La pétrochimie, fer de lance de la diversification des exportations azerbaïdjanaises

Dans le cadre de sa stratégie de diversification économique et de substitution aux importations, l’Azerbaïdjan mise de plus en plus sur la pétrochimie. Les investissements consentis dans les usines de production pétrochimiques sur le territoire national mais aussi en Turquie ont ainsi permis au pays de réduire ses importations de produits pétrochimiques tout en stimulant des exportations qui s’émancipent en partie du cours des hydrocarbures non transformés. La compagnie pétrolière nationale SOCAR contrôle aujourd’hui l’ensemble des acteurs du secteur.

1. Des exportations d’hydrocarbures transformés à plus haute valeur ajoutée

L’Azerbaïdjan qui a hérité du système soviétique de spécialisation et disposait d’une industrie du raffinage et de la pétrochimie peu développée à l’exception du pôle chimique de Soumgaït, a depuis l’indépendance lancé d’ambitieux projets pour tirer un meilleur parti de la production nationale d’hydrocarbures et réduire sa dépendance au pétrole et au gaz non transformés (plus de 90% des exportations en valeur du pays).

Les résultats sont tangibles : les volumes exportés de produits raffinés et pétrochimiques ont atteint 2,2 Mt en 2019 (+22%), en raison notamment de l'exploitation de l'usine d'urée et du complexe de polymères de SOCAR, ainsi que de la croissance de la production de l'usine de méthanol de SOCAR. L'exportation de produits pétroliers transformés est ainsi en progression constante, générant une valeur ajoutée plus élevée que la simple exportation de brut.

Dans le contexte d’effondrement des prix des hydrocarbures non transformés, on constate au premier trimestre 2020 que SOCAR transfère davantage de pétrole brut et de gaz naturel vers les raffineries nationales. En 2019, la croissance de l'industrie chimique du gaz, en particulier de l'exploitation des usines d'urée et de méthanol de SOCAR, ont participé à la hausse de la consommation intérieure de gaz de 8,7% par rapport à l’année précédente.

2. Investissements récents dans le renouvellement des unités de production

L'usine de transformation de gaz de SOCAR METHANOL, en activité depuis 2014 dans le district de Garadagh au sud de la capitale, est la seule usine de ce type dans la région. L’usine est estimée à 520 M USD et a été absorbée par SOCAR en août 2017. Forte d’une capacité annuelle de 650 000 – 700 000 t de méthanol, l’usine ne fonctionne aujourd’hui qu’à la moitié de sa capacité et cherche à porter sa production à 500 000 t annuelles dans un avenir proche. L'Azerbaïdjan a ainsi produit 161 100 t de méthanol en janvier-avril 2020, (+67,6% en g.a.), dont la quasi-totalité (95%) est destinée à l’exportation.

SOCAR POLYMER, co-entreprise entre SOCAR et les conglomérats privés Pasha et Azersun, a récemment lancé un complexe de deux usines (816 M USD) produisant 180 000 t de polypropylène et 120 000 t de polyéthylène à haute densité par an, respectivement inaugurées en juillet 2018 et février 2019. La compétitivité de la production majoritairement exportée de SOCAR POLYMER repose sur les exonérations fiscales et douanières dont l’entreprise bénéficie en tant que résidente du parc chimique et industriel de Soumgaït (SCIP) et sur le bas coût des intrants fournis par AZERIKIMYA, également sous le contrôle de SOCAR. SOCAR POLYMER assurait ainsi en février 2020 disposer des seconds intrants les plus abordables au monde. Les principaux marchés d'exportation sont la Turquie (plus de la moitié des achats en 2019) et la Russie, mais également les pays de la CEI (Biélorussie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Ukraine et Turkménistan), l'Europe de l'Est (Pologne et Lituanie) et récemment la Chine et Taïwan. Au premier trimestre 2020, SOCAR POLYMER a produit plus de 49 000 t de produits polymères (+79% en g.a.), dont 89 % ont été exportées

L’usine de production d’engrais de SOCAR CARBAMIDE (800 M USD) a été mise en activité en janvier 2019. Partie intégrante de la stratégie de substitution aux importations du gouvernement, la production de l’usine élimine la nécessité d'importer des engrais azotés et fait au contraire de l’Azerbaïdjan un exportateur de ces produits. SOCAR CARBAMIDE a ainsi une capacité annuelle de 650 000 t d’engrais, dont 70 % sont destinés à l'exportation. Au premier trimestre 2020, environ 43 000 t d'urée ont été exportées.

