Situation économique et financière de l’UEMOA

 

Une économie résiliente à l’épreuve des crises, en particulier de la guerre en Ukraine

Entre 2013 et 2019, la zone UEMOA a enregistré un taux de croissance moyen du PIB réel excédant 5,4% par an et avoisinant 5,8% par an entre 2021 et 2023. En 2020, la région a fait preuve d'une certaine résilience face à la pandémie avec un taux de croissance de 1,3% (contre une contraction de 1,6% pour l'Afrique subsaharienne), avant d'enregistrer un important rebond à 6% en 2021, puis 5,5% en 2022. La croissance a légèrement décéléré en 2023 (5,1%) et est projetée à 6,2 % en 2024 et 6,6 % 2025, en lien avec le démarrage de l’exploitation de gisements d’hydrocarbures au Niger et au Sénégal. Toutefois, ces perspectives sont soumises à de nombreux risques, parmi lesquels : (i) la prolongation du conflit en Ukraine ; (ii) la dégradation de la situation sécuritaire et l'instabilité politique ; (iii) le durcissement des conditions financières mondiales et régionales ; (iv) des retards dans l’exploitation des gisements d'hydrocarbures au Niger et au Sénégal ; (v) le risque de fragmentation des institutions régionales à la suite de la décision fin janvier du Mali, du Burkina Faso et du Niger de quitter la CEDEAO, dont l’impact économique peut toutefois être relativisé au regard de la faiblesse des liens commerciaux entre les Etats sahéliens et les Etats membres de la CEDEAO, non-membres de l’UEMOA (Nigéria, Ghana, Guinée).

Après une accélération de l’inflation atteignant un pic en 2022, le resserrement de la politique monétaire de la BCEAO et la baisse des cours internationaux ont permis un rapprochement de la cible dès 2023. En effet, dès 2021, en raison de perturbations dans les chaînes d'approvisionnement et de la reprise de l'activité économique, les pressions inflationnistes se sont accentuées dans la zone, le taux d'inflation s'établissant en moyenne annuelle à 3,5% (contre 2,2% en 2020). Ces pressions se sont exacerbées en 2022 avec un taux d’inflation à 7 %, en raison de l’impact de la guerre en Ukraine sur les cours mondiaux de l’énergie et de certaines denrées alimentaires de base. La hausse des prix des denrées alimentaires a été le principal moteur de l'inflation et a engendré une hausse de l'insécurité alimentaire, particulièrement dans les pays sahéliens. En raison de cette accélération de l’inflation, la BCEAO a durci sa politique monétaire (i) en relevant son taux directeur à plusieurs reprises pour l’établir à 3,5% depuis décembre 2023 (contre 2% deux ans auparavant) et (ii) en reprenant les refinancements bancaires à taux variables et pour des volumes limités depuis février 2023. Ces mesures, ainsi que le ralentissement des prix de l’alimentation (qui ont augmenté de seulement 1,1 % en g.a. en décembre 2023), ont permis une décélération de l’inflation à 3,8% en moyenne annuelle en 2023, et qui est projetée à 3,2% en 2024, avant de passer sous la barre des 3% à partir de 2025 (selon le FMI). 

Afin d'apporter une réponse aux différents chocs, le déficit budgétaire se creuse et les vulnérabilités liées à la dette s’accroissent

Les efforts de consolidation budgétaire qui avaient permis un respect du plafond de déficit public de 3% du PIB dès 2019 (-2,3% du PIB) ont été mis à mal par les différents chocs quie se sont succédés depuis 2020 (COVID-19 et guerre en Ukraine). Ainsi, en 2020, le déficit public consolidé s’est fortement creusé à 5,5% du PIB, du fait de l’impact de la pandémie. Il s’est maintenu à ce niveau en 2021 en raison des besoins de financement des Etats pour soutenir la reprise post-COVID.  En lien avec les mesures mises en place pour atténuer les conséquences de la guerre en Ukraine et la dégradation du contexte sécuritaire régional, le déficit budgétaire s’est encore détérioré pour s’élever à 7 % du PIB en 2022. Cette augmentation reflète essentiellement celle des dépenses courantes (subventions aux produits de base, service de la dette et dépenses de personnel) qui ont permis de faire face aux besoins créés par les chocs externes. L’année 2023 marquant le début de la consolidation budgétaire, le déficit a été réduit à 5,2 % du PIB en 2023. L’objectif de le retour à la cible de 3% du PIB, initialement prévu pour 2024, a été repoussé à 2025. Selon les projections du FMI, la Burkina Faso n’atteindrait cette cible qu’en 2027, le Mali et le Sénégal en 2026.

