Kyoto

Pourtant en croissance exponentielle depuis le lancement des Abenomics en 2013, le tourisme au Japon devrait subir un coup de frein en 2020. La baisse du nombre de touristes coréens depuis l'été 2019, sur fond de tensions diplomatiques bilatérales, puis l'effondrement de la fréquentation des touristes chinois – puis étrangère – en lien avec le Covid19 ont assombri les perspectifs du secteur. La baisse du seul tourisme entrant pourrait coûter entre 0,1 et 0,5 point de PIB.
1. L’objectif gouvernemental (40 millions de touristes) ne sera pas atteint en 2020.

Depuis le lancement des Abenomics, le Japon connaît une croissance exponentielle de son tourisme récepteur : le nombre de visiteurs étrangers a progressé de 10 millions en 2013 à 32 millions en 2019 (cf. Annexe 1). De nombreuses actions gouvernementales ont contribué à faire du Japon une destination attractive : assouplissement des mesures d’obtention des visas, élargissement des catégories de produits éligibles à la détaxe, déréglementation du transport aérien, promotion dès 2010 de la politique dite « Cool Japan » pour favoriser les industries culturelles et créatives et l’influence culturelle du Japon, tenue de grands événements (coupe du monde de rugby en 2019, Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo à l’été 2020, exposition universelle à Osaka en 2025)…

Les perspectives s’annoncent plus sombres, tant il apparaît désormais irréaliste d’atteindre l’objectif gouvernemental de 40 millions de visiteurs en 2020, qui était censé s’accompagner d’une hausse de +25% par rapport à 2019. L’éclatement de l’épidémie de Covid19 est venu s’ajouter au « boycott » des touristes coréens, amorcé à l’été 2019 et à un risque d’effet d’éviction durant les JO (crainte d’un évitement de la capitale nippone par les touristes).

Les craintes sont d’autant plus fortes que les recettes touristiques japonaises se sont élevées en 2019 à 5 trillions de yens (40 Mds€) soit 1% du PIB et 5% des exportations japonaises (source balance des paiements).

2. Le 1er coup frein lié au boycott des touristes coréens avait pourtant été relativement maîtrisé : les Coréens ont représenté 18% des touristes au Japon en 2019, contre 24% en 2018

L’aggravation des tensions diplomatiques entre Tokyo et Séoul à l’été 2019, suite au renforcement du contrôle des exportations japonaises vers la Corée, avait eu un effet significatif sur le flux de touristes coréens qui avaient clairement boycotté la destination nippone : leur nombre avait chuté d’une moyenne mensuelle de 600 000 touristes à un plus bas de 100 000 touristes par mois. Sur l’année 2019, la baisse du nombre de touristes coréens est estimée à -25%, contrebalancée toutefois par la hausse du nombre de touristes chinois (+14,5%) et thaïlandais (+16,5%) - cf. Annexe 2. Les chiffres publiés en janvier 2020, avant l’épidémie du Covid19, montraient que le tourisme en provenance de Corée n’avait pas retrouvé sa tendance initiale.

Le boycott coréen avait eu un effet relativement limité et localisé sur le PIB, concentré sur le 3ème trimestre 2019, marqué par un déclin effectif des exportations de services de -2% (en rythme trimestriel), suivi d’un rebond de +1% au 4ème trimestre (tenue de la Coupe du monde de Rugby au Japon du 20 septembre au 2 novembre 2019). Cet effet limité s’explique par la relative faiblesse des dépenses des touristes coréens (601€ par séjour à comparer à une moyenne globale de 1 177€ de dépenses par séjour et de 1730€ pour les seuls touristes chinois (cf. Annexes 4 et 5).

Selon nos estimations, la consommation des touristes coréens a diminué de 140 Mds¥ (1,2 Md€) au 2nd semestre 2019 par rapport au 2nd semestre 2018, représentant une perte d’environ 0,03% de PIB pour le Japon

3. L’épidémie du Covid-19 se traduit d’ores et déjà par un effondrement du tourisme

Le secteur japonais du tourisme devrait particulièrement souffrir de la baisse de fréquentation des touristes chinois qui sont les premiers en nombre (30% du total) et les troisième en termes de dépenses effectuées (derrière les Espagnols et les Australiens), avec 40% des recettes touristiques totales. La suspension par les autorités chinoises, le 27 janvier 2020, de la vente de voyages organisés (alors que  26% des chinois voyageaient en groupe contre 16% en moyenne pour les autres nationalités - cf. Annexe 6), puis la mise en quarantaine des personnes arrivant de Chine, à partir du 9 mars 2020, ont été accueillies comme un très mauvaise nouvelle pour les professionnels locaux du tourisme. 

Au-delà, le nombre total de touristes, toutes nationalités confondues, devrait diminuer, dans le cadre d'un phénomène aggravé par les annulations par précaution, à l'échelle mondiale, d’un grand nombre de séjours par les entreprises et agences de voyage.

S’il est trop tôt pour estimer précisément l’impact de l’épidémie, la chute du tourisme pourrait, de manière réaliste, rogner le PIB nippon d’environ 0,1% en 2020 (cf. Annexe 8) : toutes choses égales par ailleurs, une hypothèse de baisse d’environ 50% du nombre de touristes sur le seul 1er trimestre 2020 se traduirait par une perte de 630 Mds¥ (5 Mds€) de recettes, soit 1/8ème des recettes de 2019.  Cette estimation est calculée nonobstant les autres répercussions économiques du Covid-19, via l’impact sur la consommation des ménages, sur l’investissement des entreprises, sur les exportations de biens, mais avec l’atténuation d’une baisse concomitante du nombre de touristes japonais à l’étranger. Nomura, dans une analyse récente, mise sur une perte équivalente de recettes touristiques de 776 Mds¥ sur le 1er trimestre 2020 et, sur la base d’une crise perdurant au-delà du 1er trimestre, un manque à gagner de 2 470 Mds¥ extrapolé sur l’année, soit 0,5% du PIB pour la seule composante du tourisme récepteur.

Les chiffres relayés par la presse – en l’absence à ce stade de statistiques officielles -  témoignent d’un secteur en berne : plus de 400 000 chinois auraient annulé leurs voyages de groupe prévus au T1-2020 selon l’association japonaise des agences de voyages ; 147 000 annulations de séjour auraient été enregistrées à Sapporo; les prix des chambres d’hôtel à Kyoto et Fukuoka auraient chuté de 25% en février/ mars ; certains sites touristiques accusent d’un fort déclin du nombre de visiteurs (-30% pour l’immeuble Umeda d’Osaka) ; les 5 chaînes de « department stores » font part d’une baisse de 10 à 20% de leur chiffre d’affaires en février.

 

Annexe (voir pièce-jointe pour la totalité des annexes)

Touristes 2019

Dépenses

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