Situation économique et financière

Résumé : Classé 187ème à l’IDH (sur 191 pays classés), le Burundi est l’un des pays les plus pauvres du monde. Toutefois, depuis l’accession en mai 2020, d’Evariste Ndayishimiye à la tête de l’État après quinze ans dans l’ombre de Pierre Nkurunziza, les perspectives s’améliorent pour le Burundi avec la levée des sanctions. Un rapprochement avec la communauté internationale, illustré par le retour des bailleurs bilatéraux et multilatéraux, s’observe néanmoins depuis mai 2020, avec un programme FMI conclu en juillet 2023. Un appui indispensable pour sortir le pays de son isolement politique, économique et financier.

1. Contexte géopolitique et gouvernance

La réélection de P. Nkurunziza pour un 3ème mandat en 2015 avait conduit à une flambée de violences sur fond de tensions ethniques entre hutus et tutsis. La crise a impacté les pays voisins : selon l’UNHCR, en août 2022 environ 255 821 réfugiés (contre 291 900 en 2021) seraient encore répartis entre la Tanzanie (126 497), le Rwanda (48 349), la RDC (40 808) et l’Ouganda (40 167). Depuis les élections de mai 2020, davantage de réfugiés souhaitent cependant revenir au Burundi. 

Le 20 mai 2020, Évariste Ndayishimiye, a remporté sans surprise l’élection présidentielle. Issu du régime et garant de sa continuité, ses marges de manœuvre semblent faibles, mais l’urgence économique lui impose de renouer rapidement avec la communauté internationale pour sortir le pays de son isolement. La campagne a été marquée par les violences des milices du parti au pouvoir (imbonerakure) contre les candidats de l’opposition et la population, sans qu’elles atteignent toutefois le niveau de 2015[1]. Le 8 juin 2020, alors qu’il devait transmettre le pouvoir en août, le Président Nkurunziza est décédé du Covid-19. Contrairement à son prédécesseur, Évariste Ndayishimiye a pris des mesures pour lutter contre la propagation du virus (achat de savon, politique de tests).

Les conditions de la réélection de P. Nkurunziza avaient fortement dégradé les relations avec les pays occidentaux et l’UE, qui avaient mis en place des sanctions à l’égard du pouvoir et suspendu tout ou partie de leur appui financier. L’élection d’Évariste Ndayishimiye en 2020 a permis des perspectives positives quant à l’ouverture du pays à l’international et le lancement de réformes. L’Union européenne a ainsi décidé en février 2022 d'abroger la suspension de l'aide financière directe à l'administration ou aux institutions burundaises imposée en 2016. Les interventions de bailleurs bilatéraux et multilatéraux ont depuis repris, avec par exemple (i) le réengagement annoncé des Etats-Unis à hauteur de 400 MUSD sur 5 ans, (ii) celui de l’Union européenne via son Programme indicatif pluriannuel (PIP) sur la période 2021-2027 à hauteur de 194 MEUR sur les quatre premières années ou encore (iii) celui du FMI avec une mission au titre de l’article IV effectuée en 2022 et un nouveau programme ECF de 38 mois d’environ 271 MUSD approuvé en juillet 2023.

2. Situation macroéconomique

Le Burundi est le pays le plus pauvre au monde, avec 87 % de la population vivant avec moins de 1,9 USD/jour selon la Banque mondiale et un PIB par habitant de 309,1 USD en 2022 selon le FMI, contre 274,0 USD en 2021. En 2021, le pays était classé 187/191 en termes de développement humain (IDH). Cette situation est le résultat d’années de guerre civile et violences (1993-2005). Durant les années de paix, entre 2005 et 2014, le PIB a progressé de plus de 4,0 % annuellement pour rechuter de 3,9 % lors de la crise politique de 2015. Par ailleurs, le rythme de croissance entre 2006 et 2014 ne réduisait que faiblement la pauvreté, du fait d’une forte croissance démographique (3,1 % par an), et d'un taux de fécondité de 5,2 enfants par femmes (4,6 pour l’ASS). Il en résulte un déficit criant d’infrastructures (11,7 % seulement de la population ont accès à l’électricité, contre 48,4 % pour l’Afrique subsaharienne) alors que le pays est enclavé, obérant la croissance potentielle du pays.

L’activité repose essentiellement sur l’agriculture, qui représentait en 2021 28,7 % du PIB et 86,0 % des emplois (19,5 et 52,9 % pour l’ASS), dont le développement extensif est toutefois contraint par une densité de population très élevée (463 habitants par km²), malgré le plus faible taux d’urbanisation au monde (13,7 % contre 41,3 % pour l’ASS). L’industrie représente 10,6 % du PIB, et les services 44,8 %. Le secteur minier (terres rares, or, nickel) pourrait représenter une opportunité pour la reprise économique.