En Turquie, les investissements de SOCAR dépassent désormais les 15 Mds USD, dont une part importante dans la pétrochimie. Depuis 2008, SOCAR détient 51% de PETKIM (400 M USD), entreprise pétrochimique de Turquie et à ce titre a participé au projet de construction de la raffinerie STAR (6,3 Mds USD, mise en production en octobre 2018), qui produit du carburant JP-5, carburant utilisé pour les jets militaires, et du gasoil.

3. Projets en cours

Modernisation d’unités existantes

La rénovation de l’usine d'éthylène-polyéthylène d’AZERIKIMYA (320 M USD) est en cours depuis 2017 et devrait prendre fin au troisième trimestre 2020, portant ses capacités annuelles de production d’éthylène à 192 000 t et celles de propylène à 187 000 t. L’usine d’AZERIKIMYA, en activité depuis 1989, est passée sous la tutelle de SOCAR en 2010. AZERKIMIYA produit aujourd’hui des matières premières pour les nouvelles unités de production de polypropylène et de polyéthylène de SOCAR POLYMER, et a ainsi raffiné environ 167 000 t de produits intermédiaires au premier trimestre 2020.

La  raffinerie Heydar Aliyev de Bakou, en activité depuis 1953, fait l’objet d’une réhabilitation et de modernisation estimée à 2,2 Mds USD. De nouvelles infrastructures devraient notamment permettre d’augmenter la production annuelle de bitume de 250 000 t à 400 000 t, de produire des carburants de normes Euro 5 à l’horizon 2020-2021, et de porter la capacité de traitement de la raffinerie à 7,5 Mt d’ici 2024-2025. Le propane-propylène (180 000 t/an) et le butane-butylène (178 000 t/an) seront redirigés comme matières premières au bénéfice d’AZERIKIMYA.

Projet SOCAR GPC (pétrochimie de gaz)

SOCAR a également lancé un projet pétrochimique à partir de gaz naturel, baptisé GPC et estimé à 4,5 Mds USD. Le montage financier du projet considère de faire appel à des crédits export européens et coréens, avec potentiellement une participation japonaise et russe. Le complexe situé à Garadagh (15km au sud de Bakou) devrait traiter annuellement 10 Mds m3 de gaz et produire environ 600 000 t de polyéthylène et 120 000 t de propylène. Le propylène sera livré à SOCAR POLYMER pour la production de polypropylène à Soumgaït. Au-delà de l’intégration avec les unités de production nationales, SOCAR GPC compte principalement exporter sa production vers la Turquie (à travers son site de PETKIM et la raffinerie STAR), la Chine et l’Union européenne. La nouvelle raffinerie de pétrole qui devait initialement être construite dans le cadre du projet GPC a finalement été abandonnée au profit de la modernisation de la raffinerie Heydar Aliyev.

Nouveaux investissements de SOCAR en Turquie

Enfin, SOCAR envisage la construction d’un second complexe pétrochimique en Turquie (1,8 Md USD), en association paritaire avec BP. Comme en Azerbaïdjan, le projet « Mercury» à Aliaga (Izmir) se place dans une logique d’intégration verticale et de substitution aux importations : le site devrait permettre à PETKIM de répondre à 40% des besoins turcs en produits pétrochimiques (contre 18% actuellement) et de mettre fin aux importations turques d’acide téréphtalique purifié (PTA)[1]. Le complexe devrait ainsi produire annuellement 1,25 Mt de PTA, 840 000 t de paraxylène (PX) et 340 000 t de benzène. L’intégration de la raffinerie STAR, qui produit les intrants nécessaires à la production de PETKIM et rend désormais superflue l’importation de ces derniers, avait déjà permis une production pétrochimique record en 2019 (3,4 M tonnes, +24%). Dans le contexte de chute du cours des hydrocarbures, SOCAR et BP ont reporté la décision finale d’investissement sur le projet, initialement prévue pour la fin 2020, au quatrième semestre 2021.



[1] L’acide téréphtalique est un acide important sur le plan commercial. Il est principalement utilisé comme matière première dans l'industrie des polyesters.

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