Situation économique et financière du Chili en 2023 et perspectives pour 2024

 

 

2019

2020

2021

2022

 

2023

 

2024    (prév)

 

PIB nominal (milliards USD)

279,3

252,8

316,7

300,7

344,4

354,5

Population (millions)

19,1

19,3

19,6

19,8

19,9

20,1

PIB par habitant (USD)

14.620

12.993

16.092

15.166

17.253

17.647

Croissance du PIB réel (%)

0,7

-6,1

11,7

2,4

0,2

1,9

Inflation (fin de période, %)

3,0

3,0

7,2

12,8

3,9

3,0

Chômage (moy. annuelle, %)

7,2

10,8

8,9

7,9

8,8

8,9

Solde budgétaire (% du PIB)

-2,9

-7,3

-7,7

1,1

-2,5

-2,1

Dette publique (% du PIB)

28,3

32,4

36,3

38,0

39,2

40,5

Solde courant (% du PIB)

-5,2

-1,9

-7,3

-9,0

-9,0

-3,2

Dette extérieure (% du PIB)

66,7

76,9

72,0

77,6

73,1

74,4

Perception de la corruption (rang du classement Transparency International sur 180 pays)

26

25

27

27

29

/

Sources : FMI, INE, Banque centrale, Transparency International.

 

 

 

 

 

L’économie chilienne a été confrontée à de nombreux vents contraires en 2023 (dégradation de l’environnement extérieur et intérieur, resserrement monétaire…etc) minant l’activité économique (+0,2 % de croissance). Un redressement est attendu en 2024, avec une croissance de PIB prévue à 1,9 % par le FMI, soutenue par la dissipation des chocs adverses, de l’assouplissement de la politique monétaire et du redressement de la demande interne. Malgré une absence de majorité politique au Congrès (rejet du projet de réforme constitutionnelle), le gouvernement de Gabriel Boric, au pouvoir depuis 2022, est engagé dans un processus de transformation structurelle du pays, à travers la conduite de réformes ambitieuses (fiscalité, retraites, santé…etc.) de manière consensuelle et sans rompre avec la tradition de stabilité et bonne gestion des précédentes administrations.

 

1. Une activité économique atone en 2023 mais qui devrait se dynamiser en 2024

Après une récession évitée de justesse en 2023 (0,2 % d’après les autorités locales), l’activité économique du Chili entrerait dans une nouvelle dynamique avec un rebond de 1,9 % attendu pour 2024 (FMI). Après un décollage post crise sanitaire remarquable (+11,7 % en 2021), l’activité s’est fortement dégradée dès la fin de 2022 en raison du resserrement de la politique économique et d’un environnement international fragile, exacerbé par le conflit russo-ukrainien et ses conséquences sur l’activité économique mondiale (hausse des prix énergétiques et alimentaires, entre autres). Avec une récession enregistrée au cours de la première moitié de 2023 (-1,1 %), l’économie a légèrement rebondi au cours de la seconde moitié (+0,7 % au T4) portée par le dynamisme de l’activité minière (cuivre) et la reprise de la demande interne. Ainsi, les fluctuations conjoncturelles dues aux chocs exogènes depuis la pandémie devraient se dissiper dès 2024. La croissance serait soutenue par toutes les composantes de la demande (consommation, investissement, demande externe) et convergerait dès 2025 vers son rythme de croissance potentielle de 2,5 %. Toutefois, l’économie demeure exposée à de nombreux risques externes (resserrement des conditions de financement international, risque de ralentissement économique, etc.).

 

La dégradation de l’activité économique a tout de même permis d’initier le processus de désinflation. Les pressions inflationnistes se dissipent dès avril 2023, portant l’évolution de l’indice des prix à la consommation à 3,9 % en fin d’année (après un pic de 14,1 % en juillet 2022). Le ralentissement de la hausse des prix découle en partie du resserrement monétaire rapide de la Banque Centrale (taux directeur passant de 0,75 % en juillet 2021 à 11,25 % en octobre 2022) puis du recul des prix mondiaux des matières premières énergétiques et agricoles. Face au fort ralentissement de l’activité début 2023, cette baisse des cours internationaux a permis, à la Banque Centrale du Chili d’assouplir sa politique monétaire, abaissant son taux directeur de 400 points de base (le portant à 7,25 %). Cette décision des autorités monétaires est en ligne avec leur objectif d’inflation (3 %) et permet de maintenir un ancrage des anticipations. Toutefois, compte tenu d’un niveau toujours élevé de l’inflation sous-jacente (5,4 % en 2023) et de la dépréciation du peso chilien depuis l’été, à moyen-terme, les autorités devraient rester prudentes sur leur cycle de réduction des taux. Dès 2024, l’inflation devrait atteindre 3,0 % et rester stable à l’horizon 2028 selon le FMI.

