Indicateurs et conjoncture

1. Situation macroéconomique

 Après une croissance moyenne d’environ 5 % jusqu’en 2014, le Burundi a vu son PIB se contracter en 2015 et 2016, puis croître en moyenne à 1,3 % jusqu’en 2019. Ce niveau est d’autant plus inquiétant que le pays fait face à une croissance démographique parmi les plus élevées de la planète, avec une progression de 3,2 % annuellement sur les deux dernières décennies. Ainsi, le PIB par habitant du pays diminue d’année en année, passant de 306 à 264 USD entre 2017 et 2019 faisant du Burundi le pays le plus pauvre du monde après le Soudan du Sud.

En 2014, date des derniers comptes de la nation publiés[1], l’économie burundaise est d’abord portée par les services (38 %), et l’agriculture (36 %). La part des services, composés essentiellement du commerce, transports et télécommunications, banques et assurances et service publique, augmentait tendanciellement (de 4 points en une décennie). L’agriculture, qui employait 89% de la population active occupée en 2008[2], se réduisait en contrepartie, tout en subissant des variations annuelles liées aux conditions climatiques avec par exemple un écart de production de café de 40 % entre 2013 et 2014 (ce produit étant la principale denrée exportée -23 % des exports). Le secteur industriel demeurait stable à 16 % du PIB.

Le pays verrait son activité économique se contracter de 3,2 % en 2020. La pandémie toucherait le Burundi principalement par le biais des effets de contagion économiques de la dégradation des perspectives mondiales, notamment les mesures de confinement mises en place dans ses principaux partenaires commerciaux.

2. Finances publiques

Depuis 2015, la baisse d’activité et l’arrêt du soutien de certains bailleurs, qui finançaient jusqu’à la moitié du budget de l’Etat, s’est traduite par une dégradation des comptes publics. Les ajustements ont étés insuffisants pour éviter un recours à la monétisation du déficit : les autorités ont augmenté les prélèvements fiscaux et ajusté les dépenses à la baisse, mais le gouvernement burundais ne pouvant s’endetter à l’international et le marché bancaire local étant peu profond, le financement du déficit par des avances de la Banque centrale et des achats de titres de dette publique semble inéluctable. Aux impôts se sont ajoutées de nombreuses contributions « volontaires » pour financer les élections de 2020, imposées par la contrainte : les citoyens ne pouvant présenter les récépissés de ces contributions sont privés d’accès aux services publics comme l’éducation ou la santé. Ces contributions ne font l’objet d’aucune transparence et des détournements sont régulièrement rendus publics.

Le déficit se creuserait de 8,3 % en 2019 à 9,5 % du PIB en 2020, sous le double effet de la baisse des revenus fiscaux et de la hausse des dépenses nécessaires pour lutter contre la pandémie.

Le pays est en risque élevé de surendettement malgré un niveau de dette publique externe modéré. Le Burundi avait atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE en 2009. La dernière analyse de viabilité de la dette par le FMI date de 2015. Elle classait le Burundi dans la catégorie des pays au risque de surendettement externe élevé, du fait que le ratio de VAN de la dette extérieure sur les exportations dépassait le seuil critique de 100 %. La dette publique progresse de 44,7 % du PIB en 2017, à 65,0 % estimés en 2020. Sur cette période, le volume externe a augmenté plus lentement, de 19,6 % du PIB à 21,7 % en 2020.

3. Situation extérieure

Le déficit commercial, structurel en raison de l’étroitesse de la base expor­tatrice, est globalement stable depuis 2012, oscillant autour de 500 MUSD. Selon l’UNCTAD, les exportations burundaises restent faibles : à 160 MUSD en 2018. En outre, ces biens sont peu ou pas trans­formés, à l’instar du café et du thé qui en représen­tent plus de la moitié. Prenant le pas sur ces exportations « traditionnelles », l’or est par ailleurs depuis 2012 le premier poste d’exportations du pays. Les Emirats Arabes Unis sont les premiers clients du Burundi (35 % des exportations totales), suivis par la Répu­bli­que Dé­mo­cratique du Congo (15 %)[3]. En raison d’une faible base productive, le pays est contraint d’importer de nombreux biens dont une partie est non substituable comme les carburants ou les médicaments : les importations ont totalisé 841 MUSD en 2018. Le déficit commercial, structurellement élevé, atteint par conséquent 20 % du PIB en 2018. Tout comme le commerce, les services sont déficit­aires, le tourisme demeure marginal en raison du déficit d’image et d’in­fra­s­truc­­ture. Outre l’APD, les transferts of­fi­ciels sont constitués des transferts de l’AMISOM, qui garantissent un afflux sécu­risé mais ponctuel de de­vi­ses[4].

La position externe déjà fragile du Burundi se dégraderait et le déficit courant atteindrait 20,7 % du PIB en 2020. La pandémie a engendré un besoin de financement externe de 4,7 % du PIB en 2019 et 2020, principalement en raison de la baisse des exportations liée à la diminution de la demande mondiale et au goulots d’étranglements dans les transports ; des besoins en importations élevées liés aux dépenses budgétaires prévues pour faire face à la pandémie et à la baisse des transferts de fonds de la diaspora.

