ALBANIE
Situation économique et financière de l'Albanie - Mars 2018
L’économie albanaise est engagée dans un processus de convergence économique rapide vers l’Union européenne et connait une croissance dynamique, essentiellement tirée par la consommation des ménages, elle-même alimentée par les remises de la diaspora, et les grands projets d’infrastructure énergétique. Les efforts de consolidation budgétaire ont permis de corriger la courbe de la trajectoire de la dette publique, mais doivent être poursuivis. Le secteur financier reste handicapé par un taux élevé de créances douteuses, en réduction. La poursuite des réformes structurelles est indispensable et la réforme de la justice doit être achevée.
L’économie albanaise est engagée dans un processus de convergence économique dynamique vers l’UE
En autarcie économique jusqu’au début des années 90, le pays connait depuis une période de transition politique et économique accélérée. Membre de l’ALECE, l’Albanie a conclu un accord d’association et de stabilisation avec l’UE et a obtenu le statut de candidat officiel en juin 2014. Des réformes structurelles sont en cours afin de satisfaire les conditions nécessaires à son adhésion à l’UE, encouragées notamment par les perspectives d’ouverture des négociations offertes par la Commission dans sa dernière stratégie d’élargissement du 6 février 2018.
L’Albanie demeure un des pays les plus pauvres d’Europe mais l’écart de niveau de richesse se réduit peu à peu. Le PIB nominal de l’Albanie s’établit à 11,6 Mds EUR en 2017, pour une population d’environ 2,9 M d’habitants, soit un PIB par habitant de l’ordre de 4 000 EUR. Exprimé en standard de pouvoir d’achat, le PIB par habitant représente seulement 30% de la moyenne européenne.
Les transferts de la diaspora (d’au moins 8% du PIB) alimentent l’économie albanaise. Plus d’un million d’albanais seraient installés à l’étranger pour une population de 2,9 M. L’émigration est nourrie par la jeunesse de la population albanaise (les moins de 25 ans représentent 33% de la population) et par l’important différentiel de salaires qui perdure avec les pays voisins. Près de 550 000 albanais vivent en Italie et 500 000 en Grèce.
L’économie albanaise est dominée par le secteur des services, qui représente 53% de la valeur ajoutée en 2016 et par le secteur agricole (23% de la valeur ajoutée en 2016). Ce dernier est constitué de petites exploitations de subsistance peu compétitives et concentre près de la moitié des emplois. A noter le faible poids de l’industrie de transformation, 10% de la valeur ajoutée, inférieur au poids du secteur de la construction (11%). L’Albanie exporte de nombreuses matières premières, notamment du pétrole, du fer et de l’acier, et des minerais. Ce pays dispose des 4èmes réserves de chrome au niveau mondial.
L’économie albanaise a renoué avec une croissance dynamique depuis 2015
Selon les derniers chiffres du FMI, la croissance s’est portée à 3,9% en 2017, après 3,4% en 2016 et 2,2% en 2015. La croissance est essentiellement tirée par la consommation des ménages et les grands projets d’infrastructure énergétique, notamment le gazoduc Trans-Adriatique destiné à transporter le gaz azéri jusqu’en Italie et la centrale hydroélectrique sur la rivière Devoll. A noter un taux de chômage important de 14% en 2017, qui touche particulièrement les jeunes (26%). Malgré l’atténuation progressive de l’effet levier des projets d’infrastructure sur l’activité, le FMI ainsi que le ministère des Finances albanais prévoient un rythme de croissance de 4% à moyen terme (3,7% pour 2018). L’activité continuera de profiter de la vigueur de la consommation intérieure, soutenue par le crédit, et de l’investissement public.
L’inflation a atteint 2,1% en moyenne annuelle en 2017, un taux inférieur à la cible de 3% que s’est fixée la Banque centrale d’Albanie. Elle s’est établie à 2,1% en février 2018. Dans ce contexte, la Banque centrale continue de mener une politique accommodante avec un abaissement du taux directeur à 1,25% depuis mai 2016. La Banque centrale intervient, si nécessaire, sur le marché des changes pour s’assurer de la stabilité du LEK albanais.
La structure des échanges extérieurs est déséquilibrée avec un déficit commercial des biens élevé, de l’ordre de 24% du PIB en 2017, et un volume d’échanges commerciaux modeste à l’aune régionale (35% du PIB). L’étroite base productive en Albanie (textile, chaussures, pétrole, minerais et électricité) contraint le pays à importer l’essentiel des biens de consommation et d’équipement, ce qui explique ce déficit structurel. D’un point de vue conjoncturel, ce déficit a été affecté par la hausse des importations liées à la construction du pipeline TAP et de la centrale hydroélectrique de la rivière Devoll.
Ce déficit commercial est en partie compensé par le solde excédentaire de la balance des services (8% du PIB), qui s’explique par le dynamisme du secteur touristique et l’activité de perfectionnement passif dans le textile. Le déficit du compte courant atteint 8% du PIB en 2017 après 7,6% en 2016 et il est entièrement couvert par les flux d’IDE qui représentent 9,4% du PIB en 2017.
