ANGOLA
Angola // Conjoncture économique et financière (juin 2022)
Il y a deux ans, alors que l’Angola mettait en place ses premières mesures COVID, les perspectives économiques et financières étaient bien sombres. Sous programme FMI, après plusieurs années de réformes structurelles, le pays subissait une période prolongée de récession économique, une crise de la dette et un effondrement de sa monnaie. // Aujourd’hui, le cadre macroéconomique et financier est radicalement différent : le prix du baril est de nouveau à un plus haut ; le kwanza s'est largement apprécié et 2022 devrait enfin être l’année de la reprise. La situation des finances publiques est en nette amélioration (avec une dette passée de 135% du PIB fin 2020 à 85% fin 2021 et un excédent budgétaire significatif). Les agences principales ont récemment toutes amélioré leur notation souveraine et le pays est revenu sur le marché des obligations en devises. Les signaux d’alerte restent l’inflation (27%), alors que la pauvreté et le chômage sont à des niveaux élevés, à la veille des élections générales d’août 2022, toujours susceptibles de générer des tensions sociales.
Jusqu’en 2018, une situation économique et financière dégradée en raison d’une politique économique difficilement tenable dans un contexte de baisse des cours et de la production de pétrole
Après avoir atteint 13% en moyenne par an sur la période 2005-2008, la croissance a considérablement ralenti sur la période 2009-2014 (aux alentours de 5%).
A partir de 2014-2015, la baisse des cours du baril de pétrole, conjuguée à celle de la production a entrainé une crise économique d’ampleur – avec des taux de croissance négatifs en 2016 (-2,6%), 2017 (-0,2%), 2018 (-1,2%) et 2019 (-0,6%). En parallèle, la dette publique angolaise a fortement augmenté – en raison (i) du creusement du déficit budgétaire (jusque -6,7% du PIB en 2016) ; (ii) largement financé à taux de marché par des créanciers chinois ; (iii) du creusement de la balance courante ; et (iv) de la forte dépréciation de la monnaie.
La gestion de la crise jusqu’à mi-2017, a renforcé les déséquilibres économiques du pays : le maintien d’un système de change fixe contribuant à la surévaluation du kwanza et à la fuite des capitaux, l’endettement massif gagé sur le pétrole, la dilapidation des réserves de change, l’accélération rapide de l’inflation. Le tout dans un contexte d’absence de diversification de l’économie et de sous-investissement dans le secteur pétrolier.
Un changement de politique économique à partir de 2018, assorti d’un programme FMI, mais un coup d’arrêt à l’économie aggravé par la crise COVID
A partir de l’arrivée au pouvoir de João Lourenço, on a assisté à un changement de paradigme en matière de politique économique, avec la mise en place d’un programme FMI. Dans le cadre du programme, le gouvernement a mis en œuvre des réformes difficiles. Il a libéralisé le système de change. Il a mis en place un cadre de gestion des finances publiques strict, qui a eu des effets récessifs indéniables, mais qui a permis de rétablir les comptes de l’Etat – le pays a progressivement dégagé des excédents – primaires, puis nets en 2021. Le gouvernement a aussi mis en place un programme de privatisations (environ 200 actifs). Il a œuvré en faveur de la récupération des biens mal acquis, d’un début de diversification économique (en misant notamment sur l’agriculture). Il a mis en place une série de réglementations plutôt favorables aux investissements étrangers.
Alors que 2020 devait être l’année du retour de la croissance, la crise COVID a complètement remis en cause cette dynamique. Le pays s’est retrouvé en 2020 avec une cinquième année de récession de suite, la plus sévère (-5,4%) – laquelle s’est prolongée par une quasi-stagnation en 2021 (+0,7%). Fin 2020, la dette publique (dont la moitié est libellée en devises) a atteint 135% du PIB, sous l’effet d’une nouvelle chute du kwanza (-25% par rapport au USD sur l’année).
A cette période, la communauté financière internationale s’est portée au chevet du pays. Outre l’augmentation des engagements du FMI et de la BM, l’Angola a été le seul pays non-IDA à bénéficier du moratoire sur le service de la dette du G20 (2nd bénéficiaire en Afrique subsaharienne), profitant aussi d’un moratoire des créanciers commerciaux chinois. Le pays a également bénéficié de l’allocation générale du FMI (1 Md DTS). Le tout a permis de faire reculer le spectre d’un éventuel défaut sur la dette.
Un scénario tout à fait nouveau en 2022 grâce à un retournement des cours du brut mais des fragilités qui demeurent surle long terme (inflation, rythme de la diversifcation, distribution de la richesse)
Début mai 2022 la situation est tout autre. Le baril est largement repassé au-dessus des 100 USD. La production pétrolière pourrait être supérieure aux prévisions pour l'année 2022 (autour de 1,15 M barils / j en moyenne). Le budget de l’Etat, pourtant construit sur un scénario très conservateur, devrait dégager un nouvel excédent en 2022. La croissance devrait atteindre ou dépasser les 3% (prévision FMI). Le kwanza s'est fortement apprécié (+70% de juin 2021 à juin 2022) pour atteindre des niveaux jamais atteints depuis octobre 2019 (et se stabilise depuis le début juin 2022) et les réserves de change atteignent 10 mois d’importations. Le scénario du FMI est que la dette publique descende sous la barre des 60% dès la fin 2022 – grâce au change plus favorable, mais aussi grâce à une politique de désendettement assumée. Les agences ont toutes amélioré la notation souveraine angolaise au cours des derniers mois.
La question de la stabilisation de la production pétrolière reste cependant essentielle, alors que les recettes pétrolières représentent 95% des exportations, le tiers du PIB et près de 60% des recettes de l’Etat. Il n’est pas certain que le volume de 1,2 M b/j (cible des autorités) puisse être atteint et maintenu. La question du rythme de la diversification économique est clé pour faire diminuer le chômage et améliorer le pouvoir d’achat, alors que l’inflation se situait encore à 24,4% en mai 2022 (en baisse depuis les 27% du mois de janvier).
L’inconnue sera aussi l’impact de la guerre en Ukraine sur les approvisionnements en blé, en maïs, en engrais et surtout son impact sur le coût des importations.