Indicateurs et conjoncture

 

Le Brésil affichait des indicateurs économiques résilients à la mi-2023, confirmant sa dynamique de rebond post-pandémie. La situation pourrait toutefois se dégrader au cours du second semestre 2023, sous l’effet de la politique monétaire restrictive et du ralentissement de l’économie mondiale. Installé depuis le 1er janvier 2023, le gouvernement avance sur son calendrier de réformes économiques, même si certaines restent toutefois en négociations avec le Congrès.

1. Après une croissance soutenue depuis 2021, qui continue de surprendre à la hausse, l’économie brésilienne devrait décélérer fin 2023

La croissance a été soutenue en 2022 (+2,9%), après le rebond observé en 2021 (+5%). La chute de 2020 (-3,3%) avait été limitée par la mise en place de mesures de soutien inédites contre la pandémie. Le PIB brésilien est désormais bien supérieur à son niveau pré-pandémie (+4,5% en 2022 par rapport à 2019).

Côté offre, cette dynamique a été impulsée par la forte progression des services (+4,2% en 2022). Les performances de ce secteur, qui est intensif en main d’œuvre, a permis une nette réduction du taux de chômage (7,9% au T4 2022 contre 11,1% un an auparavant et 14,9% au T3 2020). L’industrie affiche également une hausse sur l’année (+1,6%). Impacté par la sécheresse, le secteur agricole est en recul (-1,7%), même s’il participe à l’amélioration de la balance commerciale du pays (excédent commercial record de 61 Mds USD en 2022), grâce à des exportations stimulées par la hausse du prix des commodités.

Côté demande, la croissance a principalement été tirée par la consommation des ménages, principal moteur de l’économie (68% du PIB). Le pouvoir d’achat des ménages a pourtant été rogné par la forte croissance des prix, qui a atteint un maximum de +12,1% en avril 2022. Mais la consommation a été favorisée par la baisse de l’inflation (+5,8% en décembre 2022 grâce notamment à la baisse des taxes sur les carburants), et par d’autres mesures de soutien mises en place par le gouvernement, comme la revalorisation des minimas sociaux (Bolsa Familia) touchés par 20 M de ménages. Malgré cette politique budgétaire expansionniste menée dans un contexte pré-électoral, le Brésil a dégagé un excédent primaire (+1,3% du PIB en janvier 2023) grâce à la hausse de la collecte fiscale. Le poids de la dette publique brute a également été réduit (83,9% du PIB selon les critères du FMI, contre 89,9% 12 mois auparavant), même si les inquiétudes demeurent sur la soutenabilité à moyen et long terme des finances publiques.

Démentant la décélération prévue, le premier semestre 2023 a surpris positivement. Au-delà de la consommation des ménages qui reste soutenue par les mesures budgétaires expansionnistes (telles que l’augmentation des minima sociaux) et par la résilience du marché du travail, la forte croissance du début d'année (+1,9% sur le T1) s'explique par une récolte exceptionnelle (+24% pour le soja notamment), permettant une forte contribution secteur agricole. Au T2, le PIB a de nouveau surpis positivement (+0,9%). La croissance 2023 pourrait ainsi atteindre 2,3% selon les analystes de marchés (contre des prévisions de 0,9% en avril). 

Le second semestre 2023 risque toutefois d’enregistrer une plus faible croissance. Même si elle est apparue plus tard qu’anticipé, cette baisse de dynamisme commence à se faire sentir dans les secteurs les plus sensibles au crédit (investissements, biens durables). Malgré une augmentation des dépenses sociales, l’activité devrait pâtir en 2023 du ralentissement de l’économie mondiale et de la politique monétaire restrictive. Même si la Banque centrale a commencé début août son processus de desserrement monétaire (au rythme de 0,5 p.p) après avoir maintenu le taux directeur à 13,75% pendant un an, celui-ci reste l’un des plus élevés au monde en termes réels. La Banque centrale a fait de la lutte contre l’inflation sa priorité, permettant de ramener l'inflation proche de la cible de la politique monétaire (3,25% +/-1,5 p.p.), l'inflation s'étant établi à 4% en juillet 2023 (4,9% prévu pour décembre 2023).

 

2. Le gouvernement Lula III, en fonctions depuis le 1er janvier 2023, fait avancer son agenda de réformes économique

Investi le 1er janvier 2023, le Président Lula a annoncé un changement de cap, donnant la priorité au renforcement des programmes sociaux, à la relance des investissements publics dans les infrastructures (marquant ainsi l’arrêt de nouvelles privatisations) et à la réindustrialisation du pays. Le nouvel exécutif ne devrait toutefois par revenir sur les réformes menées par l’administration précédente, telles que la réforme de la protection sociale (notamment le régime des retraites) et l’autonomie de jure de la Banque centrale.

L’équipe économique du gouvernement a avancé sur deux réformes jugées prioritaires : i/ un nouveau mécanisme de contrôle budgétaire a été introduit en août 2023 (en substitution des anciennes règles qui limitaient l’augmentation des dépenses au niveau de l’inflation). Il doit permettre de concilier les objectifs du programme présidentiel d’augmentation des dépenses sociales et des investissements publics avec le sérieux budgétaire (qui doit être confirmé par une augmentation des recettes pour respecter les objectifs ambitieux de résultat primaire) ; ii/ la réforme fiscale, dont le premier volet qui entend s’attaquer à la complexité fiscale (en substituant diverses taxes par la création d’une TVA) a été votée en juin 2023 par les députés, et est désormais en cours d'analyse par les sénateurs. Un deuxième volet, prévu pour le 1er semestre 2024, consisterait en une réforme des impôts sur le revenu des personnes physiques et morales, y compris sur les dividendes. La réforme fiscale est perçue comme essentielle pour renforcer la compétitivité du pays et ainsi augmenter le PIB potentiel brésilien. 

L'avancée de ces deux réformes, tout comme les bons indicateurs économiques du 1er semestre, ont entrainé une amélioration de la note du Brésil par les agences de notation Fitch (qui a relevé la note du pays de BB- à BB) et S&P (qui a modifié ses perspectives de "stables" à "positives")

Le gouvernement doit toutefois composer sans majorité au Congrès. Même si l’ouverture vers le centre (illustrée par la coalition gouvernementale transpartisane) pourrait faciliter le vote de ses projets de lois, le gouvernement doit néanmoins négocier chaque texte avec la Chambre des députés et le Sénat.

 

 

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