Après une quasi stagnation à 0,3 % en 2020 avec la crise sanitaire, le PIB réel a rebondi de 3,1 % en 2021 sous l’effet d’une reprise des activités du tertiaire qui ont bénéficié de l’assouplissement des mesures sanitaires, ainsi que du secteur primaire, la production agricole ayant été soutenue par l’amélioration de la fourniture d’intrants. En 2022, la croissance devrait ralentir à 1,8 %, notamment en raison des répercutions de la guerre en Ukraine, avant de repartir à la hausse en 2023 à 3,3 % selon le FMI.

L'inflation s'est établie en moyenne à 18,9 % en 2022 et les pressions inflationnistes ne faiblissent pas (32,6 % en glissement annuel à la fin du mois d’avril 2023), sous l'effet de la hausse des prix des denrées alimentaires (48,2 % en glissement annuel à la fin du mois d’avril 2023). Elle devrait rester élevée, à environ 16,0 % en 2023 selon les prévisions du FMI.

3. Finances publiques

Après s’être resserré en 2021, de 6,3 % du PIB en 2020 à 5,3 % en raison d’une amélioration du recouvrement des recettes grâce à la lutte contre la fraude et une hausse des donsle deficit budgétaire burundais devrait se creuser à nouveau en 2022 à 12,1 % du PIB en raison d’une hausse significative des dépenses d’investissement (+104,6 % entre 2021 et 2022). Pour 2023, le FMI prévoit néanmoins une nette amélioration du déficit public, à -4,6 % du PIB, sous l’impulsion d’une baisse des dépenses d’investissement.

La soutenabilité de la dette publique pourrait se dégrader en raison de la dette domestique. Le FMI prévoit une augmentation de la dette publique brute de 66,6 % en 2021 à 68,3 % en 2022 et 69,5 % en 2023. La dernière analyse de viabilité de la dette par le FMI, en 2015, classait le Burundi dans la catégorie des pays à risque de surendettement externe élevé. Depuis la part de dette extérieure s’est réduite sous l’effet des sanctions internationales mais la dette domestique s’est accrue. Le FMI et la BM ont terminé l’analyse conjointe de la viabilité de la dette en mars 2022 (conjointement à l’article IV) cependant les données n’ont pas été publiées et les deux institutions ne se sont pas encore accordées sur la mise à jour du risque de surendettement associé à la dette.

4. Situation extérieure et environnement des affaires

En 2022, le déficit courant du Burundi devrait se creuser à -15,7 % du PIB, selon le FMI. Un résultat imputable notamment à la balance commerciale qui, outre une structure des échanges défavorables marquée par différentiel important de valeur ajoutée entre les importations (combustibles minéraux, machines et appareils mécaniques et électriques, produits pharmaceutiques, etc.) et les exportations (café, thé, épices, minerais, tabac, etc.), pâtie d’une conjoncture économique mondiale défavorable (augmentation du prix des matières premières, resserrement des conditions financières internationales, ralentissement économique des partenaires commerciaux, etc.).

En 2022, le franc burundais a été dévalué seulement de 3,2 % face au USD (contre 2,6 % en 2021) en raison d’un contrôle partiel des changes. La Banque centrale, qui dispose de réserves de change limitées, peine cependant à défendre la parité du franc burundais vis-à-vis du dollar. Le taux de change fixé par la Banque centrale ne correspond pas à son niveau d’équilibre réel, ce qui se reflète dans le développement d’un marché parallèle avec un fort différentiel entre taux officiel et taux parallèle. Entre 30 et 45 % des transactions en devises se feraient sur le marché parallèle, où le premium du change s’élevait à 62,5 % mi-juin 2022. Les nouvelles mesures de libéralisation du change en mai 2023 ont entrainé une dépréciation immédiate de 35,2 % entre le 4 et 5 mai 2023. La BRB a acté la réorganisation du Marché Interbancaire de Devises (MID) afin de renforcer la transparence dans la gestion des devises, et permettre aux banques commerciales d’échanger leurs liquidités en devise à un taux librement négocié, dans la limite toutefois d'un plafond sur le montant des transactions. La reconstitution de réserves, via les financements des bailleurs, est en effet un préalable à la libéralisation complète. Actuellement, la BRB ne peut pas satisfaire la demande de devises.

L’environnement des affaires est un important obstacle au développement du Burundi. Le pays est passé de 151ème au classement Doing Business en 2015, à 166ème en 2020. 


[1] Les organisations de défense des droits de l'homme ont signalé 81 décès dus aux violences électorales.

 

 
Publié le