Situation économique et financière de la Biélorussie

Appartenant à la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire (PIB par habitant de 6 553 USD en 2020 selon la Banque mondiale), la Biélorussie connaissait un ralentissement de son activité avant 2020 du fait en particulier d’un modèle économique fragilisé par la « manœuvre fiscale » de la Russie. Alors que la Biélorussie a connu un recul limité de l’activité en 2020, l’on observe en 2021 un rebond tiré essentiellement par le commerce extérieur. Les perspectives d’activité à court et moyen terme demeurent toutefois extrêmement mitigées en raison d’un isolement international accru par les sanctions internationales, de l’existence de profondes vulnérabilités macroéconomiques et de la dépendance croissante vis-à-vis de la Russie.  

Après une récession contenue en 2020, l’économie biélorusse connaît en 2021 un net rebond de son activité.

Après une année 2020 marquée par une récession modérée (PIB en recul de 0,9%), le PIB a augmenté de 2,4% en glissement annuel (g.a.) sur la période janvier-octobre 2021, selon les sources officielles. La reprise est massivement tirée par la production industrielle qui a augmenté de 7,1% sur janvier-octobre 2021 en g.a. Le FMI anticipe une croissance de l’activité autour de 2% en 2021 et de 0,5% en 2022.

La bonne tenue de l’économie biélorusse – dont le taux d’ouverture commerciale approche les 70% - est liée à une demande externe dynamique, couplée à la remontée des cours mondiaux des matières premières. Sur la période janvier-octobre 2021, les exportations de bien en valeur ont crû de 36%, alors que les importations progressaient de 28%. La reprise des échanges a été très vive s’agissant des principaux partenaires commerciaux de la zone CEI et de l’UE. Le FMI anticipe que le compte courant de la Biélorussie se situerait en excédent en 2021, à 0,9% du PIB.

En revanche, à rebours de la tendance observée dans les pays de la zone CEI, la demande interne biélorusse apparaît déprimée, avec des ventes de détail atones (+1% en janvier-octobre 2021 en g.a.) dans un contexte de poussée inflationniste (+10,3% en novembre 2021) que la Banque nationale de la République de Biélorussie peine à contenir[1]. De la même façon, on note que sur janvier-août 2021, l’investissement en capital fixe a diminué de 8,1% en g.a.

Les perspectives d’activité à court et moyen terme sont néanmoins mitigées.

Le pilotage macroéconomique est sous forte contrainte. Premièrement, la politique budgétaire est bridée par la raréfaction des sources de financement externe. Suite aux élections d’août 2020, les principaux bailleurs de fonds multilatéraux ont gelé toute possibilité de financement souverain et les marchés financiers sont devenus une option trop coûteuse. Les nouvelles sanctions occidentales, et notamment européennes, décidées en 2021 ont renforcé cette contrainte en ciblant entre autres le financement souverain de la Biélorussie. Le solde public est attendu par le FMI à respectivement -3,1% et -2,1% du PIB en 2021 et 2022 et la dette publique (hors dette garantie) à environ 45% du PIB en 2021 et 2022 (dont plus de 90% de dette libellée en devises). Actuellement, alors que les tombées de dette publique sont attendues en hausse en 2022 et 2023, seule subsiste pour l’essentiel la possibilité d’obtenir des financements de la Russie[2]. Deuxièmement, la politique monétaire ne peut pas se faire plus accommodante alors que l’inflation est deux fois plus élevée que la cible de la Banque centrale (fixée à 5%).

Le rouble biélorusse s’est fortement déprécié depuis 2020 mais regagne du terrain depuis avril 2021. Depuis début 2020, le rouble biélorusse a perdu 21% de sa valeur par rapport à l’euro et 20% par rapport au dollar, même si l’on note une tendance à l’appréciation depuis la mi-avril 2021. Cette pression sur le change pose un triple défi : (i) le pays (gouvernement, entreprises, banques) est fortement endetté au plan externe (65% du PIB au 1er octobre 2021) ce qui l’expose à un risque de change significatif, cette dette étant très largement libellée en devises ; (ii) le système bancaire est fortement « dollarisé » : fin juin 2021, 48% des prêts et 64% du passif des banques biélorusses étaient libellés en devises ; (iii) l’inflation est repartie à la hausse (cf. supra).

