COLOMBIE
Indicateurs et conjoncture
La situation économique de la Colombie en 2021.
1. Un pays dynamique fortement touché par la pandémie et face à de grands défis.
Pays émergent de 50 M d'habitants doté de ressources naturelles abondantes (pétrole, charbon, minerais et café) et de la 2ème plus grande biodiversité au monde, la Colombie est la 4ème économie d'Amérique latine avec un PIB estimé à 271 Mds d'USD et un PIB par habitant de 5495 USD en 2021. Malgré un confinement strict qui a duré près de 6 mois, la Colombie a été durement touchée par la pandémie : plus de 130.000 morts en décembre 2021, récession historique de 6,8 % en 2020. Les défis sont nombreux : la Colombie occupe le 10ème rang des pays les plus inégalitaires au monde et la crise a eu pour conséquence une hausse marquée du chômage (passé de 10 % avant la crise avec un pic à 21,4 % en mai 2020, il est progressivement redescendu à 11,8 % en octobre 2021), avec une augmentation du taux de pauvreté estimé à 42,5 % par le gouvernement colombien et 15,1 % pour l’extrême pauvreté en 2020 (en hausse respectivement de 6,8 et 5,5 points de pourcentage). L’emploi informel continue de représenter 56 % de l’emploi total (hors agriculture). Enfin, la Colombie est le deuxième pays au monde qui compte le plus de déplacés internes (5,6 M de personnes) et qui accueille le plus de réfugiés et migrants, avec près de 1,73 M de Vénézuéliens fin 2021, soit environ 3,2 % de la population colombienne. Le Président Duque a annoncé en février la mise en place d’un permis temporaire d’une durée de 10 ans offrant un statut juridique protecteur aux près de 2 M de migrants vénézuéliens.
2. Une réponse d’ampleur du gouvernement colombien pour atténuer les effets de la crise.
En sus de la réouverture graduelle de l’économie, le gouvernement a mis en place un fonds d’urgence (FOME) doté de ressources équivalentes à 4,2% du PIB (1,4 point destinés à la santé, 1,4 point au soutien aux ménages, 0,9 point aux entreprises et 0,5 point aux investissements publics) dont les décaissements sont étalés sur 2020 et 2021. Le Plan de relance (Compromiso por Colombia) annoncé par le gouvernement en juillet 2020 a été porté à 12,5% du PIB de 2020, soit 31,7 Mds USD (essentiellement de source privée) sur la période 2021-2026 et vise à générer 4,4 M d’emplois. Le budget 2022 approuvé par le Parlement en octobre 2021 atteint un montant record de 93 Mds EUR (+5,3% par rapport au budget 2021, déjà record). Dans le budget, les investissements publics sont en hausse de 2,9 Mds USD sur un an, pour un total de 18,4 Mds USD, soit le budget d’investissements publics le plus élevé de l’histoire de la Colombie. Enfin, la Banque centrale a maintenu un taux de change flottant, a abaissé progressivement son taux directeur (maintenu à 1,75% jusqu’en août 2021 contre 4,25% avant la pandémie) pour soutenir la liquidité et a révisé les obligations de réserves prudentielles des banques, en contrepartie de renégociation de crédits en faveur des particuliers et des PME.
3.Le pays enregistre un rebond plus fort que prévu en 2021; les réformes sont en ordre de marche.
