transparency international 2023 ; 171ème à l’IDH 2022, alors que le pays est classé comme PRITI.

 

5. Contexte géopolitique et gouvernance

Au pouvoir depuis plus de vingt ans, Ismaël Omar Guelleh (IOG) a entamé son cinquième et techniquement dernier mandat en avril 2021. Depuis son indépendance en 1977, le pays n’a connu que deux dirigeants. Le premier président, Hassan Gouled Aptidon, a imposé un système de parti unique en 1981, et son neveu IOG a accédé au pouvoir en 1999. En avril 2021, ce dernier a été réélu avec 98 % des suffrages exprimés. L’opposition est très limitée.

Les logiques familiales et claniques sont à l’origine d’une certaine imbrication entre l’État, le parti au pouvoir et les activités économiques. Le poids prépondérant de l’Etat et de ses sociétés, notamment sous le contrôle de l’Autorité des ports et zones francs, accentue ce constat.  En 2017, la fonction publique représentait 41 % de l’emploi total, dans un pays où le chômage concernerait 47 % de la population active. La transition vers un modèle de croissance inclusif se heurte à cet état de fait.

 

 


[1] 67 000 personnes sont enregistrées auprès de la sécurité sociale sur les 700 000 personnes en âge de travailler. A ce niveau, une assistance technique du FMI est envisagée afin d’examiner les mesures réglementaires (salaire minimum, lois sur les contrats) ainsi que les politiques et procédures fiscales (impôts sur le travail, impôts sur les PME et facilité de mise en conformité).

[2] Cette référence à 1,90 USD/jour semble peu adaptée au cas de Djibouti où tout est importé et le coût de la vie de ce fait élevé et en hausse avec l’inflation. L’observation de terrain montre un fort découplage entre les classes aisées et les autres, souvent de l’ethnie Afar.

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