SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

En 2022, les conséquences indirectes de la guerre en Ukraine ont amené la Bosnie-Herzégovine a enregistré une croissance ralentie à +3,9 %, après +7,5 % en 2021, et une inflation de +14,0 %.  Si la hausse des prix à la consommation ralentit désormais, la croissance reste relativement faible à +1,1 % au premier trimestre 2023, en raison du ralentissement de la demande en provenance de l’UE. En parallèle, la position budgétaire de la Bosnie-Herzégovine s’améliore tandis que le secteur financier reste stable. Néanmoins, les pressions sur le compte courant resteront importantes en 2023 et pourraient s’accroître lors de la mise en œuvre de la taxe carbone aux frontières de l’UE prévue pour 2026. Pour autant, la Bosnie-Herzégovine pourrait contenir les effets de cette taxe sur son économie, notamment en adoptant des réformes nécessaires à l’accélération de la transition verte, l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires. Mais les tensions politiques internes, qui s’intensifient de nouveau, continuent de nuire à la mise en œuvre des réformes.

1. Si les retombées de la guerre en Ukraine continuent de peser sur la croissance, la situation macroéconomique de la BH est stable dans l'ensemble. 

En 2022, et après un rebond post-covid de +7,5 % en 2021, la Bosnie-Herzégovine a enregistré une croissance ralentie à +3,9 %, impactée par l’affaiblissement de l’activité économique de ses principaux partenaires commerciaux (l’UE absorbe 74 % des exportations du pays) et par les effets des pressions inflationnistes mondiales sur la demande intérieure (l’inflation nationale ayant atteint +14,0 % en 2022, avec un pic à +17,4 % en g.a. en octobre 2022). Pour 2023 et 2024 la croissance, toujours affaiblie par les perspectives économiques de l’UE, devrait s’établir à respectivement +2,0 et +3,0 % tandis que l’inflation ralentirait à +6,0 % puis +3,0 % (FMI). Au deuxième trimestre 2023, la croissance du PIB a été enregistrée à +1,2 % (contre +1,1 % le trimestre précédent) tandis que l’inflation ralentit à +4,7 % en g.a. en août 2022.

La situation budgétaire continue de s’améliorer mais les différences préexistantes entre les deux entités s’accroissent. L’excédent budgétaire de la Bosnie-Herzégovine s’est accru passant de +0,3 % du PIB en 2021 à +0,9 % en 2022 : si les dépenses ont augmenté, tirées par la mise en place de mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages équivalentes à 2,0 %[1] du PIB, celles-ci ont été plus que compensées par l’effet positif de l’inflation sur les recettes budgétaires. A noter que la position budgétaire diverge néanmoins entre les entités, la Republika Srpska (RS) enregistrant un déficit public de -1,6 % de son PIB tandis que la Fédération de Bosnie-Herzégovine (FBH) a établi un excédent de +1,7 % de son PIB en raison de dépenses plus modestes[2] et d’une sous-exécution des dépenses d’investissements. En conséquence, et en tandem avec la hausse du PIB nominal, la dette publique a diminué de -4 pp en g.a. à 29,6 % du PIB en 2022 (puis à 26,7 % du PIB au premier trimestre 2023), mais les différences préexistantes entre les deux entités s’accroissent : 67,7 % du total de la dette provenait de la dette de la RS contre 31,8 % pour la FBH.

Le secteur financier est bien capitalisé, liquide et rentable. Les NPL[3] enregistrent en outre un niveau le plus bas depuis une décennie (4,2 % au premier trimestre 2023). Néanmoins, les indicateurs ne reflètent pas encore le resserrement des conditions financières[4] tandis que des risques liés à l’utilisation de crypto actifs ont été identifiés en l'absence de cadre réglementaire.

