BRÉSIL
Indicateurs et conjoncture
La croissance économique devrait ralentir à 2% en 2025, après 3,4% en 2024. L’activité a été plus dynamique que prévu l’an dernier, portée par la consommation des ménages, stimulée à son tour par un marché du travail robuste (chômage à 6,2%), la revalorisation des prestations sociales et la hausse des revenus. Cependant, des signes d’essoufflement sont déjà visibles, sous l’effet d’un resserrement monétaire agressif destiné à contenir une inflation persistante (5,5% attendus en 2025), en grande partie alimentée par une politique de stimulation de la demande. La Banque centrale a ainsi relevé son taux directeur à 14,75% en mai, alourdissant le fardeau de la dette publique (8% du PIB en 2024, contre 6,6% en 2023). Dans ce contexte, l’objectif budgétaire du gouvernement d’un déficit primaire nul ne suffit plus à enrayer la trajectoire ascendante de la dette, attendue à 92% du PIB d’ici fin 2025, un niveau préoccupant pour un pays émergent pratiquant un tel niveau de taux d’intérêt. Ce scénario pèse également sur l’activité économique et freine les investissements productifs, pourtant essentiel pour soutenir une croissance durable et sans pressions inflationnistes.
1. Le PIB devrait ralentir en 2025, après les bonnes performances des années précédentes.
La croissance de l'économie brésilienne devrait ralentir à 2% en 2025, selon les dernières projections des marchés et du FMI. Elle a atteint 3,4% en 2024, un chiffre légèrement en deçà des attentes (3,5%), mais nettement supérieur aux prévisions du début d’année (1,5%). L’activité a été principalement portée par les services (+3,7%) et, dans une moindre mesure, par l’industrie (+3,3%). L’agriculture a enregistré une contraction (-3,2%), pénalisée par des conditions climatiques défavorables. Du côté de la demande, l’investissement présente la croissance la plus forte (7,3%), constituant le deuxième principal contributeur à la croissance. Il a été soutenu notamment par le programme d’investissement fédéral Novo PAC, qui vise à mobiliser 1 700 Md BRL (285 Md EUR) en fonds publics et privés sur 4 ans. La part des investissements dans le PIB a ainsi augmenté à 17%.
Le principal moteur de la croissance a été la consommation des ménages, qui a progressé de 4,8% en 2024, soutenue notamment par un marché du travail dynamique. Le taux de chômage est tombé à 6,2% fin 2024, son niveau le plus bas historiquement. Cette embellie s’est traduite par une hausse du revenu moyen du travail de 4,1% en termes réels, le portant à 44 753 BRL par an (environ 7 500 EUR). La consommation des ménages a également bénéficié de l’expansion des programmes sociaux, en particulier le Bolsa Família et le BPC (Bénéfice de Prestation Continue). Parallèlement, la consommation publique a progressé de 1,9 %.
L'économie montre déjà des signes d’essoufflement début 2025. Le PIB n’a progressé que de 0,2% au quatrième trimestre en glissement trimestriel, après des hausses de 0,7% et 1,3% aux troisième et deuxième trimestres. Ce ralentissement s’explique principalement par la baisse de la consommation des ménages (-1%) et un net fléchissement de la formation brute de capital fixe. Ces composantes du PIB souffrent de l’impact d’une politique monétaire fortement restrictive et de la hausse des prix, qui érode le pouvoir d’achat (cf. section suivante).
L’économie brésilienne devrait être au-dessous de son potentiel de croissance en 2024. Bien que le FMI ait révisé à la hausse son estimation de la croissance potentielle du Brésil à 2,5%, les analystes locaux restent plus prudents, l’évaluant autour de 2%. Cette divergence s'explique par les fragilités structurelles de l’économie brésilienne : une forte fragmentation du marché du travail, avec une part élevée d’emploi informel (moins productif), un système fiscal particulièrement contraignant pour l’activité, et un déficit persistant d’infrastructure et de main-d’œuvre qualifiée. Néanmoins, un consensus se dégage sur le fait que la réforme fiscale en cours – qui vise à refondre l’un des systèmes les plus complexes au monde, caractérisé par des législations superposées aux niveaux fédéral, étatique et municipal – ainsi que la montée en puissance de l’exploitation des hydrocarbures, devraient renforcer la croissance potentielle brésilienne dans les années à venir (une hausse de 0,2 à 0,5 point de pourcentage).
2. La Banque centrale resserre sa politique monétaire à cause d’une inflation persistante.
L’inflation devrait rester supérieure à l’objectif de la Banque centrale (BCB) tout au long de l’année 2025, atteignant 5,5% en fin d’année. Elle ne reviendrait dans la tranche supérieure de la fourchette cible de l’institution qu’à l’horizon fin 2026. L’inflation a déjà dépassé l’objectif (3% ± 1,5%) depuis la fin 2024, lorsqu’elle a atteint 4,8%, et s’établit actuellement à 5,5% (avril 2025).