Les réserves internationales ont été renforcées par la nouvelle allocation de droits de tirage spéciaux du FMI mais se situent toujours à un bas niveau.  Dans le sillage de la crise politique d’août 2020, les réserves de la Biélorussie avaient été fortement entamées, notamment par un mouvement massif de retraits des dépôts des ménages libellés en devises. La récente (août 2021) allocation de DTS attribuée par le FMI à l’ensemble de ses membres a constitué pour la Biélorussie une manne d’environ 900 M USD, intégrée à ses réserves internationales. Celles-ci demeurent cependant à un bas niveau : 8,5 Md USD au 1er décembre 2021, soit moins de 3 mois d’importations.

Le secteur financier, qui a fortement soutenu l’économie en 2020, semble opérer un ajustement de sa politique d’octroi de crédits. Le secteur bancaire – en grande partie public – a fortement contribué à la résilience de l’économie en 2020 via une abondante distribution de crédit aux entreprises, notamment d’Etat. Même si dans son ensemble il présente des indicateurs toujours solides[3], on note cependant une forte tendance au ralentissement de la distribution du crédit depuis fin 2020, en particulier pour les entreprises publiques.    

L’économie de la Biélorussie est de surcroit tendanciellement en ralentissement. La croissance du PIB a été de 7,3% en moyenne entre 2000 et 2010 mais de 0,9% en moyenne depuis lors. L’expansion de l’économie biélorusse est notamment freinée par une emprise considérable de l’Etat qui atteint, à titre d’exemple, 70% en matière de production industrielle. Le poids de l’Etat et des entreprises publiques freine la concurrence, l’investissement, l’innovation et, partant, la progression de la productivité et du niveau de vie. Selon une étude du FMI[4], la Biélorussie est, parmi les pays d’Europe centrale, orientale et du Sud-Est, celui qui compte le plus grand nombre d’entreprises d’Etat par million d’habitants. Ces dernières représentaient en 2016 environ un tiers de l’emploi total et de la valeur ajoutée produite. En 2016, leur valeur ajoutée par employé et leur rentabilité était respectivement inférieure de plus de 40% et 70% à celles des entreprises privées.

L’intégration économique et commerciale avec le voisin russe se renforce.

La Biélorussie a trouvé en septembre 2021 un accord avec la Russie en matière d’approfondissement de l’intégration économique, commerciale et financière à horizon 2023. A l’issue d’un processus de négociations de 3 ans, les deux pays s’apprêtent à signer un programme commun portant sur 28 feuilles de routes, dont les plus concrètes concernent essentiellement les échanges financiers et commerciaux.

En parallèle, la Russie a annoncé l’octroi de financements supplémentaires à la Biélorussie.  En septembre 2021, il a également été annoncé que la Russie octroierait à la Biélorussie un montant de l’ordre de 630-640 M USD de refinancement supplémentaire d’ici à fin 2022, prolongeant ainsi sa politique de soutien financier au fil de l’eau. La question des tarifs énergétiques – fondamentale pour la Biélorussie, économie dont le modèle a longtemps reposé sur l’importation d’énergie russe à prix subventionné – n’est en revanche pas tranchée par l’accord d’intégration. D’un côté, les deux pays doivent signer d’ici à fin 2023 un accord portant sur la création d’un marché unique du gaz. En 2022, le prix du gaz restera le même que celui payé en 2021 (soit 128,5 USD/1000 m3). D’un autre, l’unification du marché du pétrole et des produits pétroliers (et donc la possible compensation de la « manœuvre fiscale » russe) et du marché de l’électricité est envisagée, mais sans horizon précis.



[1] Deux hausses de taux directeur en 2021, de 75 points de base chacune, portant le principal taux directeur à 9,25%.

[2] Pour mémoire, la Russie a octroyé en septembre 2020 un refinancement d’1,5 Md USD à la Biélorussie, permettant une stabilisation macro-financière de court terme (versé par différentes tranches en 2020 et 2021).

[3] A la fin du deuxième trimestre 2021, le ratio d’adéquation des capitaux propres était de 18,3%, le taux de prêts non performants est de 5%. Ce dernier indicateur est à considérer avec recul, n’étant pas calculé en plein conformité avec les normes internationales.

 
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