CHILI
Situation économique et financière du Chili en 2024
L’économie chilienne se reprend en 2024 (croissance de +2,3 % en g.a sur les 8 premiers mois), après avoir stagné en 2023 (+0,2 %, du fait de nombreux vents contraires). L’activité est repartie grâce au redressement du secteur minier, porté par la reprise de la demande chinoise et la hausse du cours du cuivre. La baisse de l’inflation et l’assouplissement monétaire devraient contribuer au redressement de la demande intérieure. Les risques portant sur la soutenabilité des finances publiques et l’équilibre externe sont contenus. Le gouvernement de G. Boric - au pouvoir depuis 2022 - est engagé dans un processus de transformation structurelle du pays, à travers la conduite de réformes ambitieuses (fiscalité, retraites, santé…etc.) poursuivant la tradition de stabilité et bonne gestion des précédentes administrations.
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2019 |
2020 |
2021 |
2022
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2023
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2024 (prév)
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PIB nominal (milliards USD) |
278,0 |
254,1 |
315,6 |
302,2 |
335,6 |
328,7 |
Population (millions) |
19,1 |
19,5 |
19,7 |
19,8 |
20,0 |
20,1 |
PIB nominal par habitant (USD) |
14 552 |
13 057 |
16 038 |
15 239 |
16 815 |
16 365 |
Croissance du PIB réel (%) |
+0,6 |
-6,1 |
+11,3 |
+2,1 |
+0,2 |
+2,5 |
Inflation (moyenne annuelle, %) |
+2,2 |
+3,0 |
+4,5 |
+11,6 |
+7,6 |
+3,9 |
Chômage (moy. annuelle, %) |
7,2 |
10,8 |
8,9 |
7,9 |
8,7 |
8,5 |
Dépense publique (% du PIB) |
26,5 |
29,1 |
33,6 |
26,7 |
27,4 |
27,0 |
Solde budgétaire (% du PIB) |
-2,7 |
-7,1 |
-7,5 |
+1,4 |
-2,3 |
-2,3 |
Dette publique (% du PIB) |
28,3 |
32,4 |
36,4 |
37,8 |
39,4 |
41,0 |
Solde courant (% du PIB) |
-5,2 |
-1,9 |
-7,3 |
-8,7 |
-3,5 |
-2,2 |
Dette extérieure (% du PIB) |
66,7 |
76,9 |
71,6 |
76,1 |
71,1 |
75,3 |
Perception de la corruption (rang du classement Transparency International sur 180 pays) |
26 |
25 |
27 |
27 |
29 |
/ |
Sources : FMI (octobre 2024), Transparency International |
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1. L’activité économique est repartie à la hausse en 2024, après une croissance quasi-nulle en 2023
L’économie chilienne se redresse, après une croissance atone en 2023 (0,2 %). Sur le premier semestre de l’année, le PIB a crû de 2,0 % en glissement annuel. Ce rebond est porté par les bonnes performances des secteurs miniers (le PIB minier a crû de 6,9 % et 5,5 %), d’électricité, eau et gaz, du commerce et des transports. Du côté de la demande, ce sont surtout les exportations, notamment de cuivre et de lithium, qui ont tiré le PIB à la hausse (+3,7 % et +7,3 %). Le Chili est en effet l’un des principaux producteurs miniers au monde (1er rang mondial pour le cuivre). Le ralentissement de l’inflation, qui a atteint 4,7 % en octobre en g.a, conjugué à l’assouplissement monétaire (taux directeur divisé par deux de 11,25 % à 5,25 %) soutiennent la demande intérieure, bien que la consommation privée demeure fragile (+0,5 % en g.a au T2). Sur l’année, la croissance est attendue entre 2,25 % et 2,75 % par la banque centrale chilienne, à 2,4 % selon l’OCDE et 2,5 % selon le FMI. Pour 2025, l’activité devrait rester dynamique (+2,4 % selon le FMI, +2,2 % OCDE), soutenue par toutes les composantes de la demande et par le secteur minier. Le Chili demeure toutefois exposé à de nombreux risques externes, notamment l’évolution des cours mondiaux des minerais et la demande chinoise.