2. Toutefois, les pressions sur la balance des paiements restent importantes.

 

Les pressions sur la balance des paiements ont augmenté en 2022, principalement en raison de la hausse des prix des importations. Cette année-là, le déficit du compte courant s’est creusé de -2,1 pp en g.a. pour atteindre 4,5 % du PIB, reflétant une hausse du déficit de la balance commerciale (de -11,7 % du PIB en 2021 à -14,1 % du PIB en 2022). Les flux d’IDE nets entrants, à 2,5 % du PIB, ni les envois de fonds de la diaspora (7,4 % du PIB) n’ont permis de financer le déficit du compte courant.  Les réserves internationales se sont ainsi contractées à 8,2 Mds EUR fin 2022 contre 8,4 Mds fin 2021 puis de nouveau de -457 MEUR au premier trimestre 2023. Cette année, le déficit du compte courant devrait de nouveau s’accroître en raison de la nouvelle baisse de la demande en provenance de l’UE ainsi que de la baisse des prix de l’électricité et des métaux. Au premier trimestre 2023, le déficit de la balance commerciale s’est creusé à nouveau en g.a., passant de 1,9 Mds EUR à 2,0 Mds EUR. 

A moyen terme, une nouvelle détérioration de la balance commerciale est à anticiper en lien avec la mise en œuvre de la taxe carbone aux frontières de l’UE, qui devrait concerner environ 10 % des exportations du pays. Afin de contenir les effets de cette taxe sur son économie, la Bosnie-Herzégovine devra notamment réformer son secteur de l’énergie encore fortement dépendant du charbon. En parallèle, l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires permettrait d’augmenter l’attractivité du pays pour les IDE (dont les entrées nettes sont traditionnellement faibles), notamment au sein du secteur des énergies renouvelables qui enregistre un fort potentiel.

Mais les tensions politiques internes continuent de nuire à la mise en œuvre des réformes[5]. Alors que la Bosnie-Herzégovine a connu un blocage de ses institutions législatives[6] et exécutives au niveau de l’Etat par la Republika Srpska (RS) en 2021 et début 2022, la formation relativement rapide d'un gouvernement au niveau de l’Etat résultant des élections générales d'octobre 2022 laissait espérer une atténuation des difficultés sur ce terrain, soutenue par la suite par l’attribution du statut de candidat à l’UE le 15 décembre dernier.  Néanmoins, les tensions d’intensifient de nouveau en juin 2022 via l’adoption de deux lois anticonstitutionnelles par l’assemblée de la RS. En réaction, le haut représentant a aboli ces deux lois et criminalisé les activités anticonstitutionnelles des politiciens.  Un dossier a ainsi été ouvert notamment contre M. Dodik, président de la RS, et Milos Lukic, directeur par intérim du Journal officiel de la RS qui a publié sur le journal les deux décrets contestés, en raison d'une atteinte à l'ordre constitutionnel. A noter néanmoins que les coalitions au pouvoir au niveau de l’État ont récemment annoncé être parvenues à un accord initial sur un ensemble des modifications législatives, dont la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, la loi sur le médiateur des droits humains et la loi sur la liberté d’accès à l’information. Si ces annonces pourraient être le signe d’une nouvelle dynamique de réformes, l’activisme politique du Président de la RS, M. Dodik, continue de constituer une menace sécessionniste qui rend la situation incertaine.

 

[1] Dont une augmentation des salaires publics (0,5 % du PIB) et des pensions (0,8 % du PIB), des aides sociales ponctuelles (0,5 % du PIB).

[2] Les mesures de soutien au pouvoir d’achat en RS ont atteint 3,1 % de son PIB tandis que celles mises en place en FBH se sont établies à +1,3 % du PIB de la FBH.

[3] Prêts non performants

[4] La CBBH ayant tardé à augmenter les taux de rémunération des réserves bancaires (juillet 2022) tandis que les agences bancaires ont plafonné temporairement les augmentations de taux pour certains prêts.

[5] Pour exemple, sur les 18 recommandations formulées par le FMI au sein de l’article IV de 2022, 7 sont n’ont pas été implémenté pour cause directe de désaccord entre les deux entités.

 

 

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