Les efforts de consolidation budgétaire entrepris par les autorités chiliennes dès la sortie de la crise sanitaire et ayant permis aux comptes publics d’enregistrer en 2022, pour la première fois depuis une décennie, un excédent budgétaire de 1,1 % du PIB, ont été menacés par le ralentissement économique et les mesures adoptées dans le cadre du bouclier anti-inflation. La dégradation du solde budgétaire (-2,4 % du PIB en 2023) s’explique par une contraction des recettes (23,1 % du PIB en 2023 contre 26,1 % en 2022) et une légère hausse des dépenses de l’Etat (25,6 % du PIB, soit +0,6 point par rapport à 2022) tirée par une hausse des dépenses sociales. A terme, le FMI table sur une restauration progressive des finances publiques, avec un déficit prévu à 2,1 % du PIB en 2024 (1,9 % selon le Budget 2024 des autorités) et 0,2 % à l’horizon 2028 (0,1 %), qui serait soutenue par le retour à la croissance et par une amélioration des revenus fiscaux grâce notamment aux royalties minières (en place depuis mai 2023).

 

2. L’administration G. Boric est engagée dans de nombreuses réformes structurelles 

 Après un premier rejet de la réforme fiscale proposée par l’administration Boric en mars 2023, le gouvernement fait le choix en 2024 de présenter, séparément, les mesures phares de nouvelle proposition de pacte fiscal devant le Congrès. Ce projet a pour ambition de mieux répartir les richesses au sein d’un pays fortement inégalitaire (l’indice de Gini s’établit à 0,47 en 2022 versus 0,31 en moyenne dans les pays de l’OCDE). Alors que les recettes publiques étaient parmi les plus faibles des pays membres de l’OCDE, largement issues des impôts sur la consommation (60% des ressources fiscales chiliennes versus 45% pour l’OCDE) et peu progressives, le projet de réforme fiscale envisage d’accroître la progressivité et d’augmenter le taux de recouvrement des impôts existants (lutte contre les exonérations et évasions fiscales). Les ressources dégagées ont pour objectif de financer l’élargissement des droits sociaux, en particulier à travers la refonte des systèmes de retraites et de santé, et le renforcement de la sécurité publique (pour un montant estimé à 2,7% du PIB). La majorité fragile du gouvernement à la chambre des députés fait toutefois peser le doute sur les chances d’approbation du cœur de cette réforme.

 

En parallèle, le Chili a adopté une nouvelle redevance minière afin de financer des projets d’infrastructures, des programmes de recherche et développement et des initiatives pour améliorer la sécurité au Chili. Promesse de campagne du président Boric, la modification de la fiscalité sur l’activité des grandes entreprises minières, adoptée le 18 avril 2023, propose un taux d’imposition maximum de 46,5 % pour les productions minières annuelles supérieures à 80 000 tonnes, contre 50 % initialement proposé par le gouvernement. Les autorités chiliennes estiment que le taux moyen d’imposition des géants miniers (notamment l’Anglo-australien BHP, le Britannique Anglo American, le Chilien Antofagasta Minerals et l’entreprise publique chilienne Codelco) s’établira à 40,1 % contre 35,5 % actuellement, un niveau dans la moyenne des pays miniers concurrents. Selon le ministre des Finances, la nouvelle redevance minière pourrait rapporter environ 1,3 Md USD à partir de 2025, dont 450 MUSD serviraient à abonder des fonds pour développer les collectivités locales.

Le Chili est également engagé dans la transition écologique et vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans cette perspective, le Chili a adopté une taxe sur le carbone de 5 USD/t de CO2 et prévoit d’arrêter ses centrales à charbon à l’horizon dès 2030. A terme, le Chili ambitionne aussi de devenir l’un des principaux exportateurs d’hydrogène bas carbone et de lithium. La finance verte sera également mise à contribution avec l’objectif des autorités chiliennes de mettre en conformité, au cours des 4 prochaines années, la moitié du financement de la dette publique avec les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (versus 31 % en 2022). Sur le lithium, le Président Boric a présenté le vendredi 21 avril 2023 la Stratégie nationale du lithium. Ce plan précise la vision stratégique du Chili sur l’ensemble de la chaîne de valeur et ambitionne de donner une nouvelle impulsion au secteur après 40 ans d’immobilisme sur la question du lithium. Enfin, sur l’hydrogène, le 15 décembre 2023, un protocole de coopération public-privé visant à stimuler l'industrie de l'hydrogène bas carbone et ses dérivés dans la région de Magallanes (Patagonie chilienne) a été signé. Il marque l’engagement de l’État chilien à participer activement à la mise en place de la chaine de valeur nécessaire au décollage de l’industrie de l’hydrogène dans la région et envoie un signal fort d’association des communautés locales dans cet écosystème. Le 22 décembre 2023, le gouvernement chilien a publié son plan d’action sur l’hydrogène vert, identifiant 30 mesures pour promouvoir le développement de l’industrie de l’hydrogène bas carbone.

Au demeurant, le gouvernement de Gabriel Boric est attendu sur le chantier des réformes annoncées des permis sectoriels et environnementaux. Le Chili devra démontrer sa capacité à concrétiser les grands projets d’investissements annoncés par le secteur privé dans les secteurs énergétique et minier et ainsi, sur le long terme, renforcer son attractivité auprès des investisseurs étrangers.

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