CANADA
Synthèse de la situation macroéconomique du Canada
Situation macroéconomique et financière – Canada
(septembre 2025)
prochaine mise à jour prévue janvier 2026
Après avoir montré une certaine résilience, l’économie canadienne commence à ressentir les premiers signes des conséquences de la guerre commerciale avec les États-Unis : la croissance s’est contractée au T2 2025, tandis que le marché du travail se fragilise. À ces tensions conjoncturelles s’ajoutent des défis structurels, exacerbés par le contexte commercial. Pour soutenir les entreprises et stimuler l’activité économique, le gouvernement Carney a intensifié les financements, lancé de grands projets d’infrastructures et multiplié les mesures de soutien, au risque toutefois de fragiliser davantage l’équilibre budgétaire du pays.
I/ Frappée par les droits de douane américains, l'économie canadienne montre des signes de ralentissement
Après un premier trimestre 2025 dynamique, l’économie canadienne s’est contractée au T2 2025, laissant présager une croissance modeste sur l’ensemble de l’année. Après s’être montrée résiliente en 2024 (taux de croissance de 1,6% sur l’année), notamment grâce à un dernier trimestre meilleur qu’attendu, l’économie canadienne a poursuivi sur sa lancée au T1 2025 avec une croissance de 2 % en rythme annualisé (+0,5% en variation trimestrielle), soutenue par une augmentation des échanges commerciaux et la constitution de stocks par les entreprises face aux menaces tarifaires américaines. Le PIB s’est toutefois replié de 1,6 % au T2 (-0,4% en variation trimestrielle), sa plus forte contraction en deux ans, sous l’effet d’un recul marqué des exportations (-7,5 %), des importations (-1,3 %) et des investissements des entreprises en machines et matériel. Cette tendance baissière ne devrait pas se poursuivre au troisième trimestre, les premiers indicateurs d’activité étant plus encourageants.
Le marché du travail canadien s’est parallèlement détérioré. En août 2025, le taux de chômage a atteint 7,1 % (Annexe I), +0,2 point en glissement mensuel, son plus haut niveau depuis 2016 (hors pandémie). Parallèlement, le retour à l’emploi est devenu plus difficile : seuls 15,2 % des chômeurs en juillet ont retrouvé un emploi en août, une proportion bien inférieure à celle observée aux mêmes mois entre 2017 et 2019 (23,3%). Le chômage des jeunes s’élève à 14,5%, un niveau habituellement observé lors de récessions. La hausse du chômage s’est accompagnée d’une diminution du nombre d’emplois, particulièrement marquée dans les secteurs touchés par les droits de douane. En deux mois, 107 000 emplois ont été perdus, concentrés dans les secteurs de la fabrication, du transport et de l’entreposage (64% des emplois totaux perdus en août). L’Ontario, dont l’économie est très dépendante du commerce avec les Etats-Unis, notamment dans le secteur automobile, est particulièrement touché : 66 000 emplois ont été supprimés entre février et août 2025. Les régions industrielles du sud de la province affichent les taux de chômage parmi les plus hauts du pays : 11,1 % à Windsor (contre 9,1% en janvier 2025), 9 % à Oshawa (contre 8,2%) et 8,9 % à Toronto (contre 8,8%).
La Banque du Canada, après avoir entamé un cycle d’assouplissement monétaire en juin 2024, a marqué une pause au printemps 2025 face à l’incertitude commerciale, le temps d’observer les effets réels sur l’économie canadienne. L’inflation, revenue à 1,9 % en août 2025 (+ 0,2 point par rapport à juillet mais bien en dessous du sommet de 8,1 % en juin 2022), reste contenue (Annexe II), malgré des tensions persistantes sur les prix alimentaires (3,5 %) et le coût du logement (2,6 %). L’affaiblissement du marché de l’emploi et le recul de l’activité au T2 2025 ont conduit la Banque du Canada à procéder à une nouvelle baisse de son taux directeur de 25 points de base le 17 septembre 2025, le fixant à 2,5%, malgré quelques pressions persistantes sur l’inflation (Annexe III).
