CONGO
Le transport maritime, terrestre et fluvial au Congo-Brazzaville
Situé de part et d’autre de l’Equateur, le Congo-Brazzaville remplit une fonction naturelle de transit et de plateforme de transbordement pour les pays voisins. Disposant d’un littoral qui s’étend sur environ 170 km le long de l'océan atlantique, il abrite un port en eau profonde et ouvre l’accès à la mer à deux pays enclavés d’Afrique centrale (Tchad et Centrafrique). Cet accès à la mer lui confère un rôle géostratégique majeur et représente un atout considérable en termes de développement, sans oublier le chemin de fer. Les réseaux de transport au Congo combinent ainsi de manière exceptionnelle la voie maritime, le chemin de fer, la route, mais aussi le fluvial et l’aérien. Pourtant, le pays n’en tire pas encore les avantages supposés devant permettre une plus grande intégration régionale et un développement inclusif.
1- Le port autonome de Pointe-Noire, le chemin de fer et la RN 1 sont l'épine dorsale du Congo-Brazzaville.
Le port de Pointe-Noire (PAPN), le chemin de fer (CFCO) et la RN 1 structurent le transport et la logistique au Congo sur l’axe Pointe-Noire-Brazzaville. L’essentiel des marchandises qui arrivent ou partent du pays empruntent ces infrastructures. Ce corridor offre au pays un atout exceptionnel. Il constitue l'une des meilleures opportunités de diversifier une économie encore axée sur l’exploitation pétrolière.
1.1. Le Port Autonome en eau profonde de Pointe Noire (PAPN), arrive aujourd’hui aux premiers rangs du Golfe de Guinée. Il était à l’origine rattaché au chemin de fer, puis, après que sa gestion fut confiée à différentes tutelles, le port a gagné son autonomie en 2000 en tant qu'établissement public à caractère industriel et commercial. Depuis 2009, des investissements massifs de modernisation ont permis au PAPN de conforter son rôle de principal port de transit et de transbordement de la sous-région. Evalués à près de 700 M€, ces investissements ont été portés pour moitié par le groupe Bolloré à qui la concession du terminal à conteneurs (Congo Terminal) a été attribuée pour une durée de 30 ans. La France au travers de l’AFD, la BEI et la BDEAC ont également participé à cet effort de modernisation du PAPN ces dernières années. La capacité de traitement du terminal est aujourd’hui de 1 200 000 EVP. Le PAPN a bénéficié à nouveau d’un financement de la France (AFD/50 M€) en 2019 et d’une subvention de l’UE (30 M€) pour la construction de nouveaux quais, la construction des 100 premiers mètres linéaires du quai multifonction et de la darse de réparation navale ainsi que de 200 mètres linéaires de quai sur le nouveau terminal céréalier (financement AFD). Il est également prévu la construction d’un nouveau port de pêche. La cérémonie de signature du premier lot des travaux du quai destiné à l’activité conventionnelle a eu lieu début mars 2021. Le second lot relatif au port de pêche n’a pas encore été attribué et fera l’objet d’un nouvel appel d’offres.
Grâce à sa position géographique, le PAPN a un fort avantage compétitif sur le port en eau profonde de Kribi (KCT) au Cameroun et reste une plateforme de transbordement privilégiée pour la RDC, face au port de Cabinda. Il n’est toutefois pas adapté au trafic des produits miniers en vrac qui nécessiterait la construction d’un nouveau port minéralier en dehors de la ville. L’Etat congolais et la société chinoise CRBC ont signé à ce titre en 2016 un accord de financement pour la construction d’un port de ce type, projet évoqué à nouveau récemment dans le contexte du développement de la ZES de Pointe-Noire confié aussi aux Chinois, mais dont on ne voit pas pour l’instant de début d’exécution, malgré les annonces du lancement d’un certain nombre d’infrastructures dans cette zone (centrale à gaz et raffinerie).
1.2. Le PAPN forme avec le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), et les routes nationales 1 et 2, le corridor national qui part de Pointe-Noire à Brazzaville par la RN 1 et/ou le CFCO, de Brazzaville à Ouesso par la RN 2, et au-delà vers les pays voisins (Cameroun, Gabon, Centre-Afrique et Tchad).
-Le Chemin de Fer Congo Océan (CFCO) est la seule structure intervenant dans le domaine du transport ferroviaire au Congo-Brazzaville. Il est doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière et de gestion. Il a été construit entre 1921 et 1934. Le manque de connexion ferroviaire au PAPN et au port de Brazzaville est cependant un handicap, car il ne permet pas un transbordement direct entre le maritime et le ferroviaire et provoque une rupture de charges. Le manque de volonté du CFCO d’utiliser le port de Brazzaville pour terminus du train marchandises n’a pas permis un effet volume capable de développer ce hub.