La dégradation de l’activité économique en 2023 et les effets du resserrement monétaire ont permis de faire refluer l’inflation qui converge vers la cible de 3 % de la Banque centrale. Ce processus a été influencé par un resserrement monétaire précoce (portant le taux de 0,5 % en juin 2021 à 11,25 % en octobre 2022), un ralentissement des prix à l'importation et une consolidation budgétaire. Le changement de politique tarifaire sur les prix de l’électricité (gelés depuis 2019) avec des hausses cumulées de 60 % annoncées jusqu’à 2025 a entrainé une hausse temporaire de l’inflation entre juin et août 2024. Depuis, la conduite d’une politique monétaire prudente, en ligne avec la cible d’inflation a permis de garder ancrées les anticipations des agents économiques. Si l’assouplissement monétaire devait se poursuivre (le taux directeur a été abaissé à 5,5 % depuis juillet 2023), une nouvelle dépréciation de peso chilien en ligne avec la réduction du différentiel des taux avec la Fed pourrait tirer l’inflation à la hausse.
Le marché du travail, qui s’était nettement dégradé dans le sillage du ralentissement économique en 2023, reste touché par un taux de chômage élevé (8,7% en septembre 2024 contre 9,0 % en août 2023 et 7,9% en 2022). Le Chili est en outre marqué par des fortes inégalités de genre sur le marché du travail : le taux de participation des femmes au marché du travail est de 60,5 %, et bien qu’en forte hausse par rapport aux 40,3 % de 2005, il reste largement en deçà de celui des hommes (77,6 %) et de la moyenne de l’OCDE (80 %). Les inégalités de revenu demeurent importantes. Si le Chili se situe proche de la moyenne en termes d’indicateur de Gini avant les impôts et redistribution (0,48 pour le Chili contre 0,47 au sein de l’OCDE), il s’en éloigne fortement après, avec un indicateur qui baisse très peu (0,47 contre 0,31). Le taux de pauvreté a cependant baissé de manière significative entre 2017 et 2022 (de 8,5 % à 6,5 %) grâce à la forte hausse des prestations sociales, notamment aux subventions aux ménages et à la nouvelle pension minimale garantie.
2. Un risque souverain maîtrisé grâce à une politique macroéconomique sérieuse
Après un excédent budgétaire en 2022, grâce aux recettes générées par le secteur minier et la réduction des dépenses, les finances publiques s’étaient dégradées en 2023 (déficit de 2,3 % du PIB) en raison du ralentissement économique (baisse des recettes) et des mesures adoptées dans le cadre du bouclier anti-inflation. En 2024, le FMI prévoit une stabilisation du déficit public à 2,3 % du PIB, malgré la hausse attendue des recettes dans le sillage d’une nouvelle redevance minière. Le niveau de recettes publiques est relativement faible (24,7 % du PIB attendu en 2024), et les difficultés à capter des recettes limitent les marges de manœuvre en cas de choc externe, rendant l’équilibre budgétaire particulièrement volatile. Cependant, la conduite d’une politique de dépenses prudente permet au Chili d’afficher une dette publique soutenable (39,4% du PIB en 2023) bien qu’en hausse (41,9 % du PIB prévu en 2028). En dépit de la trajectoire haussière, l’endettement public devrait rester en-dessous du plafond légal de 45% du PIB fixé par les autorités chiliennes en 2022.
Les déséquilibres externes se dissipent peu à peu depuis 2022, avec un déficit courant qui devrait se réduire de 3,5% du PIB en 2023 à 2,3% en fin d’année 2024 selon le FMI. L’amélioration du compte courant est favorisée par le dynamisme du commerce extérieur grâce au rebond de la demande extérieure (les exportations ont crû de 6,6 % en g.a au T2), notamment pour les produits miniers qui représentent plus de 50 % des exportations totales (+13,7 %, le cuivre, lithium), portée par la reprise de la demande chinoise et la hausse du cours du cuivre. Les importations (-5,3 %) pâtissent quant à elles de la faiblesse de la demande intérieure. Les comptes extérieurs chiliens restent fortement exposés aux risques externes, à savoir l’évolution de l’économie chinoise, principal partenaire commercial, et du cours des matières premières. Bien que la dette externe soit élevée (71,1 % du PIB en 2023) par rapport à ses voisins, les réserves de changes de la Banque centrale chilienne sont relativement confortables (44,6 Mds USD en octobre 2024, 6 mois d’importations), et conjugué à la Ligne de Crédit Flexible du FMI, permettent au pays de faire face à d’éventuels chocs externes.