II/ Le conflit commercial instable avec les Etats-Unis remet les défis structurels de l'économie canadienne au coeur du débat
Le Canada doit s’atteler à répondre à son déficit de productivité qui, conjugué à l’accroissement de la population, s’est traduit ces dernières années par une baisse continue du PIB par habitant. La croissance démographique record de 2023 (+3,2 %, soit +1,3 M de personnes) a stimulé l’offre de main d’œuvre mais n’a pas été accompagnée d’investissements suffisants pour accroitre la productivité. Au T2 2025, la productivité du travail a reculé de 1% par rapport au trimestre précédent, soit la plus forte baisse depuis fin 2022 : compte tenu de l’incertitude commerciale internationale, les entreprises ont réduit leur production au T2 2025 mais le nombre d’heures travaillées n’a pas été diminué pour autant. A ces enjeux conjoncturels s’ajoutent des problèmes plus structurels, tels que des investissements d’avenir insuffisants (IA, numérique), la faible numérisation de l’économie, le sous-investissement dans les transports et le manque de concurrence dans des secteurs clés (IA, internet, télécommunications). Les investissements des entreprises en R&D représentent 1% du PIB canadien contre 2% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Tout ceci conduit à une érosion de la productivité canadienne, notamment en comparaison à son voisin américain (entre 2000 et 2023, l’écart avec le PIB horaire/travailleur des Etats-Unis est passé de 18 à 24%) et le PIB/habitant reste très inférieur (54 283 US$ pour le Canada contre 85 810 US$ aux Etats-Unis en 2024).
Le Canada doit résoudre les déséquilibres persistants sur son marché immobilier. La combinaison d’une forte demande (arrivée de 1,3 M de personnes sur le territoire canadien en 2023, soit 3,1% de la population), de taux bas en sortie de pandémie et d’une offre contrainte (pénuries de main-d’œuvre, retard des mises en chantier) a alimenté une hausse des prix. Le marché immobilier a ainsi fait face à un double choc d’offre et de demande. Les récentes mesures du gouvernement de réduction de l’immigration temporaire (objectif de 5 % de la population en 2027 contre 7,4 % au T1 2025) permettent un allègement de la pression sur le marché du logement, mais les disparités régionales persistent : les mises en chantier sont toujours insuffisantes en Ontario et en Colombie-Britannique. Le déséquilibre reste également marqué en raison d’un décalage entre les typologies de l’offre et de la demande. Le gouvernement précédent a multiplié les mesures de soutien mais la question de l’accessibilité reste un sujet central : le gouvernement Carney a récemment supprimé la TPS (équivalent de la TVA) pour l’achat d’une première propriété neuve de moins d’1 M CAD.
Enfin, les barrières commerciales interprovinciales demeurent un frein majeur pour l’économie, malgré l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) de 2017. Les près de 300 exceptions à l’accord encore en vigueur (normes spécifiques des provinces pour reconnaitre les qualifications professionnelles, exigences d’approvisionnement local pour les marchés publics, application de normes de production provinciales etc.) coûteraient environ 200 Md CAD par an à l’économie canadienne. Le gouvernement Carney a fait de la suppression de ces barrières une de ses priorités. La loi C-5 adoptée fin juin 2025 a levé la cinquantaine d’exceptions fédérales prévues dans l’ALEC et qui étaient des obstacles à la mobilité du travail et aux échanges de biens et services, entre autres. Pour autant, l’essentiel des entraves dépend des provinces qui ont, elles aussi, commencé à s’entendre en signant des accords bilatéraux interprovinciaux pour les lever.
