CANADA
Synthèse de la situation macroéconomique et financière du Canada
Situation macroéconomique et financière – Canada
(mars 2025)
prochaine mise à jour prévue juillet 2025
La diminution des pressions inflationnistes ont permis à la Banque du Canada d’engager l’assouplissement de sa politique monétaire dès le milieu d’année 2024. L’économie canadienne a atterri en douceur, avec une croissance estimée à 1,3% en 2024. Bien que la situation économique soit meilleure qu’attendue, le Canada fait toujours face à des freins structurels (tensions sur le marché locatif, déficit de productivité) l’empêchant d’atteindre sa croissance potentielle. Les perspectives de croissance pour 2025 pourraient quant à elles être freinées par les menaces de droits de douane proférées par les Etats-Unis.
I/ L’économie canadienne a "atterri en douceur" en 2024, ramenant l'inflation autour de sa cible de 2% tout en maintenant une croissance supérieure à 1%
L’économie canadienne est parvenue à « atterrir en douceur » en 2024, grâce notamment à un bon dernier trimestre 2024. L’économie canadienne s’est montrée résiliente en 2024. Par rapport aux récessions précédentes, notamment la crise financière de 2008-2009, le PIB réel et l’emploi se sont redressés plus rapidement après la pandémie, malgré un choc plus important. Ce redressement rapide s’explique en partie par le soutien important apporté par le gouvernement fédéral. L’économie canadienne a ainsi été plus vigoureuse au dernier trimestre 2024 que ce qui était attendu initialement, conduisant à une révision à la hausse des prévisions de croissance pour 2024 (1,3% au lieu de 0,7% dans l’Enoncé économique d’automne du 16 décembre 2024). La croissance démographique, portée par l’immigration, a soutenu la consommation des ménages et l’investissement des entreprises, bien que toujours en-deçà de son niveau prépandémique, s’est redressé. Les mesures gouvernementales, telles que la suspension pour quelques mois des taxes à la consommation (TPS et TVH), combinées à la baisse des taux d’intérêt et à la résilience du marché du travail, ont soutenu la croissance du PIB au dernier trimestre 2024. L’économie canadienne est toutefois restée sous son potentiel de croissance en 2024, freinée par la confiance fragile de consommateurs faisant face au renouvellement de leurs prêts hypothécaires.
Après avoir maintenu son taux directeur à 5% pendant presque un an entre juillet 2023 et juin 2024, le reflux de l’inflation observé en 2024 a permis à la Banque centrale d’entamer l’assouplissement de sa politique monétaire. L’inflation, après avoir atteint un pic à 8,1% en juin 2022 (Annexe I), s’est fixée à 3,9% en moyenne annuelle en 2023. La tendance baissière s’est poursuivie en 2024, l’inflation se maintenant dans la fourchette cible de la Banque centrale (entre 3 et 1%). En juin 2024, la Banque du Canada a amorcé l’assouplissement de sa politique monétaire en diminuant pour la première fois depuis la pandémie son taux directeur de 25 points de base (Annexe II). La Banque a par la suite annoncé 7 autres baisses de taux consécutives, fixant le taux directeur à 2,75% en mars 2025. L’inflation a atteint 1,9% début 2025, malgré la persistance de pressions sur les prix des logements notamment locatifs (les loyers moyens au Canada sont toujours 5,2% plus élevés qu’en 2022).
Le Canada continue par ailleurs à s’appuyer sur des finances publiques saines, comparativement meilleures que dans le reste de l’OCDE, malgré quelques points de vigilance. Les finances publiques canadiennes restent globalement saines : la dette brute ajustée des administrations publiques atteint 104% du PIB fin 2023 et seulement 9% en retirant les actifs financiers à disposition pour liquider les retraites. Le gouvernement sortant a toutefois entériné lors de la présentation de l’Enoncé économique d’automne le 16 décembre 2024 l’abandon de sa cible de déficit public à moins de 1% du PIB. Le déficit, estimé à 61,9 Md CAD contre un objectif initial de 40 Md CAD, s’explique notamment par plusieurs dépenses ponctuelles (indemnisation des peuples autochtones -16,4 Md CAD-, allocations de soutien versées pendant la pandémie de COVID -4,7 Md CAD-, renforcement du contrôle de la frontière par les Etats-Unis -1,3 Md CAD-). Il s’explique aussi par des choix plus contestables, comme la suspension de la TPS/TVH pendant 2 mois, une mesure estimée à 1,6 Md CAD (Annexe III). La trajectoire pluriannuelle de déficit - 48,3 Md CAD en 2024-2025, puis 42,2 Md CAD en 2025-2026 (respectivement 1,6% et 1,3% du PIB -Annexe IV) ainsi que celle du ratio dette/PIB (42,1% en 2024 à 38,6% 2030) apparaissent maîtrisées, même si la situation avec les Etats-Unis pourrait désormais substantiellement la dégrader.
