Perspectives démographiques en Afrique de l’Ouest

D’après le dernier rapport de l’ONU sur les perspectives démographiques mondiales, la population en Afrique de l’Ouest (391 millions d’habitants en 2019) devrait doubler d’ici 2050 (796 millions d’habitants) et être multipliée par 3,8 à la fin du siècle (1,5 milliard habitant). Cette évolution s’explique par le maintien d’un taux de fécondité éminemment élevé (5,2 enfants par femme en moyenne ces 5 dernières années) et la progression de l’espérance de vie à un rythme supérieur à la moyenne mondiale (+8,9 années depuis la période 1990-1995, à 57 ans sur la période 2015-2020). Conjugué aux carences actuelles en termes d’accès à la santé et à l’éducation, l’accroissement démographique représente un enjeu majeur pour le développement économique et durable des pays de la région. L’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail pourrait les faire bénéficier du phénomène de « dividende démographique », à condition qu’elle s’accompagne d’une politique de l’emploi efficace afin que chacun puisse s’insérer dans la vie active.

La croissance démographique mondiale est très largement tirée par celle de l’Afrique subsaharienne et particulièrement par celle de l’Afrique de l’Ouest

L’augmentation de la population mondiale – qui devrait passer de 7,7 milliards d’habitants actuellement à 9,7 milliards en 2050 puis 10,9 milliards en 2100 – est attribuable pour plus de moitié à la croissance de la population en Afrique subsaharienne. Celle-ci devrait doubler d’ici 2050 (à 2,1 milliards d’habitants) et être multipliée par 3,5 à la fin du siècle (à 3,8 milliards). La population en Afrique de l’Ouest (CEDEAO et Mauritanie), qui représente aujourd’hui près de 37% de la population du sous-continent, devrait même croître dans des proportions légèrement supérieures et passer de 391 millions d’habitants en 2019 à 796 millions en 2050 (+104%) puis 1,5 milliard en 2100 (+284%).
Le rythme de croissance démographique varie selon les pays de la zone. Avec un taux de fécondité de près de 7 enfants par femme, le Niger est de loin celui dont la croissance est la plus forte : sa population pourrait être multipliée par 7 d’ici 2100 et ainsi passer de 23,3 millions d’habitants en 2019 à près de 165 millions à la fin du siècle. Le Mali, le Burkina Faso et le Bénin devraient également connaître une forte tendance à la hausse – avec une population multipliée par 4 d’ici 2100. Les prévisions de croissance pour le Ghana, la Sierra Leone ou encore la Guinée-Bissau sont en revanche moins élevées (relativement aux autres), à moins de 200% d’ici 2100. Celles du Nigéria, poids lourd du continent avec plus de 200 millions d’habitants en 2019, sont équivalentes à la moyenne de la sous-région. Dès  2050, le Nigéria pourrait ainsi devenir le 3ème pays le plus peuplé au monde (401 M) derrière l’Inde (1,6 Md) et la Chine (1,4 Md).

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Le maintien d’un taux de fécondité élevé et l’augmentation de l’espérance de vie sont les deux facteurs clés de cette évolution démographique

La vigueur de la croissance démographique au sein de la sous-région s’explique essentiellement par un taux de fécondité élevé, dont la baisse amorcée a été plus tardive que celle de la moyenne mondiale et plus lente que celle de la moyenne continentale. En effet, alors qu’on enregistre un recul du taux de fécondité à l’échelle mondiale à partir de la période 1965-1970 (de 5 enfants par femme en moyenne sur la période 1960-1965 à 2,5 enfants par femme aujourd’hui), l’abaissement du taux de fécondité n’intervient qu’à partir de la période 1980-1985 en Afrique subsaharienne (de 6,8 sur la période 1975-1980 à 4,7 aujourd’hui) et en Afrique de l’Ouest (de 6,9 à 5,2 sur la même période). L’Afrique de l’Ouest enregistre actuellement le 2ème taux le plus élevé du monde (5,2 enfants par femmes), derrière celui de l’Afrique centrale (5,5 enfants par femme). Il devrait progressivement diminuer à 3,3 enfants par femme en 2050, puis à 2,2 à la fin du siècle .
L’augmentation de l’espérance de vie contribue également à l’accroissement de la part du continent africain dans la population mondiale. En effet, si toutes les régions du globe ont vu leur espérance de vie progresser depuis la fin des années 1990 (+6,7 années en moyenne à l’échelle mondiale, de 65,6 ans à 72,3 ans), les gains les plus importants ont été enregistrés en Afrique subsaharienne, où elle a progressé de presque 12 ans pour atteindre 61,1 ans en 2019. L’augmentation enregistrée en Afrique de l’Ouest, bien que plus faible que celle du sous-continent (+8,9 années, de 48,3 ans à 57,3 ans), reste également supérieure à la moyenne mondiale. L’écart d’espérance de vie entre la sous-région et la moyenne mondiale (15 ans), reste néanmoins considérable.