Depuis l’atteinte du point d’achèvement PPTE en 2009, le FMI classe le Burundi dans la catégorie des pays au risque de surendettement externe élevé, l’analyse de soutenabilité de la dette n’a cependant pas pu être renouvelée depuis 2014

4. Secteur bancaire et environnement des affaires

La Banque centrale, disposant de réserves de change limitées, peine à défendre la parité du franc burundais vis-à-vis du dollar. Malgré les mesures de contrôle des devises, l’écart avec le taux de change parallèle s’est aggravé. Les réserves du pays seraient constamment inférieures à moins d’un mois d’importations. Cette pénurie a conduit à la mise en place d’une gestion centralisée des devises, réservées aux importations stratégiques (pétrole, médicaments, engrais, produits alimentaires), qui sont confiées à des proches ou des dirigeants du régime. Depuis avril 2016, les entités étrangères publiques ainsi que les entités d’aide et de coopération recevant des fonds étrangers doivent domicilier leurs comptes en devises auprès de la BRB. Si les interventions de la BRB ont limité la dépréciation du taux de changes officiel à 3,5 % en 2019, le premium sur le marché parallèle continue d’avoisiner les 50%. 

L’environnement macroéconomique dégradé conduit les banques à restreindre leur activité de prêt aux en­tre­prises et à privilégier les achats de titres publics. La situation écono­mique précaire conduit à un niveau é­le­­vé de défaillances d’en­tre­­prises. Après un pic des défaillances de crédit à 26 % en janvier 2017, ce taux a régulièrement diminué à 14,6 % des prêts totaux. L’aversion au risque a conduit les banques à concentrer leur activité sur les ti­tres publics et le cré­dit aux ménages au détriment du finance­ment des entreprises. Les données de la BRB corroborent ce pro­pos : les créances sur le trésor ont été multipliées par 9 entre 2013 et 2018, tandis que le crédit au secteur privé ne progressait pas en volume jusqu’en 2017, avant finalement de décoller de 13 % en 2018, et encore 8 % au premier semestre 2019.   

L’environnement des affaires est un important obstacle au développement du Burundi. Le pays est passé de 151ème au classement Doing Business en 2015, à 166ème en 2020.

5. Contexte géopolitique et gouvernance

Une crise humanitaire qui se poursuit depuis 2015. La réélection de P. Nkurunziza pour un 3ème mandat en 2015 a conduit à une flambée de violences sur fond de tensions ethniques entre hutus et tutsis. La crise impacte les pays voisins : selon l’UNHCR, au 31 mai 2020 environ 330 000 réfugiés seraient répartis entre la Tanzanie (165 000), la RDC (47 000), le Rwanda (72 000) et l’Ouganda (48 000). Les tentatives de résolution, par la CAE (avec comme facilitateur l’ancien président tanzanien Mkapa) ou l’UA restent vaines.

Les conditions de la réélection de P. Nkurunziza avaient fortement dégradé les rapports diplomatiques, les pays occidentaux et l’UE ayant mis en place des sanctions à l’égard du pouvoir ou suspendu tout ou partie de leur appui financier. En 2016, le pays s’est retiré de la Cour Pénale Internationale. En 2017, il a renforcé le contrôle sur les ONG étrangères, notamment la répartition ethnique de leurs salariés, provocant le départ de certaines comme Handicap International. En 2019, il a imposé au Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme de fermer son bureau à Bujumbura. Enfin, en mai 2020, en pleine crise Covid19, trois experts de l’OMS ont été accusés de s’ingérer dans les affaires internes du pays dans le cadre des élections générales, conduisant au renvoi du représentant résident. L’annonce en décembre 2018 du transfert de la capitale politique du pays de Bujumbura vers Gitega, ancienne capitale royale du pays pendant la période coloniale, interroge.

Le 20 mai 2020, Évariste Ndayishimiye, a remporté l’élection présidentielle. Issu du régime et garant de sa continuité, ses marges de manœuvre semblent faibles, mais l’urgence économique semble favoriser un rapprochement de la communauté internationale pour sortir le pays de son isolement politique, économique et financier. La campagne a été marquée par les violences des milices du parti au pouvoir (imbonerakure) contre les candidats de l’opposition et la population, sans qu’elles atteignent toutefois le niveau de 2015. Le 8 juin 2020, alors qu’il devait transmettre le pouvoir en août, le Président Nkurunziza est décédé de la Covid19.

 


[3] Une partie importante des exportations de biens vers la RDC seraient toutefois non enregistrées, ce qui ferait en réalité de la RDC le premier débouché du Burundi.

[4] Le contingent burundais est aujourd’hui avec 5432 soldats le deuxième contingent au sein de l’AMISOM. La solde des militaires est financée par l’Union Européenne, qui transfère sous forme de tranches se­mes­trielle les fonds à l’Union africaine qui les reverse par la suite aux Etats contributeurs. Dans le cas du Burundi, au titre des mesures mises en place après 2015, le paiement des soldes se fait directement auprès de la BANCOBU afin d’éviter les circuits financiers publics.

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