Les relations économiques entre la France et l'Allemagne

En 2023, l’Allemagne demeure de loin le premier partenaire commercial de la France, malgré un repli tendanciel de la part des échanges franco-allemands dans le total des échanges de biens de la France. Le déficit commercial de la France avec son voisin d’Outre-Rhin se contracte (-8,6 Mrd€) sous l’effet du recul de ses importations en provenance d’Allemagne, notamment en matière énergétique, et en dépit de la dégradation du solde commercial du secteur des matériels de transport (premier poste d’importation de la France vis-à-vis de l’Allemagne). Par ailleurs, en 2022 (dernières données disponibles), le déficit des échanges de services de la France vis-à-vis de l’Allemagne, son deuxième client et premier fournisseur de services, s’est réduit. Sur le plan des investissements directs, le stock d’investissements français en Allemagne est inférieur au stock allemand en France mais la France semble créer davantage d’emplois en Allemagne qu’inversement. 

En dépit d’un léger recul des échanges de biens franco-allemands en 2023, l’Allemagne demeure de loin le principal partenaire commercial de la France.

Si les échanges de biens franco-allemands reculent légèrement en 2023, ce recul est moindre que celui des échanges français totaux. Selon les Douanes françaises, la valeur des échanges franco-allemands baisse de 1,7 % en 2023 par rapport à 2022 (après +16 % en 2022 en raison de la forte inflation) tandis que les échanges de la France avec l’ensemble de ses partenaires (resp. avec les pays de la zone euro) se contractent de 3,3 % (resp. 2,3 %). Les exportations françaises vers l’Allemagne s’élèvent à 82,1 Mrd€ (-0,5 % contre +1,7 % pour l’ensemble des exportations françaises) et les importations françaises depuis l’Allemagne à 90,7 Mrd€ (-2,7 % contre -7,2 % pour l’ensemble des importations françaises) (cf. graphique 1 en annexe). À noter que les données disponibles, retraçant la valeur des biens échangés, ne rendent pas compte de l’évolution des volumes échangés ; en tout état de cause, les échanges franco-allemands reculeraient plus fortement en volume qu’en valeur au vu des niveaux d’inflation observés (pour mémoire, l’indice des prix à la consommation harmonisé – IPCH – progresse de 5,7 % en France et de 6,0 % en Allemagne en 2023 selon Eurostat).

L’Allemagne demeure de loin le principal partenaire commercial de la France. En 2023, selon les Douanes françaises, la part de l’Allemagne dans les échanges mondiaux de la France, qui s’élève à 13,1 % (contre 12,9 % en 2022), est largement supérieure à celles des autres partenaires majeurs de la France (Belgique, Italie, Etats-Unis et Chine, représentant chacun environ 7% à 8 % des échanges de la France). Plus en détail, l’Allemagne est à la fois le premier client et le premier fournisseur de la France : l’Allemagne représente 13,7 % des exportations françaises (contre 14,1 % en 2022), devant l’Italie (à 8,9 % en 2023) et 12,6 % des importations françaises (contre 12,0 % en 2022), devant la Chine (à 9,9 % en 2023). L’Allemagne constitue le premier partenaire de nombreux secteurs industriels français. Les matériels de transport représentent le premier poste d’échanges franco-allemands (24 % de ces échanges), suivis des machines (12 %), des produits chimiques, parfums et cosmétiques (11 %), et des produits métallurgiques et métalliques (10 %). Dans tous ces secteurs, l’Allemagne est à la fois le premier client et le premier fournisseur de la France. La part des échanges franco-allemands dans le total des échanges de la France recule néanmoins tendanciellement : elle atteignait presque 17 % de 2013 à 2016, mais s’est repliée à moins de 15 % en 2019, 14 % en 2021 et 13 % en 2022.

La France, quant à elle, se maintient depuis 2017 en quatrième position des échanges commerciaux de l’Allemagne. Selon Destatis, l’office fédéral de la statistique, les échanges de biens franco-allemands représentent 6,4 % des échanges allemands totaux en 2023 (contre 6,1 % en 2022), derrière la Chine, les États-Unis et les Pays-Bas. Dans le détail, la France demeure le 6ème fournisseur de l’Allemagne (5,1 % des importations allemandes contre 4,6 % en 2022) et son 2ème client (7,5 % des exportations allemandes contre 7,4 % en 2022).

Le déficit commercial de la France vis-à-vis de l’Allemagne se réduit en 2023, notamment en lien avec la diminution des importations d’énergie.

La France affiche un déficit commercial en recul vis-à-vis de l’Allemagne par rapport aux années précédentes. En 2023, la baisse plus marquée des importations que des exportations (cf. supra) se traduit par une diminution du déficit de commerce de biens (-8,6 Mrd€ contre -10,7 Mrd€ en 2022 selon les Douanes françaises). Le solde commercial de la France avec l’Allemagne représente le 3ème plus important déficit français après celui enregistré avec la Chine et la Belgique, mais aussi le plus faible de ces dernières années (cf. graphique 1 en annexe).

