Le secteur du numérique

 

Le développement du secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) constitue un axe majeur de la stratégie de diversification de l’économie congolaise. Cet objectif a été réaffirmé à travers le lancement en 2019 d’une stratégie nationale de développement de l’économie numérique du Congo baptisée « Congo Digital 2025 ». Les freins à l’expansion du secteur du numérique restent toutefois nombreux et l’intégration des TIC dans le tissu économique congolais est encore limitée par de multiples facteurs endogènes (données, services électriques, compétences, etc.).

L’ARPCE : une autorité de contrôle puissante

Le secteur des NTIC au Congo-Brazzaville est aujourd’hui régulé par l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE) créée en 2009, création qui a marqué l’ouverture du secteur des NTIC à la concurrence. C’est l’autorité de contrôle, de suivi et de régulation des secteurs des Postes et communications électroniques. L’ARPCE encadre l’activité des opérateurs, garantit le service aux usagers et recouvre pour le compte de l’État les droits, taxes et redevances des secteurs des Postes et des communications électroniques. C’est à ce titre qu’elle a été désignée comme prestataire technique pour la mise en œuvre du « Hub Numérique » visant à assurer le suivi des transactions électroniques effectuées sur le territoire national, par transfert, prélèvement bancaire ou télé règlement (mobile money).

A la loi créant l’ARPCE, se sont ajoutées les lois sur la cybersécurité et contre la cybercriminalité en vigueur depuis juin 2020. Plusieurs projets de loi sont à l’étude ou à l’état de projet, comme une loi encadrant les start-up.

 

Des infrastructures en construction

Le Projet de couverture national (PCN) est le projet de modernisation du réseau national de télécommunications. Il est piloté par l’opérateur public Congo Télécom. Le PCN vise à améliorer l’accès à Internet, via notamment la construction d’un réseau de fibre optique terrestre reliant Pointe-Noire à Brazzaville. Le PCN comprend trois volets : commutation, transport et accès local. Dans le volet accès, des boucles optiques métropolitaines ont été construites dans Brazzaville, Pointe-Noire, Oyo, et d’autres départements par la société chinoise Huawei. Dans son volet transport, il s’agit notamment de couvrir le territoire national en fibre optique en réalisant une dorsale optique terrestre reliant Pointe-Noire, Dolisie, Brazzaville, Oyo et Ouesso et des ramifications (bretelles) à partir de ce tronc vers d’autres départements. Le démarrage de la troisième phase de ce projet, le « dernier kilomètre » doit permettre la connexion des entreprises et des ménages à la fibre optique haut-débit.

Plusieurs grands projets d’infrastructures ont, par ailleurs, été réalisés ces dernières années pour compléter le PCN. La première phase du programme régional d’interconnexion Central African Backbone (CAB) commencée en 2015 a été achevée en décembre 2017 et est effective depuis avril 2018. Ce projet connecte le Congo et le Gabon par la fibre optique. Cette phase est exploitée en délégation de service public. La deuxième phase du projet qui prévoit de raccorder le Congo au Cameroun et à la RCA est en cours de réalisation. La Banque mondiale a cofinancé avec l’État la phase 1 du projet CAB à hauteur de 15 M EUR chacun et la Banque africaine de développement la phase 2 pour un montant de 52 M EUR, complétés à hauteur de 14 M EUR par l’État congolais.

Le projet WACS, projet de câble sous-marin à fibre optique tiré depuis l’Afrique du Sud jusqu’au Royaume-Uni et longeant les côtes congolaises, permet au Congo de pouvoir bénéficier d’une entrée numérique internationale depuis mai 2012. Le gouvernement congolais, avec l’appui de la Banque européenne d’investissement étudie la possibilité de connecter le pays à un second câble sous-marin à fibre optique.

 

Un maillage du marché par plusieurs opérateurs

Une dizaine de sociétés fournisseurs d’accès Internet opèrent aujourd’hui sur le marché. L’opérateur historique, Congo Telecom, propose des offres Internet fixe par fibre optique aux clients résidentiels et aux entreprises. Le Groupe Vivendi Africa (GVA) a lancé son offre Internet par fibre optique aérienne en 2018 à Pointe-Noire. GVA s’appuie sur la force de vente de Canal+, bien implantée, pour commercialiser son offre sous la marque Canal box et sur celle de l’opérateur local OFIS, dont elle a racheté l’activité Internet Yattoo. MTN et Airtel offrent également des services Internet fixe par fibre optique et par radio. D’autres opérateurs moins offensifs, tels que Alink Telecom, PI Service/Sky TIC et AMC Telecom, sont également présents sur ce marché.