II/ Le conflit commercial avec les Etats-Unis accroit toutefois les incertitudes pour les prochains mois
Alors que les banques prévoyaient fin 2024 un rebond de croissance en 2025, poussée par le raffermissement des dépenses de consommation des ménages et des investissements des entreprises, les prévisions ont été revues à la baisse à la suite des tensions commerciales entre le Canada et les Etats-Unis. La Banque du Canada, qui prévoyait une croissance annuelle de 2,1% en 2025 en octobre, a revu ses prévisions à la baisse début 2025 et anticipe dorénavant une croissance de 1,8%. Les grandes banques canadiennes ont également revu leurs prévisions, avec une croissance désormais attendue entre 1,2% et 1,8% (Annexe V). D’autres révisions à la baisse sont à prévoir si la guerre commerciale enclenchée le 4 mars par les Etats-Unis devait se prolonger : les estimations varient grandement d’un institut à un autre et l’impact précis dépendra in fine de la capacité du Canada à mobiliser d’autres leviers de croissance (diversification de son commerce extérieur, accroissement de sa productivité et réduction des barrières commerciales entre les provinces – cf infra), mais une guerre prolongée se traduirait très probablement par une récession en 2025 (Annexe VI).
La politique migratoire restrictive et le poids de la dette des ménages pourraient également peser sur la croissance en 2025. Après une croissance démographique record en 2024 (+3,2%), la croissance de la population devrait être divisée par 10 au cours des 3 prochaines années. Le gouvernement a réduit les cibles d’accueil de résidents permanents et temporaires : alors qu’il avait prévu d’accueillir 500 000 nouveaux résidents en 2025 et 2026, il n’en accueillera finalement que 395 000 en 2025 et 380 000 en 2026 (Annexe VII). L’impact économique de la réduction de la croissance de la population reste difficile à estimer : un ralentissement de la croissance de la main d’œuvre diminue la production et la consommation globale mais devrait également alléger les contraintes sur le prix des logements et libérer du pouvoir d’achat pour les ménages. Les banques s’accordent toutefois sur l’idée que cela pourrait légèrement affecter la croissance en 2025 et en 2026 (-0,2% par rapport aux prévisions initiales en 2025 et -0,3% en 2026). L’impact réel du changement de politique migratoire dépendra surtout de la capacité du Canada à accompagner la réduction des cibles par des véritables gains de productivité. De surcroît, l’année 2025 devrait également voir la renégociation de 1,2 million de prêts hypothécaires à taux fixe pour un montant total de 300 Md CAD, ce qui, dans un contexte de taux toujours relativement élevés, pourrait accroître la pression sur le revenu disponible brut des ménages. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les propriétaires renouvelant leur prêt hypothécaire en 2025 pourraient voir leurs mensualités augmenter de 30 à 40%.
III/ Dans ce contexte, le rebond de l'économie canadienne dépendra de la capacité des autorités à répondre aux freins structurels qui entravent son potentiel de croissance
Le Canada devra en premier lieu répondre aux déséquilibres persistants sur le marché du logement. En 2023, la croissance démographique a atteint 3,2%, le niveau le plus élevé depuis le pic de croissance observé en 1957 (3,3%), avec l’arrivée de 1,3 M de personnes ; à 98%, cette croissance s’explique par l’immigration internationale. Parallèlement, les nouvelles mises en chantier ont diminué de 7%, en raison notamment du resserrement monétaire qui a renchéri le coût de l’endettement et du déclin de la productivité dans le secteur de la construction. Cet effet ciseau a conduit à des tensions de plus en plus fortes sur l’accès au logement, avec un déficit désormais structurel de logements locatifs et de logements sociaux. Depuis 2023, le gouvernement canadien a lancé plusieurs initiatives pour aider les populations les plus vulnérables à accéder au logement : lancement du Fonds d’accélération du logement en 2023 pour encourager les municipalités à réformer les lois de zonages permettant une plus grande densité de logement, exemption de la taxe sur les produits et services (TPS) pour les nouveaux projets locatifs à des fins particulières etc. Le gouvernement a également lancé le Plan logement du Canada 2024, débloquant des terrains publics pour la construction et rendant les prêts hypothécaires plus abordables pour les canadiens. Mais, malgré ces mesures, l’offre ne satisfait toujours pas la demande (il faudrait selon la SCHL 1,2 M de nouveaux logements pour la seule province du Québec d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité, nécessitant de multiplier par 4 les mises en chantier), les prix de l’immobilier restent élevés et les pressions sur le marché locatif persistent.
