Situation économique et financière

Classé 187ème à l’IDH (sur 191 pays classés), le Burundi est l’un des pays les plus pauvres du monde (si pas le plus pauvre en PIB PPA/hab). Toutefois, depuis l’accession en mai 2020, d’Evariste Ndayishimiye à la tête de l’État après quinze ans dans l’ombre de Pierre Nkurunziza, les perspectives s’améliorent pour le Burundi avec la levée des sanctions et le retour des bailleurs bilatéraux et multilatéraux depuis mai 2020, avec notamment un programme FMI conclu en juillet 2023. Un appui indispensable pour sortir le pays de son isolement politique, économique et financier qui dépend néanmoins de la bonne mise en œuvre du programme de réforme et notamment de la politique de change.

1. Contexte géopolitique et structure de l'économie

Un retour des relations avec les bailleurs

La réélection de P. Nkurunziza pour un 3ème mandat en 2015 avait conduit à une flambée de violences sur fond de tensions ethniques entre hutus et tutsis. La crise a impacté les pays voisins : selon l’UNHCR, en 2023, 287 543 réfugiés (contre 365 162 en 2018) seraient encore répartis entre la Tanzanie (155 474), le Rwanda (48 871), la RDC (43 977) et l’Ouganda (39 221). Les relations avec les pays occidentaux et l’UE s'étaient largement dégradées, et des sanctions à l’égard du pouvoir avaient été mises en place, en outre la suspension de l'intégralité ou d'une partie de leur appui financier. Depuis les élections de mai 2020, remportées sans surprise par Évariste Ndayishimiye, davantage de réfugiés ont souhaité revenir au Burundi. Les perspectives se sont améliorées et les relations avec les bailleurs ont repris (réengagement des Etats-Unis à hauteur de 400 MUSD sur 5 ans, Programme indicatif pluriannuel (PIP) de l'UE sur la période 2021-2027 à hauteur de 194 MEUR, mission FMI au titre de l’article IV effectuée en 2022 et un nouveau programme ECF de 38 mois d’environ 271 MUSD approuvé en juillet 2023). A noter néanmoins qu’à l’approche des élections 2025, l’appétit des autorités burundaises pour les réformes semble avoir atteint un point bas.

Un pays qui reste l'un des plus pauvres du monde

Le Burundi est l’un des pays les plus pauvres au monde, avec 87 % de la population vivant avec moins de 1,9 USD/jour selon la Banque mondiale et un PIB par habitant de 245,8 USD en 2023 selon le FMI, contre 311,0 USD en 2022. En 2022, le pays était classé 187/193 en termes de développement humain (IDH). Cette situation est le résultat d’années de guerre civile et de violences (1993 - 2005). Malgré une croissance annuelle de plus de 4,0 % durant les années de paix (2005-2014), la pauvreté n'a que faiblement reculé en raison d’une forte croissance démographique, de 3,1 % par an, avec un taux de fécondité de 5,2 enfants par femmes (4,6 pour l’Afrique subsaharienne). De plus, le déficit criant d’infrastructures (11,7 % seulement de la population ont accès à l’électricité, contre 48,4 % pour l’Afrique subsaharienne) alors que le pays est enclavé, obère la croissance potentielle.

L’activité repose essentiellement sur le secteur de l’agriculture, sylviculture et pêche, qui représentait en 2022 34,6 % du PIB et 85,1 % des emplois (19,5 et 52,9 % pour l’ASS), dont le développement extensif est toutefois contraint par une densité de population très élevée (463 habitants par km²), malgré le plus faible taux d’urbanisation au monde (13,7 % contre 41,3 % pour l’ASS). L’industrie (dont la construction) représente 13,2 % du PIB, et les services 53,1 %.

Le secteur minier pourrait représenter une opportunité pour la reprise économique. Le Burundi, 1er producteur de terres rares en Afrique, se classe 9ème au niveau mondial. Le secteur minier, soutenu par  le secteur aurifère (68,5 MUSD d’exportations en 2022), est le principal pourvoyeur de devises devant les secteurs du café (70,6 MUSD d’exportations en 2022) et du thé (28,6 MUSD d’exportations en 2021). Parmi les différentes ressources minières présentes au Burundi, le nickel est le plus prometteur avec des estimations de 6 % des réserves mondiales. Le gisement le plus important est celui de Musongati, pour des réserves exploitables estimées à 150 Mt. Fortement lié au potentiel minier, le projet de ligne ferroviaire à écartement standard (SGR) qui doit prolonger le SGR tanzanien pour relier à terme la RDC à la côte, et désenclaver le Burundi, est une priorité du gouvernement et de la BAD. Cette dernière estime le coût du projet de SGR à 1,4 Md USD au total. Pour la 1ère phase jusqu’à Gitega (avec une sous-station à Musongati, où se trouve un gisement de nickel), le coût est estimé à 700 MUSD, financé à hauteur de 100 MUSD sous forme de dons par la BAD (40 MUSD sur l’enveloppe annuelle pays et 60 MUSD sur l’enveloppe régionale) et 600 MUSD sur ressources propres à hauteur de 125 MUSD/an sur 5 ans (soit 4 % du PIB Burundais), ce qui semble difficilement réalisable malgré l’octroi du financement BAD.

