Situation Economique et Financière

  1. Structure de l’économie réelle et croissance économique

La Bolivie est une république enclavée de 1,099 km2 et de 12,22 M d’habitants, frontalière de l’Argentine, du Brésil, du Pérou, du Chili et du Paraguay. L'élection de Luis Arce en 2020, représentant le retour au pouvoir du Movimiento al Socialismo (MAS) après le gouvernement intérimaire de Jeanine Áñez, a mis fin à la crise politique commencée avec les élections d'octobre 2019.

Après une période de forte croissance entre 2004 et 2014, basée sur la hausse des exportations de gaz, la situation économique de la Bolivie s'est progressivement détériorée, et plusieurs analystes estiment que le modèle est difficilement soutenable à court terme. Du fait d’une combinaison de facteurs (une dette publique importante – 86,7 % du PIB en 2024 ; la diminution de la production de gaz ; la faible exécution des dépenses d’investissement et la volatilité financière) la croissance baisse de 1,1 pt% en 2023 pour s’établir à 2,5%. Les perspectives de croissance pour 2024 se détériorent encore davantage, avec une prévision de croissance de 1,6 %. En 2023, le PIB de la Bolivie, estimé à 46,4 Md USD, se classe au 9e rang des 12 pays d'Amérique du Sud. La Bolivie est le dernier pays d’Amérique du Sud quant au PIB par habitant, avec 3 600 USD (lower-middle income country) en 2022, derrière le Suriname (avant-dernier, 5 859 USD).

Il existe des déséquilibres entre des secteurs compétitifs orientés vers l'exportation (tels que l’agriculture – 12 % du PIB en 2022 – et le secteur minier, l’industrie – 26 % du PIB en 2022) et une économie informelle et de subsistance de taille significative (emploi informel non‑agricole à 79 % selon l’OIT). Le secteur des services atteint, quant à lui, 50 % du PIB en 2022, en baisse de 3,2 pt% depuis 2020, et reste sous-développé du fait d’un marché bancaire de taille insuffisante. L’indice de développement humain (IDH) du pays a chuté de 0,026 points entre 2019 et 2021, ôtant au pays son statut de pays à développement humain élevé en le classant à la 118e place sur 189.

2.    Equilibres externes

En 2023, la situation économique extérieure de la Bolivie montre des signes de déséquilibre : le volume des échanges diminue de 12,3 % par rapport à l'année précédente atteignant 22,4 Md USD, la balance commerciale devient déficitaire, passant de +1,5 Md USD et +0,6 Md USD en 2021 et 2022 respectivement à ‑0,6 Md USD en 2023, marquant le début des déficits jumeaux. Le taux de couverture se dégrade également à 95 % en 2023, contre 115 % en 2022[1]. Ces baisses sont dues à la chute simultanée des exportations (-20 %) et des importations (-3 %).

L’industrie manufacturière reste le principal secteur exportateur, malgré une diminution de -20 %[2] par rapport à 2022, représentant 51 % du total exporté et totalisant 5,6 Md USD. Le secteur minier et celui des hydrocarbures occupent également une place importante, totalisant respectivement 24 % et 31 % des exportations. Toutefois, le volume exporté de gaz naturel, essentiellement vers le Brésil et l'Argentine, a diminué de -31 % en 2023 et devrait encore diminuer en 2024 dû à la fin du contrat d’exportation de gaz vers l’Argentine. D’autre part, la diminution des importations est imputable à la baisse des matières premières et biens intermédiaires importés (-8,7 % g.a).

En 2023, le Brésil est le 1e client des exportations boliviennes (15 %) grâce aux ventes de gaz naturel. L’Inde se hisse en 2e position (12 %) exclusivement grâce à la vente d’or pur et la Chine en 3e position (11 %). Les exportations vers la Chine ont augmenté de près de 50 % en 2023, et concernent à 79 % le secteur minier. La Chine (21 %), le Brésil (17 %) et l’Argentine (10 %) sont les principaux fournisseurs de la Bolivie. Avec 123 M USD d’exportations (+86 % en 2023), la France en est le 17ème fournisseur (vs. 25ème en 2022). La France ne représente qu’1,1 % des importations boliviennes.