Du fait des déficits budgétaires récurrents élevés, les vulnérabilités liées à la dette se sont accrues dans l’UEMOA, en lien avec le faible niveau de mobilisation des recettes domestiques (16% du PIB pour l’ensemble de l’Union) et le durcissement des conditions financières mondiales et régionales. Le taux d’endettement de l’UEMOA est estimé à 61,4 % du PIB en 2023 selon le FMI, soit une augmentation de 16,2 pts de PIB par rapport à la situation pré-COVID (45,2% en 2019). Dans l'Union en 2023, la Guinée Bissau (79,4 % du PIB ; risque de surendettement total et extérieur élevé selon le Fonds) et le Sénégal (81,2 % du PIB) dépassent le plafond communautaire de l’UEMOA de 70% du PIB tandis que le Togo s'en rapproche (68 % du PIB qui représente, selon le FMI, un risque de surendettement global élevé). La dette publique totale est majoritairement externe (35,3% du PIB en 2023, contre 26,1 % pour la dette domestique). A noter que le Bénin (75%) dispose de la proportion la plus importante de dette extérieure, suivi par le Sénégal (73,7%), le Niger (61,4%) et la Côte d’Ivoire (60,4%), tandis que le Togo (38%), le Burkina Faso (40,8%) et la Guinée Bissau (45%) disposent de la plus faible proportion. Pour 2024, l'encours de la dette publique devrait légèrement augmenter pour se situer à 62,1% du PIB d’après les prévisions du FMI. Cependant, la hausse des taux d’intérêt sur les marchés financiers international et régional, qui renchérit le service de la dette des Etats, pourrait contraindre la soutenabilité de la dette de certains pays. A noter qu’actuellement tous les pays de l’UEMOA bénéficient d’un financement du FMI, dans le cadre d’un programme ou d’un financement d’urgence pour le cas particulier du Mali.  

L’UEMOA, vulnérable aux chocs extérieurs, est tributaire des matières premières et de l'orientation favorable des cours

L’Union exporte principalement des matières premières au premier rang desquelles (en 2022 – dernières données disponibles) l'or (28,3%), le cacao (14,4%), les produits pétroliers (9,2%), le coton (7%), le caoutchouc (4,9%) et l'anacarde (3%). Ses principaux clients sont la Suisse (19,9% du total des ventes), le Nigeria (12,5% contre 9% en 2020, en hausse tendancielle), l’Inde (6,9%), suivis de l’Afrique du Sud (6,6%), des Pays-Bas (5%) et de la France (4,1%). Le principal exportateur de la zone est la Côte d’Ivoire, qui représente à elle-seule autour de 42,2% des ventes, – une part en légère hausse (40,6% en 2021). Les achats de l’UEMOA sont par nature très diversifiés, les Etats-membres étant largement importateurs de biens intermédiaires et de consommation finale. Le principal fournisseur est la Chine (15,6%, en légère diminution de 0,6 point), suivie de la France (9,7%, en baisse de 1,9 points), devant l’Inde (8%, en hausse de 0,2 point) et le Nigeria (7,2%, en hausse de 1,6 point.). Le déficit courant s’est légèrement réduit, passant de 10,3 % du PIB en 2022 à 9,7 % du PIB en 2023. Le pic de 2022, qui intervient après 5,8 % du PIB en 2021, s’explique par le renchérissement des denrées importées et de la hausse des prix mondiaux de l'énergie, en lien avec l’impact du conflit en Ukraine. Selon les projections du FMI, le déficit du compte courant devrait s’améliorer pour se situer à 6,3 % du PIB en 2024. A fin 2022, avec le contexte international marqué par les conséquences du conflit en Ukraine, les réserves de change ont diminué pour s’établir à 4,5 mois d'importations de biens et services (contre 5,8 mois en 2021), puis un point bas à 3,3 mois en décembre 2023, en raison notamment de la réduction des entrées de capitaux et du coût des importations. Selon la BCEAO, les réserves sont projetées à la hausse à 4 mois en 2024.

Le secteur bancaire s'est montré globalement résilient face aux crises grâce aux mesures d'urgence de la BCEAO, mais présente des faiblesses et une forte exposition au souverain

Le système bancaire de l'UEMOA s'est montré globalement résilient face aux différentes crises. Aussi, le ratio de solvabilité global est-il en 2023 de 14,1%, au-dessus du seuil réglementaire de 11,5%. Le taux brut de dégradation du portefeuille a diminué légèrement de 8,8% en 2022 à 8,5% en 2023. Cependant, le secteur des institutions de microfinance a vu la qualité de ses crédits accordés se dégrader : le taux brut de dégradation du portefeuille a augmenté de 0,4 point en un an pour atteindre 4,2% en 2023. Le principal risque afférent au secteur bancaire en UEMOA est toutefois son exposition au souverain : selon le FMI, 38 % des actifs des banques sont des obligations souveraines, contre 30 % fin 2019.

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