2. Situation macroéconomique

La croissance réelle du PIB burundais devrait augmenter à 2,7 % en 2023 selon les prévisions du FMI (contre 1,8 % en 2022 et 3,1 % en 2021) portée, notamment, par un effet de base lié à la faible performance du secteur agricole en 2022 en raison de difficultés d’approvisionnement en engrais, de pluies insuffisantes et d’une mauvaise qualité des semences.

L'inflation reste très élevée, atteignant 27,0 % en 2023 (contre 18,9 % 2022) avec un pic à 32,6 % en avril 2023 (g.a), sous l'effet de la hausse des prix des denrées alimentaires. Cette inflation ne devrait afficher que progressivement une tendance à la baisse, à 22,0 % en 2024 selon le FMI. Un apaisement des pressions inflationnistes attribuable notamment à : (i) la fermeture de la frontière avec le Rwanda en janvier 2024, dont la réouverture en octobre 2022 avait entraîné une hausse des prix locaux sous l’impulsion de la hausse de la demande extérieure ; (ii) l’adoption d’une politique monétaire restrictive incluant la réduction du financement du déficit par la Banque centrale. Dans le cadre du programme FMI, les autorités se sont engagées à plafonner les avances du Trésor à 10 % des recettes totales de l'année fiscale précédente ; (iii) l’amélioration du canal de transmission de politique monétaire par (a) l’adoption d’un système par taux d’intérêt (fixé actuellement à 10,0 %), remplaçant le précédent ciblage quantitatif des agrégats monétaires et (b) la lutte contre la thésaurisation, via le remplacement des billets de 5 000 et 1 000 BIF (plus grosses coupures) en juin 2023.

3. Finances publiques

Après le creusement significatif du déficit budgétaire en 2022 à -10,6 % du PIB (contre -7,0 % en FY2021/22), attribuable entres autres au renoncement de la TVA sur la distribution de pétrole pour compenser la hausse des prix internationaux, celui-ci s'est réduit à -9,1 % en 2023 et atteindrait -5,9 % en 2024 selon les prévisions du FMI. Parmi les principaux leviers de consolidation budgétaire : (i) une nette augmentation des recettes et dons portée notamment par le DPO attendu de la Banque mondiale (80 MUSD) et l’introduction de nouvelles taxes et (ii) une baisse des dépenses courantes. Les dépenses d’investissement sont néanmoins en forte augmentation principalement en raison de l’inclusion de la contribution publique au SGR (125 MUSD sur ressources propres/an).

La dette publique diminue à 62,8 % du PIB en 2023 (contre 68,4 % en 2022), mais devrait cependant repartir à la hausse à 72,7 % en 2024. Selon les dernières projections du FMI, la part de la dette domestique devrait nettement diminuer en 2023 passant de 71 % (2022) à 53 % en tandis que la part de dette externe devrait augmenter de 29 % à 47 %. Un changement qui illustre notamment (i) la réduction de la monétisation du déficit et (ii) l’adoption du programme FMI.

La DSA de juillet 2023 maintient la dette burundaise extérieure et globale en risque élevé de surendettement. Les principaux risques découlent de l'important stock de dette intérieure et des contraintes de liquidité pour assurer le service des engagements extérieurs, les quatre indicateurs de la charge de la dette dépassant leurs seuils respectifs. Cependant, les contraintes de liquidité externe, y compris les risques pour le service de la dette externe, sont atténuées par des transferts de fonds de la diaspora résilients, et des perspectives d'augmentation des dons et des prêts concessionnels. Les réserves à la banque centrale restent limitées structurellement à quelques semaines d’importations.

4. Situation extérieure et environnement des affaires

Le déficit de la balance des paiements s'est creusé pour atteindre -18,7 % du PIB en 2023 (contre -15,6 % du PIB en 2022), imputable notamment à une dégradation de la balance commerciale sous l’impulsion, d'une part, d’une dépréciation de la devise sur le marché noir, taux auquel sont importés (par le secteur privé) la majorité des marchandises à l’exception du pétrole, des médicaments et des engrais, dont l’importation reste contrôlée par l’Etat (et de facto subventionnée par l’usage d’un taux artificiel). Au S2 2023, le BIF a perdu environ 25 % de sa valeur sur le marché parallèle, passant de 3 600 BIF/USD en juillet 2023 à 4 700 BIF/USD en décembre. Selon le FMI, le taux de change parallèle avoisinerait en février 2024 les 5 000 BIF/USD, contre 2 850 BIF/USD au taux officiel, soit un premium d’environ 75 %. D'autre part, la dévaluation du taux de change officiel de 38 % en mai 2023, dans une tentative infructueuse d’unification des taux. Selon le FMI, les réserves de devises officielles auraient chuté à environ 0,8 mois d’importations fin 2023 (contre 2,5 mois fin 2021 et 1,3 mois fin 2022). Une baisse attribuable notamment au retard dans l’approbation de la 1ère revue du programme FMI.

L’environnement des affaires est un important obstacle au développement du Burundi. Le pays est passé de 151ème au classement Doing Business de la Banque mondiale en 2015, à 166ème en 2020.

Publié le