III/ Afin de relancer l'économie, le gouvernement Carney annonce des investissements maffis qui risquent cependant d'accroitre fortement le déficit budgétaire canadien
Le Canada peut s’appuyer sur des finances publiques comparativement meilleures que dans le reste de l’OCDE, malgré quelques points de vigilance. Au Canada, la dette brute des administrations publiques atteint 107% du PIB fin 2023 d’après le FMI, soit un niveau relativement bas en comparaison aux autres pays, notamment les pays du G7 (Annexe IV). Cependant, dans le dernier document budgétaire présenté, l’Enoncé économique d’automne fin 2024, le déficit public n’a pas pu être ramené à moins de 1% du PIB. Le déficit était évalué à 61,9 Mds CAD en 2023-2024, soit au-delà de l’objectif initial de 40 Mds CAD, en raison de dépenses ponctuelles (16,4 Mds CAD pour l’indemnisation autochtone, 4,7 Mds CAD d’allocations Covid, etc.) et de mesures temporaires (suspension de la TPS/TVH pendant 2 mois pour un coût estimé de 1,6 Md CAD).
La stratégie du gouvernement Carney repose sur des investissements massifs dans des secteurs clés de l’économie. Le gouvernement a annoncé une hausse du budget de la défense de 9,3 Mds CAD pour atteindre l’objectif de 2% du PIB de dépenses dans le secteur, le lancement fin août du Bureau des Grands Projets (BGP), dont le mandat consiste à accélérer les processus d’approbation et de coordonner le financement des grands projets d’infrastructures, ainsi que la liste des 5 premiers projets soumis à l’examen du Bureau (ces projets représentent des investissements de plus de 60 Mds CAD dans l’économie – Annexe V). Le gouvernement a par ailleurs créé Maisons Canada, doté d’une enveloppe de 13 Mds CAD, pour aider les constructeurs à lancer de grands projets immobiliers et lutter contre la crise du marché immobilier. Il a également présenté un paquet de mesures de soutien aux entreprises touchées par la guerre commerciale avec les Etats-Unis, dont un Fonds de réponse stratégique doté de 5 Mds CAD et l’augmentation de la dotation du Fonds d’initiative régionale de réponse tarifaire (de 450 M CAD à 1 Md CAD sur trois ans).
Ces annonces pourraient gonfler le déficit bien au-delà des projections de l’Enoncé économique d’automne 2024 (estimé à 42,2 Mds CAD en 2025-2026 – Annexe VI). Lors de la campagne électorale d’avril 2025, le Parti libéral évoquait déjà un déficit de 62 Mds CAD. Scotiabank estime désormais que le déficit pourrait atteindre 77 Mds CAD, tandis que l’Institut C.D. Howe l’évalue à 92 Md CAD. L’ampleur effective du déficit dépendra des économies réalisées par ailleurs par le gouvernement : début juillet, le ministre des Finances a demandé à l’ensemble des ministres de documenter les économies réalisables avec un objectif de 7,5% de réduction des dépenses de programme pour l’exercice budgétaire 2026-2027, 10% l’année suivante et 15% en 2028-2029. Le budget fédéral devrait être présenté le 4 Novembre prochain et donner une vision détaillée des perspectives budgétaires envisagées pour les prochaines années.
Annexe I : Evolution du taux de chômage entre 2014 et 2025
Source : Statistique Canada
Annexe II : Evolution de l'inflation entre 2019 et 2025
Source : Statistique Canada
Annexe III : Evolution du taux directeur de la Banque du Canada
Source : Banque du Canada
Annexe IV : Dette brute des asministrations publiques des pays du G7 (données du FMI)
Annexe V : Annonce des premiers projets soumis à l'examen du nouveau Bureau des grands projets (extraits du communiqué de presse officiel)
- LNG Canada – phase 2, Kitimat (Colombie-Britannique) : Ce projet permettra de doubler la production de gaz naturel liquéfié (GNL) de LNG Canada, qui deviendrait ainsi la deuxième plus grande installation de ce type au monde. Le projet devrait attirer d’importants capitaux privés au Canada, contribuer à la croissance de notre PIB et soutenir l’emploi et la croissance économique dans les communautés de la région. Il permettra de diversifier nos partenariats commerciaux et de répondre à la demande mondiale croissante en énergie sûre et à faible teneur en carbone grâce au GNL canadien, contribuant ainsi à la sécurité énergétique mondiale en augmentant l’approvisionnement en gaz naturel pour nos partenaires asiatiques et européens. Grâce à l’avantage durable du Canada, les émissions devraient être 35 % inférieures à celles des installations de GNL les plus performantes au monde et 60 % inférieures à la moyenne mondiale.