Le Canada devra également s’atteler à répondre à son déficit tendanciel de productivité, qui, conjugué à l’accroissement de sa population, s’est traduit ces dernières années par une baisse continue du PIB par habitant. La forte croissance démographique observée ces dernières années a certes stimulé l’offre de main d’œuvre mais n’a pas été accompagnée d’investissements suffisants pour accroître la productivité. L’arrivée massive d’immigrants non permanents peu qualifiés a également contribué à la détérioration de la productivité du travail. A cet enjeu conjoncturel s’ajoutent des problèmes plus structurels, tels que des investissements insuffisants dans les sujets porteurs (intelligence artificielle, technologies numériques), la faible numérisation de l’économie et le manque de concurrence dans des secteurs clés (intelligence artificielle, télécommunications). Les investissements des entreprises en R&D, représentant 1% du PIB canadien, sont à la traine par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE établie à 2%. Tout ceci a conduit ces dernières années à une baisse tendancielle du PIB/habitant canadien, en particulier par rapport aux Etats-Unis (55 890 US pour le Canada contre 89 680 US pour les Etats-Unis, selon le FMI en 2024).
Le Canada devra enfin lever les barrières commerciales intérieures, qui freinent depuis des décennies la mobilité de la main d’œuvre et le commerce interprovincial. Les différences de réglementations et de normes techniques entre les provinces entravent le commerce interprovincial, limitent les échelles de production et la productivité. Selon l’enquête canadienne sur la situation des entreprises en 2023, publiée par Statistique Canada, plus de la moitié des entreprises ayant effectué des opérations commerciales interprovinciales ont indiqué avoir rencontré des obstacles. Les délais et les coûts de certification de compétences entre les provinces sont les principaux éléments mentionnés par les entreprises, freinant le recrutement d’employés d’autres provinces. La signature de l’Accord de libre-échange canadien, en 2017, a vocation à réduire les obstacles interprovinciaux mais de nombreuses dérogations sont toujours en vigueur (Annexe VIII) ; dans le contexte de la « guerre commerciale » avec les Etats-Unis, ce levier est toutefois vu comme critique. La ministre A. Anand vient d’ailleurs d’annoncer la levée de la moitié des barrières d’origine fédérale.
Annexe I : Evolution de l'inflation entre 2019 et 2024
Source : Statistique Canada
Notes sur les indicateurs préférés de la Banque du Canada pour mesurer l’inflation sous-jacente :
CPI-TRIM exclut du CPI les composantes dont les taux de variation, au cours d'un mois donné, se situent dans les queues de la distribution des variations de prix. Cette mesure permet de cerner et d'exclure les variations de prix extrêmes qui pourraient être causées par des facteurs spécifiques à certaines composantes, comme des phénomènes météorologiques pour les produits alimentaires par exemple.
CPI-MEDIAN est une mesure de l'inflation fondamentale qui correspond à la variation de prix se situant au 50e centile de la distribution des variations de prix au cours d'un mois donné, pondérées selon les poids des composantes dans le panier du CPI.
Annexe II : Evolution du taux directeur fixé par la Banque du Canada
Source : Banque du Canada
Annexe III : Nouveaux investissements par domaines prioritaires et mesures prioritaires prévus dans l'Enoncé économique de l'automne 2024
Source : Enoncé économique de l’automne 2024
Annexe IV :Projections de l'évolution du contexte économique et budgétaire et des mesures stratégiques du gouvernement (en Md CAD)
Source : Enoncé économique de l’automne 2024
Annexe V : Prévisions de croissance pour le Canada pour 2024 et 2025
Sources : Grandes banques canadiennes, FMI, OCDE, Gouvernement fédéral canadien
Annexe VI : Prévisions de l'impact sur la croissance de la guerre commerciale entre le Canada et les Etats-Unis, aux conditions de mars 2025
Annexe VII : Cibles d'immigration permanente pour 2025-2027
2025 |
2026 |
2027 |
|
Admissions totales |
395 000 |
380 000 |
365 000 |
Immigration économique |
232 150 |
229 750 |
225 350 |
Immigration familiale |
94 500 |
88 000 |
81 000 |
Réfugiés et personnes protégées |
68 350 |
62 250 |
58 650 |
Source : Gouvernement fédéral
Annexe VIII : Nombre d'exceptions par province dans l'Accord de libre-échange canadien de 2018
Source : Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Radio Canada