Situation économique et financière

Fortement affecté par la crise Covid en 2020, le Royaume de Bahreïn a enregistré un recul important de son activité économique (-5,4%). Fortement dépendants des exportations pétrolières, les équilibres publics et externes du pays se sont également dégradés. Le Royaume a été contraint d'augmenter son endettement. Des réformes profondes s’avèrent nécessaires pour retrouver une trajectoire économique soutenable.

1. L'économie de Bahreïn a été fortement impactée par la crise Covid

Economie la plus diversifiée parmi les pays du CCEAG[1] (89% du PIB provient des activités hors-hydrocarbures), le Bahreïn n’a pas pour autant été moins affectée par la crise sanitaire que ses voisins. Fragilisée par les crises successives qu’elle a connu depuis 2008 (crise mondiale, soulèvement lors des printemps arabes en 2011, chute des cours en 2014), son économie fait face à une nouvelle contraction de 5,4% en 2020. La pandémie et le choc pétrolier ont accentué la dégradation de ses équilibres économiques. Malgré la diversification de l'économie, la conjoncture bahreïnienne est étroitement liée aux variations du cours du pétrole ; en 2020 le secteur représente encore 55% des recettes budgétaires et 42,6% des exportations.

La reprise de 3,3% en 2021 attendue par le FMI dépendra de la hausse des cours du pétrole, mais aussi et surtout du secteur hors-hydrocarbures. Le Fonds prévoit une reprise du secteur à 3,9% en 2021 (en accord avec la prévision du Ministère des finances bahreïnien) après une chute de 7% en 2020. Bahreïn compte fortement sur le tourisme et en particulier celui des saoudiens traversant le pont King Fahd qui relie les deux pays[2]. Le secteur contribuerait à hauteur de 6,5% du PIB, soit la proportion la plus élevée des États du Golfe. Le secteur manufacturier est également un poids lourd de l’économie bahreïnienne avec 14,7 % du PIB en 2020 grâce à des complexes industriels importants tels que la fonderie d’Aluminium of Bahrain (Alba) et le complexe pétrochimique de Gulf Petrochemical Industries Co.

 
2. L'équilibre budgétaire a été fragilisé par la crise

La baisse des cours internationaux a fortement fragilisé les comptes publics du Royaume. Avec un déficit budgétaire record de 18,3% du PIB en 2020[3], le déficit devrait retomber au niveau d’avant la crise en 2021 (-9,1%), grâce à la hausse des prix du pétrole et aux efforts de redressement budgétaire. Dès avril 2020, le gouvernement avait demandé aux ministères et aux agences gouvernementales de réduire leurs dépenses de 30 % et de reprogrammer certains projets de construction non prioritaires. Le gouvernement avait également mis en place plusieurs mesures budgétaires de soutien qui représentent 6,4% du PIB (32% en incluant le soutien de la banque centrale), soit environ trois fois plus que dans le reste de la région (2% du PIB en moyenne).

A 88 USD le baril, niveau le plus élevé au sein du CCEAG, le seuil de rentabilité budgétaire du pays risque de ne pas être atteint en 2021. Cela obligera le gouvernement à se tourner de nouveau vers les marchés internationaux de la dette. En ce sens, le gouvernement a rehaussé le plafond de sa dette à 40 Md USD (35 Md USD auparavant) durant l’été 2020, marquant la première augmentation depuis 2017. Après avoir bénéficié d’un financement d’urgence de 10 Md d’USD[4] par l’Arabie saoudite, les EAU et le Koweït, Bahreïn a pu lever 4 Md USD en mai et septembre 2020 en émettant sur les marchés obligataires.

L’endettement public du pays a atteint 133% du PIB fin 2020 et pourrait augmenter jusqu’à 152% en 2026. La dette extérieure brute s'élevait à 258 % du PIB en 2020, bien qu'une grande partie de ces engagements reflète les opérations à l'étranger des banques de détail et est intégralement compensée par des actifs extérieurs.

Les réserves de change ont chuté jusqu’à 769 M USD en avril 2020, avant de remonter à la suite de l’émission des obligations pour atteindre 1,9 Md USD en décembre 2020. Les réserves couvrant moins de deux mois d’importations, la vulnérabilité de l’ancrage de la devise au dollar et le risque d’épuisement des réserves sont d’importants facteurs d’instabilité pour le système financier de Bahreïn.

 
3. Les équilibres externes ont été perturbés mais le secteur bancaire reste resilient

Sur le plan externe, la balance courante est déficitaire de 3,3 Md USD soit -9,6 % du PIB en 2020 et ne peut pas être financée par le compte financier (-1 Md USD). Le FMI prévoit une amélioration à -4% en 2021 ce qui signifie que le pays restera dépendant des financements extérieurs.

Les services financiers au Bahreïn constituent le deuxième secteur de l’économie du royaume, avec une part stable de 17% du PIB en 2020. Les actifs des banques s’élèvent à 600% du PIB (206 Md USD). Malgré la pandémie, le secteur bancaire continue de faire preuve de résilience. Les banques sont bien capitalisées (ratio d’adéquation en capital de 20% en décembre 2020) et maintiennent des provisions élevées, mais les vulnérabilités s’accumulent, en particulier l’exposition à l’immobilier (33% des prêts pour les banques de détails conventionnelles) et à la dette publique.

La Banque centrale de Bahreïn (CBB) a joué un rôle actif pour limiter l’impact de la crise sur le secteur bancaire et lui permettre de continuer à financer l’économie. Elle a baissé son taux directeur, injecté des liquidités, assoupli sa politique macro-prudentielle et les règles d’évaluation du risque de crédit et imposé un report des crédits. Ces mesures ont permis d’éviter une forte dégradation du secteur en atténuant le niveau des prêts non-performants (5,1% en décembre 2020).

 

4. D'importants défis à relever pour assurer la stabilité macroéconomique du pays

La diversification demeure une priorité pour Bahreïn. L’Economic Development Board (en charge de la promotion de Bahreïn) souhaite attirer des investissements dans l’éducation (professionnelle et supérieure), dans la santé (medtech), l’industrie manufacturière (notamment filière aluminium), la logistique (liée au e-commerce) et les agritech. Le ministère des finances concentre son attention sur le tourisme, la finance et l’industrie.

Pour autant, les hydrocarbures vont continuer à jouer un rôle central. La production pétrolière du Royaume provient du champ onshore d’Awali avec une capacité de 45 000 b/j, et du champ offshore d’Abu Safa (150 000 b/j), partagé avec l’Arabie saoudite et opéré par la compagnie pétrolière saoudienne. Les réserves immenses du champ Khaleej Al Arabia découvert en 2018 (estimées à 80 Md de barils) continuent à susciter de l’espoir bien que les études sur leur exploitation ne soient pas encore conclues.

 

[1] Bahreïn est également le plus faible producteur de pétrole de la région avec 200 000 b/j et 124,6 M de barils de réserves prouvées selon l’Agence internationale de l’énergie.

[2] Projet de doublement du pont ; en 2018, 12,8 millions de touristes se sont rendus au Bahreïn, dont 6 millions de Saoudiens traversant le pont King Fahd le week-end

[3] Soit un prix du baril nécessaire pour équilibrer le budget de 100 USD.

[4] Décaissé progressivement depuis 2018 (entre 40 et 50 % auraient été versés), il s’agit d’un prêt de 10 Md USD à taux zéro, avec une période de grâce de 7 ans suivie d’un remboursement sur 30 ans.

 

Annexe

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