Indicateurs et conjoncture

 

La croissance économique devrait ralentir à 2,2–2,3% en 2025, selon les analystes locaux et le FMI, après 3,4% en 2024. L’activité demeure soutenue par la consommation des ménages, portée par un marché du travail robuste (taux de chômage au plus bas historique de 5,8%) et la progression des revenus qui en découle ; les secteurs des services et l’agriculture tirent côté production. En revanche, le commerce extérieur pèse sur l’activité, les importations croissant plus rapidement que les exportations. Les surtaxes américaines de 50% imposées par Donald Trump sur les exportations brésiliennes, en réaction aux poursuites judiciaires visant Jair Bolsonaro, devraient coûter environ 0,2% du PIB et réduire l’excédent commercial. En outre, la politique monétaire très restrictive de la Banque centrale, avec des taux réels dépassant 10%, freine aussi l’activité, notamment l’investissement qui reste atone. La hausse des taux alourdit également le service de la dette, qui atteint plus de 8% du PIB. Dans ce contexte, l’objectif du gouvernement d’un déficit primaire nul en 2025 et d’un excédent de 0,25% en 2026 ne suffit plus à enrayer la trajectoire ascendante de la dette, attendue à 92% du PIB d’ici fin 2025 et 96% en 2026, des niveaux préoccupants pour un pays émergent pratiquant un tel niveau de taux d’intérêt. La politique du gouvernement Lula consistant à ne pas toucher aux dépenses pour se focaliser exclusivement sur la recherche de nouvelles recettes fiscales contraint fortement ses marges de manœuvre budgétaires et se traduit par un fardeau de la dette de plus en plus lourd.

1.  La croissance devrait ralentir en 2025 sous l’effet de la politique monétaire

La croissance de l’économie brésilienne devrait ralentir à 2,2–2,3% en 2025, après 3,4% en 2024, selon les dernières projections locales et celles du FMI. Ces prévisions demeurent supérieures à celles établies en début d’année (autour de 2%), comme c’est le cas depuis six ans, et ce malgré l’intégration des effets attendus des surtaxes américaines de 50% sur les exportations brésiliennes (voir infra). L’activité au premier semestre 2025 a été principalement portée par les services (+2% en glissement annuel), qui représentent près des deux tiers du PIB, et par l’agriculture (+10,1%, avec un poids de 5,6% du PIB). Ce secteur a bénéficié d’une récolte record, mais aussi d’un effet de base favorable après la contraction enregistrée l’an dernier (-3,2%). L’industrie affiche également une croissance robuste (+1,7%), tirée principalement par l’extraction (+4,5%).

Du côté de la demande, le principal moteur reste la consommation des ménages, en hausse de 2,2%, bien qu’en ralentissement par rapport à 2024 (+4,8%). Elle est soutenue par un marché du travail dynamique : le taux de chômage est tombé à 5,8% au deuxième trimestre, son plus bas niveau historique, tandis que le revenu moyen du travail a progressé de 3,5% en termes réels, atteignant 45 482 BRL par an (environ 7 300 EUR). L’investissement progresse sur la période (+6,6% en glissement annuel), constituant le deuxième contributeur à la croissance, même si son niveau reste faible (cf infra). Il est notamment soutenu par le programme fédéral Novo PAC, qui vise à mobiliser 1 700 Md BRL (~270 Md EUR) de fonds publics et privés sur quatre ans. En revanche, le secteur externe a pesé négativement sur l’activité, les importations (+9%) ayant crû plus vite que les exportations (+1,6%). La consommation publique reste modérée (+0,7%).

L’économie brésilienne donne toutefois déjà des signes d’essoufflement au deuxième trimestre. Le PIB n’a progressé que de 0,4% en glissement trimestriel, après +1,3% au premier. Ce ralentissement tient en particulier du recul de l’agriculture (-0,1%) et au net fléchissement de l’investissements sur le trimestre (-2,2%). Ce dernier poste pâtit particulièrement du resserrement de la politique monétaire restrictive (cf. infra).

 

2. La guerre commerciale devrait également affecter la croissance et l’équilibre externe du pays

Le Brésil est le pays le plus fortement ciblé par les surtaxes américaines, celles-ci atteignant 50%. Le président des États-Unis justifie cette décision par le procès intenté contre l’ex-président Jair Bolsonaro, qu’il juge injuste, tout en dénonçant une relation commerciale déséquilibrée même si les États-Unis enregistrent un excédent commercial vis-à-vis du Brésil depuis 15 ans (9,2 Md USD, services inclus, en 2024. La guerre commerciale pourrait coûter environ 0,1-0,2% de PIB au Brésil et réduire son excédent commercial d’environ 5 Md USD selon les premières estimations. L’impact reste néanmoins contenu, les États-Unis ne représentant que 12% des débouchés extérieurs du pays. De plus, Washington a accordé des exemptions sur 700 produits, couvrant 45% des exportations brésiliennes en valeur, notamment les aéronefs, les dérivés de pétrole et des produits agricoles comme le jus d’orange. En tenant compte également des 20% d’exportations déjà visées par d’autres tarifs (acier et aluminium notamment), seuls 35% des exportations seront effectivement touchés.

