BURUNDI
Situation économique et financière
Éléments structurels sur l’économie
Avec un PIB de 4,7 Md USD en 2024, le Burundi est l’une des plus petites économies d’AEOI, conséquence directe des années de guerre civile et d’instabilité entre 1993 et 2005. Avec 12,9 millions d’habitants, le PIB par habitant atteint seulement 355 USD, plaçant le Burundi parmi les pays les plus pauvres du continent. Son Indice de Développement Humain (IDH) reste très faible (0,42), classant le pays au 187ᵉ rang mondial et avant-dernier de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), devant le Soudan du Sud.
L’économie repose principalement sur les services (45 % du PIB), dominés par le commerce, les télécommunications et les services financiers, bien que les infrastructures restent limitées. L’agriculture, qui représente 36 % du PIB et emploie 80 % de la population, est axée sur les cultures d’exportation (café, thé) et les cultures vivrières (maïs, manioc). Son développement est freiné par une densité de population parmi les plus élevées d’Afrique (463 habitants/km²) et un taux d’urbanisation extrêmement bas (13,7 %, contre 41,3 % pour la moyenne subsaharienne). L’industrie (19 % du PIB) se concentre sur l’agro-industrie et une exploitation minière encore marginale (or, terres rares).
En quête de diversification économique, les autorités misent leurs espoirs sur l’exploitation de ressources minières, notamment le nickel, dont le pays détiendrait 6 % des réserves mondiales. Toutefois, plusieurs contraintes freinent sa mise en œuvre : enclavement géographique à plus de 1 000 km des ports tanzaniens pouvant exporter, projet de ligne ferroviaire (prolongement du SGR tanzanien), et accès insuffisant à l’énergie – nécessaire à l’exploitation des ressources - le pays ne couvrant qu’environ 60 % de ses besoins en électricité.
L’économie burundaise se caractérise par la prédominance du secteur informel et par de fortes inégalités territoriales. Le secteur informel est estimé à 36,6 % du PIB, ce dernier emploie environ 95 % de la population. En 2013, l’incidence de la pauvreté (Incidence de la pauvreté sur la base du taux de pauvreté national) atteignait 68,9 % en zone rurale, contre respectivement 40,9 % et 20,8 % dans les autres zones urbaines et dans la capitale Bujumbura. Malgré ces disparités, avec un indice de Gini estimé à 0,38 en 2020, le niveau d'inégalité des revenus au Burundi est inférieur à la moyenne de 0,40 pour la région AEOI.
Conjoncture et finances publiques
Après une récession en 2015 (-3,9 %) causée par la crise sécuritaire, l’économie burundaise est restée quasiment atone sur la période 2015-2020 (-0,1 % en moyenne par an), aggravée par la crise Covid-19 en 2020 (+0,3 % seulement). Un processus de normalisation avec la communauté internationale, amorcé à partir de 2020, a permis une reprise modérée (+2,8 % en moyenne sur 2021-2024, après -0,1 % sur 2015-2019), grâce au retour progressif des bailleurs. En 2024, la croissance a augmenté (+3,5 %, après +2,7 % en 2023), grâce au rebond du secteur agricole (conditions climatiques favorables) et au dynamisme des services, alors que l'industrie a été affectée par des pénuries chroniques de gaz et de carburant. En 2025, la croissance – déjà faible – devrait diminuer (+2,7 % selon le FMI) et rester modérée à moyen terme (+3,1 % en moyenne/an entre 2026 et 2030 selon le FMI), un niveau insuffisant pour répondre aux besoins sociaux. Cette faiblesse s’expliquerait par la surévaluation persistante du taux de change qui pénalise la compétitivité et aggrave les déséquilibres extérieurs (cf. infra), ainsi que les pénuries structurelles de carburants freinant l’activité.
