Le Japon a connu un nouveau déficit commercial en 2019, à près de -14 Mds€. Les perspectives 2020 sont encore plus sombres.

Le Japon a connu un nouveau déficit commercial sur 2019, à près de -14 Mds€. Un recul inédit des exportations (-5,6%) a été observé ains qu'une baisse des importations (-5%). Les États-Unis retrouvent leur place de 1er client du Japon, perdue l'année précédente au profit de la Chine – qui n’en reste pas moins, et de loin, son 1er fournisseur.

I. Un solde commercial affecté par les tensions commerciales mondiales, bien avant le début de l’épidémie de COVID19

2019 restera une année encore plus négative que 2018 pour le commerce extérieur japonais. Pour la première fois depuis 2016, les exportations ont diminué de 5,6%, creusant le déficit à -13,7 Mds € (contre -9 Mds € sur 2018). Après 5 années de déficit (moyenne de -60 Mds €) consécutives à l’accident de Fukushima de 2011, le Japon avait pourtant renoué avec les excédents commerciaux en 2016 et 2017.

Plusieurs facteurs ont pénalisé le commerce extérieur en 2019 :

  • Le ralentissement des exportations de la Chine à l’échelle mondiale, sur fond de ralentissement de la croissance chinoise (PIB +6,1% en 2019, un plus bas en 30 ans) et de tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, qui a pesé indirectement sur les entreprises exportatrices nippones. En effet, selon le Cabinet Office (Premier Ministre), 6% des exportations totales annuelles japonaises sont exportées en Chine, où elles sont intégrées dans une fabrication avant d’être réexportées. Sur l’année 2019, les exportations japonaises vers la Chine (19% du total des exportations, 2ème client) ont accusé un repli de 7,6%.
  • Les exportations vers les Etats-Unis (20% du total, 1er client) ont décliné de 1,4% en 2019, en raison de la performance décevante des matériels de transport (fin de cycle observée notamment sur le marché automobile américain). Les négociations difficiles entre les Etats-Unis et le Japon pour aboutir à la signature du 1er volet d'un accord commercial (« TAG »), le 25 septembre 2019, ont également pu faire peser un aléa sur les échanges bilatéraux : les Japonais n’ont, pour mémoire, pas obtenu de garantie américaine sur l’absence d’une hausse des droits de douane sur l’automobile dans le futur.
  • Les exportations vers la Corée du Sud (7% du total, 3ème client) ont décru de près de 13% en raison de la montée des tensions diplomatiques, déclenchant notamment un boycott des produits nippons.
  • Enfin, à l’échelle nationale, le Japon a souffert du passage du typhon Hagibis début octobre 2019, qui a mis à l’arrêt plusieurs usines et fait décliner la production industrielle de 4,2% sur le mois.
II. Une baisse inédite des exportations (-5,6%) 

Au sein d’exportations nippones, traditionnellement dominées par des secteurs à forte valeur ajoutée, les baisses les plus conséquentes concernent les équipements de transport (23,6% du total exporté; -4%), les machines-outils (19,7% ; -8,4%) et les appareils électriques (17,2% ; -6,6%). – et plus spécifiquement, les pièces d’automobiles (-0,5 pp), les véhicules motorisés (-0,4pp) et les produits sidérurgiques (-0,5 pp).

L’Asie reste la destination principale des exportations (pour 54% d’entre elles), notamment vers la Chine (19%), suivie par la Corée du Sud (7%), Taiwan (6%) et Hong-Kong (5%). Sous l’effet de la baisse des exportations vers la Chine (-7,6%), les Etats-Unis, avec 20% du total, retrouvent leur rang de 1er client du Japon, perdu au profit de la Chine un an auparavant. En dépit de l’entrée en vigueur de l’APE UE Japon, l’Union Européenne ne représente  encore que 12% des exportations japonaises, la France 1% seulement.
 
III. Une baisse généralisée des importations (-5%), portée par la baisse des prix du pétrole

Quasiment tous les secteurs d’importations accusent un repli en 2019 : -12,1 % pour les combustibles minéraux (21,6% du total importé) ; -2,8% pour les appareils électriques (15,3% du total) ; -4,5% pour les produits chimiques (10,4% du total). Unique exception, les importations de matériels de transports (4,5% du total importé) ont augmenté de 2%, en relation avec les livraisons d’avions (+23,4% sur l’année).

La facture énergétique du Japon a surtout diminué en raison de la baisse des cours du pétrole (cours moyen OPEP de 64 USD/baril en 2019 contre 69,5 en 2018) et du gaz : les importations de pétrole,  de gaz et de charbon (respectivement la ½, le ¼ et 15% de la facture énergétique) enregistrent des baisses de -10,5%, -8,2% et -10,1%.

Comme en 2018, l’Asie représente la première source des importations (48%) et la Chine (avec 23% du total mais en baisse de 3,9% en valeur) le 1er fournisseur du Japon, largement devant les États-Unis (11% du total, en baisse également de 4,2%) puis l’Australie (6% du total, -1,9%). Les importations en provenance du Moyen-Orient (11% du total), baissent de 14,7% du fait de la baisse des cours du pétrole: l’Arabie Saoudite est le 5ème fournisseur du Japon.

Février 2019 marque l’entrée en vigueur de l’Accord de Partenariat Economique UE/Japon, qui a permis une bonne tenue du commerce dans le secteur agro-alimentaire et automobile. Les importations de France ont crû de 7,6% (1,7% des imports, 15ème fournisseur).

IV. Des incertitudes à l’aube d’une crise majeure du commerce international

Les espoirs de reprise du commerce régional et international ont été rapidement occultés par le contexte de pandémie. La croissance asiatique devrait également être nulle pour la 1ère fois en 60 ans en 2020. Ainsi, le premier trimestre 2020 voit un repli inédit des exportations et importations nippones de 5,5% et 7,2%.

Si l’effondrement des cours du pétrole favorisera le solde commercial nippon, de fortes incertitudes pèsent sur la capacité du Japon à redresser rapidement ses exportations, très largement dépendantes d’un secteur automobile (pour 16% du total), secteur aujourd'hui très déprimé. Or, selon l’institut de prévisions IHS Markit, les ventes mondiales de véhicules légers pourraient chuter de 22% en 2020.

Néanmoins, le Japon a annoncé son intention de mettre à profit cette crise pour opérer une reconfiguration de ses chaînes d’approvisionnements, en réduisant notamment sa dépendance à la Chine pour les pièces automobiles, l’électronique, la pharmacie. 13% de l’enveloppe budgétaire (128 Mds€) du Plan d’urgence est ainsi dédiée à la mise en place d’un modèle économique plus résilient et comprend des incitations à relocaliser en ASEAN ou sur le territoire national, pour les industries les plus stratégiques.

 

Au-delà du ralentissement du commerce mondial, le Japon pourrait également être pénalisé par l’appréciation de sa devise, traditionnellement considérée comme valeur refuge. Sur l’année 2019, le yen s’était apprécié de 1,3% contre dollar et de 6,4% contre euro - et respectivement d’environ 1,6% et 5 % depuis le seul début de l’année 2020-, avec les pertes de compétitivité-prix induits pour son industrie exportatrice.  

Les informations présentées dans ce point d'actualité sont identifiées par le SER de Tokyo. Elles n'ont aucune vocation d'exhaustivité. L'illustration de l'article est extraite du site Pixabay.

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