DJIBOUTI
Des besoins en production électrique qui ouvrent des perspectives d’implication croissante du secteur privé
La production d'électricité à Djibouti a atteint 125,6 GWh en 2022 pour une capacité installée réelle de 120 MW. Des projets d’énergie géothermique, solaire et éolienne pourraient positionner Djibouti comme un modèle en matière d’énergies renouvelables avec des objectifs gouvernementaux d’un accès universel à l’électricité et d’un mix 100 % renouvelable en 2035. Néanmoins le secteur fait actuellement face à une forte dépendance aux importations d’hydroélectricité depuis l’Éthiopie, au coût élevé de maintenance des centrales thermiques et à un faible réseau d’infrastructures en dehors de la capitale.
Un mix électrique carboné et en-deçà du potentiel énergétique du pays
L’entité publique en charge du secteur de l’énergie Electricité de Djibouti (EDD) dispose du monopole du transport, de la distribution et de la vente d’électricité. Seul le secteur de la génération est ouvert de jure à la concurrence, cela depuis 2015 (loi 88-AN-15-7).
EDD opère en 2022 une puissance installée de 110 à 120 MW reposant uniquement sur deux centrales thermiques fossiles vieillissantes qui ne couvrent, en moyenne, que 30 % des besoins en électricité du pays (42 % de puissance opérationnelle en moyenne pour une demande de pointe évaluée à 118 MW). Le reliquat est importé depuis 2011 grâce à la ligne d’interconnexion reliant Djibouti à l’Éthiopie, souvent congestionnée, permettant l’acheminement de 80 MW maximum. La construction d’une seconde ligne d’interconnexion, sur financement de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement (coût total de 67 MUSD pour la partie djiboutienne) est en cours pour permettre l’importation de 220 MW supplémentaires.
Malgré l’introduction d’une électricité issue de l’hydroélectricité éthiopienne bon marché (prix PPA à 0,08 USD/kWh), les coûts d'exploitation et de maintenance des centrales et du réseau djiboutien vieillissants conjugués à des pertes techniques et commerciales importantes entretiennent un coût de l’électricité élevé à Djibouti (prix de vente moyen de 0,29 USD/kWh). Cette électricité chère et très dépendante des importations est considérée comme un frein à l’attractivité et à la diversification économique du pays[1].
Les besoins d’approvisionnement du pays pourraient atteindre entre 300 et 460 MW d’ici à 2030 sur la base d’une augmentation annuelle de la demande estimée entre 8 et 12 % par la Banque Mondiale. En effet, les réservoirs de croissance de la demande djiboutienne sont importants aussi bien au niveau des particuliers (taux d’accès à l’électricité de 61,8 % en 2020 et 24,8 % en zone rurale alors que le gouvernement affiche un objectif d’accès universel d’ici à 2035) que du secteur privé (enjeu d’intégration de structures commerciales et infrastructures comme les ports et les bases militaires étrangères au réseau[2]).
De nouveaux projets de génération pour renforcer le système électrique djiboutien
Afin de répondre à la demande exponentielle d’électricité et de limiter sa dépendance aux importations (d’Éthiopie et de combustibles pour les centrales thermiques), Djibouti s’est engagé à augmenter sa capacité de production et à décarboner son mix électrique d’ici à 2035 (Programme Vision 2035), s’appuyant sur un potentiel solaire, éolien et géothermique déclaré.
Cette transition vers un mix décarboné est incarnée par deux projets de production d’énergie indépendante (IPP) renouvelable en cours ; le premier étant le parc éolien de Goubet (60 MW) inauguré en septembre 2023. Construit par Siemens Gamesa, il a été financé, avec garantie MIGA, par le consortium Red Sea Power composé de l’Africa Finance Corporation, de la Banque de développement néerlandaise (FMO), du Climate Fund Managers, du Great Horn Investment Holding (société d’investissement de l’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti) pour un coût estimé à 122 MUSD. Une fois opérationnel, le parc devrait permettre le doublement de la capacité de production opérationnelle du pays. Un autre projet IPP est en cours de développement avec l’entreprise émirienne AMEA Power (signature du contrat d’achat d’électricité en août 2023) pour la construction et la mise en service d’une centrale photovoltaïque de 25 MW dans la région du Grand Bara (sud-est du pays).
Les potentialités de la valorisation énergétique des déchets [3] ainsi que de la géothermie sont également considérées pour de nouveaux projets IPP. S’agissant de la géothermie, le potentiel du pays aurait été évalué à 1 000 MW par l’Office Djiboutien de Développement de l’Energie Géothermique (ODDEG), entité créée en 2013 par la présidence djiboutienne pour gérer l’exploration et l’exploitation des ressources d’hydrogène dans le pays.
Le parc de production d’EDD devrait, dans une moindre mesure, être renforcé avec l’ajout de (i) deux centrales solaires avec stockage à Obock (1MW) et à Tadjourah (2 MW) dont la construction est assurée par la co-entreprise Ausar Energy ; (ii) le développement à termes d’un parc de 40 hydroliennes d’une capacité de 130 MW (prototype en cours d’installation par Eiffage Génie Civil en partenariat avec l’entreprise djiboutienne Weco Weco).
[1] D’après un rapport de la SFI de février 2022, l’accès à une énergie fiable et abordable représente 25 % des dépenses en OPEX des entreprises opérant à Djibouti.
[2] De nombreuses entreprises commerciales et industrielles, mais aussi des bases militaires (comme la France, les Etats-Unis et la Chine selon la Banque Mondiale) disposent de leurs propres générateurs pour suppléer l'approvisionnement d'EDD en cas de délestage de la charge ou bien encore pour s’auto-approvisionner en électricité et ainsi contourner le coût élevé de l’énergie à Djibouti.
[3] Le gouvernement a signé un accord en août 2020 pour un projet d’incinérateur de déchets avec valorisation en électricité (35 MW) près de Damerjog à mettre en œuvre par l’Américain CR Energy Concepts LLC. Aucune avancée particulière n’est à noter depuis cette signature.