Relations bilatérales

Échanges commerciaux bilatéraux en 2023

Les échanges commerciaux entre la France et l’Argentine ont connu deux dynamiques distinctes au cours de la décennie 2009-2020. Jusqu’en 2015, les échanges enregistraient une tendance très nette à la progression, passant de 1,2 Md € en 2009 à 1,7 Md € en 2015, soit une hausse de 45,1% en sept ans. Dans un contexte où l’Argentine bénéficiait d’une certaine croissance (1,7% en moyenne annuelle), et d’une surévaluation manifeste du peso, cette progression était au demeurant beaucoup plus marquée pour les exportations françaises (+89% à 1,3 Md € en 2015), si bien que le solde commercial en faveur de la France progressait régulièrement, de 173 M€ en 2009 à 853 M€ en 2015. Toutefois, le fort ralentissement de la croissance en Argentine (récession moyenne de 1,4% entre 2016 et 2019) résultant de la fin du supercycle des matières premières à partir de 2014-2015, a conduit à un inversement de la tendance. Les exportations françaises étaient ainsi en repli, passant de 1,1 Md € en 2016 à 617 M€ en 2020. Le volume des échanges était de 1 Md € en 2020. À la faveur de la reprise économique, en 2021, les échanges bilatéraux ont affiché un très fort rebond de 23,1% sur un an, atteignant 1,3 Md €. En 2022, la tendance s’est poursuivie, et les échanges ont atteint 1,5 Md €, portée par une hausse des exportations françaises de 9,8 % et surtout des importations de 25 %. Sur l’année, le solde commercial bilatéral français reste positif, bien qu’en baisse, à +231 M €.

En 2023, la dynamique s’est arrêtée, avec un commerce bilatéral en baisse, à 1,3 Md €, en raison de la chute des importations françaises de 38,5 % par rapport à 2022 (628 M €), alors que les exportations n’ont augmenté que légèrement (+2,5 %, soit 882 M €) dans un contexte économique particulièrement dégradé en Argentine. En effet, une sécheresse historique en 2023 a fait chuter la production agricole argentine, premier secteur d’exportations du pays, entrainant une récession estimée à -1,1 % en 2023 (FMI). Les exportations françaises sont restées relativement stables malgré cette récession et surtout la pénurie de devises qui freine les importations argentines, avec des réserves de change brutes passées de 43 Mds USD en début d’année à 27 Mds en janvier 2024. En conséquence, l’excédent commercial bilatéral français est en hausse, atteignant 496 M € sur la période soit plus du double de 2022, mais reste à un niveau largement inférieur à celui de 2015 (853 M €).

Par produit, les produits pharmaceutiques sont le premier poste d’exportations françaises (18,2 %) en 2023, mais en baisse par rapport à l’année 2022 (-4,7 %). Les produits de la construction automobile ont connu un bond de 20,5 %, et constitue le principal contributeur à la hausse des exportations, ainsi que le deuxième secteur d’exportations (13,1 %). Dans le même secteur, les équipements pour automobiles sont le 3ème produit d’exportations françaises (11 %). Les exportations françaises de parfums, cosmétiques et produits d’entretien représentent 8,0 % du total des exports mais sont en baisse de 2,5 %. Côté importations, le principal poste sont les huiles et graisses végétales et animales, qui représentent 19,1 % des importations, mais sont en baisse de 71,4 % par rapport à 2022, en raison notamment de la sécheresse historique qu’a connu l’Argentine cette année. Les autres principales importations sont également des produits alimentaires : les produits de la culture et de l’élevage représentent 18,4 % des importations françaises, les produits à base de fruits et légumes 15,1 %.

En 2023, la France était le 14e fournisseur de l’Argentine, avec une part de marché de 1,5 %, en hausse par rapport aux 1,3 % de 2022. Elle se situait notamment derrière le Brésil (24 %), suivie par la Chine (19 %) et les États-Unis (12 %). Au niveau Européen, elle occupait la 4ème place, derrière l’Allemagne (4 %), l’Italie (2 %) et l’Espagne (2 %). Par ailleurs, l’Argentine était le 59ème client de la France en 2021 (56ème rang en 2021) et son 69ème fournisseur (66ème rang en 2021). Enfin, l'Argentine était le 4ème client de la France en Amérique latine en 2021, derrière le Mexique, le Brésil et le Chili, et son 5ème fournisseur.

Investissements directs français en 2022

Le stock d’investissements directs français en Argentine s’élevait à 1,5 Md € en 2022 d’après la Banque de France, en baisse par rapport à 2021 (1,7 Md €). S'il est en forte hausse par rapport à l'avant crise Covid (1 Md en 2019), le stock d’IDE était le triple en 2000, affichant une forte baisse suite à la crise argentine de 2001. En 2022, le stock d’investissements directs français en Argentine représentait 3,0 % des investissements directs français en Amérique latine, contre 28 % en 2000. À titre de comparaison, ils s’élevaient à 35,0 Mds € au Brésil (70,7% des IDE français en Amérique latine), 6,2 Mds € au Mexique (12,6 %), 2,0 Md € au Chili (4,1 %), 1,2 Md € en Colombie (2,5 %). La présence française demeure néanmoins relativement forte et diversifiée (environ 220 filiales représentant 160 groupes différents, et près de 68 000 employés).