La récupération de l’économie se confirme depuis le 1er trimestre 2021 (+1,1% en g.a) avec une croissance à deux chiffres sur le 2ème et 3ème trimestre (+17,6% et +13,2 % respectivement en g.a). La reprise se confirme malgré un potentiel de croissance limité au 2ème trimestre par les manifestations et blocages survenus en réaction à la 1ère proposition de réforme fiscale et malgré la hausse significative du nombre de contaminations au Covid-19 à partir du mois d’avril (en moyenne, 22.000 contaminations/jour au 2ème trimestre). Le FMI a revu à la hausse ses prévisions de croissance du PIB de la Colombie pour 2021, à 7,6% (contre 5,1% lors de ses prévisions d’avril ; le gouvernement table désormais sur 9,7 %), du fait de meilleures perspectives commerciales et de la hausse des prix du pétrole. La Colombie sera ainsi le 4ème pays d'Amérique latine à la croissance la plus rapide cette année, derrière le Guyana, le Chili et le Pérou (20,4%, 11% et 10% respectivement). Le FMI prévoit par ailleurs que la croissance du PIB ne devrait pas être inférieure à 3,3% au cours des cinq prochaines années et le pays retrouverait dès 2022 des taux de croissance similaires à ceux d'avant la crise, qui étaient parmi les meilleurs d'Amérique latine. L’amélioration de la situation sanitaire et l’avancée de la vaccination ont facilité la reprise de l’économie (en décembre, 50,1% de la population était entièrement vaccinée et 48,7% avait reçu au moins une dose), particulièrement soutenue par l'augmentation de la consommation des ménages, favorisée par la reprise progressive du marché du travail. Cependant, l’inflation a augmenté ces derniers mois et dépasse désormais la cible de la Banque centrale (3%), en atteignant 5,3% en novembre (en glissement annuel), en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie notamment. En conséquence, la Banque centrale a décidé de rehausser son taux directeur de 25 points de base à 2% le 30 septembre 2021 puis de puis de 0,5 point de base le 2 novembre dernier, portant le taux directeur à 2,5%. Les réserves internationales restent à un niveau adéquat (plus de 58 Md USD) et la Colombie bénéficie d’une ligne de crédit flexible du FMI (FCL) de 17,3 Mds USD (dont elle a déjà puisé 5,4 Mds USD).
Pour financer l’ensemble des mesures de soutien aux populations vulnérables, à l’emploi et aux entreprises (10% du PIB), le gouvernement a abandonné sa trajectoire budgétaire pour 2020 et 2021 et le déficit se creuse (7,8% du PIB en 2020 contre 2,2% prévus avant crise ; 8,6% en 2021) ainsi que la dette (passée de 52% du PIB en 2019 à 65% en 2020 et 66,7% en 2021). S&P (en mai) et Fitch (en juillet) ont dégradé la note souveraine de la Colombie en catégorie spéculative, lui faisant perdre son grade investissement, à la suite du retrait par le gouvernement de son ambitieux projet de réforme fiscale (destiné à augmenter la collecte de 2,4% du PIB) en raison du mouvement social. En septembre, le Congrès a finalement adopté un nouveau projet de réforme fiscale plus modeste (augmentation de la collecte de 1,2% de PIB) faisant peser les 2/3 de la collecte sur les entreprises (et non plus sur les ménages contrairement au premier projet), le dernier tiers devant être supporté par des coupes dans le fonctionnement étatique et la lutte contre l’évasion fiscale. Dans ce contexte, Moody’s a maintenu la note de la Colombie (deux crans au-dessus de S&P et Fitch) et amélioré ses perspectives de négatives à stables.
Le commerce extérieur de la Colombie en 2020.
Après avoir enregistré une forte dégradation en 2019 (à -10,7 Mds USD, en hausse de 53% sur un an), le déficit de la balance commerciale colombienne s’est légèrement amélioré en 2020 (à -10,12 Mds USD). Les importations sont en baisse de 17,5 % sur un an à 41,8 Mds, essentiellement du fait de la baisse des achats de produits manufacturés et véhicules et matériels de transports, alors que les exportations ont diminué de 21,4 % à 31,05 Mds USD, tendance portée par la chute des ventes de combustibles et produits des industries extractives
1. En 2020, la Colombie a réduit son déficit commercial de 653 MUSD, les exportations diminuant moins que les importations en valeur absolue.
En 2020, la Colombie enregistre un déficit de sa balance commerciale de 10,12 Mds USD, en baisse de 5,4 % par rapport à 2019, année au cours de laquelle son solde s’était particulièrement détérioré (-53 % par rapport à 2018 à 10,7 Mds USD), en raison d’un fort ralentissement des exportations de produits miniers mais aussi du faible dynamisme de secteurs importants pour le pays, comme l’agriculture. La Colombie entame sa 6ème année consécutive avec une balance commerciale déficitaire, soit depuis la fin du « super cycle » des matières premières, en 2014.