Le maintien d’un écart de production fortement positif, soutenu par une politique gouvernementale de stimulation de la demande, constituerait le principal moteur de la hausse des prix. Cette dynamique – illustrée par la revalorisation des prestations sociales, ou encore par l’augmentation réelle du salaire minimum - aurait poussé l’activité au-delà de ses capacités, en particulier dans les services, entraînant un resserrement du marché du travail. Le taux de chômage ainsi a atteint un niveau historiquement bas et des pénuries de main-d’œuvre ont été recensées dans plusieurs secteurs, avec la revalorisation des revenus du travail à des niveaux records. En parallèle, des facteurs conjoncturels ont exacerbé ces déséquilibres. Des conditions climatiques extrêmes ont perturbé les récoltes, faisant grimper les prix des produits alimentaires, tandis qu’une forte dépréciation du taux de change (24,5% par rapport au dollar en 2024) a renchéri le coût des importations.
La Banque centrale a ainsi entamé un cycle agressif de resserrement monétaire en septembre 2024, portant son taux à 14,75% en mai 2025, après l’avoir abaissé à 10,5%. Cette décision vise principalement à rétablir sa crédibilité face à des anticipations d’inflation qui s’éloignent de sa cible et à des pressions croissantes sur les prix. De plus, la BCB cherche à réduire les incertitudes économiques, qu'elles soient externes – notamment liées à la nouvelle administration aux États-Unis et à une politique monétaire de la Fed plus restrictive que prévu – ou internes, du fait de la politique budgétaire expansionniste du gouvernement. Les analystes hésitent entre si le cycle a atteint son sommet ou si la BCB va effectuer une nouvelle hausse des taux lors de la prochaine réunion.
3. La dette est la principale inquiétude économique du pays, suivie d’un manque d’investissements.
Avec le resserrement de la politique monétaire, la charge de la dette brésilienne est en forte hausse, atteignant 8% du PIB en 2024, contre 6,6% l’année précédente. Dans ce contexte, bien que le gouvernement ait respecté son objectif de déficit budgétaire primaire nul l’an dernier, le déficit nominal – qui inclut les paiements d’intérêts sur la dette – est en forte augmentation, atteignant près de 8,5% du PIB.
La trajectoire de la dette brésilienne est ainsi devenue explosive. Celle-ci a déjà atteint 87,6% du PIB en 2024, selon le FMI, et devrait grimper à 92% d’ici la fin de l’année. Ce niveau est particulièrement préoccupant pour un pays émergent, d’autant plus que les taux d’intérêt au Brésil restent très élevés. Ainsi, même si le gouvernement parvient à respecter ses cibles budgétaires (équilibre en 2025 et excédent de 0,25% en 2026), cela ne suffira pas à inverser la trajectoire ascendante de la dette publique. Ces inquiétudes sont amplifiées par la rigidité des dépenses publiques, avec plus de 90% du budget fédéral qui sont consacrés aux dépenses obligatoires, une part qui est de plus en augmentation constante. Cette dynamique est surtout alimentée par l’indexation des retraites et des prestations sociales sur le salaire minimum, lequel est revalorisé annuellement en termes réels.
Cette situation pèse aussi sur les investissements, où le pays accuse un déficit chronique. Malgré une hausse significative du taux d’investissement en 2024 (17%), il reste en deçà de la moyenne régionale (20%) et de celle des économies émergentes (23%). Cela constitue une entrave majeure au développement économique du Brésil, au-delà des politiques de soutien à la demande. En plus de l’un des taux d’intérêt réels les plus élevés au monde et de la captation d’une part importante de l’épargne domestique par le déficit public, les investissements sont pénalisés par le « Coût Brésil », un ensemble de freins structurels - comprenant la bureaucratie lourde, la complexité fiscale, la corruption, et des charges sociales élevées - qui réduisent la compétitivité des entreprises tout en augmentant les coûts et les risques d’investissement. À cela s’ajoute la faiblesse des investissements fédéraux, notamment dans les infrastructures, qui ne représentaient que 0,7 % du PIB en 2024.
4. Les évènements climatiques extrêmes deviennent une perturbation économique majeure.
L’année 2024 a été particulièrement marquée par des épisodes climatiques extrêmes au Brésil. Au premier semestre, des inondations au Rio Grande do Sul ont touché 95% des municipalités de l’État, causant plus de 600 000 déplacés, perturbant l’accès à l’eau, à l’énergie, aux transports et à l’industrie. La production agricole a chuté de 10% au premier semestre, tandis qu’une épidémie record de dengue (5,1 M de cas, 3 500 décès) a coûté plus de 20,3 Md BRL (3,3 Md EUR). Au second semestre, le Brésil a subi sa pire sécheresse, affectant 58% du territoire, et provoquant des incendies sans précédent. En novembre, les barrages hydroélectriques fonctionnaient à 50% de leur niveau moyen, imposant un recours aux centrales thermiques, ce qui a entraîné une hausse des tarifs de l’électricité, impactant l’inflation. L’épisode a également provoqué une baisse de la production industrielle, notamment dans l’agroalimentaire, où la canne à sucre et le café ont été particulièrement affectés.