Situation économique et financière du Chili en 2022 et perspectives pour 2023

 

  2018 2019 2020 2021 2022 2023
        (est.) (prév.)
PIB nominal (milliards USD) 297,5 279,3 252,8 316,8 306,0 335,0
Population (millions) 18,8 19,1 19,5 19,7 19,9 20,1
PIB par habitant (USD) 15.866 14.620 12.993 16.096 15,600 17,280
Croissance du PIB réel (%) 3,7 1,0 -5,8 11,7 2,7 -1,5
Inflation (fin de période, %) 2,1 3,0 2,9 7,1 12,8 5,0
Chômage (moy. annuelle, %) 7,4 7,2 10,8 8,8 8,1 8,4
Solde budgétaire (% du PIB) -1,5 -2,7 -7,1 -7,7 1,6 -2,4
Dette publique (% du PIB) 25,6 28,2 32,5 36,3 37,3 37,7
Solde courant (% du PIB) -3,9 -3,7 -1,7 -6,3 -8,7 -4,9
Dette extérieure (% du PIB) 61,6 70,6 77,9 72,4 78,5 73,2
Perception de la corruption (rang du classement Transparency International) 27 26 25 27 27  

Source: IFM Chile Report January 2023

 

Résumé : après avoir bien résisté en 2022, l’économie chilienne pourrait tomber en récession en 2023 (-0,75 à -1,75% versus +2,7% un an plus tôt) sous les effets de la dégradation de l’environnement extérieur (conséquences de la guerre en Ukraine, normalisation de la politique monétaire aux États-Unis, crainte d’un ralentissement de la Chine avec ses effets délétères sur le cours du cuivre même si la normalisation de la situation sanitaire chinoise pourrait stabiliser les marchés des matières premières) et intérieur (tensions sociales et politiques, resserrement marqué du policy-mix, incertitudes liées au processus constitutionnel et réformes sociales). Sur le plan social, la triple crise causée par des facteurs endogènes (mouvements sociaux en 2019) et exogènes (pandémie, conséquences de la guerre en Ukraine) a mis en exergue les fragilités du modèle chilien et suscité une attente croissante vis-à-vis de l’État. Pour y répondre, l’administration Boric a promis de conduire des réformes structurelles ambitieuses (fiscalité, retraites, santé, éducation) de manière consensuelle et sans rompre avec la tradition de stabilité et bonne gestion des précédentes administrations.

 

Après un spectaculaire rebond de l’activité en sortie de crise sanitaire, l’économie chilienne pourrait tomber en récession en 2023. Alors que l’activité s’est rapidement redressée lors de la réouverture de l’économie (+11,7% en 2021), portée par l’efficacité de la campagne de vaccination, la hausse du cours du cuivre (tirée par la demande chinoise) et le dynamisme de la consommation, soutenue par les trois retraits exceptionnels de l’épargne retraite (20% du PIB en 2021), la croissance s’essouffle en 2022 (+2,7% selon la Banque centrale puis entre -0,75 et -1,75% en 2023) en raison du resserrement de la politique économique et de l’assombrissement de l’environnement international.

À l’horizon 2027, la croissance pourrait toutefois converger vers son rythme potentiel de 2,5%.

À la faveur du retrait progressif des mesures de soutien et des recettes exceptionnelles issues de la hausse des prix et de l’activité, le Chili connaît une consolidation budgétaire d’une ampleur inédite. Pour la première fois depuis une décennie, le Chili enregistre un excédent budgétaire (+1,6% du PIB en 2022 après -7,7% du PIB en 2021), ce qui permet aux autorités chiliennes de reconstituer le fonds souverain (6 Mds USD au 1er semestre) et de financer les mesures pour faire face au renchérissement du coût de la vie (bouclier anti-inflation pour les produits alimentaires et énergétiques, subventions aux ménages vulnérables et aux secteurs les plus exposés à la hausse des prix). Pour 2023, le FMI envisage un creusement temporaire du déficit budgétaire, à 2,4% du PIB, en raison de la récession et de la désinflation, ce qui pèse sur les recettes fiscales (22,2% du PIB en 2023 versus 25,6% du PIB en 2022) alors que les dépenses pourraient rester relativement stables (24,6% du PIB versus 24,0% du PIB en 2022, dont +0,6% du PIB pour les programmes sociaux). À terme, les services du FMI prévoient une restauration progressive des finances publiques (-0,3% du PIB à l’horizon 2028) grâce au retour de la croissance (+1,9% prévu pour 2024) et à l’aboutissement de la réforme fiscale. Par ailleurs, la conduite d’une politique économique prudente et crédible permet au Chili de continuer à afficher une dette publique soutenable (37,3% du PIB en 2022), bien qu’en hausse (pic à 40,9% du PIB en 2026). En dépit de la trajectoire haussière, l’endettement public devrait rester en-dessous du plafond de 45,0% du PIB fixé par les autorités chiliennes. 