Après que les infrastructures aient été gravement endommagées pendant la guerre civile qu’a connue le pays en 1997 conduisant à l’arrêt de la circulation des trains, il a été remis progressivement en service en 1998, mais il est à reconstruire. Le trafic avait encore subi un arrêt d’activité en 2016 et 2017 suite au dynamitage de trois ponts dans la région du pool ayant donné lieu à plus de 2 ans de travaux. Certaines parties de la voie doivent être remplacées et de nombreux ouvrages d’art (ponts ou viaducs), nécessitent une réhabilitation. Si de nouvelles voitures de transport de passagers et de nouvelles locomotives ont été livrées en 2012 et 2015, l’activité de transport de passagers est toutefois délaissée au profit du transport de marchandises parce qu’il s’exerce notamment avec moins de contraintes de sécurité.
Si l’Etat a inscrit dans son Plan national de développement 2018-2022 la réhabilitation du chemin de fer, le projet reste un serpent de mer. Il n’en demeure pas moins un projet stratégique et structurant.
Une tentative de mise en concession du CFCO avait été lancée dans la deuxième moitié des années 90, mais le processus a été déclaré infructueux. Quelques années plus tard, une étude a été menée pour la réhabilitation de la voie du CFCO entre Pointe-Noire et Brazzaville par la China Railways Construction Corporation (CRCC), mais, finalement, un protocole d’accord a été conclu en 2017 avec une autre entreprise publique chinoise, China civil engineering (CCECC), pour le même projet de réhabilitation, auquel s’est ajoutée au passage la construction de près de 1 800 Km de nouvelles lignes ferroviaires devant relier Pointe-Noire à Ouesso au nord, en plus des 510 Km à réhabiliter entre Brazzaville et Pointe-Noire. Parallèlement, le groupe minier congolais SAPRO cherche depuis quelques années les moyens d’une réhabilitation d’une portion de la ligne de chemin de fer, permettant un trafic lourd, afin d’évacuer son minerai de la mine de Mayoko, de Mbinda (sud-ouest) à la frontière du Gabon. La société chinoise Sangha Mining Development, qui a obtenu en mars 2021 trois permis d’exploitation des mines de fer de Badondo, d’Avima et de Nabemba, dans la Sangha à l’extrême nord du pays, a annoncé également la construction d’une ligne de chemin de fer entre la Sangha et le Kouilou pour le transport du minerai à Pointe-Noire, un port minéralier à la Pointe indienne (Kouilou), ainsi qu’une ligne de transport électrique. Le projet de réhabilitation du CFCO était à nouveau à l’ordre du jour des échanges au cours du Forum sur la coopération sino-africaine, tenu en juin 2019 dans la capitale chinoise. La crise a eu raison pour l’instant de ce projet porté par les entreprises chinoises.
-La RN 1 qui relie les deux grandes villes du pays Pointe-Noire et Brazzaville a été inaugurée en 2016. C’est un autre maillon de la chaîne de transport du pays. Elle permet de connecter le sud et le nord en empruntant la RN 2 qui part de Brazzaville à Ouesso, dans le nord du pays. L’État a investi 1,7 Md EUR sur financement chinois pour la construction de la RN 1 (545 Km). Les entreprises CSCEC et EGIS, qui ont respectivement construit et contrôlé ces travaux, ont formé un consortium dénommé « La Congolaise des Routes » (LCR) qui a obtenu en septembre 2018 la concession des RN 1 et RN 2 sous forme de délégation de service public, pour une durée de 30 ans. L’État est également actionnaire. La LCR a pour mission d’entretenir ce réseau routier. Sept péages sont opérationnels sur la RN 1 avec des tarifs allant de 1.000 FCFA pour les véhicules légers à 30.000 FCFA pour les poids lourds de 3 essieux et plus.
La RN 2 devra être réhabilitée. Cette route s’est considérablement dégradée par manque d’entretien et du fait de l’arrêt des travaux sur les trois tronçons à réhabiliter rendant difficile la connexion avec la partie nord du pays. Les travaux ont finalement repris et été confiés à trois entreprises chinoises en décembre 2020, suite à l’apurement partiel de leurs arriérés dans le cadre du «Club de Brazzaville». Le Tronçon Yié-Owando sur la RN 2 est de plus, depuis novembre 2019, interdit aux grumiers et aux camions transportant plus de 30 tonnes. Les transporteurs doivent ainsi emprunter la route dite des forestiers, non bitumée et qui part d’Owando (nord) à Pointe-Noire (sud). Le Fond routier chargé d’entretenir les routes est peu opérationnel, voire défaillant, le réseau routier du Congo encore en terre à plus de 90% posant un problème de viabilité.
-Dans le cadre des projets intégrateurs visant à améliorer la circulation des biens et des personnes dans la CEEAC, plusieurs routes frontalières, achevées ou en cours de construction, permettent déjà de connecter le Congo-Brazzaville aux pays limitrophes : Gabon – RCA – Cameroun. À terme, ces routes renforceront la vocation de transit du Congo et les échanges sous régionaux. L’ensemble de ces projets figurent dans le Plan directeur des transports en Afrique centrale qui prévoit dans son Programme d’investissements prioritaires 2020-2024, le projet emblématique de pont route-rail Brazzaville-Kinshasa et le projet « corridor 13 » Pointe-Noire-Brazzaville-Ouesso-Bangui-Djaména, plus précisément, le tronçon Ouesso-Bangui-Mbaikro (Tchad). Les projets de construction des tronçons manquants de la route Ndende-Dolisie, du corridor 5 Brazzaville-Libreville, et d’aménagement du corridor Brazzaville-Ouesso-Ndjamena ont obtenu des promesses de financements lors de la Table ronde des bailleurs organisée par la CEMAC en novembre 2020 à Paris. Ces projets figurent dans la liste de 11 projets intégrateurs de la CEMAC.