De manière générale, la France n’enregistre que peu d’excédents sectoriels avec l’Allemagne. En 2023, parmi les dix premiers secteurs d’échanges franco-allemands, seul celui des produits informatiques, électroniques et optiques affiche un solde nettement positif (+2,1 Mrd€, contre +2,8 Mrd€ en 2022) – le secteur des équipements électriques et ménagers n’enregistrant qu’un très léger excédent. Par ailleurs, la France est structurellement excédentaire avec l’Allemagne dans le secteur du textile et de l’habillement (+2,1 Mrd€ en 2023) et dans le secteur des produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture (+1,8 Mrd€ en 2023) – secteurs pesant toutefois relativement peu dans les échanges franco-allemands.

Le recul du déficit commercial s’explique notamment par la forte diminution des importations énergétiques, alors que le déficit des secteurs des matériels de transport et des machines se creuse fortement. La France est redevenue en 2023 exportatrice nette d’électricité vis-à-vis de l’Allemagne, alors qu’elle avait dû, en 2022, en raison notamment de la mise à l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires, importer de l’électricité d’Allemagne. Le solde bilatéral des hydrocarbures naturels et autres produits des industries extractives devient également positif en 2023 tandis que le déficit des produits pétroliers raffinés et coke diminue. À l’inverse, la nette hausse des importations de matériels de transport et de machines dégrade le solde commercial de la France face à l’Allemagne. Le secteur des matériels de transport affiche un net déficit en 2023 (-2,7 Mrd€ après +0,1 Mrd€ en 2022), en lien avec la forte augmentation des importations de véhicules automobiles en provenance d’Allemagne, alors que les échanges aéronautiques restent en excédent pour la France. Le déficit commercial enregistré par la France dans le secteur des machines se creuse également (-6,1 Mrd€ après -5,1 Mrd€ en 2022). 

Le déficit de la balance des services de la France avec l’Allemagne, deuxième client et premier fournisseur de services de la France, diminue en 2022 du fait d’une hausse des recettes.

En 2022 (dernières données d’Eurostat disponibles), les échanges de services franco-allemands dépassent leur valeur d’avant-Covid. Les recettes et dépenses atteignent un niveau record en 2022, s’expliquant largement par la forte inflation observée sur l’année (+5,9 % en France et +8,6 % en Allemagne en IPCH). En particulier, les recettes (32,6 Mrd€, soit +6,2 Mrd€ par rapport à 2021) augmentent davantage que les dépenses (36,0 Mrd€, soit +5,3 Mrd€ par rapport à 2021), minorant ainsi le déficit de la balance des services de la France vis-à-vis de l’Allemagne (à -3,4 Mrd€ en 2022 contre -4,3 Mrd€ en 2021) (cf. graphique 2 en annexe). L’amélioration du solde de la balance des services en 2022 repose notamment sur une hausse du solde des transports et des voyages. Plus en détail, le solde des voyages se situe à son plus haut niveau depuis 2015, et le solde des transports redevient positif pour la première fois depuis 2013 (+1,3 Mrd€) du fait d’une nette augmentation des recettes. Comme en 2021, l’Allemagne constitue, en 2022, le deuxième client de services de la France, derrière les Etats-Unis, et son premier fournisseur. En 2022, l’Allemagne représente le deuxième déficit des services de la France, derrière l’Irlande, alors qu’elle était son premier déficit en 2021.

La France et l’Allemagne se caractérisent par un niveau élevé d’investissements bilatéraux.

La valeur des investissements directs allemands en France dépasse la valeur des investissements directs français en Allemagne. Selon la Banque de France, la France est, fin 2022, le 6ème investisseur en Allemagne avec un stock de 63,5 Md€ tandis que l’Allemagne est le 3ème investisseur en France avec un stock de 100,8 Md€, derrière le Luxembourg et le Royaume-Uni (selon la méthodologie du pays de première contrepartie)[1]. Six groupes allemands comptent parmi les 25 principaux groupes étrangers implantés en France (Allianz, HeidelbergCement, Mercedes-Benz-Group, SAP, Sartorius, Volkswagen AG). La France semble en revanche créer davantage d’emplois en Allemagne qu’inversement. Selon la GTAI, l’agence de promotion économique allemande, quelque 5 700 filiales françaises sont implantées en Allemagne en 2021. La France figurerait, avec plus de 400 000 emplois en Allemagne, parmi les cinq investisseurs étrangers créant le plus d’emplois dans le pays, avec la Suisse, les États-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. À l’inverse, selon Business France, la France abrite, en 2022, 3 000 entreprises contrôlées par des investisseurs allemands, employant environ 325 000 personnes.