Face à l’intensification des tensions inflationnistes (12,8% en décembre, après un pic à 14,1% en août), la Banque centrale a resserré, de manière précoce et substantielle, la politique monétaire. Alors que l’inflation est portée par des facteurs exogènes (hausse du prix des matières premières, perturbations des chaînes d’approvisionnement) et endogènes (consommation soutenue), la Banque centrale a très rapidement relevé son taux directeur, passant de 0,5% en juillet 2021 à 11,25% en octobre 2022, soit un niveau considéré comme au-dessus du taux neutre. En dépit de son effet récessif, le Banquier central a fait connaître son intention de maintenir la politique monétaire peu accommodante le temps nécessaire pour ancrer les anticipations sur la cible de 3,0%. S’agissant de la politique cambiaire, les autorités monétaires sont intervenues ponctuellement sur le marché des changes (16,2 Mds USD entre juillet et septembre dans le cadre d’un programme d’intervention de 25 Mds USD[1]) afin de soutenir la devise chilienne. En effet, le Chili a connu une volatilité cambiaire exceptionnelle causée par la baisse du cours du cuivre (-26% entre début juin et mi-juillet) et les sorties massives de capitaux (sorties nettes de 11,2 Mds USD sur le compte financier au 3ème trimestre, en raison notamment de la normalisation de la politique monétaire aux États-Unis et des incertitudes sur le processus constitutionnel au Chili). En dépit de ces interventions, de la baisse des dépôts bancaires en devises et des effets de change défavorables, les réserves internationales demeurent amples, à 39,6 Mds USD en novembre 2022, soit 72% du niveau d’adéquation des réserves préconisé par le FMI.

 

À la fin décembre 2022, la classe politique chilienne est parvenue à s’entendre sur un processus constituant consensuel, trois mois après le rejet du projet de Constitution (62% des votants s’étaient opposés au texte lors du référendum du 4 septembre). Le nouveau processus constituant prévoit d’établir un dispositif mixte articulé autour de trois organes, à savoir : 1) À partir du 6 mars, une commission composée de 24 experts désignés à parité par le Congrès (12 par l'Assemblée et 12 par le Sénat), ayant trois mois pour rédiger l’avant-projet de Constitution ; 2) En parallèle, un comité technique d'admissibilité composé de 14 spécialistes devant garantir le respect de la charte établissant les douze principes constitutionnels qui ont été définis par les partis dans l'accord du 12 décembre dernier ; 3) Enfin, un Conseil constitutionnel d’une cinquantaine de membres élus par les Chiliens lors d'un vote obligatoire le 7 mai. Ces élus devront débattre et approuver le texte constitutionnel sur la base des propositions faites par la commission d’experts. Un référendum sera ensuite organisé le 17 décembre.

L’environnement des affaires au Chili est de bonne qualité. Un système judiciaire relativement transparent et indépendant assure une sécurité juridique. Le Chili présente les meilleurs indicateurs de la zone en termes de transparence et de gouvernance. Le pays est classé au 59ème rang mondial dans le Doing Business 2020 et au 27ème rang sur 180 dans la perception de la corruption de Transparency International, faisant du Chili le pays le moins touché par la corruption en Amérique latine après l’Uruguay (18ème rang).
 
Par ailleurs, le Chili reste très ouvert au commerce international (33 accords commerciaux avec 65 marchés), tout comme aux investissements (stock d’IDE entrants de 100% du PIB contre 50% pour la moyenne des pays de l’OCDE). Cependant, l’économie reste très concentrée (39ème économie la plus concentrée, sur 141, selon le Forum économique mondial), générant des barrières à l’entrée pour le commerce et les investissements. Enfin, l’environnement des affaires reste très pénalisé par les incertitudes autour du processus constitutionnel et les craintes d’une résurgence des mouvements sociaux.


[1] Le programme était constitué d’une capacité d’intervention de 20 Mds USD sur les marchés comptant et à termes, ainsi qu’une ligne de liquidité de 5 Mds USD.

 

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