Sur le marché de la téléphonie mobile, deux opérateurs, MTN (Afrique du Sud) et Airtel (Inde), ont un monopole de fait avec des parts de marché respectivement de 69 % et 31 %. Les deux opérateurs MTN et Airtel se partagent, par ailleurs, le marché de l’Internet mobile qui compte près de 3 millions d’abonnés et affiche un taux de pénétration de 51 %. Le marché se développe rapidement du fait des nouvelles habitudes des utilisateurs qui communiquent de plus en plus via les applications de type WhatsApp ou Messenger. Le marché du mobile money est également dynamique. Il compte 2,1 millions d’abonnés pour une valeur totale des transactions de 116,3 Mds FCFA au cours du mois de juin 2020. MTN en est leader avec une part de marché de 80 %, contre 20 % pour Airtel.

 

Des freins au développement du secteur

Si la qualité des services s’améliore, bien que la faible qualité des réseaux et le coût élevé des connexions Internet soient souvent décriés, il reste de nombreux freins au développement du secteur du numérique. Malgré les efforts déployés ces dernières années, le pays souffre ainsi de la connectivité Internet la plus faible de la région. Selon l’Union internationale des télécommunications, en 2018, seuls 9,7 % des Congolais avaient un accès quotidien à Internet, reléguant le Congo au 174ème rang.

De nombreux obstacles demeurent afin de parvenir à disposer d’une infrastructure technologique qui supporte Internet et notamment la fourniture de services électriques qui reste un point noir dans le développement du numérique. L’absence de statistiques fiables, qui permettraient d’affiner la connaissance des habitudes et usages des consommateurs et ainsi faciliter le développement de solutions numériques adaptées, représente également un frein important au développement du secteur.

La stratégie nationale de développement de l’économie numérique du Congo baptisée « Congo Digital 2025 » a été officiellement présentée à Brazzaville en août 2019. Sa mise en œuvre et le bouclage de son financement ont été confiés à la Direction Générale du développement de l’économie numérique. Différents chantiers d’informatisation ont progressé ces dernières années afin d’améliorer la gouvernance du secteur. Un arsenal de réformes a été lancé dans toutes les régies financières afin de mieux collecter et sécuriser les recettes publiques. Il s’agit, en particulier du Système intégré de gestion des finances publiques (SIGFIP), du Système de suivi de paiement des créances de l’État (SYSPACE), du Système de gestion des impôts et taxes (E-TAX), du nouveau Système douanier informatisé (E-DOUANES).

 

Un écosystème encore peu développé

Quelques entreprises ont réussi à se faire une place dans l’économie numérique, en particulier dans le domaine de la fourniture de services aux entreprises, mais l’écosystème demeure relativement fragile et de nombreuses petites entreprises peinent encore à exister en l’absence de débouchés ou de dynamique d’ensemble. L’État dispose donc d’un espace pour aider les entreprises à grandir.

Il existe quelques incubateurs privés parmi lesquels l’association Bantuhub et l’association Yékolab lancées en 2015 à Brazzaville et en 2017 à Pointe-Noire par un entrepreneur franco-congolais. Yékolab a déjà formé gratuitement des centaines de jeunes Congolais au développement d’applications mobiles et de logiciels. Par ailleurs, Total a créé fin 2019 un incubateur à Pointe-Noire. Situé en plein cœur du centre-ville, Total Startup Center est un espace collaboratif offrant un accompagnement personnalisé aux porteurs de projets.

Dans ce contexte, un certain nombre d’initiatives comme le Salon International des technologies de l’information et de l’innovation (Osiane) organisé par l’association Pratic avec le soutien de l’ARPCE, méritent d’être soulignées. La 4ème édition, organisée du 16 au 18 avril 2019, a accueilli une soixantaine d’entreprises, dont 40 entreprises exposantes et près de 6 000 visiteurs. L’association Pratic est également à l’initiative du forum Brazza Fintech qui organise des conférences débats autour de la technologie financière. La deuxième édition s’est tenue début 2020.

 

Un besoin de formation

Le manque de compétences est un vrai sujet, le secteur du numérique au Congo ne pouvant encore s’appuyer sur le capital humain nécessaire pour développer ou conforter son écosystème. Il existe peu de structures de formation au numérique et la plupart n’offrent que des formations générales. L’ouverture en octobre 2016 de la « Grande école du numérique du Congo » concoure néanmoins à élargir l’offre de formation dans ce secteur. Cette école a l’ambition de former chaque année de nombreux jeunes aux métiers du web et du numérique.

Un incubateur universitaire sur les métiers du numérique dénommé PUITS (Programme universitaire d’innovation en technologies et services) a aussi été mis en place par l’ARPCE en mai 2018, en partenariat avec la Banque mondiale. Ce programme vise aussi à favoriser l’émergence de nouveaux acteurs des métiers du numérique et de soutenir les jeunes porteurs de projets innovants dans la création de leur entreprise.

 

 

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