Indicateurs et conjoncture

 

La croissance économique devrait atteindre plus de 3,5% en 2024, voire 3,7% selon le FMI, contre des prévisions initiales de 1,5%. En 2025, les prévisions tablent sur une croissance entre 2% et 2,2%. Des révisions successives à la hausse des prévisions de croissance, observées depuis cinq ans, ont conduit le FMI à relever l'estimation du PIB potentiel du pays à 2,5%, l’attribuant aux réformes structurelles mises en œuvre depuis 2017. Au S1/2024, l’activité a été ainsi plus dynamique que prévu, principalement tirée par la consommation des ménages, favorisée par un marché du travail dynamique, avec un chômage au plus bas depuis dix ans et des revenus à des niveaux records. Cependant, la Banque centrale devrait freiner cet élan avec le nouveau cycle de resserrement monétaire entamé en septembre et intensifié lors du Conseil monétaire de décembre. La hausse des taux pèserait également sur la dette publique, attendue à 86,7% du PIB d'ici fin 2024. Le déficit primaire reste difficile à résorber, malgré les nouvelles règles budgétaires adoptées en 2023, notamment en raison du service de la dette qui représente près de 7,7% du PIB. Ce contexte est peu favorable aux investissements productifs, pénalisés par le "coût Brésil" et le faible niveau d'investissement public, en particulier dans les infrastructures. Pourtant, ces investissements sont essentiels face à la montée des événements climatiques extrêmes qui continuent de fragiliser l’économie brésilienne.

1.  Le PIB continue de surprendre positivement et devrait croître de plus de 3,5% en 2024.

 

La croissance de l'économie devrait attendre 3,5% en 2024, voire 3,7% selon les nouveaux chiffres du FMI (janvier 2025), contre 1,5% en début d'année. Ce mouvement de révisions à la hausse au fil de l'année s'observe au Brésil depuis cinq ans, avec une croissance observée qui est souvent le double des prévisions initiales. Le FMI a ainsi revu ses estimations pour la croissance potentielle de l'économie brésilienne à 2,5%, contre 2% précédemment. Le Fonds souligne les réformes structurelles mises en place depuis 2017 (marché du travail et réforme des retraites notamment). Il indique que l'actuelle réforme fiscale - qui vise à refondre le système fiscal brésilien, considéré comme un des plus complexes au monde avec ses lois superposées aux niveaux fédéral, étatique et municipal - ainsi que la montée en puissance de l'exploitation des hydrocarbures, devraient encore renforcer la croissance potentielle dans les années à venir.

L’activité au T3/2024 a surpris à la hausse, avec une croissance de 1,4% par rapport au T2 et de 4,1% en glissement annuel. Du côté de la demande, la consommation des ménages demeure dynamique (+1,5%), soutenue par un marché du travail robuste (taux de chômage à 6,1% en novembre, son niveau historiquement le plus bas), la hausse réelle du salaire minimum (+3%) et un environnement de crédit favorable. Les investissements ont également apporté une contribution positive (+2,1% et +10,8% en glissement trimestriel et annuel respectivement). En revanche, le secteur externe a eu une contribution négative, avec une hausse des importations (+17,7% en g.a.) supérieure à celle des exportations (+2,1%). Du côté de l'offre, la croissance a été principalement tirée par le secteur des services (+1%), qui représente près des deux tiers de l'économie. L'industrie a également contribué positivement (+0,6%), tandis que le secteur agricole a reculé de -0,9% par rapport à 2023. Cette baisse s'explique par un effet de base, la récolte de 2023 ayant été la plus importante jamais enregistrée, ainsi que par les inondations historiques dans l'État du Rio Grande do Sul, un important producteur agricole. Au T4/2024, l'activité devrait ralentir, notamment en raison du relevement du taux d’intérêt directeur (Selic) à un niveau élevé de 12,25%. Pour les années à venir, le FMI prévoit une croissance autour de 2,2% dès 2025, tandis que les analystes locaux anticipent un taux autaur de 2% en 2025 et 2026.

 

2. L’inflation a terminé 2024 à un niveau supérieur à la cible de la Banque centrale.

 

L'inflation a atteint 4,83% en 2024, dépassant la limite supérieure de la cible de la Banque centrale, fixée à 3% avec une marge de tolérance de +/- 1,5%. Trois facteurs principaux expliquent cette situation : i) une activité économique plus dynamique que prévu, en particulier dans le secteur des services ; ii) un marché du travail tendu, avec une hausse des revenus réels du travail de 4,8% en glissement annuel (à un niveau record de 42 737 BRL par an, soit 7 125 EUR) ; et iii) une forte dépréciation du taux de change (-24,5% par rapport au USD en 2024).

