Situation économique et financière

L’économie albanaise s’est montrée résiliente en 2022 en enregistrant une croissance de +4,8 %. La flexibilité du change a en effet joué un rôle d’amortisseur, en absorbant une part de la hausse mondiale des prix des denrées alimentaires et énergétiques. L’Albanie a ainsi enregistré le taux d’inflation le plus faible de la région, permettant de contenir les effets néfastes sur le pouvoir d’achat des ménages ainsi que la hausse des conditions de financement. En parallèle, les résultats du secteur financier se sont améliorés et la dette publique a baissé. Néanmoins, la croissance devrait ralentir à nouveau en 2023 à +2,2 % (FMI) en raison de la faible demande de la part de l’UE auxquels pourraient s’ajouter les conséquences de l’appréciation du LEK sur la compétitivité des exportateurs et les ressources disponibles des ménages.

1. Le taux de change a joué un rôle d’amortisseur en 2022. 

Après un fort rebond de +8,5 % en 2021 à la suite de la crise sanitaire, marquée par une contraction du PIB de -3,5 %, la croissance Albanaise s’est établie à +4,8 % en 2022. Si elle ralentit, amoindrie par la hausse des prix au niveau mondial, elle reste satisfaisante, au-dessus de la croissance moyenne des 10 dernières années (+2,5 % par an), des prévisions (+3,7 % selon le FMI) et parmi les croissances les plus vives de la zone. Au deuxième trimestre 2023, la croissance albanaise s’est établie à +3,2 % en g.a. après +2,7 % le trimestre précédent

Malgré le choc des termes de l’échange, l’Albanie a enregistré une réduction du déficit du compte courant de -1,6 pp à 6 % du PIB (1 Md EUR) en 2022. La hausse des importations (+21,7 % en g.a. à 6,2 Mds EUR) a partiellement été compensée par une forte hausse des exportations de biens (+52,8 % en g.a. à 1,9 Mds EUR) et de services (+37,7 % en g.a. à 4,8 Mds EUR, porté par le secteur du tourisme, en plein essor) ainsi que par la hausse des transferts des non-résidents (+9,6 % à 0,9 Mds EUR). En parallèle, les flux d’IDE nets ont progressé de +21,9 % à 1,2 Mds EUR et ont entièrement financé le déficit du compte courant.  Au premier trimestre 2023, le solde du compte courant continue de s’améliorer (passant à -135 MEUR contre -250 MEUR l’année précédente) en raison de la nouvelle progression des exportations de services.

L’amélioration des comptes extérieurs a favorisé l’appréciation du LEK. Par rapport à l’euro, la hausse de la valeur de la monnaie s’est établie à +15,0 % entre janvier 2022 et juillet 2023 (dont +11,3 % sur les sept premiers mois de 2023) à 103 ALL/EUR, amortissant le choc inflationniste mondial sur l’économie albanaise, qui a enregistré le taux d’inflation le plus faible de la zone à +6,8 % en 2022 et +4,6 % au deuxième trimestre 2023 (en baisse de près de 2 pp en g.t.). 

En parallèle, le déficit budgétaire a légèrement baissé. La hausse des recettes publiques induite par l’inflation et la sous-réalisation des dépenses d’investissements ont conduit à une réduction du déficit public 2022, passant de -4,5 % du PIB en 2021 à -3,7 % du PIB, et ce malgré l’adoption d’un « paquet de résistance sociale »[1]. La dette publique s’est ainsi contractée la même année de près de 10 pp en g.a. pour s’établir à 64,6 % du PIB puis à 63,3 % au premier trimestre 2023, grâce notamment à la forte hausse du PIB nominal et à l’appréciation du LEK (45,9 % de la dette étant libellé en devises). 

Les performances du secteur financier se sont améliorées. Les ratios d’adéquation du capital, de liquidité et de rentabilité se sont améliorés tandis que le taux des NPL[2] est resté stable à 5,2 % du total. A noter que le renforcement du taux de change a permis à l’Albanie de maintenir des coûts de financement parmi les plus bas de la région, la Banque centrale ayant remonté son principal taux directeur à 3,0 % actuellement contre 6,5 % en Serbie et 6,15 % en Macédoine du Nord.

2. L'appréciation du LEK pourrait néanmoins peser sur l'activité économique en 2023. 

L’appréciation de la monnaie nationale entraine une baisse de la compétitivité prix pour les entreprises exportatrices. Cette évolution s’ajoute au moindre dynamisme de la demande en provenance de l’UE, premier partenaire commercial du pays. En conséquence, les exportations de biens ont stagné au premier semestre 2023, rompant ainsi avec la forte tendance haussière enregistrée en 2022 évoquée plus haut dans cette note. Cette appréciation exerce en outre des pressions sur les marges des entreprises exportatrices, notamment au sein du secteur des services (tourisme et hôtellerie), leurs coûts étant généralement en LEK tandis que leurs revenues sont en euros. En réponse, le gouvernement a mis en place des facilités pour les exportateurs[1], qui bénéficient de délais de paiement de l’impôt sur les bénéfices jusqu’en mars prochain tandis que le processus de remboursement a été accéléré. La Banque centrale a quant à elle annoncé être prête à informer et former les opérateurs de marché sur la gestion des risques de change.

La consommation privée pourrait également être impactée par la hausse du taux de change, via une baisse des ressources financières des ménages. En effet, la hausse de la valeur de la monnaie nationale induit une baisse de la valeur des envois de fonds, qui représentent une part importante des revenus de la population (avec un total de 834 MEUR en 2022), et de l’épargne des ménages (52,6 % des dépôts étant libellés en devises en juin 2023).  Cette dernière est néanmoins partiellement compensée par la réduction induite du taux d’endettement des agents privés, plus de 50,0 % des prêts octroyés par les banques albanaises étant libellés en devises. Noter que les mesures de soutien mises en place par le gouvernement doivent normalement prendre fin en 2023.  

Ces effets pourraient ralentir de nouveau la croissance albanaise en 2023, que le FMI anticipe à environ +2,2 % en 2023 puis +3,3 % en 2024.



[1] Défini comme les entités qui exportent plus de 70 % de leur production.



[1] Celui-ci comprend un dispositif visant à contenir la hausse des prix de l’électricité (160 MEUR), une indexation des pensions de retraites (29 MEUR), la mise en place de chèques alimentaires pour les personnes vulnérables et la mise en place d’une exemption d’IR pour les salaires mensuels inférieurs à 327 EUR ou une réduction de l’IR de 50 % pour les salaires compris entre 327 et 412 EUR.

[2] Prêts non performants

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