L’inflation a temporairement diminué en 2024 (+20,2 %, après +27,1 % en 2023), atteignant un point bas en avril 2024 (+12,1 %) grâce à un resserrement monétaire opéré jusqu’à mi-2024[1]. Cependant, le relâchement de celui-ci au 2nd semestre[2], et l’intensification du financement monétaire des déficits par la Banque centrale (BRB) fin 2024 a ravivé les tensions inflationnistes début 2025. En avril 2025, l’inflation a culminé à +45,5 %, tirée par la hausse des prix alimentaires, des transports et des services publics, dans un contexte de pénuries de carburant et de tensions sur le marché parallèle des changes. Elle devrait atteindre +39,1 % en moyenne sur 2025, pénalisant les ménages les plus vulnérables.
Les finances publiques sont sous tension. En 2024, face à un déficit public élevé, les autorités ont entrepris une consolidation budgétaire (via une baisse importante des dépenses), ayant réduit le déficit public (4,9 % du PIB, après -7,4 % en 2023). Cependant, son financement repose de plus en plus sur des emprunts domestiques coûteux, notamment via les avances de la BRB. Face à cette situation, une loi de finances révisée[3] a été promulguée en décembre 2024, mais les projections de recettes attendues de ces mesures restent floues, et le déficit devrait se creuser en 2025 (-7,2 %), en lien avec la baisse des recettes fiscales, le recul des dons liés aux projets, et la diminution des investissements extérieurs.
Selon la dernière analyse de soutenabilité de la dette (juillet 2023), la dette burundaise est soutenable, mais reste exposée à un risque élevé de surendettement, masquée par la surévaluation du taux de change et l’inflation, qui réduisent mécaniquement son poids dans le PIB. En 2024, la dette publique a diminué (52,0 % du PIB, après 58,1 % en 2023). Le FMI anticipe une baisse progressive et mécanique du ratio de dette publique d'ici 2030 (à 30 % du PIB), soutenue par l'inflation, la croissance nominale et la réduction du financement monétaire. Cependant, cette trajectoire reste fragile, en raison des contraintes de liquidité et du niveau extrêmement bas des réserves de change. L’inflation contribue, à court terme, à alléger le poids réel de la dette, mais seule une consolidation budgétaire et la mise en œuvre de réformes structurelles permettront de restaurer durablement la soutenabilité de la dette.
Sur le front externe, le Burundi a enregistré une amélioration apparente de son solde courant en 2024 (-8,6 % du PIB après -14,8 % en 2023), due à une forte contraction des importations - notamment de carburants et de biens intermédiaires - liée aux taux de change surévalué et aux restrictions sur les importations. Cette amélioration artificielle pénalise l’activité économique, en particulier les secteurs dépendants des intrants importés, et alimente les importations informelles. Les transferts de la diaspora (4,3 % du PIB, +25 % en 2024 par rapport à 2023), jouent un rôle stabilisateur, mais restent insuffisants face à la faiblesse des réserves de change (1,4 mois d’importations). Le solde courant devrait continuer à s’améliorer en 2025 (-6,6 %) avant de se creuser à moyen terme (-12,0 %), à mesure que les pressions de change s'atténueront. Depuis 2015, le franc burundais s’est déprécié de 87,7 % face au USD. La réforme du régime de change initiée fin 2023, censée réduire l’écart entre le taux officiel et le marché parallèle (spread), reste inachevée : malgré une dévaluation de 38 % en mai 2023, l'écart avec le marché parallèle a de nouveau atteint près de 100 % en mai 2024, exacerbant les pénuries de devises et les tensions économiques.
[1] La BRB a augmenté le taux de réserve obligatoire de 3 à 5 %, le taux de refinancement à 7 jours de 5 à 10 % et a augmenté le taux directeur à 12 %.
[2] Après avoir diminué au S1 2024 (+12,3 %, après +23 % en 2023), la croissance de la masse monétaire a réaugmenté au S2 (+ 24,8 %).
[3] Introduisant notamment une surtaxe douanière de 50 % sur la bière importée, une hausse des droits de licence pour les établissements hôteliers et de restauration, ainsi que l’obligation pour toute personne majeure de détenir une carte d’assistance médicale.