 

3. La politique monétaire reste l’une des plus restrictives au monde afin d’ancrer les anticipations

Le taux directeur (Selic) a été porté à 15% lors du Comité monétaire de juin et reste à ce niveau, sans perspective immédiate d’assouplissement. En termes réels, il excède encore les 10%, l’un des niveaux les plus élevés au monde. La Banque centrale a enclenché en septembre 2024 un cycle agressif de resserrement monétaire, après avoir abaissé ses taux à 10,5%, afin de rétablir sa crédibilité face aux pressions inflationnistes. Son objectif principal est de contenir le désancrage des anticipations d’inflation, encore à 4,85% pour 2025, au-dessus de la cible de l’institution de 3% avec une bande de tolérance de ± 1,5%. La stratégie produit néanmoins des effets : les anticipations, qui atteignaient 5,5% en début d’année, se rapprochent lentement de la cible.

L’inflation devrait rester au-dessus de la cible de la Banque centrale tout au long de 2025 et ne converger vers la borne supérieure de la fourchette (4,5%) qu’à l’horizon fin 2026, les marchés anticipant alors un taux de 4,3%. Elle a dépassé l’objectif depuis fin 2024, lorsqu’elle a atteint 4,8%, et s’établit à 5,3% en août 2025. L’inflation des services constitue le principal moteur de cette dynamique, alimentée par la robustesse du marché du travail. La demande est en outre soutenue par les mesures gouvernementales, comme l’augmentation réelle du salaire minimum et la revalorisation des prestations sociales. Des facteurs conjoncturels accentuent ces pressions : conditions climatiques extrêmes affectant la production hydroélectrique et de biocarburants, perturbations des récoltes qui renchérissent les prix alimentaires, ainsi qu’une forte dépréciation du real en 2024 (-24,5% face au dollar) qui a accru le coût des importations.

 

4. La dette est la principale inquiétude économique du pays, suivie d’investissements insuffisants

Avec le resserrement monétaire et la hausse des taux d’intérêt, la charge de la dette brésilienne est en forte hausse, atteignant 8% du PIB en 2024, contre 6,6% en 2023. Dans ce contexte, bien que le gouvernement ait respecté son objectif de déficit budgétaire primaire nul l’an dernier, le déficit nominal – qui inclut les paiements d’intérêts sur la dette – est en forte augmentation, atteignant près de 8,5% du PIB. La trajectoire de la dette brésilienne est ainsi devenue explosive : elle a déjà atteint 87,6% du PIB en 2024, selon le FMI, devrait grimper à 92% d’ici la fin de l’année et atteindre 96% en 2026. Ce niveau est particulièrement préoccupant pour un pays émergent, d’autant plus que les taux d’intérêt au Brésil restent très élevés. Ainsi, le respect des cibles budgétaires (équilibre en 2025 et excédent de 0,25% en 2026) ne suffira pas à inverser la trajectoire ascendante de la dette publique. Ces inquiétudes sont amplifiées par la rigidité des dépenses publiques : plus de 92% du budget fédéral sont consacrés aux dépenses obligatoires, une part qui est de plus en augmentation constante. Cette dynamique est surtout alimentée par l’indexation de nombreuses prestations sociales sur le salaire minimum, dont la revalorisation annuelle en termes réels accroît mécaniquement les dépenses. Le minimum légal croîtra ainsi de 7,45% en 2026 (+2,5% en termes réels), chaque réal additionnel représente une dépense supplémentaire de 429 M BRL pour le budget.

Cette situation pèse aussi sur les investissements, où le pays accuse un déficit chronique. Malgré une hausse significative du taux d’investissement en 2024 (17% contre 16,4% en 2023), il reste en deçà de la moyenne régionale (20%) et de celle des économies émergentes (23%). Cela constitue une entrave majeure au développement économique du pays, au-delà des politiques de soutien à la demande. En plus de subir l’un des taux d’intérêt réels les plus élevés au monde, les investissements sont pénalisés par le « Coût Brésil », un ensemble de freins structurels qui réduisent la compétitivité des entreprises tout en augmentant les coûts des investissements, tels que la bureaucratie lourde, la complexité fiscale, la corruption, et les charges sociales élevées. À cela s’ajoute la faiblesse des investissements fédéraux, qui ne représentaient que 0,7% du PIB en 2024.

 

5. Les évènements climatiques extrêmes deviennent une perturbation économique majeure

Le Brésil est particulièrement vulnérable aux épisodes climatiques extrêmes, en raison de l’étendue de son territoire. En 2024, il a subi des inondations historiques dans le Sud, une épidémie record de dengue, ainsi que des sécheresses et incendies sans précédent touchant plus de la moitié du pays. Ces chocs ont perturbé les chaînes de production, freiné l’agriculture et réduit la disponibilité hydroélectrique, renchérissant l’énergie et pesant sur l’industrie. L’économie a toutefois fait preuve de résilience (+3,4%). En 2025, ces risques persistent mais, jusqu’à présent, leur intensité et leurs effets économiques restent plus contenus. L’inflation demeure par contre alimentée par la hausse du coût de l’hydroélectricité, qui fournit près de 60% de l’électricité nationale.

 

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