CHINE
Indicateurs et conjoncture
Situation économique de la Chine (SER de Pékin)
Face à la situation difficile du marché immobilier et aux incertitudes (risques financiers, pressions déflationnistes, risque géopolitique), la Chine intensifie le soutien conjoncturel. Plus fondamentalement, les autorités misent à moyen terme sur les investissements et sur une politique industrielle volontariste et dynamique dans de nombreux secteurs de pointe (véhicules électriques, énergies renouvelables, haute technologie, etc.), permettant d’augmenter les volumes à l’export.
1. Le ralentissement de la croissance se poursuit en 2024
Après +5,2 % de croissance affichée sur l’ensemble de l’année 2023, l’économie chinoise ralentit en 2024 avec une estimation de hausse du PIB de +4,6 % en g.a. au T3, et un accroissement de la divergence entre production et consommation. Côté production, le secteur industriel enregistrerait une bonne performance (+5,8 % au T3, dont +6% pour le seul secteur manufacturier), tout comme le secteur des services (+4,7 %). En revanche, la consommation reste faible conjoncturellement (+3,3 % sur les trois premiers trimestre) et structurellement (32 % du PIB), quand la croissance de l’investissement ralentit (+3,4 %). La contribution des exportations serait forte au T3.
Les exportations restent un des principaux contributeurs à la croissance (2 points au T3), sous l’effet d’une très nette baisse des prix (de l’ordre de -10% en 2023, -7 % à date en 2024). En valeur, le commerce croît à un rythme modéré (+1,4 % au premier semestre). Selon les données fournies par les transporteurs maritimes, les exportations en volume de la Chine sont dynamiques vers l’ensemble des destinations du monde, y compris les Etats-Unis.
Le secteur immobilier poursuit sa contraction, et les risques baissiers demeurent. Les ventes de nouveaux logements poursuivent leur chute à -17,1 % au T3, (-39 % depuis leur pic en 2021), tout comme les prix (–6,0 % au T3, soit –16 % depuis leur pic en 2021). Il convient de noter la persistance (i) des risques financiers (portés par les promoteurs, les gouvernements locaux, les banques), (ii) des pressions déflationnistes (inflation sous-jacente à seulement +0,1 % en septembre soit le plus bas depuis 2010 hors période Covid ; nouvelle chute des prix à la production à -2,8 %), (iii) de tensions commerciales, qui s’accroissent.
2. Dans ce contexte, les autorités changent d’orientation et se mobilisent au plus haut niveau, avec des annonces nombreuses mais à l’efficacité probablement mitigée
Devant cette performance mitigée et ces risques, les autorités se mobilisent. Dans une réunion fin septembre, le Politburo a notamment demandé « l’intensification de l’ajustement contracyclique de la politique monétaire et budgétaire », avec « les dépenses budgétaires nécessaires », s’appuyant sur « le rôle moteur de l’investissement public », et « des baisses de taux marquées ». De nombreuses autorités ont réagi dont les régulateurs financiers (PBoC, NFRA, CSRC), NDRC, le MIIT, la CSRC, SAMR. Au total, tout l’appareil d’Etat se mobilise au service de la conjoncture économique.
De nombreuses mesures de court terme ont été annoncées, dont ampleur individuelle reste contenue :
- La baisse de plusieurs taux directeurs reste limitée, et cette politique pourrait se heurter à une demande insuffisante de crédits dans un contexte déflationniste et de faible consommation.
- Pour le secteur immobilier, de nouvelles mesures visent à augmenter la demande, avec en particulier un soutien de 4 000 Mds RMB (3 % du PIB) pour terminer les logements prépayés – 50 % de cette enveloppe aurait déjà été consommé, avec un succès mitigé. Au total, le manque de confiance dans les développeurs et la chute des prix incitent les acheteurs à attendre. En outre, la question de la surabondance de l’offre de logements, héritage des surinvestissements passés, n’est pas traitée.
- Soutien aux marchés financiers, sous la forme (i) d’un soutien de la PBoC au rachat d’actions, (ii) d’un soutien de la PBoC aux acteurs de marché, qui consiste en une quasi-subvention pour l’achat de titres. Cela a entraîné un regain d’intérêt notable pour les actions, au détriment du marché obligataire (qui a vu sa liquidité fortement diminuer). La pérennité de cette hausse reste sujette à caution.
- Du côté de la politique budgétaire, seule une augmentation minimale du déficit a été annoncée (0,14 % du PIB). Le développement du soutien à la demande (programme d’échange de biens anciens contre du neuf) fait l’objet de rumeurs (soutien aux bas revenus).
Des mesures plus importantes pour la croissance de plus long terme ont été annoncées, et pourraient être complétées dans les semaines à venir :
- La recapitalisation des 6 grandes banques devrait leur permettre de faire face à une baisse de profitabilité et l’augmentation des créances de mauvaise qualité, tout en leur donnant des marges de manœuvre pour mieux soutenir l’économie à moyen terme.
- Une partie de la dette locale sera reprise au niveau central (dispositif dit de « swap »), tandis que les gouvernements locaux reprendront à leur bilan une partie des créances des LGFV. Cette mesure d’assainissement vient améliorer la lisibilité des finances publiques et la soutenabilité du modèle de croissance.
- La Banque centrale a multiplié les signaux d’une attention de plus en plus soutenue à l’inflation, pouvant laisser présager de nouvelles mesures à venir.
L’accroissement des déséquilibres de l’économie chinoise ne fait guère de doutes, ainsi que l’accumulation de pressions déflationnistes : tout de même, l’effort public en cette fin d’année devrait se concentrer sur les investissements, tandis que le soutien à la production ne semble pas diminuer. En dépit des annonces, l’absence de soutien important à la consommation est marquante.
3. Au-delà de la conjoncture, le renforcement industriel demeure la première priorité économique chinoise.
Certains fondamentaux favorables à la Chine constituent des atouts industriels puissants à moyen terme : un dynamisme avéré de l’innovation, une accumulation du capital humain, une capacité d’industrialisation à grande échelle, un rendement exigé du capital faible, une concurrence exacerbée qui stimule les gains de productivité et enfin l’attrait que représente un marché local incontournables pour des investissements de pointe.
Parallèlement, dans toutes leurs réunions économiques, les autorités chinoises donnent une priorité très claire aux politiques d’offre et de soutien public qui visent à faire fructifier ces avantages compétitifs, y compris au détriment de la croissance à court terme.
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