- Nouveau projet nucléaire de Darlington, Bowmanville (Ontario) : Ce projet fera du Canada le premier pays du G7 à disposer d’un petit réacteur modulaire (PRM) opérationnel, accélérant ainsi la commercialisation d’une technologie clé qui pourrait répondre aux besoins en énergie propre du Canada et du monde entier, tout en injectant 500 millions de dollars par an dans la chaîne d’approvisionnement nucléaire de l’Ontario. Une fois achevé, le premier des quatre PRM de Darlington fournira une énergie fiable, abordable et propre à 300 000 foyers, tout en soutenant 3 700 emplois par an, et quelque 18 000 emplois pendant la période de construction, au cours des 65 prochaines années. Ce projet pourrait permettre au Canada de devenir un chef de file mondial du déploiement des technologies de PRM, qui pourraient être utilisées partout au pays et dans le monde entier.
- Projet de terminal à conteneurs de Contrecœur, Contrecœur (Québec) : Ce projet permettra d’augmenter la capacité du port de Montréal d’environ 60 %, afin de doter l’Est du Canada des infrastructures commerciales nécessaires pour assurer la circulation des marchandises, répondre à la demande croissante et diversifier les routes commerciales. Le projet contribuera à renforcer les chaînes d’approvisionnement, à créer des milliers d’emplois et à générer environ 140 millions de dollars par année en retombées économiques locales et nationales au Québec et au Canada.
- Projet de mine de cuivre de Foran à McIlvenna Bay, centre-est de la Saskatchewan : Ce projet est mené dans l’une des ceintures minérales les plus riches du Canada en étroite collaboration avec la Nation crie de Peter Ballantyne. Il fournira du cuivre et du zinc afin de renforcer la position du Canada en tant que fournisseur mondial de minéraux critiques dans les domaines de l’énergie propre, de la fabrication de pointe et des infrastructures modernes. Il permettra de créer 400 emplois et de stimuler les économies locales en Saskatchewan et au Québec, où le cuivre sera fondu. Ce devrait être le premier projet de cuivre carboneutre au Canada.
- Expansion de la mine Red Chris, nord-ouest de la Colombie-Britannique : Ce grand projet d’expansion permettra de prolonger de plus de 10 ans la durée de vie de la mine, d’augmenter de plus de 15 % la production annuelle de cuivre au Canada, d’employer près de 1 500 travailleurs pendant la période d’exploitation et jusqu’à environ 1 800 travailleurs pendant la période de construction, et de réduire de plus de 70 % les émissions de gaz à effet de serre lorsqu’il sera opérationnel. Ce projet, qui sera réalisé en étroite collaboration avec la Nation tahltan, constitue une étape importante dans le processus de réconciliation et le développement du potentiel du nord de la Colombie-Britannique. Il contribuera également à renforcer le rôle du Canada en tant que fournisseur fiable de cuivre et d’autres ressources essentielles à la fabrication mondiale et aux technologies d’énergie propre. Cette mine fait partie du Corridor essentiel de conservation du Nord-Ouest, une initiative qui sera maintenant à l’étude du BGP puisqu’elle présente des possibilités de mise en valeur des minéraux critiques, de transmission d’énergie propre et de leadership de la part des peuples autochtones et qu’elle pourrait donner lieu à une nouvelle zone de conservation de la taille de la Grèce.
Le détail des projets est disponible : Le premier ministre Carney annonce les premiers projets qui seront soumis à l’examen du nouveau Bureau des grands projets | Premier ministre du Canada
Annexe VI : Projections budgétaires du gouvernement fédéral dans l'Enoncé économique d'automne 2024