-Le projet du pont route/rail permettra de relier les deux villes de Brazzaville-Kinshasa avec une prolongation du chemin de fer jusqu'à Ilebo (centre de la RDC). À l’heure actuelle, la liaison entre les deux capitales est assurée par ferry et par péniche. Il est envisagé que l’ouvrage soit réalisé dans le cadre d’un Partenariat public/privé « de type concessif » pour une durée d’environ 35 ans. Son montant serait estimé à 2,5 Mds €. Le futur pont serait construit à Maloukou, à environ 45 km de la sortie nord de Brazzaville, en raison de la navigabilité du fleuve, de sa proximité avec la Zone économique spéciale. Cette infrastructure fait partie des projets prioritaires du Nouveau Partenariat Africain pour le Développement (NEPAD), ainsi que de l'Agenda 2063 de l'Union Africaine. La loi autorisant la ratification de l'accord entre le Congo et la RDC relatif au financement, à la construction et à l'exploitation de ce pont route-rail a été adoptée par la RC en janvier 2021.
2-Le transport fluvial, un maillon en devenir de la chaine de transport multimodal
Le fleuve Congo constitue un des éléments essentiels du réseau de transport fluvial du pays et forme avec l’Oubangui l’axe trans-équatorial du réseau fluvial international. Ces fleuves sont navigables jusqu'à la frontière avec la RCA. Le fleuve Congo est le deuxième du monde après l'Amazone par son débit. Le réseau fluvial navigable est de 7 276 km dont 5 200 km pour le réseau international et 2 076 km pour le réseau intérieur. Le réseau fluvial intérieur comprend les voies navigables suivantes : la Léfini, la Likouala Mossaka, la Likouala aux herbes, l’Alima, le Kouyou, l’Ibenga et la Motaba. Malgré cet important réseau de voies navigables, le transport fluvial reste un maillon faible de la chaine de transport multimodal.
Le Port autonome de Brazzaville et ports secondaires (PABPS) est le principal port fluvial du pays qui concentre 95% du trafic fluvial national. Le PABS, structure chargée de gérer le trafic et l’utilisation des ports fluviaux et secondaires du pays (Ouesso, Ngombé, Mossaka, Impfondo, Oyo, Makoua, Boundji, Etoumbi et Owando), connait une situation financière difficile engendrée notamment par la baisse du trafic sur le fleuve Congo dû à l’ensablement continu des ports, exigeant un travail de dragage régulier, et par la concurrence de ports sauvages en amont du port de Brazzaville. En raison de son faible tirant d’eau, notamment au Port de Brazzaville et surtout en saison sèche, le fleuve Congo n’est navigable que six à sept mois par an. Le Groupement d’intérêt économique chargé du service commun d’entretien des voies navigables du Congo-Brazzaville et de la République centrafricaine (GIE-SCEVN), créé en 2007 suite à la dissolution de l’Agence Trans congolaise des communications, peine à accomplir pleinement sa mission, faute de moyens.
À ces difficultés s’ajoute une importante dette qui empêche le PABPS de poursuivre la modernisation de ses infrastructures portuaires entamée en 2014. Cette volonté de modernisation avait conduit l’État à concéder en 2014 la gestion du port fluvial à l’opérateur privé Terminaux du bassin du Congo (TBC, filiale de Bolloré depuis 2017), pour une durée de 15 ans. Le niveau des investissements ne permet pas aujourd’hui une bonne réalisation des trafics fluviaux. En outre, la compétitivité de TBC est fragilisée par une accélération du nombre de quais et de ports sauvages. Plusieurs opérateurs ont été autorisés par le CFCO à décharger leurs marchandises à la gare petite vitesse de Brazzaville. Cette double concurrence ne permet pas aujourd’hui de promouvoir le corridor congolais dans les meilleures conditions.
3- L’alternative du fret aérien
Le Congo-Brazzaville dispose de trois aéroports internationaux, Brazzaville, Pointe-Noire et Ollombo, et huit aérodromes secondaires (Nkayi, Sibiti, Mossendjo, Makoua, Dolisie, Impfondo, Djambala et Ouesso). La gestion des trois aéroports internationaux a été confiée à la société Aerco, dont les actionnaires sont EGIS, l’Etat Congolais ainsi qu’un fond d’investissement Sud-Africain AIIM (African Infrastructure Investment Managers). Le sous-secteur aérien a des atouts pouvant permettre le désenclavement de certaines zones du pays, mais peu de compagnies aériennes desservent l’hinterland et les flux de marchandises sont encore trop faibles, le type d’appareils utilisés par les deux actuelles compagnies aériennes intérieures (TAC et Canadian) ne le permettant pas.