DJIBOUTI
Indicateurs et conjoncture
Éléments structurels de l’économie
Avec un PIB de 4,3 Md USD en 2024, Djibouti est la plus petite économie de la Communauté d’Afrique de l’Est. A l’échelle du continent africain, Djibouti est la 44e économie sur 54 pays (174e au niveau mondial). Avec tout juste plus d’un million d’habitants, le PIB/habitant s’élève à 4 081,5 USD (36e pays africain au regard du PIB/habitant), niveau permettant à Djibouti d’être classé, depuis 1990, parmi les pays classés à revenu intermédiaire inférieur (PRITI) selon les critères de la Banque mondiale.
La stratégie de développement pré-Covid-19 de Djibouti s’est fondée sur d’importants investissements dans les infrastructures, moteurs de l’économie du pays du fait de sa situation stratégique à l’entrée de la Mer Rouge et de plateforme logistique pour les pays de l’hinterland comme l’Ethiopie, qui ont porté la croissance. Djibouti a investi dans des infrastructures portuaires modernes, souvent financées par des prêts chinois non concessionnels : un nouveau terminal polyvalent, une voie ferrée vers Addis-Abeba (en co-investissement avec l’Ethiopie), un aqueduc apportant l’eau de l’’Éthiopie, le port de Goubet pour exporter le sel du lac Assal et des zones franches, toutes ces infrastructures ou presque opérant de façon sous-optimale.
Les services (85 % du PIB en 2023) dominent largement l’économie djiboutienne, suivis par l'industrie (14 %), l’agriculture étant pratiquement inexistante dans ce pays très aride (1 %). Le secteur des services est largement porté par les activités portuaires, qui représentent près de 70 % du PIB de Djibouti. La forte dépendance économique à l’activité portuaire orientée vers l’Éthiopie rend le pays vulnérable aux chocs extérieurs. La pandémie de Covid-19, le conflit en Éthiopie, les attaques houthies en Mer Rouge et la hausse des prix des produits de base ont affecté l’activité portuaire en réduisant le volume des échanges commerciaux et en augmentant les coûts de transport et de manutention. Le pays est aujourd’hui très dépendant de l’Éthiopie, destination de l’écrasante majorité du volume des marchandises passant par le port de Djibouti. L’agriculture quasi-inexistante laisse également le pays exposé aux variations des cours mondiaux des produits agricoles. En conséquence, Djibouti importe 90 % de ses besoins alimentaires, selon le Programme Alimentaire Mondial.
Le pays affiche une volonté de diversifier son économie. Par ailleurs, de nombreux secteurs sont dominés par des entreprises publiques monopolistiques, notamment les ports, les télécommunications, l’eau et la distribution d’électricité. Les entreprises publiques contribuent, selon la Banque mondiale, à hauteur de 20 % au PIB djiboutien.
Enfin, la croissance de l’économie djiboutienne reste freinée par le manque d’inclusivité. Les investissements ont été concentrés sur des projets à forte intensité en capital, comme l’activité portuaire, et peu d’emplois ont été créés. Le chômage reste élevé, à 25,9 % en 2024 (et probablement plus de 70% des jeunes). Malgré un niveau d’APD/habitant le plus élevé de la zone Afrique de l’Est (84,6 USD/habitant en 2023), la pauvreté reste élevée, avec 42 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté extrême selon la Banque Mondiale en 2024.
Conjoncture économique, finances publiques et dette publique
Après un fort ralentissement en 2020 (+1,2 %) lié à la crise Covid-19, l’économie djiboutienne a progressivement rebondi : +4,8 % de croissance en moyenne/an entre 2021 et 2022, en deçà du rythme prépandémique (+5,9 % en moyenne/an sur 2010-1019). La croissance a fortement augmenté à partir de 2023 (+7,4 %), à la faveur de la signature d’un accord de paix en novembre 2022 entre le gouvernement éthiopien et le Front populaire de libération du Tigré, relançant les échanges avec l’Éthiopie - principal partenaire commercial (débouché pour 95 % du trafic portuaire de Djibouti). Cette reprise a dynamisé le secteur portuaire et les activités connexes (zones franches, logistique, commerce de transit). En 2024, la croissance est restée forte (+6,5 %) bien qu’en légère baisse, portée principalement par le dynamisme des activités portuaires, en particulier le transbordement. Les tensions en mer Rouge ont en effet favorisé une réorientation stratégique des routes maritimes, dont Djibouti a su tirer profit en renforçant son rôle de hub logistique entre l’Asie et l’Europe. Les opérations portuaires ont été tirées par l’explosion des volumes de transbordement.