L’amélioration des indicateurs sociodémographiques de la région est mise au défi par cet accroissement de population

La croissance de la population et le maintien d’un taux de fécondité élevé impliquent des besoins d’investissement forts pour maintenir un niveau satisfaisant d’accès à la santé et à l’éducation de base. Or, les besoins des pays d’Afrique subsaharienne – dont beaucoup figurent parmi les moins avancés du monde – sont déjà élevés, comme en attestent les écarts persistants entre le niveau des indicateurs socio-démographiques du sous-continent et la moyenne mondiale. Le dernier rapport du PNUD sur l’Indice de développement humain publié en 2018 range par exemple tous les pays d’Afrique de l’Ouest dans la catégorie « développement humain faible », c’est-à-dire au-delà de la 150ème place du classement, à l’exception du Cap-Vert (125ème) et du Ghana (140ème).
Plusieurs des indicateurs étudiés dans le dernier rapport de l’ONU sur les perspectives démographiques mondiales situent même l’Afrique de l’Ouest en dessous de la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne, comme : (i) l’espérance de vie à la naissance, précédemment évoquée ; (ii) la mortalité infantile des enfants de moins de cinq ans, à 91 décès pour 1000 naissances en Afrique de l’Ouest contre 78 en Afrique subsaharienne et 40 à l’échelle mondiale; ou encore (iii) le taux de natalité chez les adolescentes, à 111 naissances pour 1000 femmes âgées entre 15 et 19 ans en Afrique de l’Ouest, contre 104 en Afrique subsaharienne et 43 à l’échelle mondiale.

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L’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail peut être source de croissance à condition que les économies africaines offrent suffisamment d’opportunités d’emplois

La diminution de la fécondité, bien qu’encore modeste, implique que la population en âge de travailler (25 à 64 ans) croît actuellement plus rapidement que celle des autres groupes d'âge. Ce changement démographique structurel, déjà à l’œuvre dans toutes les régions du sous-continent (sauf en Afrique australe où cette inversion s’est opérée plus tôt), pourrait s’accélérer et représenter un gain de croissance important, grâce au phénomène temporaire de « dividende démographique », qui se caractérise par une hausse de la productivité économique lorsque le ratio de la population active par rapport au nombre de personnes à charge s’accroît.
Toutefois, même lorsque les données démographiques sont adaptées à un tel scénario, des interrogations subsistent quant à la capacité des économies africaines à offrir suffisamment d’opportunités d’emplois pour réaliser ce dividende. En 2017, le rapport sur la compétitivité en Afrique, conjointement élaboré par la Banque africaine de développement (BAfD), la Banque mondiale et le Forum économique mondial, estimait par exemple que moins du quart des 450 millions de nouveaux emplois nécessaires au cours des 20 prochaines années seraient créés sans politiques de l’emploi structurées. Le développement de l’offre de formation dans les filières de croissance identifiées (en amont), la formalisation de l’économie – dans une zone où les activités informelles représentent entre 68 et 90 % de l’emploi total selon les pays (80 à 97% des emplois créés sur les 20 dernières années au Sénégal l’ont ainsi été dans le secteur informel) – et l’amélioration du climat des affaires (en aval) figuraient parmi les principales recommandations de ce rapport. Cette situation exige des efforts fermes pour  offrir des opportunités aux populations et participer à l’amélioration des indicateurs sociodémographiques de la région.

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Août 2019

Publié le