La consolidation budgétaire réalisée sous l’égide du FMI a permis de réduire substantiellement le déficit budgétaire et de corriger la trajectoire de la dette publique
Suite aux élections de 2013, remportées par Edi Rama, ce dernier a fait appel au FMI pour remettre en ordre les finances publiques notamment marquées par un déficit de plus de 5% du PIB et des arriérés évalués à près de 4% du PIB. Le FMI a conclu avec l’Albanie, en février 2014, un Mécanisme élargi de crédit (Extented Fund Facility) d’une durée de trois ans jusqu’en février 2017, pour un montant de 330 M EUR. Ce programme a contribué à une réduction du déficit de 5,2% en 2013 à 2% en 2017, il a permis d’enclencher une réduction du ratio de dette et d’accroître les recettes budgétaires, qui sont passées de 24% à 28% du PIB. Ces rentrées budgétaires restent néanmoins relativement faibles, en raison notamment d’une efficience insuffisante de l’administration fiscale et du poids de l’économie informelle.
Bien que la dette publique, estimée à 71,5% du PIB en 2017, soit engagée dans une trajectoire descendante, sa soutenabilité est toujours sujette à caution. Le gouvernement a pour objectif d’atteindre la cible de 60% du PIB d’ici 2021. Les titres de la dette publique ont une maturité moyenne d’environ deux ans, ce qui engendre annuellement des besoins de refinancement conséquents, équivalents à 26% du PIB en 2017. La moitié de la dette publique est libellée en devises étrangères, ce qui l’expose à un risque de change significatif. A noter la décision du gouvernement de maintenir un PPP de 1 Md EUR pour la construction de la route Kashar-Thumane, alors que le FMI avait exprimé de fortes réserves sur le cadre institutionnel et estimé que les études d’impact étaient insuffisantes et que la hausse de l’endettement induite était démesurée au vu des bénéfices.
Le secteur bancaire et en cours de restructuration et doit gérer la problématique des prêts non performants
Composé de 16 banques, le secteur bancaire albanais comprend 13 banques étrangères, qui représentent 96% des actifs totaux en 2016 contre 14% en 1998. Fin 2017, les trois principales banques en Albanie détenaient plus de 57% des actifs. Les quatre premiers pays d’origine des banques étrangères implantées en Albanie sont la Turquie (Banque Nationale Commerciale : 22% des actifs), l’Autriche (Raiffeisen Bank : 18%), la Grèce (Tirana Bank : 6%, Alpha Bank Albania : 6%, NBG : 3%) et l’Italie (Intesa Sanpaolo Bank Albania : 8%, Veneto Bank : 2%). La Société Générale possède 9% des actifs totaux, en 4ème position.
Le ratio d’adéquation du capital s’établit à 16,6% en décembre 2017. Le résultat financier dégagé par les banques albanaises s’est amélioré en 2017 (RoE : 16,7% et RoA : 1,6%). Si fin 2016, le taux des NPL a connu une progression à 18,3% en raison de deux importantes faillites (Kurum, aciérie et centrale hydroélectrique, et ARMO, raffinerie), ce taux a connu une baisse substantielle au cours des derniers mois, pour atteindre 13,5% fin janvier 2018.
Bien qu’une politique accommodante soit menée par la Banque centrale, l’accès au financement reste particulièrement difficile. Malgré l’abondance des liquidités et des niveaux de capitalisation supérieurs aux normes de Bâle II, la distribution des crédits des banques reste pénalisée par le poids des prêts non performants, qui sont globalement provisionnés en moyenne à 70%.A noter la forte euroisation de l’économie, qui concerne la moitié des dépôts et 60% des prêts. La Banque centrale a annoncé la mise en œuvre d’une stratégie de dé-euroisation.
Si d’importantes réformes structurelles ont déjà été menées, un climat des affaires positif doit être restauré et la réforme de la justice achevée
Outre le programme de consolidation financière que le gouvernement s’est engagé à suivre, suite au programme avec le FMI, les autorités albanaises se sont engagées avec certaines IFIs sur d’importantes réformes structurelles. La réforme du secteur de l’électricité s’est traduite par une vaste réorganisation du secteur, un réajustement des prix payés aux producteurs et une réduction substantielle des pertes financières. La réforme des retraites a consisté en une hausse progressive de l’âge de départ à la retraite, l’indexation des retraites sur l’inflation et la mise en place d’une retraite minimum pour les plus démunis. La réforme territoriale a fortement réduit le nombre de collectivités territoriales, ce qui contribue à une diminution des coûts de fonctionnement du dispositif.
Des efforts substantiels doivent encore être menés pour améliorer l’environnement des affaires qui reste pénalisé par la corruption, une criminalité importante et un état de droit défaillant. La réforme de la justice apparait primordiale, précondition indispensable à l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’UE. L’adoption de la réforme accordant davantage de garanties sur l’indépendance des juges est une étape à saluer, mais elle doit être achevée. La réforme du secteur de l’énergie doit être poursuivie avec notamment des investissements dans la diversification de la génération électrique albanaise (100% hydraulique).
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