En raison du ralentissement du commerce international et de la demande issu de la pandémie de Covid-19, les importations colombiennes sont en baisse de 17,5%, à 41,18 Mds USD. Premier poste concerné par cette chute, les achats de produits manufacturés ont chuté de 13 points de pourcentage (-16,8% en un an à 33,5 Mds USD), en particulier les importations de véhicules et autre matériels de transports- notamment aéronefs - (-27,7 % à 3,8 Mds USD). Par ailleurs, les achats de combustibles et de produits de l’industrie extractive ont baissé de 45 % sur un an, à 2,9 Mds USD, participant ainsi de 4,6 points de pourcentage à la diminution des importations.
En 2020 la France est le 6ème fournisseur du pays (conservant son rang de 2019, mais nous positionnant désormais devant l’Espagne et derrière l’Allemagne), avec une part de marché de 2,2 % soit 0,1 point de pourcentage de moins que l’an dernier (contre 24,2 % pour les Etats-Unis, 23,9 % pour la Chine et 6,7 % pour le Mexique). L’Allemagne représente pour sa part 3,8 % des importations colombiennes en 2020.
2. Les exportations sont en baisse, en raison principalement de la chute des ventes de combustibles et de produits des industries extractives.
La crise mondiale déclenchée par la pandémie de Covid-19 a également eu un impact sur le volume des exportations colombiennes en 2020 puisqu'elles ont chuté de 21,4 % par rapport à l'année précédente, pour atteindre 31,05 Mds USD. Les exportations de combustibles et de produits des industries extractives ont diminué de 39,5 % par rapport à 2019 et comptent à elles seules pour un quart de la baisse totale des exportations. Les ventes de produits manufacturés, second poste des exportations colombiennes, ont chuté de 16,2 % sur l’année, à 6,9 Mds USD. A l’inverse, les exportations de produits alimentaires enregistrent une augmentation de 6,9 % par rapport à 2019 pour atteindre 7,8 Mds USD, en raison de la hausse des exportations de viandes (+150,3 % de ventes en bovins vivants) et de produits laitiers. En avril 2020, les exportations ont connu une chute historique (-52,3 %), à 1,8 Md USD. Ce résultat s'explique principalement par la baisse de 70,1% des ventes de carburants.
Selon les déclarations d’exportations, la Colombie exporte principalement à destination des Etats-Unis (28,6 %), de la Chine (8,9 %), de l’Equateur (4,5 %), du Panama (4,5 %), du Brésil (4,1 %) et du Mexique (3,7 %). La France se positionne comme le 30ème client de la Colombie (0,39 % des ventes).
3. Ces chiffres traduisent les difficultés de la Colombie à diversifier ses exportations et plus généralement son économie.
Le ralentissement des exportations colombiennes illustre la dépendance de l’appareil exportateur vis-à-vis des produits miniers et énergétiques, charbon et pétrole en particulier (ferro-nickel dans une moindre mesure). En revanche, les exportations agricoles ont atteint un niveau historique, avec une augmentation de 11,5 % par rapport à 2011 (+13,5 % par rapport à 2015 et +6,9 % par rapport à 2019, rompant ainsi avec la stagnation de cette dernière décennie). Le secteur agricole pourrait ainsi constituer un relai du secteur des industries extractives.
La nécessaire diversification de l’économie mise en avant par les responsables politiques peine à se réaliser. Ainsi, les produits d’exportation dits traditionnels (café, charbon, pétrole, minerais métalliques), qui représentaient 47 % des exportations en 1995, en représentent aujourd’hui 51 %. On peut y voir, comme pour d’autres pays de la zone, la conséquence d’un phénomène de «reprimarisation» de l’économie depuis le début les années 2000, encouragé par l’augmentation des cours des matières premières, qui a conduit à une perte de compétitivité des secteurs potentiellement exportateurs, hors industries extractives (agriculture, industrie manufacturière). Face à la baisse des exportations de charbon (4,1 Mds USD en 2020, en baisse de 26 % sur un an et de 44,5 % par rapport à 2018) et de la demande européenne (Accord de Paris), le gouvernement mise sur la mise en exploitation à grande échelle d’autres minerais (or et cuivre en particulier) et envisage l’exploitation de gisements non-conventionnels.
A plus court terme, l’OCDE pointe des coûts d’exportations et d’importations qui restent très élevés (infrastructures et logistiques défaillantes, barrières tarifaires et non tarifaires encore élevées) qui limitent l’intégration du pays au commerce international, engendrant peu d’incitations à l’innovation et à la création de valeur ajoutée pour l’exportation.