La prudence des investisseurs étrangers a réduit les IDE et les flux en portefeuille : ces flux ne permettant pas de couvrir le déficit courant, la Banque centrale a dû puiser dans le peu de réserves en devises restant pour maintenir le régime de taux de change fixe.

3.   Politique budgétaire / équilibres financiers internes

Depuis octobre 2011, la Bolivie a adopté un régime de change fixe, maintenant le taux de change du Boliviano (BOB) face au Dollar étatsunnien (USD) stable à 6,86 BOB/USD. Le maintien de ce régime de change a été permis par les excédents courants et commerciaux réalisés jusqu’en 2023. Toutefois, la baisse de ces excédents associée à un financement monétaire significatif (⅓ des dépenses) et une surestimation du BOB (de l’ordre de 15 %) ont entrainé une chutte des réserves nécessaire au maintien du régime de change fixe. Celles-ci ont chuté à 1,8 Md USD fin 2023 (vs. 3,8 Md USD fin 2022, couvrant moins d’un mois d’importations. Ces réserves sont principalement composées d'or que la Banque centrale n'est pas en mesure de liquéfier du fait de la législation locale. Ainsi, il pourrait exister un risque d’ajustement désordonné à court et moyen terme. Malgré le passage d’une loi sur l’or en mai 2023, permettant à la Banque centrale de liquéfier la moitié des réserves d’or (1,2 Md USD), la situtation ne s’est que temporairement améliorée.

Le déficit public résultant de la baisse de la production de gaz naturel et d’un niveau de dépenses publiques élevé[3] a entraîné une réduction des revenus de trois points de PIB depuis 2014. Le déficit public de la Bolivie reste ainsi important en 2023 (6,65 % du PIB). Les dépenses publiques liées aux subventions aux carburants ont augmenté de 2,5 points de PIB, atteignant 4 % du PIB en 2023. Ainsi, ce déficit budgétaire, combiné à l'incapacité du pays à se financer sur les marchés internationaux a imposé le recours au financement monétaire du déficit. En 2023, la dette publique atteint 86 % du PIB. La dette publique, principalement libellée en devises, pourrait augmenter le risque de défaillance en cas d’abandon du taux de change fixe du BOB. Ainsi, en considérant l’ensemble de ces facteurs, les agences de notation Fitch et Moody’s ont abaissé leurs notes créditrices début 2024[4].

4.   Perspectives et principaux risques

Le principal risque pesant sur le pays est celui d’une crise de la balance des paiements et de change au vu des faibles réserves. Cette crise pèse sur la viabilité du modèle économique bolivien, la Banque centrale pouvant ainsi, prochainement, avoir des difficultés à défendre le change fixe. Un fort coût social serait à craindre en cas d’ajustement désordonné du fait d’un abandon forcé du régime de taux de change fixe.

La Bolivie connait également des difficultés structurelles dues à sa situation enclavée, des disparités géographiques, des risques naturels importants, de la pauvreté, des inégalités, des infrastructures limitées  et de la dépendance aux marchés étrangers et aux exportations de matières premières. Les capacités des institutions politiques et administratives sont perfectibles, et la fragmentation ainsi que les identités locales et régionales peuvent parfois compliquer le consensus national.



[1] Rapport entre les exportations et les importations entre la Bolivie et le reste du monde.

[2] Cette baisse est principalement attribuable à la diminution des exportations dans les sous-secteurs de l'or métallique et des produits dérivés du soja, respectivement de 17,3 % et 19,1 %.

[3] Subventions sur carburants et alimentation estimées à 3,7% du PIB par Coface.

[4] Fitch : de B- à CCC, à deux crans de la catégorie « extrêmement spéculative ». Moody’s : de Caa1 à Caa3, dernier cran de la catégorie « risques significatifs ».

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