Malgré une certaine volatilité des recettes fiscales et des entrées de devises, en lien avec un manque de diversification, le Chili présente un risque souverain faible selon le FMI, compte tenu d’une trajectoire de dette publique maitrisée et d’importantes réserves de change. Grâce à cette stabilité, le Chili dispose d’un accès aisé aux financements internationaux grâce à un risque souverain jugé faible par les agences de notations (le moins risqué devant l’Uruguay) et dispose d’une meilleure notation que plusieurs pays d’Europe du Sud (Espagne, Italie, Portugal).
3. L’administration du Président Boric est engagée dans de nombreuses réformes structurelles
Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, le Président chilien G. Boric s’est engagé dans un processus de réformes du cadre social et économique du pays. Une série de mesures a déjà été adoptée tandis que d’autres sont toujours en discussion au Congrès du fait d’une absence de majorité pour le gouvernement en place.
Une partie des réformes vise à lutter contre les inégalités. Les réformes déjà engagées concernent la baisse du nombre d’heures hebdomadaires de travail de 45h à 40h sur une période de cinq ans et la hausse de 19,1 % en termes réels du salaire minimum entre 2022 et juillet 2024 (à 500 000 CLP/mois soit environ 535 USD). En complément, une réforme des retraites est en cours de discussion au Congrès, depuis près de deux ans, et prévoit une hausse de la cotisation retraite de l’employeur à 6 % des salaires (en plus des 10 % payés par les salariés). Elle prévoit ainsi d’augmenter graduellement le montant de la pension de 225 USD à 272 USD.
Par ailleurs, une nouvelle redevance minière ayant pour objectif d’augmenter les revenus de l’État est entrée en vigueur en 2023. La taxe propose un taux d’imposition maximum de 46,5 % pour les productions minières annuelles supérieures à 80 000 tonnes. Un nouveau projet de réforme fiscale est en cours de discussion au Congrès prévoyant une hausse de 2,7 % du PIB des revenus de l’Etat d’ici 2028 pour financer l’élargissement des droits sociaux (retraite, santé) et renforcer la sécurité publique, sans avancée majeure cependant en 2024. En parallèle, début 2024, le gouvernement a présenté une réforme des permis sectoriels et environnementaux visant à réduire de 30 % en moyenne les délais d’instruction. Selon les estimations, elle augmenterait le PIB de 0,24 % par an sur les dix prochaines années.
Le Chili est également engagé dans la transition écologique et vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans cette perspective, le Chili a adopté une taxe sur le carbone de 5 USD/t de CO2 et prévoit d’arrêter ses centrales à charbon à l’horizon dès 2030. À terme, le Chili ambitionne aussi de devenir l’un des principaux exportateurs d’hydrogène bas carbone et de lithium. La finance verte sera également mise à contribution avec l’objectif des autorités chiliennes de mettre en conformité, au cours des 4 prochaines années, la moitié du financement de la dette publique avec les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (versus 31 % en 2022). Sur le lithium, le Président Boric a présenté le vendredi 21 avril 2023 la Stratégie nationale du lithium. Ce plan précise la vision stratégique du Chili sur l’ensemble de la chaîne de valeur et ambitionne de donner une nouvelle impulsion au secteur après 40 ans d’immobilisme sur la question du lithium. Enfin, sur l’hydrogène, le 15 décembre 2023, un protocole de coopération public-privé visant à stimuler l'industrie de l'hydrogène bas carbone et ses dérivés dans la région de Magallanes (Patagonie chilienne) a été signé. Il marque l’engagement de l’État chilien à participer activement à la mise en place de la chaine de valeur nécessaire au décollage de l’industrie de l’hydrogène dans la région et envoie un signal fort d’association des communautés locales dans cet écosystème. Le 22 décembre 2023, le gouvernement chilien a publié son plan d’action sur l’hydrogène vert, identifiant 30 mesures pour promouvoir le développement de l’industrie de l’hydrogène bas carbone.