L’inflation est structurellement faible, et est restée modérée en 2024 (+2,1 %, après +1,4 % en 2023 et +5,2 % en 2022), les autorités ayant stabilisé les prix de l’énergie et des denrées alimentaires afin d’atténuer l’impact de l’augmentation des prix, dans un contexte de tensions en mer Rouge. Cette faible inflation s’explique par l’ancrage du franc djiboutien (DJF) au dollar (USD) et par le maintien des prix administrés (carburants, transports, services publics) par la Banque centrale de Djibouti. En 2025, l’inflation devrait légèrement ralentir (+1,6 %), portée par la baisse des cours mondiaux du pétrole et des métaux.
La position extérieure de Djibouti demeure structurellement fragile, malgré l’amélioration conjoncturelle de l’excédent courant en 2024 (+22,1 % du PIB, après +18,1 % en 2023), soutenu par les réexportations (92 % des exportations totales), essentiellement vers l’Éthiopie. Cette dépendance expose toutefois Djibouti aux chocs commerciaux : si les tensions en mer Rouge ont jusqu’ici eu un impact commercial positif, la hausse des coûts de fret et d’assurance, et le contournement du canal de Suez (via le cap de Bonne-Espérance), pourraient peser sur les transbordements et réduire l’excédent courant en 2025 (à +11,6 %). Les réserves de change, bien que garantissant la couverture monétaire, ont reculé à un niveau équivalent à 3 mois d’exportations, un seuil préoccupant compte tenu de l’endettement externe.
La situation budgétaire s’est détériorée en 2024, avec un creusement du déficit public (-4,5 % du PIB, après -3,5 % en 2023), malgré la baisse de la charge de la dette liée au moratoire sur la dette envers la Chine (cf. infra). D’une part, les recettes publiques ont poursuivi leur baisse en 2024 (17,5 % du PIB ; -2,0 pts par rapport à 2022), en raison de la baisse des droits de douane, liée aux mesures fiscales temporaires pour contenir l’inflation alimentaire, et du recul des droits d’accise (carburants, tabac, alcool). D’autre part, les dépenses publiques ont progressé (22,0 % du PIB ; +1,0 pt), portées par les investissements portuaires. Cette trajectoire budgétaire a restreint les marges pour les dépenses sociales, dans un contexte de forte pression démographique et migratoire, pesant notamment sur l’éducation et la santé. Au-delà de ces facteurs conjoncturels, Djibouti reste confronté à des contraintes structurelles : faible mobilisation fiscale (12% du PIB) et contribution très limitée des entreprises publiques, freinant à la fois les recettes et le développement du secteur privé. En 2025, les autorités ont engagé un processus de consolidation budgétaire visant à réduire le déficit à -3,1 % du PIB, grâce à la modernisation de l’administration fiscale (numérisation, élargissement de l’assiette) et à une meilleure maîtrise des dépenses, afin de préserver les priorités sociales.
La dette djiboutienne demeure insoutenable depuis 2022. La dette publique, exclusivement externe et détenue à 51 % par la Chine, a fortement augmenté depuis 2013 (+33,0 pts, à 67,9 % du PIB en 2023), en grande partie liée aux emprunts garantis par l’État pour financer les projets portuaires via les entreprises publiques – dont la dette représente 76 % de la dette totale, pour moitié issue du secteur portuaire - souvent à des conditions peu favorables. Selon l’analyse de viabilité de la dette (DSA) du FMI, Djibouti est passé d’un risque élevé de surendettement mais soutenable en 2021, à insoutenable en 2022, avant d’acquérir en 2023 la mention complémentaire « high distress » en raison des défauts de paiements sur le service de la dette. Celui-ci s’est nettement accru depuis 2022, représentant 24,5 % des recettes publiques en 2024, après 17,0 % en 2023 et 5,6 % en 2022. Un accord conclu en octobre 2023 avec Exim Bank China prévoit toutefois un allégement temporaire, avec une suspension partielle des paiements sur 4 à 6 ans.