Le secteur aquacole en Azerbaïdjan

La production aquacole en Azerbaïdjan a fortement diminué depuis la fin de l’URSS, à rebours des tendances globales, mais connaît un récent regain. Un programme d’Etat pour le développement de la pêche et de l’aquaculture dans le pays est en cours d’élaboration. De nouveaux acteurs, principalement privés, laissent apparaître des perspectives d’amélioration, notamment pour des productions à plus forte valeur ajoutée.

Cages production truites Mingatchevir

Des cages pour la production de truites dans le réservoir de Mingatchevir, Azerbaïdjan.

1. Un héritage soviétique et une production en berne.

L’aquaculture a connu un essor important sous l’ère soviétique, avec le début de la reproduction artificielle en 1941, suivi de la création de la première écloserie d’esturgeons au monde sur les rives de la Koura en 1954. La production a atteint un pic dans les années 1980 (40 000 T), après une évolution des activités aquacoles, du repeuplement à la production commerciale. S’est ensuivie une récession importante à la fin de l’ère soviétique ; au début des années 1990 la production se limitait à 1 200 T, et ne comptait plus que pour 640 T en 2016. De nombreuses fermes piscicoles ont périclité. Actuellement, le Ministère de l’Environnement et des Ressources Naturelles (MERN) est compétent pour l’aquaculture. Il a pu sauver une partie de l’activité de repeuplement, mais la production commerciale n’a pas été soutenue, et désormais la plupart des sites publics sont ouverts à la privatisation. Ces dernières années la production a connu un léger regain, les produits de l’aquaculture s’étant stabilisés entre 500 T et 700 T par an. Pour la FAO la consommation de produits aquatiques était de 1,7 kg/an/hab. en 2017 (contre 3,0 kg/an/hab. en 1993), tandis que selon le Comité d’Etat aux Statistiques la consommation s’élève à 7,9 kg/an/habitant, en prenant en compte la pêche vivrière non-professionnelle. Cela reste très inférieur à la moyenne mondiale (20 kg/an/hab.). L’Azerbaïdjan est un importateur net : la quantité de produits aquatiques consommés dans le pays s’élève à 26 000 T selon le MERN, et la quasi-totalité de ces produits sont importés (Russie, Vietnam, Islande, Lettonie). La présence de voisins forts d’une production importante (Russie, Iran, Turquie), limite de facto les possibilités d’exportation du pays. 

2. Vers une optimisation des systèmes de production.

Les principales espèces élevées dans le pays sont les cyprinidés, les salmonidés (truite arc-en-ciel) et les acipenseridés (du genre Huso et Acipenser). Différents systèmes de production existent : d’une part l’élevage extensif en étang, destiné à une consommation locale (700 fermes pour 4000 T de carpes en 2019 ; estimation non enregistrée par la FAO) ; d’autre part des techniques d’élevage modernes mises en œuvre par des entreprises privées de bon niveau technique telles qu’Azerbaijan Fish Farm, CMS Properties ou encore AzVarvara, avec des systèmes intensifs et recirculés (RAS) ayant permis la production de 350 T de truites et 200 T d’esturgeons en 2019 ; et plus récemment  le développement de l’aquaculture en cages, dans le réservoir de Mingachevir ; ce mode de production pourrait être étendu à la Mer Caspienne dans un second temps. On retrouve une complémentarité entre ces différents systèmes au cours du cycle de production des salmonidés et acipenseridés.  

L’objectif actuel est de favoriser la transition d’une production extensive en étang à une production intensive en cage ou en systèmes recirculés (RAS), avec des produits de meilleure qualité nutritionnelle, tout en soutenant l’élevage d’esturgeon à la fois pour la chair et le caviar, qui jouit d’un savoir-faire national, mais également pour le repeuplement.

Système RAS

Un système recirculé (RAS) à Pirallahi, Azerbaïdjan.

3. Points de blocage, programmes de développement et pistes de coopération.

Le secteur pâtit de difficultés de structuration liées à des lacunes législatives et administratives. La plupart des entreprises n’ont pas de cadre légal dans lequel s’inscrire et n’ont pas d’interlocuteur clairement identifié au sein de l’administration pour leur installation ou expansion. S’il existe déjà des systèmes de production modernes, on peut également identifier des carences sur le plan écotoxicologique, précisément pour l’esturgeon qui requiert des critères sanitaires stricts, ainsi qu’en termes de bonnes pratiques afin d’optimiser la qualité nutritionnelle et organoleptique du poisson. L’alimentation animale constitue aussi un enjeu important, les capacités de production n’étant que partiellement exploitées et la production d’aliments de qualité et durables étant compliquée. Par ailleurs la lente privatisation de sites du MERN s’accompagne d’un certain chevauchement entre activités publiques et privées en aquaculture. De plus, les sites de production devenus obsolètes et dont l’entretien ne peut plus être assuré par le MERN menacent une activité de repeuplement confiée au privé sans garanties, mais qui nécessite une attention particulière pour la valeur environnementale et symbolique de l’esturgeon et afin de limiter notamment les menaces d’érosion génétique.  

Un programme d’Etat pour la pêche et l’aquaculture en lien avec le Ministère de l’Agriculture et l’Agence de Sécurité Alimentaire, et en concertation avec la FAO, est en développement. Il vise un renforcement des activités du secteur, l’augmentation de la productivité et l’amélioration de la qualité des produits. La création d’un établissement spécialisé sous tutelle du Ministère de l’Agriculture est envisagée : cela permettrait d’adopter un cadre de gestion et d’ouvrir l’accès à des subventions. Le développement l’aquaculture en mer, la production de nouvelles espèces, et le développement de l’aquaculture dans les territoires recouvrés sont autant de sujets s’ajoutant au potentiel d’accroissement du secteur. IDEA en lien avec l’UNDP, a participé à l’installation d’un démonstrateur aquaponique[1] fin avril 2021 à Bakou, dans le but de promouvoir ce type de système de production alimentaire à haut rendement et économe en eau. En parallèle le programme FISHcap (FAO, FTPP II ; en cours) pour le développement des capacités aquacoles en Asie centrale, en Azerbaïdjan et en Turquie vise à soutenir une production aquatique durable en appui de la sécurité alimentaire.

D’une manière générale il existe une réelle volonté de développer le secteur aquacole, celui-ci participant à la diversification alimentaire et économique du pays. Les perspectives d’évolution sont intéressantes, mais nécessitent la levée de certains points de blocage. Une demande d’expertise est exprimée par les pouvoirs publics et les acteurs privés, pouvant déboucher sur des programmes de coopération, dans les secteurs de la formation, de l’échange de compétences, ou concernant des aspects techniques. Le développement du secteur présente des opportunités commerciales dans les domaines de la génétique et de la reproduction, des systèmes de production, et pour la transformation des produits issus de cette activité.



[1] L’aquaponie correspond à la culture de plantes et d’animaux aquatiques dans un environnement de recirculation d’eau. Les déchets des poissons servent de solution nutritive aux légumes.

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