La Banque centrale a ainsi entamé un cycle de resserrement monétaire en septembre, en augmentant le taux directeur à 12,25%, après l’avoir ramené à 10,5% lors du cycle d’assoupissement entamé en août 2023. Elle a justifié cette décision par des incertitudes croissantes, sur le plan externe (notamment avec l’élection de D. Trump aux Etats-Unis et de la politique monétaire plus restrictive qu’anticipé de la FED) et interne (en raison de la politique budgétaire expansionniste du gouvernement). Désormais, face à des pressions inflationnistes persistantes et au désancrage des anticipations d'inflation, la Banque a accéléré le rythme des hausses de taux à 1 point de pourcentage lors de la dernière réunion du Comité en décembre. Elle devrait maintenait ce rythme au moins pendant les 2 prochains comités, les taux pourraient atteindre 15% en 2025.

 

3. La dette est la principale inquiétude économique du pays, suivie du manque d’investissements.

 

La dette publique devrait atteindre 87,6% du PIB en 2024 et 92% en 2025 selon le FMI (octobre 2024), niveau inquiétant pour un pays émergent. Bien que le gouvernement vise un déficit primaire nul en 2024 et 2025, de nombreux analystes jugent que cet objectif sera insuffisant pour inverser la trajectoire ascendante de la dette publique. Ces inquiétudes sont exacerbées par le poids croissant du service de la dette, qui représente actuellement 7,7% du PIB, dans un contexte marqué par une forte hausse des taux d’intérêt (cf. section précédente). En outre, la rigidité structurelle des dépenses publiques limite significativement les marges de manœuvre budgétaires, et restreignent les dépenses discrétionnaires, notamment les investissements. En effet, plus de 90% du budget fédéral est consacré aux dépenses obligatoires, en augmentation constante. Cela est alimentée en particulier par l’indexation des retraites et des prestations sociales sur le salaire minimum, lequel fait l’objet chaque année d’une revalorisation réelle liée à la croissance économique passée.

Le Brésil souffre également d'un déficit chronique d'investissement, ce qui constitue une entrave majeure à son développement économique. En 2023, le taux d’investissement a chuté à 16,5% du PIB, son niveau le plus bas en 25 ans, soit moins de la moitié de la moyenne des pays de niveau de développement comparable (33,7%). Plusieurs facteurs expliquent cette situation : (i) des taux d’intérêt parmi les plus élevés au monde, atteignant en moyenne 21% pour les entreprises et 52% pour les ménages ; (ii) le « Coût Brésil » – un ensemble de facteurs pénalisants comme la bureaucratie, la complexité fiscale, la corruption, des infrastructures insuffisantes et des charges sociales élevées – qui réduit la compétitivité des entreprises et accroît les risques et les coûts d’investissement ; (iii) la faiblesse des investissements publics, en particulier dans les infrastructures, qui ne représentaient que 0,3% du PIB en 2023 pour le gouvernement central.

 

4. Les évènements climatiques extrêmes frappent fort l’économie brésilienne.

 

L'épisode 2023-24 du phénomène El Niño a provoqué des conditions météorologiques extrêmes au Brésil, avec des sécheresses dans le nord et des précipitations records dans le sud, entraînant des impacts majeurs sur l'économie, la société et la santé. L'État du Rio Grande do Sul a été particulièrement touché en avril et mai 2024 par des inondations historiques, affectant 95% de ses municipalités et 28% de sa population, avec 177 morts et plus de 600 000 déplacés. La catastrophe a gravement perturbé la distribution d'eau, l'énergie, les transports, les services de santé, ainsi que les secteurs industriels et agricole. Avec une superficie de 281 749 km², soit la moitié de la France, l’État représente 6,5% du PIB brésilien. La catastrophe devrait affecter la croissance nationale de 0,2 à 0,4 point de pourcentage. El Niño a également affecté la production agricole nationale, qui a baissé de 10% au premier semestre de 2024. Les conditions sanitaires ont également été affectées, avec un record de plus de 5,1 M de cas de dengue en 2024, contre 1,6 M en 2023, et plus de 3 500 décès. Le coût de cette épidémie est estimé à plus de 20,3 Md BRL (3,3 Md EUR).

Au second semestre 2024, le Brésil est confronté à la plus grave sécheresse de son histoire, affectant une superficie de 5 M km², soit 58% du territoire national. En novembre, les réservoirs des barrages hydroélectriques - qui représentent près des deux tiers de l'électricité produite dans le pays - étaient inférieurs d'environ 50% à leur niveau moyen, et certaines grandes centrales électriques ne fonctionnaient qu'à 20% de leur capacité acceptable. Plusieurs mesures ont alors été prises pour garantir la sécurité énergétique du pays, notamment l'utilisation de centrales thermoélectriques au gaz naturel, entrainant une augmentation des émissions de GES et une hausse des coûts de production, qui s’est répercutée sur les tarifs de l’électricité et donc sur l’inflation au T3/2024. De plus, la production industrielle a chuté de 1,4% en juillet, en particulier dans l'industrie alimentaire, en grande partie à cause de la sécheresse. Parmi les secteurs les plus touchés figurent le sucre et l'éthanol, car les récoltes de canne à sucre ont été gravement affectées par le temps sec et les incendies.

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