La relation franco-allemande a été marquée par des opérations d’investissement significatives dans la période récente. Depuis 2019, plusieurs opérations significatives sont intervenues en Allemagne, comme la construction par le fabricant de batteries franco-allemand ACC d’une gigafactory à Kaiserslautern qui doit entrer en service en 2025, le rachat finalisé en 2021 de Bombardier Transport – et l’acquisition des sites allemands correspondants – par Alstom ou l’acquisition de l’équipementier automobile allemand Hella par son homologue français Faurecia en 2022 qui a donné naissance au groupe Forvia. En France, le groupe sidérurgique allemand Saarstahl a repris en 2021 deux sites (Hayange et Saint-Saulve) tandis le groupe franco-allemand ACC a inauguré, en 2023, sa gigafactory dans le Pas-de-Calais pour la production de batteries ion lithium liquide. Les Allemands Merck, fabricant pharmaceutique, et Hager, spécialiste des installations électriques, poursuivent leurs investissements sur leurs sites de production de Molsheim et Obernai dans le Bas-Rhin, alors que la nouvelle usine d’Eure-et-Loire produisant le robot ménager Thermomix du groupe d'électroménager allemand Vorwerk devrait être opérationnelle à la fin 2024.  Enfin, l’équipementier automobile Schaeffler s’est allié à l’entreprise française Symbio pour produire, dans le Bas-Rhin, à partir de 2024, des plaques bipolaires pour piles à combustible.

Au-delà de ces opérations d’envergure, la relation économique franco-allemande se caractérise également par de nombreux projets de plus petite taille, notamment en zone frontalière, contribuant à intensifier la coopération économique franco-allemande. Au total, en termes de nombre de projets et d’emplois, l’Allemagne est en 2022, selon Business France, le 2ème pays investisseur en France, avec près de 256 projets représentant 7 181 emplois, après les États-Unis (280 projets et 17 107 emplois). Les investissements allemands en France se concentrent notamment sur les secteurs du commerce et de la distribution, du transport et stockage, de l’énergie et recyclage, du conseil et service aux entreprises, et des constructeurs et équipementiers automobiles[2].

Les entreprises françaises intéressées par le marché allemand peuvent s’appuyer sur un dispositif étoffé. Les équipes de Business France (BF) installées à Düsseldorf organisent à la fois des accompagnements individuels et des pavillons sur les grands salons présents en Allemagne. BF prospecte les investisseurs allemands en liaison avec le Service économique régional de l’Ambassade à Berlin tandis que le bureau de BPI France, également situé à Düsseldorf, assure la promotion des instruments financiers mis à la disposition des PME/ETI. BF accompagne, par ailleurs, les quelque mille Volontaires Internationaux employés dans des filiales allemandes d’entreprises françaises. La Chambre de commerce franco-allemande de Sarrebruck propose des prestations en aval (implantation, domiciliation, conseils juridiques). Les conseillers du commerce extérieur français en Allemagne (une centaine répartie sur tout le territoire) sont disponibles pour apporter leur expertise et leur connaissance du terrain aux PME intéressées. Des clubs d’affaires franco-allemands sont également présents dans la plupart des grandes métropoles allemandes.  Enfin, des communautés French Tech se sont constituées à Berlin, Munich et Düsseldorf pour faciliter l’implantation de start-ups françaises sur le marché allemand. Plusieurs Licornes allemandes et françaises et des fonds de capital-risque ont porté et soutenu l’initiative Scale up Europe (fonds européen pour financer le late stage du développement des start up) lancée pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. La France et l’Allemagne ont d’ailleurs contribué à ce titre à l’initiative « champions technologiques européens » (ICTE), lancée en février 2022 dans le cadre de Scale-up Europe, pour améliorer le financement d’entreprises européennes innovantes.

 

Graphique 1 : évolution des échanges de biens franco-allemands de 2015 à 2023 (en milliards d’euros)

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Graphique 2 : évolution des échanges de services franco-allemands de 2013 à 2022 (en milliards d’euros)

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Sources :

  • échanges de biens : données des douanes françaises (hors matériel militaire), comptabilisant les échanges au passage de la frontière (exportations FAB, importations CAF) ;
  • échanges de services : données d’Eurostat. 


[1] Le rapport annuel sur la balance des paiements en 2022 n’analyse pas les stocks selon la méthodologie de l’investissement ultime. Selon cette dernière méthode, qui filtre notamment les pays de transit que sont le Luxembourg et les Pays-Bas, l’Allemagne occupe une place encore plus importante : elle était, fin 2021, le deuxième pays investisseur en France (avec un stock de plus de 115 Mrd€) derrière les États-Unis.

[2] Données prévisionnelles pour 2023 : 272 projets recensés ; 6815 emplois créés/maintenus ; 44 projets de décarbonation portés par des entreprises allemandes sur les 205 projets recensés au total sur cette thématique en 2023.

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