14 jours seulement après avoir annoncé un 3ème plan d’urgence d’une valeur historique de 981 Mds USD, le Japon réévalue ses mesures, avec 80 milliards USD supplémentaires (9 000 milliards de yens).

14 jours seulement après avoir annoncé un 3ème plan d’urgence d’une valeur historique de 981 milliards de dollars US (article récapitulatif), le Japon réévalue ses mesures, avec 80 milliards USD supplémentaires (9 000 milliards de yens) à destination des ménages : le Japon versera finalement 100 000 Yen (900 USD) à tous les résidents au Japon - sans condition de ressources -, en lieu et place d’une aide forfaitaire initiale de 300 000 Yen par foyer - sous conditions de ressources et de perte de revenus.   

I. Un « rétropédalage» sur les mesures de soutien aux ménages

Le plan d’urgence nippon annoncé le 7 avril est bâti autour de 5 piliers pour un soutien de l’offre:

  1. 77% des aides sont dirigés vers le maintien de l’emploi et la poursuite de l’activité;
  2. 13% vers la reconstruction d’un tissu économique plus résilient;
  3. 7% pour la reprise de l’activité publique et privée
  4. 2% en faveur de mesures destinées à prévenir la propagation de l’infection
  5. 1% pour alimenter un fonds de réserve constitué exclusivement dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

En début de semaine, le Japon a confirmé qu’il allait rehausser les mesures de soutien du 1er pilier, plus précisément celles destinées à renforcer le pouvoir d’achat des ménages, et donc la consommation qui représente 56% du PIB nippon.

Le précédent plan prévoyait une allocation de 300 000 Yen (2 700 USD) par foyer, sous des conditions de ressources et de perte de revenus jugées trop complexes, avec une cible de 13 Millions de foyers visés, pour un coût initial de 4 020 Mds Yen (37 Mds USD); lui succède désormais une allocation universelle de 100.000 Yen (900 USD), versée aux 126 millions d’habitants (et résidents étrangers), pour un coût global triplé (12 880 Mds Yen - 117 Mds USD), ce qui représente un surcoût de quelque 80 Mds USD. 

Le nouveau plan révisé atteint désormais 117 trillions ¥ (1 064 Mds USD), le plus gros appui décidé depuis la crise des subprimes de 2008 (58,8 trillions ¥), représentant 22% du PIB nippon. L’enveloppe purement budgétaire (440 milliards USD, dont 80 Mds USD d’appui nouveau) apparaît colossale : presque 4 fois l’appui décidé par la France; 47% du budget de l’Etat validé fin février (933 Mds USD).

L’urgence est clairement au sauvetage de l’économie japonaise et à la préservation de l’héritage des Abenomics qui, depuis 2012, s’évertuent à sortir le Japon de deux décennies de stagnation économique et de risque déflationniste. L’objectif d’équilibre budgétaire (visé pour 2025 pour le solde primaire) est pour l'heure relégué au second plan : le Ministre des Finances a annoncé des émissions prochaines d’obligations souveraines réévaluées à 25,6 trillions  ¥ (230 Mds USD), qui pèseront aussi sur le niveau de la dette publique (d’ores et déjà proche de 250% du PIB).

Ces émissions permettront le financement d’un premier budget additionnel révisé pour l’année fiscale 2020/2021, soumis à la Diète fin avril pour un déblocage substantiel, dès la mi-mai, de 53% de l’enveloppe budgétaire globale (230 Mds USD sur les 440Mds prévus en totalité). De futurs compléments budgétaires seront sans doute nécessaires, pour intégrer des mesures qui font l’objet d’annonces depuis quelques jours mais ne sont apparemment pas encore comptabilisées - comme la prise en charge de loyers, pour des ménages comme des entreprises en difficultés.

II. Une réponse à un contexte de récession annoncée pour le Japon

L’inquiétude monte au Japon sur les conséquences économiques de l’épidémie du Covid-19, qui va frapper une croissance d’ores et déjà fragilisée : le 4ème trimestre 2019 affichait pour mémoire une croissance de -1,8% en rythme trimestriel. Le FMI vient de revoir fortement à la baisse la croissance japonaise, de +0,7% à -5,2% pour 2020. Le gouvernement s’est refusé, jusqu’ici, à communiquer sur la moindre estimation de croissance mais a consenti que la croissance pourrait subir le même choc que lors de la crise financière de 2009, où le Japon avait connu une récession de -5,4%.

PREVISIONS FMI 2020-2021

Zone/pays

2019

2020

2021

MONDE

2,9

-3.0

5.8

Asie

CHINE

6,1

1,2

9,2

JAPON

0,7

-5,2

3,0

COREE DU SUD

2,0

-1,2

3,4*

Europe

FRANCE

1,3

-7,2

4,5

ALLEMAGNE

0,6

-7,0

5,2

Les difficultés économiques rencontrées par les entreprises japonaises pourraient avoir des répercussions négatives sur l’emploi et donc à terme sur la consommation.  Le centre de recherche japonais NLI Research Institute (groupe Nippon Life, 1er assureur vie japonais) a jugé insuffisant le volet emploi du plan d'urgence : la contraction de l'économie japonaise est telle qu’elle pourrait entraîner une chute du PIB réel de 6,8% entre juillet 2019 et juin 2020 et provoquer une hausse du taux de chômage, de 2,3% à 3,9% fin 2020, sur l’un des rares marchés développés qui affichait jusqu’ici un quasi plein emploi (quand bien même si celui-ci reposait sur une forte proportion de travailleurs précaires); le nombre de personnes en recherche d’emploi pourrait passer de 1,2 à 2,72 millions fin 2020. On pourrait ajouter un risque d’accroissement des inégalités: les premiers emplois supprimés ont d’ores et déjà concerné les « arbeito » - « petits boulots »- occupés d’abord par les étudiants ou les femmes.

Le Japon ne bénéficiera pas davantage de relais de croissance à l’export. Les statistiques des douanes de mars 2020 confirment la dégradation du solde commercial extérieur, avec une baisse des exportations pour le 16ème mois consécutif (-11,7% en rythme annuel), compensées heureusement par une baisse majeure des importations (-5% sur la même période). Les performances à l'export se sont particulièrement dégradées vers les régions les plus touchées par la pandémie, dont les États-Unis (-16,5%), et l’Union Européenne (-11,1%). Les produits ayant le plus contribué à la baisse des exports sont les machines et matériels de transport (respectivement -17,9% et -18,2%). À l'import, les combustibles minéraux (-11,6%) expliquent la majeure partie de la  baisse, en lien avec la chute des cours du pétrole (34$ le baril en mars contre 55$ en février). La plupart des analystes anticipent une poursuite de ces mauvais résultats à court et moyen-terme en l’absence de réelle stabilisation de la situation sanitaire mondiale. La disparition des touristes pèsera enfin sur la balance des services. L’Agence nationale du tourisme (JNTO) a publié une baisse historique de 93% du nombre de touristes en mars 2020, avec 193 700 visiteurs, dont seulement 10 400 Chinois (ils représentaient le 1/3 des flux auparavant), 16 700 Coréens et 23 000 Américains.

Les informations présentées dans ce point d'actualité sont identifiées par le SER de Tokyo. Elles n'ont aucune vocation d'exhaustivité. L'illustration de l'article est extraite du site Pixabay.

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