Présence française

La présence française demeure relativement forte et diversifiée (d’après une enquête de l’INSEE, en 2021, 249 filiales représentant 160 groupes différents étaient présentes en Argentine, avec près de 53 000 employés). Seuls 7 membres du Cac 40 n’ont pas d’implantation physique en Argentine, la plupart des autres étant actifs souvent depuis des décennies. La présence française est très significative dans :

  • la grande distribution, secteur où Carrefour (1ère filiale française avec 17 000 salariés en 2023) est n°1 sur le marché argentin avec environ 24% de part de marché ;
  • l’automobile : Renault (4ème position avec 11% de parts de marché en 2023) et Stellantis qui regroupe Citroën, DS, Fiat, Jeep, Peugeot y RAM (1ère position sur le marché argentin avec 36,4% de parts de marché en 2023) sont implantés en Argentine et emploient plus de 5 000 personnes ;
  • le négoce des céréales et des oléagineux (Louis Dreyfus, présent depuis 124 ans ; 22 sites et 1300 salariés) et l’agroalimentaire, notamment Axereal (devenu n°1 mondial du malt à la faveur du rachat, en 2019, de deux usines argentines de Cargill) et Danone (6 000 employés, 2e filiale française en Argentine) qui dispose de plusieurs sites de productions et représente 56% de part du marché des produits laitiers et 45% du marché de l’eau minérale (en association depuis 2022 avec la filiale du groupe chilien CCU) ;
  • les hydrocarbures, à travers Total Energies (1100 salariés), dont les activités sont concentrées en Patagonie (provinces de Neuquén et de Terre de Feu). Total Energies produit environ 250 000 b/j, à 90% du gaz dont il est depuis 2020 le 1er producteur privé du pays avec environ 25% du total ;
  • les énergies renouvelables, domaine dans lequel Total Eren et Neoen ont engagé sous l’administration précédente des investissements importants (environ 650 Musd) pour la construction de deux centrales solaires et deux fermes éoliennes (380 MW au total), toutes en service en 2022.

Le contrôle des changes instauré fin 2019 s’était maintenu voire accentué jusqu'en 2023, complique la situation des sociétés françaises présentes en Argentine et limite les investissements. En effet, les restrictions au marché des changes induisent des mesures de contrôle et de restriction des importations (y compris destinées aux chaines productives) et interdit les paiements intra-groupes comme le rapatriement des dividendes. Le nouveau gouvernement a fluidifié l’accès aux devises, qui serait favorable aux entreprises et aux investissements étrangers.

Quelques projets d’envergure sont envisagés, conséquences directes de l’évolution des cours mondiaux et des perspectives nouvelles ouvertes par la transition énergétique. Ainsi, après quelques difficultés, Eramet poursuit la construction de son site de production de carbonate de lithium (investissement de 800 M€) dans la province de Salta, avec un partenaire chinois minoritaire (Tshingshan) et pourrait doubler son investissement. La première tonne de carbonate de lithium est attendue dès 2024 pour atteindre une capacité nominale de 24 000 tonnes par an en 2025. De même, Total Energies a relancé, en 2022, son projet offshore (dit Fenix) en Terre de Feu avec deux partenaires (700 M€). La plateforme gazière, construite à Ravenna, en Italie, a été livrée en février 2024 pour une mise en production en 11/2024. La production du projet Fénix sera de 10 millions de m3 par jour de gaz, soit 8% de la production de gaz du pays en 2022. Enfin, Stellantis a annoncé pour 2023 un investissement total de 365 MUSD dans le secteur minier argentin afin d’assurer des ressources critiques pour son plan d’électromobilité. Le groupe acquiert 19,9% de la société minière Argentina Litio y Energia, assurant un approvisionnement de 15 000 tonnes de lithium par an pendant 7 ans à partir de 2028. Le groupe a également annoncé un investissement de 120 MUSD pour augmenter sa participation dans l’entreprise minière Mc Ewen, pour la production de cuivre du projet Los Azules dans la province de San Juan, estimée à 175000 tonnes par an à partir de 2027. Le projet a été classé parmi les 10 plus grands gisements de cuivre non exploités au monde par Mining Intelligence (2022).

Certaines sociétés installent leurs fonctions support dans le pays pour bénéficier de la qualité des cadres argentins qui disposent d’un excellent niveau de formation et de leur adaptabilité compte tenu de la complexité de l’environnement des affaires local, ainsi que d’une main d’œuvre meilleur marché. Air Liquide a implanté à Buenos Aires un centre de ressources (finances, comptabilité, etc. : 400 personnes) pour l’ensemble de ses filiales américaines (y compris Etats-Unis) et Veolia son service financier pour l’Amérique latine et la péninsule ibérique.

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